Chapitre 5
Cancers du sein : diagnostic, traitement et aspect post-thérapeutique
Stratégie thérapeutique
Bilan d’extension
Clinique
Le stade clinique du cancer du sein selon la classification TNM [1] est par définition la mesure des dimensions cliniques de la tumeur déterminée par la palpation (T). Des atteintes cutanée et pariétale associées par contiguïté ainsi qu’une atteinte inflammatoire sont systématiquement recherchées — notion de poussée évolutive. La palpation des aires ganglionnaires axillaires (N) et sus-claviculaires permet d’évaluer l’extension ganglionnaire. Une extension métastatique (M) est recherchée par une imagerie adéquate.
Radiologie
Le bilan d’extension locale a pour objectifs de déterminer si la patiente peut bénéficier d’un traitement conservateur avec radiothérapie, qui est préféré à la mastectomie pour des tumeurs qui ne dépassent pas 3 cm [2]. En revanche la mastectomie réduit le risque de récidive locale [2]. Le bilan d’extension locale vise donc à bien sélectionner les patientes candidates au traitement conservateur pour réduire le risque d’exérèse incomplète.
Le bilan radiologique local détermine la taille de la lésion, sa topographie, son extension et la présence d’autres lésions associées. Il comprend systématiquement une mammographie (fig. 5.1) et une échographie. La mammographie diagnostique (incidences face et oblique) est complétée avec le profil strict du sein pathologique pour déterminer précisément la topographie de la lésion et les clichés en compression avec agrandissement géométrique pour améliorer l’analyse des anomalies — microcalcifications, spicules, etc. La topographie peut être marquée par un clip déposé au centre de la tumeur au moment des prélèvements. De même, la topographie de la lésion pourra être indiquée au chirurgien grâce à la mise en place par ponction percutanée d’un hameçon au centre du lit tumoral (fig. 5.1). Ce repérage guide ensuite le chirurgien jusqu’à la tumeur.
Fig. 5.1 Prise en charge d’un CCIS (carcinome canalaire in situ) visible sous la forme d’un foyer de microcalcification du QSE (quadrant supéroexterne) du sein gauche (têtes de flèches) chez une femme de 55 ans, macrobiopsié sous stéréotaxie.
Le bilan d’extension local se limite aux clichés réalisés à la phase diagnostique (clichés de face, obliques, de profils et agrandissement). Ce sont ces clichés qui sont utilisés au moment du repérage par mise en place d’un hameçon (flèche) au sein du lit tumoral par ponction percutanée sous contrôle radiographique.
LCC : Left Craniocaudal ; LMLO : Left Mediolateral Oblique ; LML : Left Medial Lateral.
L’IRM mammaire est plus sensible que l’imagerie mammographique et échographique pour détecter des tumeurs multiples [3]. La sensibilité de détection de cancer additionnel serait de 81 % pour l’IRM contre 66 % pour la mammographie. L’IRM retrouverait 3 à 4 % de cancers controlatéraux. En revanche, l’adjonction de l’IRM au bilan conventionnel augmente le taux de faux positifs et par conséquent le nombre de biopsies inutiles. L’IRM est également légèrement plus performante pour détecter les formes in situ isolées ou les composantes in situ associées à un cancer invasif [4] avec des sensibilités de 56 et 92 % pour la mammographie et l’IRM respectivement [4] (fig. 5.2). L’IRM permet de mesurer plus précisément la taille des lésions que la mammographie avec des mesures similaires à celle de l’histologie dans 38–64 % des cas pour les IRM et 27–43 % pour la mammographie [5, 6].
Fig. 5.2 Épisode de mastite chez une femme de 28 ans.
La mammographie (A et B) montre des seins denses (type 4) sans lésion suspecte et l’échographie (C) une masse de 10 mm, hypoéchogène, ovalaire et circonscrite dans le QII (quadrant inféro-interne) du sein gauche classée ACR 3 (American College of Radiology).
