5: Cancers du sein : diagnostic, traitement et aspect post-thérapeutique

Chapitre 5


Cancers du sein : diagnostic, traitement et aspect post-thérapeutique



Avec 53 000 nouveaux cas en 2011, le cancer du sein est le plus fréquent chez la femme — représentant 33,5 % de l’ensemble des cas de cancers chez la femme — devant le cancer colorectal et le cancer du poumon. Il se situe également en tête de la mortalité avec 11 400 décès en 2011. L’incidence du cancer du sein a augmenté de façon importante et constante sur la période 1980-2005 : le taux d’incidence standardisé a presque doublé, passant de 56,8 en 1980 à 101,5 en 2005. La mortalité, qui était restée stable depuis 1980, amorce une décroissance en 2000 : le taux d’évolution annuel de la mortalité est de −0,4 % sur l’ensemble de la période 1980–2005 alors qu’il est de −1,3 % sur la période récente 2000–2005. Selon l’InVS (Institut de veille sanitaire), les évolutions inverses de la mortalité et de l’incidence du cancer du sein peuvent s’expliquer en partie par l’amélioration des thérapeutiques et des techniques de diagnostic en imagerie sans que leurs parts respectives puissent être précisées.



Stratégie thérapeutique



Bilan d’extension



Clinique


Le stade clinique du cancer du sein selon la classification TNM [1] est par définition la mesure des dimensions cliniques de la tumeur déterminée par la palpation (T). Des atteintes cutanée et pariétale associées par contiguïté ainsi qu’une atteinte inflammatoire sont systématiquement recherchées — notion de poussée évolutive. La palpation des aires ganglionnaires axillaires (N) et sus-claviculaires permet d’évaluer l’extension ganglionnaire. Une extension métastatique (M) est recherchée par une imagerie adéquate.



Radiologie


Le bilan d’extension locale a pour objectifs de déterminer si la patiente peut bénéficier d’un traitement conservateur avec radiothérapie, qui est préféré à la mastectomie pour des tumeurs qui ne dépassent pas 3 cm [2]. En revanche la mastectomie réduit le risque de récidive locale [2]. Le bilan d’extension locale vise donc à bien sélectionner les patientes candidates au traitement conservateur pour réduire le risque d’exérèse incomplète.


Le bilan radiologique local détermine la taille de la lésion, sa topographie, son extension et la présence d’autres lésions associées. Il comprend systématiquement une mammographie (fig. 5.1) et une échographie. La mammographie diagnostique (incidences face et oblique) est complétée avec le profil strict du sein pathologique pour déterminer précisément la topographie de la lésion et les clichés en compression avec agrandissement géométrique pour améliorer l’analyse des anomalies — microcalcifications, spicules, etc. La topographie peut être marquée par un clip déposé au centre de la tumeur au moment des prélèvements. De même, la topographie de la lésion pourra être indiquée au chirurgien grâce à la mise en place par ponction percutanée d’un hameçon au centre du lit tumoral (fig. 5.1). Ce repérage guide ensuite le chirurgien jusqu’à la tumeur.



L’échographie complète la mammographie à la recherche de lésions surnuméraires dans des seins denses. Elle permet également d’explorer les aires ganglionnaires en incluant l’aisselle et les creux sus et sous-claviculaires.


L’IRM mammaire est plus sensible que l’imagerie mammographique et échographique pour détecter des tumeurs multiples [3]. La sensibilité de détection de cancer additionnel serait de 81 % pour l’IRM contre 66 % pour la mammographie. L’IRM retrouverait 3 à 4 % de cancers controlatéraux. En revanche, l’adjonction de l’IRM au bilan conventionnel augmente le taux de faux positifs et par conséquent le nombre de biopsies inutiles. L’IRM est également légèrement plus performante pour détecter les formes in situ isolées ou les composantes in situ associées à un cancer invasif [4] avec des sensibilités de 56 et 92 % pour la mammographie et l’IRM respectivement [4] (fig. 5.2). L’IRM permet de mesurer plus précisément la taille des lésions que la mammographie avec des mesures similaires à celle de l’histologie dans 38–64 % des cas pour les IRM et 27–43 % pour la mammographie [5, 6].



