5: Les Bilans

5 Les Bilans


Ce chapitre développe la notion de « bilan-traitement » car tout bilan est en même temps un apprentissage.


Dans tous les laboratoires de recherche sur la motricité, on sait depuis longtemps que la répétition d’un même bilan entraîne une amélioration des tests liés à un phénomène d’apprentissage. Il est impossible d’empêcher ce phénomène d’apprentissage, si le patient répète toujours le même test. De ce fait, tous les tests pratiqués sur les patients de rééducation entraînent leur apprentissage.


La notion de « bilan-traitement » part donc de cette idée qu’elle exploite à des fins thérapeutiques.


Si le patient pratique de manière répétitive des tests en s’inspirant de Frenkel et donc du bilan neurologique, le patient apprendra à les exécuter de manière plus efficace.


Exemple: répéter plusieurs fois le test consistant à porter le talon sur le genou du côté opposé.


Il s’agit bien de bilan-traitement, puisque le patient apprend quelque chose dans un but thérapeutique. Cependant, ce traitement a peu d’influence sur les activités fonctionnelles du patient. Pour plus d’information, voir les chapitres sur la spécificité de chaque apprentissage et sur le transfert moteur.


Si le patient pratique de manière répétitive des tests fonctionnels dans le but de faciliter leur apprentissage, il va acquérir des habiletés qu’il pourra utiliser pour améliorer son autonomie. Par exemple, il apprend à s’habiller sans l’aide d’une tierce personne.


C’est le principe des bilans-traitements fonctionnels utilisés dans cet ouvrage.


Les bilans-traitements fonctionnels consistent à quantifier de manière simple et précise les performances du patient. Les meilleurs bilans-traitements permettent au patient une connaissance de ses résultats facile à comprendre.


Exemple: le bilan de l’augmentation du périmètre de marche est quantifié en nombre de mètres parcourus. Le malade peut comprendre facilement ses progrès lorsqu’il passe de 20 mètres à 35 mètres, ce qui augmente sa motivation.



Introduction Aux Bilans


De nombreux bilans peuvent être utilisés en neurologie. Le plus souvent, ils décrivent le handicap et permettent au médecin :










Intérêts et limites des bilans fonctionnels validés et des bilans fonctionnels « classiques » que l’on trouve sur Internet


Le principal intérêt de ces bilans est de sensibiliser les rééducateurs et les équipes soignantes qui les remplissent, à l’importance de l’indépendance fonctionnelle et des loisirs de la personne évaluée. Cette prise de conscience concerne tous les items mentionnés dans ces grilles.


Plus la grille est détaillée et mieux on comprend les difficultés éprouvées par la personne.


Ils permettent de mieux comprendre la personne soignée :




Nous espérons que le succès actuel pour les bilans fonctionnels va se poursuivre pour le plus grand bénéfice des patients.


Cependant, une fois de plus, les bilans fonctionnels validés (comme la MIF) et les autres bilans que l’on trouve sur Internet, ne répondent pas aux besoins spécifiques des kinésithérapeutes, des ergothérapeutes et des personnes s’occupant de faire progresser le patient.





Ils permettent :





Mais ils ne permettent pas de guider le thérapeute lors de sa pratique quotidienne.



Le bilan fonctionnel idéal pour le rééducateur


Les caractéristiques d’un bilan visant un but thérapeutique rééducatif pourraient être définies selon une sorte de cahier des charges.


Il serait donc :












Bilans fonctionnels pour les rééducateurs dans cet ouvrage


Ces bilans-traitements sont à la fois un bilan fonctionnel précis et un traitement rééducatif. Ils permettent de quantifier à chaque séance, les petits progrès des patients en rééducation. Contrairement aux autres bilans que l’on trouve dans la littérature et sur Internet, ces bilans-traitements ont été conçus par des rééducateurs et pour des rééducateurs.


Ils répondent aux besoins des thérapeutes, à savoir :






Ils conviennent aux patients de neurologie centrale présentant des problèmes de coordination et d’équilibration : les ataxiques, les cérébelleux et les patients présentant des problèmes d’équilibre et de coordination sans atteinte orthopédique importante (y compris les patients présentant une spasticité fruste, une chorée-athétose, une dystonie-dyskinésie, etc.).


Ces bilans-traitements fonctionnels proposés conviennent également aux patients présentant des pathologies associées plus lourdes (spasticité importante, troubles orthopédiques, etc.)


Dans ce dernier cas, le travail fonctionnel sera associé à d’autres techniques de rééducation permettant de prendre en charge les autres problèmes : spasticité, rétractions, algies vertébrales, etc.


Par exemple, en cas de spasticité importante, on effectuera en plus du traitement fonctionnel : mobilisations passives ou auto-passives, postures analytiques ou globales, bains froids pour les scléroses en plaques, coussin vibrant, relaxation, facilitations manuelles, etc.


Les fiches du bilan-traitement orientent la rééducation vers les activités les plus utilisées dans la vie quotidienne des patients. Ces exercices constituent l’essentiel du traitement utilisé par les rééducateurs expérimentés. Plusieurs versions de ces bilanstraitements répondent à ces exigences de rééducation.