Une biopsie à l’aveugle d’une induration du QIE (quadrant inféroexterne) du sein gauche trouve un CCIS. Une IRM est réalisée au cours du bilan d’extension chez cette femme de moins de 40 ans à fort risque de cancer multiples. Elle retrouve une prise de contraste segmentaire dans le QIE du sein gauche (D, têtes de flèches) correspondant au CCIS biopsié et la masse ovalaire bien limitée avec un rehaussement peu intense et progressif (type I) dans le QII du sein gauche (D, flèche) correspondant à l’image échographique classée ACR 4a compte tenu du risque élevé de la patiente. La microbiopsie sous échographie de cette masse montre un CCI (cancer canalaire infiltrant).
RCC : Right Craniocaudal ; RMLO : Right Mediolateral Oblique.
La sensibilité de l’IRM pour le bilan d’extension des carcinomes lobulaires invasifs serait de 93 %. Cet examen détecterait 32 % de lésions supplémentaires dans le sein homolatéral et 7 % dans le sein controlatéral (fig. 5.3). Le geste chirurgical serait modifié dans 28 % des cas [7].
Fig. 5.3 Bilan d’extension en IRM d’un CLI (cancer lobulaire infiltrant) infiltrant et rétractant le sein gauche (A, flèche) chez une femme de 58 ans.
L’IRM révèle la présence d’une seconde masse de forme irrégulière, spiculée au contact de kystes dans le QSE du sein droit (A, têtes de flèches). L’échographie de second look (B) retrouve la masse initialement passée inaperçue masquée par les kystes. La microbiopsie échoguidée de cette masse retrouve un CLI.
L’IRM mammaire permettrait d’éviter dans 5 à 10 % des cas une irradiation partielle du sein inadaptée, décidée sur le bilan conventionnel seul [8–11].
L’ensemble des éléments colligés par les examens cliniques et paracliniques du bilan initial précédemment décrit permet une évaluation de l’extension locorégionale de la tumeur. La recherche de métastases (par l’imagerie ou la biologie) n’est pas systématique et doit être réservée aux patientes présentant des points d’appel cliniques. Elle ne doit pas retarder la prise en charge en milieu spécialisé. Le scanner thoracoabdominal est indiqué dans le bilan initial d’extension en cas de cancer à risque élevé de métastases. Il s’agit des cancers du sein classés T3 (tumeur supérieure à 5 cm) ou T4 (tumeur avec une extension directe soit à la paroi thoracique soit à la peau) ou N2 (ganglions axillaires suspects fixés entre eux ou à d’autres structures ou ganglion thoracique interne suspect en l’absence de ganglion axillaire suspect) ou N3 (ganglions sus-claviculaires homolatéraux suspects ou mammaires internes homolatéraux suspects avec ganglions axillaires suspects) (fig. 5.5). Un scanner thoraco-abdomino-pelvien est également indiqué en cas de point d’appel clinique.
Fig. 5.5 Bilan d’extension chez une jeune femme de 43 ans prise en charge pour un cancer du sein inflammatoire.
Le cancer du sein inflammatoire se présente volontiers sous une forme de cancers multiples et 5 % des femmes prises en charge pour ce type de cancer sont métastatiques d’emblée. L’IRM mammaire montre une non-masse segmentaire infiltrant le tiers moyen du sein droit (étoile), une masse homogène de forme ovalaire et de contours circonscrits (tête de flèche) dans le QSE, une infiltration du muscle pectorale (flèche creuse), un épanchement pleural spécifique (tête de flèche creuse), une lésion controlatérale (flèche).
Médecine nucléaire
Place de la médecine nucléaire pour l’évaluation de la tumeur primitive
Bien que non indiquée dans une procédure de dépistage habituel et dans le bilan du cancer du sein, la scintimammographie peut jouer un rôle utile dans des indications cliniques spécifiques comme par exemple les mammographies d’interprétation difficile et la recherche de récidive dans un sein préalablement traité. La figure 5.6 montre un exemple de scintimammographie.
