5 Amélioration de la prise en charge de la douleur et des résultats des fractures de l’extrémité proximale du fémur
Douleur, douleur aiguë et prévention de la douleur chronique
Traitement insuffisant de la douleur
Pharmacothérapie : molécules habituellement utilisées dans l’analgésie multimodale
Anesthésie locorégionale et contrôle de la douleur
Bien que l’amélioration de la prise en charge de la douleur soit un aspect important des soins donnés au patient influençant profondément son ressenti, une gestion incomplète de la douleur continue à prévaloir lors des soins périopératoires. Étonnamment, ce déficit de prise en charge s’est produit malgré les avancées suivantes en prise en charge de la douleur : (1) amélioration des médicaments, (2) amélioration des techniques d’administration des analgésiques, et (3) développement d’une politique de prise en charge de la douleur, de protocoles et d’équipes dédiées à la prise en charge de la douleur (service antidouleur) dans les hôpitaux de soins primaires et tertiaires. Ce chapitre met l’accent sur l’impact de ces questions importantes chez les patients présentant une fracture de hanche. Pour ces patients, un traitement insuffisant de la douleur est associé à une durée d’hospitalisation plus longue, à une reprise de la marche retardée, et à un déficit fonctionnel à long terme1.
Douleur, douleur aiguë et prévention de la douleur chronique
La douleur chronique survient lorsque la douleur originelle persiste plus longtemps qu’elle n’aurait dû (habituellement > 3 à 6 mois). La cause est moins identifiable et la douleur répond moins aux habituels blocs nerveux périphériques et aux analgésiques. La douleur chronique a un coût important en termes de morbidité et de dépenses de santé. Le développement de la douleur chronique conduit souvent à des soins de longue durée, ce qui est la cause principale des dépenses de santé lors de la prise en charge des fractures de la hanche2.
Analgésie multimodale
• La douleur du patient est prise en compte dans le cadre de l’évaluation initiale médicale et chirurgicale, et les comorbidités ainsi que les autres facteurs pouvant influencer les modalités d’utilisation des différents analgésiques sont notés.
• Les techniques d’analgésie multimodale sont utilisées, avec le paracétamol, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), l’anesthésie locale (infiltrations locales et anesthésie locorégionale), les opioïdes, et d’autres médicaments non opioïdes en combinaison. Cette approche est très importante chez les patients âgés et infirmes avec beaucoup de comorbidités.
• Les effets secondaires et la réaction au traitement sont surveillés chez le patient.
• Le traitement est ajusté jusqu’au contrôle de la douleur depuis la période périopératoire immédiate jusqu’aux phases de mobilisation et de rééducation.
• La prise en charge de la douleur continue après la sortie de l’hôpital.
• Bien que l’efficacité de l’analgésie préventive n’ait pas été démontrée, l’optimisation du contrôle de la douleur à travers l’analgésie multimodale devrait être bénéfique en réduisant la douleur postopératoire chronique. Mais, à l’heure actuelle, les preuves ne sont pas totalement convaincantes, et des controverses existent toujours3.
Traitement insuffisant de la douleur
Durant l’hospitalisation
La douleur continue d’être prévalente parmi les patients subissant une intervention chirurgicale majeure. Entre 1973 et 1999, l’incidence rapportée des douleurs modérées à sévères et celle des douleurs sévères ont été respectivement de 29,7 % et de 10,9 %4. Lorsque l’analgésie intramusculaire (IM) était utilisée seule, l’incidence de la douleur était plus élevée : 67,2 % pour les douleurs modérées à sévère et 29,1 % pour les douleurs sévères. En 2006, une grande étude multicentrique menée dans les centres hospitalo-universitaires canadiens a montré que les incidences sont globalement inchangées, soit 31,5 et 11,4 % pour les deux mêmes catégories5, les niveaux de douleur postopératoire varient selon les différentes interventions chirurgicales, même parmi les diverses techniques chirurgicales pour le traitement des fractures de hanche. Ces variations devraient être prises en compte dans la prise en charge de la douleur6.