Leur inconvénient : ils ne sont pas encore validés, malgré une utilisation quotidienne par de nombreux rééducateurs.


Leur avantage : ils permettent de guider le rééducateur dans le choix des exercices les plus pertinents et permettent d’éviter les pertes de temps et les exercices-placebos.





RÉÉDUCATION QUANTIFIÉE DE LA MARCHE ET DES DÉPLACEMENTS


Mots clés : marche, déambulation, rééducation, évaluation, connaissance des résultats, auto-organisation du mouvement.




Introduction


Le kinésithérapeute consciencieux connaît bien les performances et les possibilités de chacun de ses patients. Cette connaissance n’est pas chiffrée et validée, mais elle a une grande utilité.


Elle lui permet d’estimer un grand nombre d’items avec une bonne précision.









Le kinésithérapeute connaît, en outre, l’aide technique utilisée par chaque patient : barres parallèles, canne, déambulateur, attelle, etc. Les avantages et les inconvénients que lui apporte cette aide de marche n’ont pas de secret pour lui.


Exemple: c’est plus stable et moins fatigant avec deux cannes qu’avec une seule, mais le malade préfère marcher avec une seule canne qu’il juge plus esthétique…


Le rééducateur peut aussi décrire la déambulation de son patient.


Exemple: il marche avec les pieds écartés, de manière ébrieuse, en faisant des petits pas.


Toutes ces connaissances permettent au kinésithérapeute d’organiser la rééducation de la déambulation de chaque patient.


Malheureusement, il estime rarement ce savoir à sa juste valeur. De ce fait, ces informations ne sont pas partagées avec les autres membres de l’équipe médicale. Il n’existe d’ailleurs pas de formulaires prévus à cet usage et qui résument ces « savoirs invisibles » (selon l’expression de Dortier).


Le patient lui-même est souvent privé de ces éléments qui pourraient le motiver, lui servir de connaissance des résultats, et donc l’aider à progresser.




Principes de la rééducation quantifiée de la marche


Cette technique de rééducation est basée sur la quantification de chaque performance du patient grâce à une échelle d’évaluation adaptée. Elle concerne aussi bien la marche sans aide technique que la déambulation avec aide technique.


Cette évaluation permet la connaissance des résultats par le patient et le thérapeute. La CR est un outil qui permet d’organiser et d’accélérer considérablement l’apprentissage et donc la rééducation. Sans connaissance des résultats les apprentissages sont impossibles, mais une CR trop précise ou difficile à comprendre pour le patient, ne donne pas de résultats satisfaisants.


Exemple: le périmètre de marche est exprimé en mètres. Les centimètres sont inutiles et ne feraient que compliquer la compréhension et donc l’utilisation de cette information.


La RQM est à la marche ce que l’isocinétisme est au renforcement musculaire. En effet, dans les deux cas, les mouvements du patient sont quantifiés et analysés, ce qui est utile au thérapeute. Mais le danger est le même : le patient risque de se perdre dans les chiffres et ne pas retenir l’information efficace (CR utile), celle qui lui est indispensable pour progresser.


La connaissance du périmètre de marche est la CR utile pour les patients dont le but est l’augmentation du périmètre de marche.


L’augmentation de la vitesse de déplacement est la CR utile pour les patients dont le but est l’augmentation de la vitesse de marche.


Le rééducateur doit donc attirer l’attention du patient sur la CR utile et ne pas lui communiquer systématiquement des informations qui risquent de rendre la compréhension plus difficile. Bien sûr, il est possible d’utiliser aussi les chiffres recueillis à cette occasion pour suivre l’évolution du traitement, et donc pour faire un bilan. Mais ce n’est pas le seul intérêt de la RQM, qui se démarque ainsi de la plupart des bilans validés.


Les autres échelles d’évaluation disponibles dans la littérature et sur Internet, permettent de classer les patients en différents stades, ce qui est utile :




Ces échelles ne répondent pas aux besoins du rééducateur. Elles ne permettent :





La RQM doit être complétée par l’apprentissage des changements de positions, des chutes, des tenues de positions, des activités de la vie quotidienne et des loisirs.




Analyse des paramètres temporels



En début de progression


En début de progression, il est impératif de limiter la vitesse pour ne pas perdre l’équilibre.


Il faut proposer souvent au patient d’adopter la stratégie consistant à s’arrêter à chaque pas pour reprendre son équilibre. Si chaque déplacement est bref, par exemple deux allers-retours dans les barres parallèles en quatre minutes, le patient effectue plusieurs essais. Il se repose quelques minutes entre chaque déplacement.


Chaque essai est considéré comme un nouveau protocole de RQM. La totalité des périodes de marche et de repos ne dépasse généralement pas 30 minutes.


En progression, le patient devra s’arrêter tous les 2 pas pour reprendre son équilibre.


Il devient progressivement capable de marcher sans s’arrêter, et sans perdre l’équilibre. Le patient finit par adopter spontanément une vitesse de marche confortable, qui lui permet d’optimiser le rapport stabilité/coût énergétique. Cette vitesse ne peut être déterminée à l’avance, car elle dépend de nombreux facteurs, et en particulier des déficiences du patient.