Fig. 5.6 Mammographie (4 images à gauche) et mammoscintigraphie (4 images à droite) chez une patiente présentant un petit carcinome canalaire infiltrant du sein droit.
La mammographie montre une petite zone dense aux contours irréguliers au niveau du quadrant supéroexterne du sein droit. La mammographie montre que la petite structure du quadrant supéroexterne du sein droit fixe fortement le MIBI, ce qui est en faveur d’une origine maligne. La fixation du MIBI en regard des mamelons est physiologique. Figures fournies par West Valley Imaging.
Deux radiopharmaceutiques sont disponibles avec une AMM dans cette indication en France : le 99mTc-Sestamibi (Cardiolite, BMS, États-Unis) et la 99mTc-Tetrofosmine (Myoview, GE Healthcare, États-Unis). Ces radiopharmaceutiques sont couramment utilisés dans les services de médecine nucléaire pour la réalisation des scintigraphies myocardiques de perfusion et ils peuvent également être utilisés pour effectuer les scintimammographies. Le 99mTc-Sestamibi+, petit cation lipophile, pénètre dans le cytoplasme et il se fixe à l’intérieur des mitochondries. Sa captation est liée au degré d’angiogenèse, au métabolisme oxydatif, à une forte activité mitotique (valeur élevée du Ki-67), et à un grade SBR (Scarff Bloom Richardson) élevé [12, 13]. La captation dépend aussi du type histologique, les carcinomes mucineux à faible cellularité ne fixant quasiment pas le Sestamibi [14]. La 99mTc-Tetrofosmine+ est également un cation lipophile ; sa captation tumorale est très proche de celle du Sestamibi, mais elle fait intervenir en plus la pompe Na-K ATPase [15]. Le principe de détection est celui de l’imagerie d’émission monophotonique. Ces deux traceurs sont marqués par du technétium 99m qui émet des photons secondairement détectés par le système d’imagerie. Le traceur est injecté dans le bras opposé à la lésion ou au niveau d’une veine du pied en cas de lésions bilatérales. Les images sont acquises une dizaine de minutes après l’injection. Le sein est disposé entre deux détecteurs et différentes incidences peuvent être enregistrées.
Ces traceurs permettent de visualiser les tumeurs primitives, et parfois également les adénopathies envahies. Les performances du 99mTc-Sestamibi pour la détection du cancer primitif ont été assez largement étudiées [12, 16, 17]. La sensibilité semble varier de 80 à 90 % avec une moyenne de 85 %. Elle est plus élevée s’il s’agit d’une masse palpable ; la sensibilité est basse pour les lésions inférieures à 10 mm et les lésions de moins de 5 mm ne sont le plus souvent pas détectables. La spécificité est un peu plus élevée avec une moyenne de 89 %. Bien que le 99mTc-Sestamibi soit plus avidement concentré dans les cancers du sein que dans les lésions bénignes, ces dernières peuvent néanmoins fixer le traceur et être responsables de faux positifs, en particulier les lésions fibrokystiques prolifératives. Dans les lésions bénignes, la fixation est d’intensité faible ou modérée, habituellement hétérogène, et plus souvent diffuse que focalisée.
Cependant, des industriels commercialisent depuis peu des caméras dédiées (Breast Specific Gamma Imaging : BSGI). Ces caméras dédiées ont une sensibilité accrue [18–20].
Dans une étude portant sur 82 patientes, la modification de la prise en charge chirurgicale suite à un examen effectué avec une caméra de type BSGI a été de 22 % [21]. Une autre technologie, basée sur des détecteurs à semi-conducteur (CZT : Cadmium Zinc Telluride), permet de détecter des lésions de 4 mm, L’irradiation à la glande serait comparable à celle d’une mammographie [21–23]. Le positionnement clinique de la scintimammographie avec des détecteurs dédiés reste à valider. Les caméras dédiées semblent d’ores et déjà utiles en cas de seins denses, pour lesquels l’association avec la mammographie apparaît pertinente [24].