La sensibilité de l’IRM pour le bilan d’extension des carcinomes lobulaires invasifs serait de 93 %. Cet examen détecterait 32 % de lésions supplémentaires dans le sein homolatéral et 7 % dans le sein controlatéral (fig. 5.3). Le geste chirurgical serait modifié dans 28 % des cas [7].



L’IRM mammaire permettrait d’éviter dans 5 à 10 % des cas une irradiation partielle du sein inadaptée, décidée sur le bilan conventionnel seul [811].


Néanmoins, l’IRM mammaire n’est pas toujours indiquée. En effet, si l’IRM est l’examen le plus sensible pour la détection des lésions mammaires, ce gain en détection ne s’accompagne pas d’une amélioration de la prise en charge chirurgicale initiale dans la population générale. L’étude COMICE portant sur 1 623 patientes retrouve plus de mastectomies dans le groupe de patientes ayant eu un bilan d’extension avec IRM (7 %) que dans le groupe sans IRM (1 %). Il n’y a donc pas d’indication à la réalisation systématique de cet examen. De plus, son ajout ne doit pas retarder la prise en charge thérapeutique. Les indications et les résultats devraient être discutés en RCP. Toute découverte d’une lésion modifiant le traitement doit systématiquement être contrôlée histologiquement avant de changer la stratégie thérapeutique.



L’ensemble des éléments colligés par les examens cliniques et paracliniques du bilan initial précédemment décrit permet une évaluation de l’extension locorégionale de la tumeur. La recherche de métastases (par l’imagerie ou la biologie) n’est pas systématique et doit être réservée aux patientes présentant des points d’appel cliniques. Elle ne doit pas retarder la prise en charge en milieu spécialisé. Le scanner thoracoabdominal est indiqué dans le bilan initial d’extension en cas de cancer à risque élevé de métastases. Il s’agit des cancers du sein classés T3 (tumeur supérieure à 5 cm) ou T4 (tumeur avec une extension directe soit à la paroi thoracique soit à la peau) ou N2 (ganglions axillaires suspects fixés entre eux ou à d’autres structures ou ganglion thoracique interne suspect en l’absence de ganglion axillaire suspect) ou N3 (ganglions sus-claviculaires homolatéraux suspects ou mammaires internes homolatéraux suspects avec ganglions axillaires suspects) (fig. 5.5). Un scanner thoraco-abdomino-pelvien est également indiqué en cas de point d’appel clinique.




Médecine nucléaire




Les deux premières techniques sont réservées à l’étude de la tumeur primitive (et éventuellement des ganglions satellites). Ces deux techniques sont peu développées et leurs indications sont actuellement limitées. La troisième technique, l’étude du ganglion sentinelle, est largement utilisée pour les tumeurs peu avancées et sans atteinte clinique du creux axillaire ; elle nécessite l’intervention de plusieurs spécialités et elle fera l’objet d’un chapitre isolé. Les deux dernières techniques sont utilisées pour effectuer un bilan global de la maladie et pour rechercher des métastases à distance ; elles sont donc réservées aux patientes avec des tumeurs à risque métastatique significatif.



Place de la médecine nucléaire pour l’évaluation de la tumeur primitive

Bien que non indiquée dans une procédure de dépistage habituel et dans le bilan du cancer du sein, la scintimammographie peut jouer un rôle utile dans des indications cliniques spécifiques comme par exemple les mammographies d’interprétation difficile et la recherche de récidive dans un sein préalablement traité. La figure 5.6 montre un exemple de scintimammographie.