Aucune preuve n’indique que le ressenti de la douleur chez des patients âgés est moins important que chez les patients jeunes7,8. Chez les patients subissant une arthroplastie de hanche, aucune corrélation n’a été trouvée entre l’âge et le score de la douleur9. Cependant, les difficultés d’évaluation des risques pourraient mener à un traitement insuffisant de la douleur, en particulier chez les patients âgés avec des troubles cognitifs. Dans une étude sur les fractures de hanche, les patients avec une démence avancée (âge médian, 88 ans) ont reçu seulement un tiers de la quantité d’opioïde par rapport aux patients à l’état cognitif conservé (âge médian, 82 ans), même si 40 % du groupe à l’état cognitif conservé rapportent une douleur sévère à très sévère malgré des doses d’opioïdes plus élevées. De plus, seulement 24 % des patients non communicants ont bénéficié d’une analgésie permanente10. Par conséquent, les patients âgés sont plus à risque d’un traitement insuffisant de la douleur associée aux fractures de hanche.
Après la sortie de l’hôpital
Les patients rapportent souvent un mauvais contrôle de la douleur dans les suites de la sortie hospitalière. Bien qu’il soit connu que la décroissance rapide de l’utilisation d’analgésiques dans les 24 heures avant la sortie peut fournir une indication précise des besoins d’analgésiques dans les jours suivants, la puissance, la dose et la durée d’action de l’analgésique prescrit ne prennent souvent pas en compte les différences des besoins individuels. Par ailleurs, après avoir quitté l’hôpital, les patients ayant eu une fracture de hanche ont reçu nettement moins de traitement dans les 24 premières heures à domicile par rapport aux 24 dernières heures à l’hôpital. Plus d’un tiers des patients n’ont pas reçu d’opioïde, et 18,3 % n’ont bénéficié d’aucun analgésique11. Les transmissions médicales devraient comprendre le traitement de la douleur et il est essentiel pour la continuité des soins que ce paramètre soit pris en compte lorsque les patients sont transférés.
Évaluation de la douleur
L’évaluation de la douleur est la première étape pour sa prise en charge optimale. L’autoévaluation est considérée comme la technique de référence de mesure de la douleur. Les codes de santé et de sûreté vont être mis à jour afin d’inclure la douleur dans le programme d’évaluation de tout le personnel de santé. Les établissements de santé agréés doivent, pour recevoir leur accréditation, inclure l’évaluation de la douleur de la même manière que l’évaluation des autres signes vitaux conventionnels. L’évaluation de la douleur doit être réalisée de manière conforme, appropriée au patient et consignée dans son dossier médical au même titre que les autres signes vitaux11a. Ce concept de « 5e signe vital » aidera à établir un nouveau standard de l’évaluation de la douleur et une documentation fondée sur l’autoévaluation de tous les patients. Les outils d’évaluation de la douleur incluent les outils multidimensionnels, les outils unidimensionnels (intensité de la douleur) et, pour les patients incapables d’utiliser les échelles d’autoévaluation, les outils observationnels.
Outils multidimensionnels
La douleur est une expérience multidimensionnelle et des outils multidimensionnels comme le questionnaire de McGill ont été utilisés pour évaluer le ressenti sensoriel, affectif, l’intensité, l’évolution dans le temps, et d’autres ressentis de la douleur11b. La forme courte du questionnaire de McGill peut également être utilisée dans l’évaluation des douleurs aiguës.
Outils unidimensionnels
• Une échelle de description verbale (EDV) mesure l’intensité de la douleur ou sa réponse au traitement. Par exemple, on demande au patient de choisir dans la liste « aucune, faible, modérée, sévère, intolérable » pour décrire l’intensité de sa douleur. L’échelle est simple, facile à comprendre, adaptée aux patients âgés et aux grands enfants. Les désavantages sont qu’il s’agit d’une échelle discontinue ; les changements d’intensité de la douleur entre chaque mot peuvent ne pas être les mêmes, le mot choisi par le patient peut ne pas décrire sa propre expérience de la douleur, et l’échelle est sujette à des biais.