• les patientes avec un tissu mammaire dense à la mammographie. En effet, la sensibilité du Sestamibi est alors meilleure que celle de la mammographie ;
• les patientes avec des modifications iatrogéniques du sein. La spécificité de la mammographie est dans ces cas moins bonne que pour les seins non traités ;
• les patientes avec des implants mammaires. La mammographie est souvent difficile à interpréter dans ce cas, tandis que la scintigraphie n’est pas affectée par l’implant ;
• les patientes avec une masse palpable et une mammographie normale ou douteuse.
Avec le développement de l’imagerie par émission de positons, la scintimammographie est aujourd’hui concurrencée par la mammo-TEP (en anglais : Position Emission Mammography, PEM). Comme la scintimammographie, la mammo-TEP est une technique d’imagerie nucléaire dédiée à l’exploration de la glande mammaire. L’imagerie TEP corps entier conventionnelle est effectuée à l’aide de détecteurs habituellement positionnés à environ 20–30 cm des glandes mammaires, ce qui limite la sensibilité [25]. De plus, les cristaux élémentaires des détecteurs conventionnels sont relativement larges (> 4 mm), ce qui limite la résolution spatiale [25]. Les systèmes TEP dédiés à l’imagerie de la glande mammaire (mammo-TEP) sont composés par des détecteurs positionnés à proximité de la glande mammaire et formés par des cristaux élémentaires de petite taille [25]. Ces systèmes, le plus souvent constitués par deux détecteurs planaires accolés de part et d’autre de la glande mammaire, ont une sensibilité et une résolution spatiale accrues [25–27]. La résolution spatiale est proche de 1,8 mm [26]. Des résultats préliminaires ont montré que la mammo-TEP présente de meilleures performances que les systèmes TEP corps entier [28–30]. La mammo-TEP a également été comparée à l’IRM. Dans l’étude de Berg, 388 femmes qui devaient subir une chirurgie conservatrice ont bénéficié d’une IRM avec injection de produit de contraste et d’une mammo-TEP [31]. L’IRM avait une meilleure sensibilité pour la détection des petites lésions et pour déterminer les indications de mastectomie. En revanche, la mammo-TEP avait une spécificité supérieure [31].
Pour la mammo-TEP comme pour la TEP-TDM corps entier, les performances de l’imagerie au FDG dépendent des caractéristiques histologiques et biologiques de la tumeur. La fixation du FDG est plus élevée pour le carcinome canalaire infiltrant que pour le carcinome lobulaire infiltrant, qui peut être source d’examen faussement négatif [32–37]. Le carcinome canalaire in situ ne fixe pas ou fixe très faiblement le FDG [15]. L’intensité de la captation est fortement corrélée au grade SBR [32, 38–41]. Les tumeurs avec une prolifération tumorale élevée (Ki67 élevée) sont également plus fixantes [33, 34, 38, 41]. Des séries récentes ont montré que les tumeurs qui n’expriment pas les récepteurs hormonaux sont plus fixantes [32, 38, 42, 43, 44]. La plupart des équipes n’a pas trouvé de corrélation entre la captation du FDG et la surexpression de HER2 [32, 34]. Les tumeurs de phénotype triple négatif (tumeurs n’exprimant ni les récepteurs de l’œstrogène, ni ceux de la progestérone, et sans surexpression de HER2) présentent également une fixation accrue du FDG [32, 37, 45].
Par ailleurs, avec la mammo-TEP comme avec la TEP-TDM, des examens faussement positifs sont possibles : fixation du FDG parfois faible par certaines tumeurs bénignes et fixation relativement élevée par les mastites inflammatoires. À ce propos, certaines équipes réalisent des images tardives centrées sur la glande mammaire (1 h 30 à 2 h après l’injection du FDG) en complément de l’enregistrement effectué à 1 h, car la fixation du FDG a tendance à augmenter lors du second enregistrement pour les lésions malignes alors qu’elle a plutôt tendance à diminuer pour les lésions bénignes [46, 47].