Deux radiopharmaceutiques sont disponibles avec une AMM dans cette indication en France : le 99mTc-Sestamibi (Cardiolite, BMS, États-Unis) et la 99mTc-Tetrofosmine (Myoview, GE Healthcare, États-Unis). Ces radiopharmaceutiques sont couramment utilisés dans les services de médecine nucléaire pour la réalisation des scintigraphies myocardiques de perfusion et ils peuvent également être utilisés pour effectuer les scintimammographies. Le 99mTc-Sestamibi+, petit cation lipophile, pénètre dans le cytoplasme et il se fixe à l’intérieur des mitochondries. Sa captation est liée au degré d’angiogenèse, au métabolisme oxydatif, à une forte activité mitotique (valeur élevée du Ki-67), et à un grade SBR (Scarff Bloom Richardson) élevé [12, 13]. La captation dépend aussi du type histologique, les carcinomes mucineux à faible cellularité ne fixant quasiment pas le Sestamibi [14]. La 99mTc-Tetrofosmine+ est également un cation lipophile ; sa captation tumorale est très proche de celle du Sestamibi, mais elle fait intervenir en plus la pompe Na-K ATPase [15]. Le principe de détection est celui de l’imagerie d’émission monophotonique. Ces deux traceurs sont marqués par du technétium 99m qui émet des photons secondairement détectés par le système d’imagerie. Le traceur est injecté dans le bras opposé à la lésion ou au niveau d’une veine du pied en cas de lésions bilatérales. Les images sont acquises une dizaine de minutes après l’injection. Le sein est disposé entre deux détecteurs et différentes incidences peuvent être enregistrées.


Ces traceurs permettent de visualiser les tumeurs primitives, et parfois également les adénopathies envahies. Les performances du 99mTc-Sestamibi pour la détection du cancer primitif ont été assez largement étudiées [12, 16, 17]. La sensibilité semble varier de 80 à 90 % avec une moyenne de 85 %. Elle est plus élevée s’il s’agit d’une masse palpable ; la sensibilité est basse pour les lésions inférieures à 10 mm et les lésions de moins de 5 mm ne sont le plus souvent pas détectables. La spécificité est un peu plus élevée avec une moyenne de 89 %. Bien que le 99mTc-Sestamibi soit plus avidement concentré dans les cancers du sein que dans les lésions bénignes, ces dernières peuvent néanmoins fixer le traceur et être responsables de faux positifs, en particulier les lésions fibrokystiques prolifératives. Dans les lésions bénignes, la fixation est d’intensité faible ou modérée, habituellement hétérogène, et plus souvent diffuse que focalisée.


Cette technique est peu disponible sur le territoire français. En raison de sa mauvaise sensibilité pour les lésions de moins de 10 mm, la scintimammographie ne doit pas être utilisée comme test de dépistage chez des patientes asymptomatiques. Elle doit être utilisée comme une procédure diagnostique complémentaire à la mammographie quand celle-ci est douteuse ou difficile à interpréter.


Cependant, des industriels commercialisent depuis peu des caméras dédiées (Breast Specific Gamma Imaging : BSGI). Ces caméras dédiées ont une sensibilité accrue [1820].


Dans une étude portant sur 82 patientes, la modification de la prise en charge chirurgicale suite à un examen effectué avec une caméra de type BSGI a été de 22 % [21]. Une autre technologie, basée sur des détecteurs à semi-conducteur (CZT : Cadmium Zinc Telluride), permet de détecter des lésions de 4 mm, L’irradiation à la glande serait comparable à celle d’une mammographie [2123]. Le positionnement clinique de la scintimammographie avec des détecteurs dédiés reste à valider. Les caméras dédiées semblent d’ores et déjà utiles en cas de seins denses, pour lesquels l’association avec la mammographie apparaît pertinente [24].


Les indications de la scintimammographie reposent essentiellement sur les données acquises avec le 99mTc-Sestamibi. Les principaux sous-groupes de patientes qui pourraient bénéficier de cette scintigraphie sont :



