5: Douleur référée musculaire ou syndrome myo-fascial par « point gâchette » ou trigger point

Chapitre 5 Douleur référée musculaire ou syndrome myo-fascial par « point gâchette » ou trigger point


Le docteur Janet Travell a consacré sa vie à la recherche sur ce problème et a publié (parmi beaucoup d’autres contributions) avec le docteur David Simons, en 1983, un excellent ouvrage de diagnostic et de traitement [21].


En médecine conventionnelle, rares sont les professionnels qui remarquent même l’existence de ce syndrome. Il est généralement méconnu car aucune étude de laboratoire ni aucune image clinique ne permet son identification. Lorsque son diagnostic est envisagé, son traitement repose sur une simple infiltration, au niveau de la zone douloureuse, de corticoïdes mélangés ou non à un anesthésique local.


Les lésions vertébrales thoraciques unies au système musculaire s’accompagnent de points douloureux, les trigger points ou « points gâchettes » au niveau des muscles dont le tonus est perturbé. Ces points douloureux sont provoqués :




Ces « points gâchettes » (ou TP pour trigger points), situés au sein de différents muscles, sont responsables de douleurs de type ischémique : en règle générale, les douleurs sont produites par une activité musculaire intense (une activité tonique en particulier) engendrant une fatigue musculaire. Ces TP ne sont douloureux que lors de la palpation profonde.



Généralités sur les « points gâchettes » selon Travell


Les TP myo-fasciaux sont extrêmement fréquents. Ils sont responsables de rigidité articulaire et de restrictions des amplitudes qui prédominent sur la douleur [6, 17].


Les TP sont des zones irritables situées dans les muscles squelettiques.


Leur compression réveille une douleur référée caractéristique ainsi que des phénomènes orthosympathiques. Les TP peuvent être latents et persister plusieurs années après un traumatisme : ils prédisposent aux crises douloureuses et aux dysfonctions. Un muscle normal ne contient par de TP [6, 17].


La douleur référée myo-fasciale originaire d’un TP est spécifique de chaque muscle. Cette douleur myo-fasciale est rarement localisée au niveau du TP responsable. L’appui sur le TP engendre habituellement la douleur référée.


Il est fréquent, bien que non systématique, que la douleur myo-fasciale soit localisée dans le même dermatome, myotome ou sclérotome que le TP. Les TP sont activés par le surmenage musculaire qui provoque une fatigue musculaire, ou par un traumatisme direct. Ils peuvent être aussi activés indirectement par d’autres TP, par des affections viscérales ou rhumatologiques, par un stress émotionnel ou par des affections virales (figure 5.1).



Le maintien prolongé d’un muscle en position raccourcie, comme lors du sommeil, représente une situation qui active spécifiquement un TP latent. Selon une théorie, il s’agit de l’évolution d’une dysfonction neuromusculaire se transformant en un état dystrophique.


Les TP provoquent des phénomènes sympathiques :







Ils sont également responsables de problèmes de déséquilibre général, de bourdonnements d’oreille et de troubles de la proprioception. Au sein du muscle, ils sont à l’origine d’une région dont le métabolisme est soumis à une vasoconstriction (sans contrôles supérieurs). Localement, de l’histamine, de la sérotonine et des prostaglandines sont libérées et agissent sur la sensibilité ; elles provoquent également une ischémie locale [6, 17].


La douleur référée, caractéristique de chaque muscle, est souvent une source d’informations valables pour identifier son origine musculaire.


L’examen physique doit étudier l’amplitude du mouvement ainsi que sa physiologie : il faut effectuer un bilan musculaire en entraînant une contraction isométrique, ce qui déclenche quelquefois une douleur, bien que cela soit peu fréquent.



Caractéristiques électriques des « points gâchettes »


Au niveau des TP, l’activité électrique comporte deux composantes significatives, d’un côté des pics de potentiels intermittents et d’amplitude variable et de l’autre une composante de type bruit de fond, de plus faible amplitude (maximum proche de 60 μV). Ces deux composantes ne sont nettement différenciables que lors d’amplification de 40 μV du signal et du choix d’une vitesse de balayage de 10 ms/division, en utilisant une aiguille monopolaire jetable recouverte de téflon [6, 17]. La composante de type « bruit » représente ce qu’on appelle l’activité électrique spontanée. Au niveau des zones en contact avec les foyers douloureux, cette activité électrique spontanée est silencieuse. Les potentiels observés au niveau des TP actifs correspondent totalement aux potentiels observés au niveau des plaques terminales dysfonctionnelles et sont provoqués par la libération excessive d’amas d’acétylcholine. La composante de type « pics » partant de la région de la plaque terminale correspond aux potentiels d’actions de la fibre musculaire liée à cette plaque terminale [12].