Place de la médecine nucléaire pour le bilan d’extension du cancer du sein
L’imagerie nucléaire joue un rôle important dans le bilan d’extension des tumeurs à risque métastatique significatif. Compte tenu de la faible prévalence de métastases pour les patientes atteintes de tumeur T1 et T2 sans envahissement ganglionnaire clinique, il n’est pas nécessaire de réaliser un bilan d’extension, en l’absence de point d’appel [48].
Plusieurs études ont montré la valeur importante de la TEP-TDM au FDG pour le bilan d’extension des patientes avec un cancer de stade III, localement avancé ou inflammatoire [49, 51, 52]. Certaines études récentes ont montré que la TEP-TDM pourrait également être utile pour les femmes présentant un cancer de stade II [53, 60]. Ces travaux suggèrent que la TEP-TDM pourrait fournir d’importantes informations en détectant des adénopathies extra-axillaires et/ou des métastases occultes à distance.
La TEP-TDM peut être utilisée pour rechercher une atteinte des ganaglions lymphatiques en cas de tumeur avancée (fig. 5.7). Le couplage TEP-TDM est particulièrement performant [49, 53–60]. Les données morphologiques TDM de l’examen TEP-TDM permettent de corriger les faux positifs comme un hypermétabolisme au niveau de la graisse brune ou au sein d’un muscle. De plus, la TDM sous-jacente permet de localiser précisément les adénopathies métastatiques. Il est ainsi possible de différencier une adénopathie axillaire du niveau III d’une adénopathie plus bas située (niveaux I et II). Cette information est importante car habituellement le curage ganglionnaire se limite aux niveaux I et II, un curage du niveau III étant source d’une morbidité élevée. De plus, la TEP-TDM permet de rechercher des métastases ganglionnaires extra-axillaires (région sus-claviculaire, chaîne mammaire interne). La mise en évidence d’une adénopathie extra-axillaire peut être utile pour définir le plan de traitement, notamment pour délimiter le volume cible de radiothérapie et/ou éventuellement pour programmer un curage ganglionnaire.
Fig. 5.7 Rôle de la TEP-TDM pour le bilan d’extension initial du cancer du sein.
Patiente présentant un carcinome canalaire infiltrant du sein droit de forme inflammatoire. En plus de la tumeur primitive, la TEP-TDM montre une atteinte locorégionale avec la présence d’adénopathies hypermétaboliques axillaires, mammaires internes et sus-claviculaires droites. La tumeur est classée T4dN3cM0 (stade IIIC).
La TEP-TDM au FDG est également utile pour la détection des métastases à distance. Le cancer du sein inflammatoire est associé à un taux élevé de métastases, et la TEP-TDM est utile pour détecter les métastases occultes chez ces patientes [49–52]. En dehors du cancer inflammatoire, plusieurs études ont suggéré que la TEP-TDM pourrait aussi être utile pour détecter des métastases chez les patientes atteintes d’un cancer de stade II ou III [54–56, 58]. Dans une série prospective de 254 patientes que nous avons suivies pendant plusieurs années, la TEP-TDM a été très utile sur leur prise en charge initiale avec un impact important sur la survie pour les groupes de stades IIB (T3N0 ou T2N1), IIIA (T3N1 ou T1-3 N2), IIIB (T4N0-2) et IIIC (TxN3) [55]. L’impact a été moins net pour les patientes de stade IIA (T2N0 ou T1N1).