Avec le développement de l’imagerie par émission de positons, la scintimammographie est aujourd’hui concurrencée par la mammo-TEP (en anglais : Position Emission Mammography, PEM). Comme la scintimammographie, la mammo-TEP est une technique d’imagerie nucléaire dédiée à l’exploration de la glande mammaire. L’imagerie TEP corps entier conventionnelle est effectuée à l’aide de détecteurs habituellement positionnés à environ 20–30 cm des glandes mammaires, ce qui limite la sensibilité [25]. De plus, les cristaux élémentaires des détecteurs conventionnels sont relativement larges (> 4 mm), ce qui limite la résolution spatiale [25]. Les systèmes TEP dédiés à l’imagerie de la glande mammaire (mammo-TEP) sont composés par des détecteurs positionnés à proximité de la glande mammaire et formés par des cristaux élémentaires de petite taille [25]. Ces systèmes, le plus souvent constitués par deux détecteurs planaires accolés de part et d’autre de la glande mammaire, ont une sensibilité et une résolution spatiale accrues [2527]. La résolution spatiale est proche de 1,8 mm [26]. Des résultats préliminaires ont montré que la mammo-TEP présente de meilleures performances que les systèmes TEP corps entier [2830]. La mammo-TEP a également été comparée à l’IRM. Dans l’étude de Berg, 388 femmes qui devaient subir une chirurgie conservatrice ont bénéficié d’une IRM avec injection de produit de contraste et d’une mammo-TEP [31]. L’IRM avait une meilleure sensibilité pour la détection des petites lésions et pour déterminer les indications de mastectomie. En revanche, la mammo-TEP avait une spécificité supérieure [31].


Pour la mammo-TEP comme pour la TEP-TDM corps entier, les performances de l’imagerie au FDG dépendent des caractéristiques histologiques et biologiques de la tumeur. La fixation du FDG est plus élevée pour le carcinome canalaire infiltrant que pour le carcinome lobulaire infiltrant, qui peut être source d’examen faussement négatif [3237]. Le carcinome canalaire in situ ne fixe pas ou fixe très faiblement le FDG [15]. L’intensité de la captation est fortement corrélée au grade SBR [32, 3841]. Les tumeurs avec une prolifération tumorale élevée (Ki67 élevée) sont également plus fixantes [33, 34, 38, 41]. Des séries récentes ont montré que les tumeurs qui n’expriment pas les récepteurs hormonaux sont plus fixantes [32, 38, 42, 43, 44]. La plupart des équipes n’a pas trouvé de corrélation entre la captation du FDG et la surexpression de HER2 [32, 34]. Les tumeurs de phénotype triple négatif (tumeurs n’exprimant ni les récepteurs de l’œstrogène, ni ceux de la progestérone, et sans surexpression de HER2) présentent également une fixation accrue du FDG [32, 37, 45].


Par ailleurs, avec la mammo-TEP comme avec la TEP-TDM, des examens faussement positifs sont possibles : fixation du FDG parfois faible par certaines tumeurs bénignes et fixation relativement élevée par les mastites inflammatoires. À ce propos, certaines équipes réalisent des images tardives centrées sur la glande mammaire (1 h 30 à 2 h après l’injection du FDG) en complément de l’enregistrement effectué à 1 h, car la fixation du FDG a tendance à augmenter lors du second enregistrement pour les lésions malignes alors qu’elle a plutôt tendance à diminuer pour les lésions bénignes [46, 47].


Au total, ni la scintimammographie, ni la mammo-TEP ne sont recommandées en routine pour l’évaluation de la tumeur primitive, pour déterminer le T-score et pour aider à la décision du geste chirurgical. À l’heure actuelle, l’utilisation de ces deux techniques ne peut être envisagée qu’en seconde intention, lorsque les techniques d’imagerie conventionnelle sont insuffisantes.



Place de la médecine nucléaire pour le bilan d’extension du cancer du sein

L’imagerie nucléaire joue un rôle important dans le bilan d’extension des tumeurs à risque métastatique significatif. Compte tenu de la faible prévalence de métastases pour les patientes atteintes de tumeur T1 et T2 sans envahissement ganglionnaire clinique, il n’est pas nécessaire de réaliser un bilan d’extension, en l’absence de point d’appel [48].



Plusieurs études ont montré la valeur importante de la TEP-TDM au FDG pour le bilan d’extension des patientes avec un cancer de stade III, localement avancé ou inflammatoire [49, 51, 52]. Certaines études récentes ont montré que la TEP-TDM pourrait également être utile pour les femmes présentant un cancer de stade II [53, 60]. Ces travaux suggèrent que la TEP-TDM pourrait fournir d’importantes informations en détectant des adénopathies extra-axillaires et/ou des métastases occultes à distance.