• Une EN utilise les nombres de 0 à 10 (0 étant aucune douleur et 10 étant la pire douleur possible) ; elle est aussi simple et corrélée avec l’EVA. Il a été retrouvé que l’EN est l’échelle de mesure d’intensité de la douleur préférée. Cependant, cette échelle n’est pas nécessairement linéaire (par exemple l’élévation de l’intensité de la douleur de 7 à 8 n’est pas la même que de 1 à 2) (fig. 5-1).
• L’EVA utilise une ligne de 10 cm, une extrémité indiquant « pas de douleur » et l’autre « la pire douleur possible ». Il est demandé au patient d’indiquer par une marque sur la ligne l’intensité de sa douleur. L’EVA peut également être modifiée pour mesurer le soulagement de la douleur. Cette échelle peut être plus difficile à comprendre pour les patients âgés, les patients avec des troubles cognitifs, et les patients au niveau de conscience altéré.
• Les échelles imagées de la douleur représentant une série de visage indiquant une élévation de l’intensité de la douleur peuvent être utilisées chez les enfants, mais également chez les patients avec des difficultés de langage (fig. 5-2).
Outils observationnels (comportementaux) pour les patients âgés avec troubles cognitifs
Les patients âgés ont plus de difficultés à utiliser les échelles d’autoévaluation que les jeunes adultes12. Chez certains patients âgés et déficients cognitifs, l’autoévaluation peut ne pas être fiable. Les variations des constantes vitales et de la réponse autonome peuvent être des indicateurs d’une grande aide pour la prise en charge de la douleur, mais ces signes sont non spécifiques et leurs variations sont difficiles à différencier des autres états de stress. Les outils observationnels (comportementaux) ont été développés pour mesurer la douleur chez les patients déficients cognitifs. Ces outils utilisés par les équipes estiment habituellement la douleur en fonction d’une liste comprenant les vocalisations, les expressions faciales et les attitudes corporelles suggérant la douleur (tableau 5-1). Il a été rapporté que certains outils ont de meilleures fiabilité et validité (DS-DAT, PAINAD, PACSLAC, DOLOPLUS2 et ECPA)13,14, mais aucun outil n’est à lui seul le plus adapté chez les patients âgés avec une déficience cognitive. La plupart des outils observationnels nécessitent encore d’être développés et testés.
Les recommandations pour l’évaluation de la douleur chez les patients âgés sont les suivantes15.
• Une tentative d’utilisation d’un outil de mesure unidimensionnel doit être faite.
• Un outil observationnel validé pour évaluer la douleur parmi les patients âgés avec une déficience cognitive devrait être utilisé. Les cliniciens utilisant les outils d’évaluation observationnels de la douleur devraient prendre de grandes précautions car ces outils peuvent échouer à détecter la douleur ou un score élevé peut être induit par des comportements autres que la douleur.
• L’anamnèse du patient, les conclusions de l’examen clinique et les rapports de l’équipe soignante doivent être considérés avec attention.
• L’approche de l’évaluation de la douleur doit être adaptée à chaque patient : collecte de données de référence, observation des déviations par rapport à ces données de référence, cotation de la douleur en fonction d’événements identifiés, et observation des actions ou des traitements soulageant la douleur.
• Le personnel soignant devrait prendre en considération que les manifestations douloureuses sont vraisemblablement déclenchées lors des mouvements plutôt qu’au repos.