Histopathologie et physiopathologie des « points gâchettes »


D’un point de vue histopathologique, la présence de nœuds de contraction est considérée comme un élément clé des TP. Ils correspondent à un segment d’une fibre musculaire soumis à une forte contracture de ses sarcomères [10, 16]. Ces nœuds de contraction sont des formations microscopiques qui correspondent à des zones d’activité électrique spontanée au niveau de la plaque terminale. Les fibres musculaires qui contiennent des nœuds de contraction forment un cordon tendu. La zone ou la région des fibres musculaires qui contient ces nœuds de contraction constitue le cordon myalgique induré palpable. Seules quelques fibres du muscle atteint présentent cette altération microscopique. Au niveau des nœuds de contraction, la contracture des sarcomères est importante (ils sont plus courts et plus larges) et ils se différencient de façon marquée des sarcomères du même muscle contenant des fibres normales. Aux extrémités des fibres musculaires présentant des nœuds de contraction, les sarcomères sont allongés et plus fins [19]. D’un point de vue physiopathologique, les TP sont intimement associés à des plaques terminales ou des jonctions neuromusculaires qui se trouvent dans un état dysfonctionnel. La plaque motrice, structure qui relie la fibre nerveuse terminale d’un neurone moteur à la fibre musculaire, contient une synapse dont le neurotransmetteur est l’acétylcholine. L’altération fonctionnelle qui se produit dans les fibres musculaires entraîne une contracture (raccourcissement) segmentaire dans la zone du TP accompagnée d’un allongement passif compensateur en direction des deux extrémités. Il est possible de palper les fibres dans cet état (cordon induré). L’existence de nœuds de contraction dans une zone affecte la fonction de l’ensemble du muscle. Cette altération physiopathologique indique que les PT constituent fondamentalement une maladie neuromusculaire [11, 12]. Selon une hypothèse, la dysfonction de la jonction neuromusculaire aurait une relation avec une crise énergétique locale [18] provoquée par des dérèglements neurovégétatifs.




Clinique : étiologie et diagnostic des « points gâchettes »


L’apparition ou l’activation d’un TP myo-fascial est habituellement provoquée par [1, 15, 19] :






des changements neuropathiques associés à une compression nerveuse [4, 23] ou dus à un processus inflammatoire et/ou une infection (zona, névralgie post-herpétique) [13, 24].

La seule manière d’établir le diagnostic de douleur myo-fasciale par TP est de se baser sur les antécédents cliniques, l’interrogatoire du patient et l’examen palpatoire la musculature. Cette douleur répond soit très faiblement soit pas du tout aux traitements pharmaceutiques tels que les analgésiques, les anti-inflammatoires, les opiacés, les sédatifs, les myorelaxants et les antidépresseurs. Elle répond en revanche de manière satisfaisante à l’infiltration sélective à l’aiguille de la région neuromusculaire présentant la dysfonction.


Les signes cliniques les plus spécifiques d’un TP sont [6, 17] :











La douleur référée se produisant après l’application d’une pression dans la zone douloureuse ne représente pas un signe pathognomonique. Selon l’importance de la pression exercée, la douleur peut être simplement locale ou bien être projetée. En revanche, les publications signalent que l’association d’un nodule douloureux au sein d’un cordon musculaire induré palpable est hautement diagnostique, lorsque l’examinateur a suffisamment d’expérience et que les muscles examinés sont assez superficiels. Pour réaliser le diagnostic différentiel entre cette affection et d’autres entités comme un lipome, une fibromyalgie, un kératoacanthome, une calcification sous-cutanée, une thrombose veineuse ou une panniculite nodulaire récidivante fébrile (ou maladie de Weber-Christian), il est important de constater cette association entre un nodule, une douleur et un cordon musculaire palpable.


La réponse de type secousse ou contraction spasmodique (twitch response) obtenue lors de pression du TP ou l’enfoncement d’une aiguille dans le TP représente probablement le signe clinique le plus spécifique [5, 16]. La dysfonction musculaire associée se manifeste par une faiblesse sans atrophie musculaire (par inhibition motrice réflexe) uniquement lors d’un travail actif accru, une perte de la coordination (perte de la préhension, chutes), un certain degré de rigidité et une diminution de la tolérance au travail des structures musculaires affectées ; au niveau articulaire, on observe une diminution de l’amplitude des mouvements [9].


La douleur référée à partir des TP ne suit pas un schéma segmentaire simple et unique. Elle ne suit pas non plus les trajets nerveux familiers, ni les trajets connus des douleurs d’origine viscérale. La douleur myo-fasciale par TP, se produit fréquemment, bien que cela ne soit pas systématique, dans le même dermatome, myotome et/ou sclérotome que le TP sans intéresser toutefois la totalité du segment, mais seulement une partie [21]. Cette topographie constante de la douleur d’origine myo-fasciale permet d’utiliser des schémas connus (schémas de référence) pour situer les PT responsables de la douleur [20].


La douleur myo-fasciale par TP a la particularité de s’étendre à d’autres muscles en formant de nouveaux TP, par contiguïté, par agonisme ou par antagonisme de la fonction. Le rôle du système nerveux végétatif est manifeste. N’importe quel muscle peut héberger un TP puis entraîner d’autres structures musculaires liées. Par exemple, tout trouble de la fonction musculaire des membres pelviens liée à la présence d’un TP provoque une réaction en chaîne de dysfonctions compensatrices dans les étages supérieurs. Les douleurs originaires d’un membre inférieur peuvent impliquer des régions du torse, de la tête et du cou [22].


Les syndromes myo-fasciaux par TP ne s’accompagnent pas de troubles neurologiques à moins qu’un muscle ayant des TP actifs ne comprime un nerf périphérique. Dans ce cas les signes sensitifs et moteurs engendrés peuvent entraîner une erreur diagnostique [20].



Au niveau musculaire, il se produit deux types de troubles, dont les signes cliniques et les méthodes diagnostiques diffèrent :





Jul 2, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 5: Douleur référée musculaire ou syndrome myo-fascial par « point gâchette » ou trigger point

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access