La TEP-TDM peut être utilisée pour rechercher une atteinte des ganaglions lymphatiques en cas de tumeur avancée (fig. 5.7). Le couplage TEP-TDM est particulièrement performant [49, 5360]. Les données morphologiques TDM de l’examen TEP-TDM permettent de corriger les faux positifs comme un hypermétabolisme au niveau de la graisse brune ou au sein d’un muscle. De plus, la TDM sous-jacente permet de localiser précisément les adénopathies métastatiques. Il est ainsi possible de différencier une adénopathie axillaire du niveau III d’une adénopathie plus bas située (niveaux I et II). Cette information est importante car habituellement le curage ganglionnaire se limite aux niveaux I et II, un curage du niveau III étant source d’une morbidité élevée. De plus, la TEP-TDM permet de rechercher des métastases ganglionnaires extra-axillaires (région sus-claviculaire, chaîne mammaire interne). La mise en évidence d’une adénopathie extra-axillaire peut être utile pour définir le plan de traitement, notamment pour délimiter le volume cible de radiothérapie et/ou éventuellement pour programmer un curage ganglionnaire.



La TEP-TDM au FDG est également utile pour la détection des métastases à distance. Le cancer du sein inflammatoire est associé à un taux élevé de métastases, et la TEP-TDM est utile pour détecter les métastases occultes chez ces patientes [4952]. En dehors du cancer inflammatoire, plusieurs études ont suggéré que la TEP-TDM pourrait aussi être utile pour détecter des métastases chez les patientes atteintes d’un cancer de stade II ou III [5456, 58]. Dans une série prospective de 254 patientes que nous avons suivies pendant plusieurs années, la TEP-TDM a été très utile sur leur prise en charge initiale avec un impact important sur la survie pour les groupes de stades IIB (T3N0 ou T2N1), IIIA (T3N1 ou T1-3 N2), IIIB (T4N0-2) et IIIC (TxN3) [55]. L’impact a été moins net pour les patientes de stade IIA (T2N0 ou T1N1).


En dehors du cerveau, la TEP-TDM au FDG est sensible pour la détection des métastases dans les différents tissus et organes comme l’os, les chaînes ganglionnaires (notamment cervicales, axillaires, médiastino-hilaires et abdominales), le poumon, la plèvre, le foie, la rate, les ovaires, etc.


Parmi les sites métastatiques, l’os est le plus fréquent. Trois techniques d’imagerie nucléaire peuvent être utilisées pour la recherche d’une atteinte osseuse : la TEP-TDM au FDG, la TEP-TDM au FNa et la scintigraphie osseuse aux biphosphonates-99mTc (MDP-99mTc, EHDP-99mTc et HMDP-99mTc).