Pharmacothérapie : molécules habituellement utilisées dans l’analgésie multimodale
Paracétamol
Le paracétamol est considéré comme étant un faible inhibiteur indirect de la cyclo-oxygénase (COX). C’est un antipyrétique et un faible analgésique. Il a quelques effets secondaires, sauf si la dose limite recommandée (4 g/jour chez l’adulte16) est dépassée. La United States Pharmacopoeia Dispensing Information (USPDI) recommande 2,6 g/jour pour un traitement au long cours (> 10 jours)17. Il n’y a pas d’effet conséquent lié à l’âge sur la clairance du paracétamol. Donc, il n’y a pas d’indication à réduire les doses chez les patients âgés18. Cependant, chez les patients ayant des pathologies hépatiques préexistantes ou des antécédents d’alcoolisme chronique, les doses quotidiennes doivent être réduites de 50 ou 75 %18. Les patients doivent être informés que beaucoup de traitements en vente libre contiennent du paracétamol. Un surdosage peut conduire à une défaillance hépatique fatale. Dans une étude, il a été retrouvé que le paracétamol est la cause la plus courante d’insuffisance hépatique aiguë, soit 39 % des cas19.
Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
Les AINS ont des propriétés analgésiques, anti-inflammatoires et antipyrétiques. Ils peuvent être utilisés seuls pour les douleurs faibles à modérées. Lorsqu’ils sont utilisés combinés aux opioïdes, les AINS améliorent le contrôle de la douleur et réduisent les besoins en opioïde jusqu’à 30 %20,21. Les AINS diminuent également les nausées et vomissements (≤ 30 %) et la sédation (≤ 29 %) postopératoires22.
Risque cardiovasculaire
Dans l’étude VIGOR (Vioxx Gastrointestinal Outcomes Research), le risque relatif de survenue d’un événement thrombo-embolique cardiovasculaire (infarctus du myocarde, angor instable, thrombose intracardiaque, arrêt cardiaque réanimé, mort soudaine ou inexpliquée, accident vasculaire cérébral, accident ischémique transitoire) avec un traitement par rofécoxib comparé au naproxène était de 2,38. Encore d’autres études à propos du risque cardiovasculaire induit par les inhibiteurs sélectifs de la COX-2 et autres AINS ont changé les recommandations sur l’utilisation des AINS dans la pratique clinique23–26.
Les données publiées ont montré une élévation du risque d’événements cardiovasculaires induits par les inhibiteurs sélectifs de la COX-2 (risque relatif, 1,42) et quelques AINS habituels. Les médicaments impliqués sont le rofécoxib, le diclofénac, le méloxicam, l’indométacine, les doses élevées d’ibuprofène (800 mg trois fois par jour) mais pas les faibles doses d’ibuprofène, de piroxicam, de naproxène et de célécoxib à 200 mg par jour ou moins. Chez les patients aux antécédents d’infarctus du myocarde, les inhibiteurs sélectifs de la COX-2 à toutes les doses et les AINS non sélectifs à doses élevées augmentent la mortalité27–30. Une seule étude conclut que le risque d’infarctus du myocarde est faible lors d’un traitement par AINS et par un inhibiteur sélectif de la COX-2, mais que le rofécoxib possède le risque le plus important30. Les recommandations scientifiques de l’American Heart Association préconisent une prise en charge progressive (fig. 5-3) des douleurs musculosquelettiques des patients aux antécédents cardiovasculaires ou à fort risque cardiovasculaire31.
Régénération osseuse
L’activité COX est impliquée dans la régénération du tissu squelettique. L’indométacine a été utilisée dans la prévention de l’ossification ectopique après arthroplastie de hanche. Dans certains modèles animaux, les AINS sont corrélés de manière variable avec un défaut de régénération osseuse. Il a été également rapporté dans des études que des doses élevées ou un traitement postopératoire prolongé par AINS augmentent le risque de pseudarthrose. Cependant, une revue de la littérature montre des résultats contradictoires à propos de l’effet des AINS sur la régénération osseuse, et un essai randomisé bien conduit fait défaut32,33. Des recherches complémentaires sont nécessaires sur ce sujet.