La scintigraphie aux biphosphonates-99mTc a joué et joue encore un rôle important dans l’évaluation de l’atteinte osseuse du cancer du sein. Il s’agit d’un examen corps entier alors que le plus souvent la TEP-TDM au FDG s’arrête à la racine des cuisses. Bien que sa sensibilité soit assez élevée, la scintigraphie planaire peut comporter des faux négatifs en particulier pour les lésions lytiques sans composante ostéoblastique et pour les lésions de petite taille. Un super bone scan qui correspond à un important envahissement ostéomédullaire ne doit pas être confondu avec une scintigraphie normale. Le super bone scan correspond à « une trop belle image », le squelette axial (notamment le rachis et le bassin) fixant fortement le traceur alors que les membres et les reins sont à peine visibles. La scintigraphie planaire corps entier est actuellement souvent complétée par une étude tomographique (en 3D) et associée à un enregistrement tomodensitométrique. Ces nouveaux systèmes d’imagerie (tomographie par émission monophotonique couplée à la tomodensitométrie : TEMP/TDM, SPECT/CT en anglais) ont révolutionné la scintigraphie planaire conventionnelle [61]. Ils ont permis d’augmenter la sensibilité, en particulier au niveau du rachis, mais aussi la spécificité en montrant la position des anomalies sur les vertèbres et en apportant la sémiologie du scanner X. La scintigraphie osseuse planaire conventionnelle souffre en effet d’une spécificité médiocre. Une hyperactivité focale n’est pas spécifique d’une métastase. D’autres lésions focales, comme une ostéoarthrite, des fractures de côte, peuvent donner la même image scintigraphique et rendre le diagnostic difficile. En l’absence de TEMP/TDM, l’interprétation des hyperfixations uniques ou multiples au niveau du rachis est particulièrement difficile en raison de la fréquence des lésions dégénératives rachidiennes. En cas de point chaud unique sur le rachis, un peu plus de la moitié des cas (57 %) se révèle être bénin [62]. En l’absence d’imagerie TEMP/TDM, de nombreuses hyperfixations de la scintigraphie osseuse planaire restent de nature indéterminée et requièrent une confrontation avec d’autres modes d’imagerie pour pouvoir trancher. Les radiographies osseuses standards ne sont pas d’une grande aide car pour être visible, la lésion doit être relativement volumineuse, avec une perte importante de l’os trabéculaire. La lésion scintigraphique précède la lésion radiographique de 4 à 18 mois [63]. Pour trancher sur l’origine d’un foyer détecté en scintigraphie planaire, il est souhaitable de recourir aux techniques tomographiques de type TEMP/TDM ou à l’IRM, ou encore à la TEP [51, 54, 61]. Contrairement à la scintigraphie osseuse, en TEP-TDM au FDG, le radiopharmaceutique se concentre dans les cellules tumorales et non pas dans l’os réactionnel péritumoral [64]. Les métastases ostéolytiques sont ainsi beaucoup mieux détectées. Il a été suggéré que la TEP-TDM au FDG pourrait manquer de sensibilité pour la détection des métastases ostéocondensantes [65]. En accord avec plusieurs études récentes, dans notre expérience, la scintigraphie osseuse ne nous semble pas nécessaire lorsqu’une TEP-TDM au FDG est réalisée pour le bilan d’un cancer du sein [51, 55, 60, 66].
Un traceur différent du FDG peut être utilisé pour l’imagerie TEP-TDM : le FNa. Ce radiopharmaceutique a obtenu une AMM en juillet 2008. Il s’agit d’un traceur à tropisme exclusivement osseux. Le mécanisme de la captation du 18F-fluorure est similaire à celui des biphosphonates utilisés lors de la scintigraphie osseuse. Son accumulation dépend de l’activité ostéoblastique et du flux vasculaire local [67]. Il ne s’agit pas d’un traceur spécifique des métastases puisque toute cause d’augmentation du métabolisme osseux (foyers de fracture, ostéomyélite, maladie de Paget, dysplasie fibreuse, etc.) est à l’origine d’une fixation accrue du FNa. Sans augmenter la dose reçue par le patient, la TEP au FNa présente des performances diagnostiques supérieures à la scintigraphie osseuse planaire [68]. La TEP au FNa permet de détecter à la fois les lésions ostéolytiques et les métastases ostéocondensantes [69].