La scintigraphie aux biphosphonates-99mTc a joué et joue encore un rôle important dans l’évaluation de l’atteinte osseuse du cancer du sein. Il s’agit d’un examen corps entier alors que le plus souvent la TEP-TDM au FDG s’arrête à la racine des cuisses. Bien que sa sensibilité soit assez élevée, la scintigraphie planaire peut comporter des faux négatifs en particulier pour les lésions lytiques sans composante ostéoblastique et pour les lésions de petite taille. Un super bone scan qui correspond à un important envahissement ostéomédullaire ne doit pas être confondu avec une scintigraphie normale. Le super bone scan correspond à « une trop belle image », le squelette axial (notamment le rachis et le bassin) fixant fortement le traceur alors que les membres et les reins sont à peine visibles. La scintigraphie planaire corps entier est actuellement souvent complétée par une étude tomographique (en 3D) et associée à un enregistrement tomodensitométrique. Ces nouveaux systèmes d’imagerie (tomographie par émission monophotonique couplée à la tomodensitométrie : TEMP/TDM, SPECT/CT en anglais) ont révolutionné la scintigraphie planaire conventionnelle [61]. Ils ont permis d’augmenter la sensibilité, en particulier au niveau du rachis, mais aussi la spécificité en montrant la position des anomalies sur les vertèbres et en apportant la sémiologie du scanner X. La scintigraphie osseuse planaire conventionnelle souffre en effet d’une spécificité médiocre. Une hyperactivité focale n’est pas spécifique d’une métastase. D’autres lésions focales, comme une ostéoarthrite, des fractures de côte, peuvent donner la même image scintigraphique et rendre le diagnostic difficile. En l’absence de TEMP/TDM, l’interprétation des hyperfixations uniques ou multiples au niveau du rachis est particulièrement difficile en raison de la fréquence des lésions dégénératives rachidiennes. En cas de point chaud unique sur le rachis, un peu plus de la moitié des cas (57 %) se révèle être bénin [62]. En l’absence d’imagerie TEMP/TDM, de nombreuses hyperfixations de la scintigraphie osseuse planaire restent de nature indéterminée et requièrent une confrontation avec d’autres modes d’imagerie pour pouvoir trancher. Les radiographies osseuses standards ne sont pas d’une grande aide car pour être visible, la lésion doit être relativement volumineuse, avec une perte importante de l’os trabéculaire. La lésion scintigraphique précède la lésion radiographique de 4 à 18 mois [63]. Pour trancher sur l’origine d’un foyer détecté en scintigraphie planaire, il est souhaitable de recourir aux techniques tomographiques de type TEMP/TDM ou à l’IRM, ou encore à la TEP [51, 54, 61]. Contrairement à la scintigraphie osseuse, en TEP-TDM au FDG, le radiopharmaceutique se concentre dans les cellules tumorales et non pas dans l’os réactionnel péritumoral [64]. Les métastases ostéolytiques sont ainsi beaucoup mieux détectées. Il a été suggéré que la TEP-TDM au FDG pourrait manquer de sensibilité pour la détection des métastases ostéocondensantes [65]. En accord avec plusieurs études récentes, dans notre expérience, la scintigraphie osseuse ne nous semble pas nécessaire lorsqu’une TEP-TDM au FDG est réalisée pour le bilan d’un cancer du sein [51, 55, 60, 66].


Un traceur différent du FDG peut être utilisé pour l’imagerie TEP-TDM : le FNa. Ce radiopharmaceutique a obtenu une AMM en juillet 2008. Il s’agit d’un traceur à tropisme exclusivement osseux. Le mécanisme de la captation du 18F-fluorure est similaire à celui des biphosphonates utilisés lors de la scintigraphie osseuse. Son accumulation dépend de l’activité ostéoblastique et du flux vasculaire local [67]. Il ne s’agit pas d’un traceur spécifique des métastases puisque toute cause d’augmentation du métabolisme osseux (foyers de fracture, ostéomyélite, maladie de Paget, dysplasie fibreuse, etc.) est à l’origine d’une fixation accrue du FNa. Sans augmenter la dose reçue par le patient, la TEP au FNa présente des performances diagnostiques supérieures à la scintigraphie osseuse planaire [68]. La TEP au FNa permet de détecter à la fois les lésions ostéolytiques et les métastases ostéocondensantes [69].



Options thérapeutiques


Le traitement du cancer du sein repose sur une prise en charge thérapeutique multimodale où la chirurgie occupe une place centrale par la disparition de la tumeur « visible ». En fonction des caractéristiques cliniques et biologiques de la maladie, un ou plusieurs traitements complémentaires pourront s’associer au traitement chirurgical pour lutter contre une maladie infraclinique comme la radiothérapie, la chimiothérapie, l’hormonothérapie ou certaines thérapies ciblées. L’adjonction de ces thérapeutiques au traitement chirurgical a permis la diminution du taux de récidive de la maladie et l’augmentation de la survie avec parfois comme conséquence la survenue d’effets secondaires inhérents à un traitement particulier ou bien à leur association. Parmi les effets secondaires, on peut distinguer :





Radiothérapie


L’indication d’un traitement adjuvant par radiothérapie dépend de l’extension tumorale initiale, du type de chirurgie réalisée et de la présence ou non d’une atteinte ganglionnaire.


