5 Entretien avec le patient en psychologie pathologique
Il ne s’agit pas pour nous de traiter ici des examens particuliers propres aux psychologues (tels les tests projectifs ou de niveau, etc.), mais de demeurer, une fois les examens strictement médicaux terminés, ou simplement à côté d’eux, très près de l’entretien de type psychologique.
Dans le cadre de l’entretien psychologique nous ne sommes intéressés ni par le symptôme en soi ni par les expressions somatiques seulement. Le patient ne se limite pas à un rôle d’objet passif, comme dans un banal interrogatoire ou un examen technique ; il se place d’emblée en sujet actif organisateur réel de son propre mode de communication avec le psychologue, ce dernier étant vécu comme « receveur » et comme « témoin ». C’est une position nettement intersubjective.
Première partie de l’entretien
Ce n’est pas un interrogatoire mais une écoute. Le sujet doit être placé, le plus possible, à l’aise. Les conditions matérielles (temps, lieu, distance, argent) ou affectives (disponibilité, authenticité, empathie) revêtent une importance extrême. La durée peut aller de quelques minutes (quitte à répéter les entretiens quand l’angoisse est trop marquée et semble insurmontable) à une heure mais il ne convient jamais de dépasser cette limite. Le paiement (direct ou indirect) ou la gratuité de l’acte présentent tous deux des avantages comme des inconvénients qu’il ne faut pas méconnaître.
Le patient doit disposer de la liberté d’organiser spontanément son mode d’expression relationnelle (fusionnelle, anaclitique, triangulaire), son type d’angoisse (de morcellement, de perte d’objet ou de castration) qu’il ne faut pas confondre, et doit pouvoir mettre en avant ses principales défenses habituelles pouvant aller du refoulement (principal mode du névrosé) au dédoublement du Moi (chez le psychotique) en passant par le dédoublement des imagos ou le déni (de quoi ?) ou la projection (dans les états intermédiaires) et aussi des mécanismes satellites du refoulement comme le déplacement, la dénégation, etc.
Du symptôme, il vaut mieux ne pas parler soi-même tout en autorisant, bien sûr, le patient à nous en entretenir quand il veut et comme il veut. La « chasse aux renseignements » est un style à redouter.
On notera, dans les mêmes conditions, le débit verbal du patient, le ton, les prises de distances dans le discours (silences, repos, rejets, coups d’arrêt des échanges), le besoin d’isoler l’interlocuteur, de le maîtriser, de le neutraliser (certains parlent sans cesse pour fuir le dialogue), la façon de négocier l’angoisse ou l’agressivité, les possibilités d’identifications, les inhibitions (intellectuelles ou affectives), les facultés défensives ou adaptatives dans une situation nouvelle et imprévue, les facilités d’évocation et d’élaboration des souvenirs, le mode de fonctionnement mental (fantasmes, rêves, comportements, réticences et projections), les conflits et les défenses mises en œuvre à leur encontre.
On recherchera comment s’établit le mode de cloisonnement entre conscient, inconscient et représentations fantasmatiques ; on resituera le symptôme au niveau mental, ou bien au niveau du comportement, ou encore au niveau du somatique.
On distinguera l’« agir » de décharge (destiné à éviter le temps du désir et ses représentations) de l’« agir » en tant que prélude à l’élaboration verbale.
Deuxième partie de l’entretien
Nous tenons à bien préciser que l’« entretien », objet de cet article, concerne en réalité l’ensemble de l’investigation psychologique par un dialogue direct au sens très large du terme, et non pas obligatoirement une seule séance de face à face (si possible sans intermédiaire ni personne, ni table, ni encore moins de « bureau »). Il est parfois souhaitable et même indispensable (surtout en ce qui concerne cette deuxième partie) de multiplier les séances de dialogue, sans que cela prenne non plus une allure de psychothérapie (en centrant à cette fin les zones d’intérêt sur des points précis et non sur un hasardeux « racontez-moi votre vie »).