Options thérapeutiques
• les effets secondaires précoces transitoires, survenant en cours de traitement ou quelques semaines après la fin de celui-ci, dont la prise en charge est symptomatique ;
• et les effets secondaires tardifs chez les longs survivants, survenant plusieurs mois après la fin des traitements, qui sont eux de prise en charge thérapeutique complexe sur séquelle fixée.
Radiothérapie
Après chirurgie conservatrice par tumorectomie ou quadrantectomie, une irradiation complémentaire du sein est systématique [70]. Cette irradiation est suivie d’un complément de dose au niveau du lit de tumorectomie par radiothérapie externe ou par curiethérapie en cas de cancer infiltrant [71] — l’intérêt du complément de dose en cas de cancer in situ fait actuellement l’objet d’une étude randomisée multicentrique. En cas d’atteinte ganglionnaire associée, une radiothérapie des aires ganglionnaires axillaire, sus-claviculaire et de la chaîne mammaire interne peut être proposée en fonction du risque de rechute ganglionnaire.
Après mastectomie, la radiothérapie complémentaire de la paroi thoracique est indiquée en cas d’atteinte tumorale cutanée ou pariétale ou en cas de tumeur mesurant plus de 5 cm. Une radiothérapie pariétale thoracique adjuvante est également indiquée en cas d’atteinte ganglionnaire associée et comprend, outre l’irradiation de la paroi thoracique, une irradiation des aires ganglionnaires locorégionales [70].
Chimiothérapie
La place de la chimiothérapie dans la prise en charge du cancer du sein peut s’envisager :
• soit en situation adjuvante, c’est-à-dire en postopératoire, en cas d’atteinte ganglionnaire ou de présence de facteurs de risque de progression métastatique comme une tumeur de grande taille, une tumeur peu différenciée, une absence d’expression tumorale des récepteurs hormonaux, une surexpression tumorale de l’oncoprotéine cerbB2 ou un âge jeune ;
• soit en situation néoadjuvante, c’est-à-dire en première ligne thérapeutique, en cas de tumeur inflammatoire ou de tumeur non résécable d’emblée chirurgicalement.
Ganglion sentinelle
La connaissance du statut ganglionnaire est fondamentale pour la stadification et l’évaluation pronostique chez une patiente porteuse d’un cancer du sein [72, 73]. Le choix des traitements (chimiothérapie adjuvante, champs de radiothérapie, etc.) va dépendre entre autres du statut ganglionnaire. Le curage axillaire systématique devant tout cancer invasif a longtemps été considéré comme un standard thérapeutique [74]. La généralisation du dépistage par mammographie et l’autopalpation font que le cancer est découvert à des stades de plus en plus précoces. La probabilité d’envahissement ganglionnaire axillaire dépend de la taille de la tumeur. Elle est de l’ordre de 5–10 % pour les tumeurs T1a (≤ 5 mm), 15 % pour les tumeurs T1b (6–10 mm), 30 % pour les tumeurs T1c (11–20 mm), et elle dépasse 40 % dans les tumeurs de plus grande taille [72, 73]. Le prélèvement du (ou des) ganglion(s) sentinelle(s) a pour objectif d’obtenir la même information sur le statut ganglionnaire, tout en évitant un curage axillaire aux patientes indemnes de métastases.