Une augmentation progressive de la distance avec stabilisation de la vitesse, permet de conclure que le sujet a trouvé par essais-erreurs, la vitesse confortable de marche correspondant à ses possibilités. Le chronométrage de la marche permet de connaître le temps pendant lequel le patient contrôle son équilibre locomoteur : plus ce temps est long, plus le patient est capable de contrôler son équilibre. Il s’agit d’un travail de l’endurance et non de la vitesse. À ce stade, il doit être accompagné par une tierce personne capable de le rattraper en cas de perte d’équilibre.


Règle : tant que le patient perd l’équilibre en marchant, il faut lui demander de ne pas se presser afin d’assurer son équilibre. L’important à ce stade est d’augmenter :




À chaque perte d’équilibre, on remet les compteurs à zéro, et après un bref repos (ou sans se reposer) on recommence une nouvelle distance de marche, sans perte d’équilibre.


Cette politique, consistant à demander systématiquement au patient de prendre son temps, doit être poursuivie jusqu’à ce que le risque de chute incontrôlée devienne peu fréquent.


En pratique, le temps consacré à la performance de marche sous surveillance du rééducateur ne dépasse généralement pas 20 minutes. De ce fait, lorsque le patient arrive à marcher pendant 20 minutes, sans s’arrêter pour se reposer, et sans perdre l’équilibre, on lui demande généralement de marcher plus vite lors des essais suivants. Le but est d’aller plus loin dans le même laps de temps (voir le tableau 5.II).


Tableau 5.II Fiche vierge de rééducation quantifiée de la marche et de la déambulation.





image


En fin de progression


Chez les patients qui maîtrisent parfaitement un mode de déambulation, la vitesse de marche rapide peut être améliorée. Pour avoir des résultats sérieux et rapides, il est indispensable que le patient arrive à marcher pendant 15 ou mieux 20 minutes sans perdre l’équilibre.


Notre expérience prouve qu’il est inutile de vouloir améliorer la vitesse de déambulation lorsque le patient perd l’équilibre au bout de quelques minutes de marche. En effet, il faut lui donner l’occasion de marcher suffisamment pour lui permettre :




À ce stade, chaque fois que cela est possible, on évite de confiner le patient dans une salle de rééducation ou dans un couloir.


La marche à l’extérieur est préférable car il n’y a pas de murs pour se rattraper, les références visuelles sont plus difficiles à trouver, le cadre est plus agréable, les distances ne paraissent pas fastidieuses, etc.


En cas d’impossibilité matérielle, par exemple s’il pleut dehors ou si le rééducateur est trop occupé pour aller dehors avec son patient, on pourra utiliser un tapis de marche performant, permettant d’aller très lentement au début. Dans ce cas, le patient devra :




L’appui sur la rampe du tapis de marche correspondant à la déambulation entre les barres parallèles.



Analyse de la demande attentionnelle




En fin de progression


Le patient n’a plus besoin de fixer toute son attention sur la marche qui s’est automatisée. Il peut donc marcher en discutant ou en jouant au ballon sans perdre l’équilibre et sans ralentir.


Il est donc possible de quantifier la demande attentionnelle par l’intensité de la deuxième tâche effectuée en même temps que la marche. Cette seconde activité est une indication indirecte de son automatisation.




Analyse du coût énergétique et de la fatigue


Une analyse directe du coût énergétique et de la fatigue qui en résulte chez le patient est impossible. Il faudrait disposer d’instruments qu’il n’est pas réaliste de vouloir utiliser actuellement en rééducation pour de multiples raisons : coût financier, temps d’installation, encombrement, interférences de l’appareillage avec les performances de marche…


Le cardio-fréquence-mètre ne donne pas de bonnes indications. En effet, dans la plupart des cas, le pouls du patient n’augmente pas de manière significative lors de la marche. Il ne permet de quantifier ni le coût énergétique, ni la fatigue ressentie par le patient. Il est pourtant facile d’avoir une indication chiffrée indirecte du coût énergétique et de la fatigue du patient.


Il est possible d’utiliser une des deux solutions suivantes.




Formule n° 2


Il suffit de connaître le temps consacré à l’exercice de déambulation, donné par chronométrage ou estimation approximative du rééducateur, qui est déjà d’une précision suffisante.


Plus le temps de marche augmente, et plus la résistance à la fatigue du sujet augmente.


Cependant, ces deux formules peuvent s’interpréter différemment.





Elle permet de tenir compte :




Il faut insister sur l’intérêt des temps de repos couché avant et après l’exercice dans la bonne gestion de la fatigue.


À notre avis, ces deux périodes de repos sont indispensables chez tous les patients fatigables, et en particulier chez ceux qui présentent une sclérose en plaque. En général, on respecte une règle : le temps de repos couché avant et après l’exercice doit être au moins égal au temps de travail. Le repos assis ne nous semble pas assez réparateur pour ces patients.


Nous pouvons associer le repos couché à une technique passive de rééducation.








May 16, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 5: Les Bilans

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access