Après chirurgie conservatrice par tumorectomie ou quadrantectomie, une irradiation complémentaire du sein est systématique [70]. Cette irradiation est suivie d’un complément de dose au niveau du lit de tumorectomie par radiothérapie externe ou par curiethérapie en cas de cancer infiltrant [71] — l’intérêt du complément de dose en cas de cancer in situ fait actuellement l’objet d’une étude randomisée multicentrique. En cas d’atteinte ganglionnaire associée, une radiothérapie des aires ganglionnaires axillaire, sus-claviculaire et de la chaîne mammaire interne peut être proposée en fonction du risque de rechute ganglionnaire.


Après mastectomie, la radiothérapie complémentaire de la paroi thoracique est indiquée en cas d’atteinte tumorale cutanée ou pariétale ou en cas de tumeur mesurant plus de 5 cm. Une radiothérapie pariétale thoracique adjuvante est également indiquée en cas d’atteinte ganglionnaire associée et comprend, outre l’irradiation de la paroi thoracique, une irradiation des aires ganglionnaires locorégionales [70].



Chimiothérapie


La place de la chimiothérapie dans la prise en charge du cancer du sein peut s’envisager :



Deux familles de chimiothérapie sont utilisées dans ces types de situations : les anthracyclines (doxorubicine) et les taxanes (docétaxel, paclitaxel). Les anthracyclines ont comme principaux effets secondaires une toxicité hématologique et une toxicité cardiaque. Les taxanes ont comme principaux effets secondaires une toxicité hématologique et une toxicité neurologique à type de neuropathie périphérique.




Thérapie ciblée


Certains cancers du sein ont comme particularité de surexprimer au niveau de la membrane cellulaire l’oncoprotéine cerbB2. Cette surexpression identifiée par immunohistochimie est un facteur de mauvais pronostic et est retrouvée dans environs 20 % des cancers du sein. La prise en charge des patientes dont la tumeur surexprime cerbB2 a été révolutionnée par le trastuzumab qui est un anticorps monoclonal dirigé contre le récepteur cerbB2. Ce traitement est délivré pendant la chimiothérapie puis administré à l’issue de celle-ci pour une durée totale de 1 an.


Avant d’envisager toute stratégie thérapeutique, il est indispensable de réaliser un bilan clinique, biologique et radiologique pour évaluer l’extension locorégionale de la maladie et s’assurer de l’absence d’atteinte métastatique à distance.



Ganglion sentinelle


La connaissance du statut ganglionnaire est fondamentale pour la stadification et l’évaluation pronostique chez une patiente porteuse d’un cancer du sein [72, 73]. Le choix des traitements (chimiothérapie adjuvante, champs de radiothérapie, etc.) va dépendre entre autres du statut ganglionnaire. Le curage axillaire systématique devant tout cancer invasif a longtemps été considéré comme un standard thérapeutique [74]. La généralisation du dépistage par mammographie et l’autopalpation font que le cancer est découvert à des stades de plus en plus précoces. La probabilité d’envahissement ganglionnaire axillaire dépend de la taille de la tumeur. Elle est de l’ordre de 5–10 % pour les tumeurs T1a (≤ 5 mm), 15 % pour les tumeurs T1b (6–10 mm), 30 % pour les tumeurs T1c (11–20 mm), et elle dépasse 40 % dans les tumeurs de plus grande taille [72, 73]. Le prélèvement du (ou des) ganglion(s) sentinelle(s) a pour objectif d’obtenir la même information sur le statut ganglionnaire, tout en évitant un curage axillaire aux patientes indemnes de métastases.