La technique du ganglion sentinelle repose sur le principe d’une progression ordonnée de l’invasion lymphatique ganglionnaire, qui suit l’ordre de drainage à partir du site tumoral, permettant de prédire l’absence d’atteinte ganglionnaire si le premier relais est indemne [75–77]. L’identification de ce premier relais ganglionnaire peut se faire en injectant à proximité du lit tumoral soit des particules colorées (bleu patenté, bleu isosulfan), soit des colloïdes radiomarqués (sulfure de rhénium colloïdal marqué au 99mTc ; nanocolloïdes d’albumine humaine marquées au 99mTc). Suite à la migration de ces particules au niveau des voies lymphatiques, l’identification chirurgicale du (ou des) ganglion(s) sentinelle(s) est possible grâce à la coloration et/ou à la radioactivité détectée à l’aide d’une sonde peropératoire. Ces deux techniques sont le plus souvent associées, ce qui permet d’accroître la probabilité de détection du ganglion sentinelle. Les traceurs radioactifs permettent un repérage préopératoire par une scintigraphie (fig. 5.8). Grâce aux nouveaux appareils hybrides, associant gammacaméra et scanner, il est possible de réaliser une acquisition tomoscintigraphique couplée à un scanner de repérage (TEMP-TDM). La position du foyer hyperfixant est ainsi mieux précisée grâce à l’image anatomique sous-jacente (fig. 5.9) [78–81].
Fig. 5.8 Recherche du ganglion sentinelle chez une patiente présentant un carcinome canalaire infiltrant du sein gauche.
L’examen scintigraphique planaire de face montre 1 foyer hyperfixant en région axillaire gauche. L’image de profil montre qu’il existe probablement 2 foyers hyperfixants supplémentaires, moins intenses, localisés derrière le foyer principal. La scintigraphie planaire va être complétée par un examen tomoscintigraphique (fig. 5.9).
Fig. 5.9 TEMP-TDM centrée sur le sein gauche et ses aires ganglionnaires de drainage (même patiente que celle présentée en fig. 5.8).
La TEMP-TDM permet de retrouver les 3 ganglions sentinelles du niveau 1 du creux axillaire détectés par les images planaires (fig. 5.8), et de détecter des ganglions sentinelles en régions sous-pectorale et sous-claviculaire gauche.
La technique du ganglion sentinelle s’est développée dans le but d’éviter aux patientes la morbidité d’un curage axillaire lorsque celui-ci est inutile. Cette morbidité comporte dans les suites immédiates les risques suivants : lymphocèle, dysesthésies et limitation des mouvements de l’épaule, et à plus long terme : lymphœdème, douleurs chroniques et enraidissement de l’épaule [74]. Pour les patientes ayant reçu la technique du ganglion sentinelle sans curage complémentaire, le taux de morbidité est faible mais non nul [82]. Le gain en termes de morbidité est néanmoins reconnu [83]. Par ailleurs, la technique du ganglion sentinelle ne semble pas augmenter le risque de récidive axillaire [84–89]. Dans l’étude américaine du NSABP (National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project) B-32, le taux de rechute axillaire a été de 0,7 % (14/2 011) à 8 ans [89]. Plusieurs études ont par ailleurs montré que la technique du ganglion sentinelle n’avait pas d’impact péjoratif sur la survie globale et sur la survie sans récidive [89–91].
Évaluation en cours de traitement
Cette évaluation concerne les tumeurs localement avancées.
Clinique
En cours de chimiothérapie néoadjuvante, l’évaluation de la réponse thérapeutique au niveau de la tumeur mammaire et des adénopathies est fondamentale pour s’assurer de l’efficacité du protocole de chimiothérapie. L’examen clinique évaluera la régression de la taille tumorale et des adénopathies ainsi que des signes inflammatoires en cas de tumeur inflammatoire. En effet, la réponse clinique avec la réponse radiologique seront des éléments déterminants pour décider du type de chirurgie à l’issue de la chimiothérapie en cas de tumeur non inflammatoire (traitement conservateur ou mastectomie). En revanche, l’examen clinique n’est pas un examen très performant en ce qui concerne la prédiction de la réponse complète histologique qui est généralement surestimée cliniquement [92–95], même si certaines études rapportent des résultats assez proches [96, 97].