La technique du ganglion sentinelle repose sur le principe d’une progression ordonnée de l’invasion lymphatique ganglionnaire, qui suit l’ordre de drainage à partir du site tumoral, permettant de prédire l’absence d’atteinte ganglionnaire si le premier relais est indemne [7577]. L’identification de ce premier relais ganglionnaire peut se faire en injectant à proximité du lit tumoral soit des particules colorées (bleu patenté, bleu isosulfan), soit des colloïdes radiomarqués (sulfure de rhénium colloïdal marqué au 99mTc ; nanocolloïdes d’albumine humaine marquées au 99mTc). Suite à la migration de ces particules au niveau des voies lymphatiques, l’identification chirurgicale du (ou des) ganglion(s) sentinelle(s) est possible grâce à la coloration et/ou à la radioactivité détectée à l’aide d’une sonde peropératoire. Ces deux techniques sont le plus souvent associées, ce qui permet d’accroître la probabilité de détection du ganglion sentinelle. Les traceurs radioactifs permettent un repérage préopératoire par une scintigraphie (fig. 5.8). Grâce aux nouveaux appareils hybrides, associant gammacaméra et scanner, il est possible de réaliser une acquisition tomoscintigraphique couplée à un scanner de repérage (TEMP-TDM). La position du foyer hyperfixant est ainsi mieux précisée grâce à l’image anatomique sous-jacente (fig. 5.9) [7881].




L’injection du traceur a lieu la veille ou le matin de l’intervention. Le chirurgien utilise une sonde pour repérer la radioactivité émise par le ganglion. Ce repérage se fait d’abord à travers la peau puis après l’incision du creux axillaire. Certains chirurgiens préfèrent réaliser le repérage du ganglion après la tumorectomie pour être moins gênés par la radioactivité parasite du site d’injection, d’autres repèrent le ganglion d’abord. Le colorant est injecté avant de débuter la dissection. Le chirurgien repère le ganglion visuellement en raison de sa couleur bleutée. En fonction des résultats de l’examen anatomopathologique des ganglions sentinelles (fournis en per ou en postopératoire), un curage ganglionnaire axillaire peut compléter l’acte chirurgical initial. Pour la majorité des patientes avec un ganglion sentinelle positif, il en résulte une intervention en deux temps. En France, cette technique est surtout utilisée pour les tumeurs invasives de petite taille à faible prévalence d’atteinte ganglionnaire (essentiellement les T1N0 cliniques et pour certaines équipes les T2N0).


La technique du ganglion sentinelle s’est développée dans le but d’éviter aux patientes la morbidité d’un curage axillaire lorsque celui-ci est inutile. Cette morbidité comporte dans les suites immédiates les risques suivants : lymphocèle, dysesthésies et limitation des mouvements de l’épaule, et à plus long terme : lymphœdème, douleurs chroniques et enraidissement de l’épaule [74]. Pour les patientes ayant reçu la technique du ganglion sentinelle sans curage complémentaire, le taux de morbidité est faible mais non nul [82]. Le gain en termes de morbidité est néanmoins reconnu [83]. Par ailleurs, la technique du ganglion sentinelle ne semble pas augmenter le risque de récidive axillaire [8489]. Dans l’étude américaine du NSABP (National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project) B-32, le taux de rechute axillaire a été de 0,7 % (14/2 011) à 8 ans [89]. Plusieurs études ont par ailleurs montré que la technique du ganglion sentinelle n’avait pas d’impact péjoratif sur la survie globale et sur la survie sans récidive [8991].



Évaluation en cours de traitement


Cette évaluation concerne les tumeurs localement avancées.



Clinique


En cours de chimiothérapie néoadjuvante, l’évaluation de la réponse thérapeutique au niveau de la tumeur mammaire et des adénopathies est fondamentale pour s’assurer de l’efficacité du protocole de chimiothérapie. L’examen clinique évaluera la régression de la taille tumorale et des adénopathies ainsi que des signes inflammatoires en cas de tumeur inflammatoire. En effet, la réponse clinique avec la réponse radiologique seront des éléments déterminants pour décider du type de chirurgie à l’issue de la chimiothérapie en cas de tumeur non inflammatoire (traitement conservateur ou mastectomie). En revanche, l’examen clinique n’est pas un examen très performant en ce qui concerne la prédiction de la réponse complète histologique qui est généralement surestimée cliniquement [9295], même si certaines études rapportent des résultats assez proches [96, 97].

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Apr 24, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on 5: Cancers du sein : diagnostic, traitement et aspect post-thérapeutique

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