Complications gastro-intestinales
L’incidence des hospitalisations pour saignements gastro-intestinaux après prise d’AINS est de 1 à 2 % par an, et cette complication a une mortalité de 5 à 10 %34. L’utilisation des AINS et une infection par Helicobacter pylori agissent de manière synergique et sont les deux causes principales d’ulcère35. Les facteurs de risque d’un saignement gastro-intestinal après prise AINS sont un âge supérieur à 60 ans, des antécédents gastro-intestinaux, des doses élevées d’AINS (> 2 fois la normale), et l’utilisation concomitante de corticoïdes et d’anticoagulants36. Une dyspepsie survient chez 10 à 20 % des patients prenant des AINS, mais ce n’est pas un facteur prédictif du développement d’un ulcère. Les risques de survenue de complications gastro-intestinales après prise d’AINS sont représentés par ordre décroissant par l’indométacine, le diclofénac, le piroxicam, le ténoxicam, l’ibuprofène et le méloxicam. Les AINS de courte durée d’action sont moins toxiques que les AINS de longue durée d’action37. Le célécoxib, inhibiteur sélectif de la COX-2, est associé à une incidence de survenue d’ulcère similaire à celle du placebo35. Beaucoup de patients restent asymptomatiques jusqu’à la survenue d’une hémorragie gastro-intestinale massive.
La prise d’AINS durant le repas peut réduire les effets secondaires gastro-intestinaux. Le risque de survenue d’ulcère après prise d’AINS est réduit de 40 % en utilisant du misoprostol, un analogue de la prostaglandine E ayant pour effet secondaire des nausées, des diarrhées et des douleurs abdominales. Les inhibiteurs de la pompe à proton (IPP) sont légèrement moins efficaces mais sont mieux tolérés. Le traitement par un antagoniste des récepteurs histaminiques (H2) est inadéquat38.
Optimisation du contrôle de la douleur
Les recommandations pour l’utilisation des AINS proviennent du comité scientifique de l’American Heart Association31, des comités de relecture, et de l’American Gastroenterological Association (AGA). Les recommandations des conférences de consensus de l’AGA sur l’utilisation des AINS comprennent :
• une revue des indications du traitement et des facteurs de risque ;
• la prescription des molécules les moins risquées :
• la limitation de la dose et de la durée du traitement ;
• la recherche d’un traitement par AINS préexistant afin d’éviter de les combiner ;
• le traitement d’une infection à H. pylori connue, mais un test de dépistage de H. pylori ne doit pas être réalisé chez des patients au risque moyen, débutant un traitement par AINS ;
• la surveillance des effets secondaires cardiovasculaires chez tous les patients prenant des AINS.
Traitement par opioïde
Sous-utilisation et sous-dosage lors du contrôle de la douleur
Les opioïdes restent définitivement la thérapeutique la plus efficace pour la plupart des patients ayant des douleurs intenses. De nombreux facteurs liés aux médecins, aux patients, et d’ordre légal et financier contribuent à une sous-utilisation des opioïdes pour le traitement de la douleur39,40. Chez les patients aux douleurs aiguës ou postopératoires, ces facteurs comprennent :
• une évaluation de la douleur inadéquate ;
• un manque de connaissance des dosages adaptés ;
• la peur des effets secondaires (dépression respiratoire, delirium, un retard de la reprise du transit intestinal) ;
• l’incapacité de traiter les effets secondaires efficacement ;
• la conviction que les pathologies médicales ou chirurgicales présentées par les patients sont peu douloureuses, une conviction fondée, à des degrés variables, sur l’expérience clinique mais qui ne prend pas en compte les variations interindividuelles ;
• le retard de la prise du traitement contre la douleur ;
• les patients ne rapportant pas assez leur douleur ou incapables de le faire ;
• les patients eux-mêmes soucieux d’une dépendance et d’une accoutumance aux substances opioïdes (« je ne veux pas l’utiliser maintenant car cela n’aura pas d’effet lorsque ma douleur sera vraiment intense »).
Comme d’autres traitements, les effets analgésiques des opioïde sont liés à la concentration plasmatique de la molécule. La concentration moyenne efficace (CME) et la concentration minimale efficace analgésique (CMEA) sont utilisées pour évaluer la relation entre la concentration plasmatique d’opioïde et son effet. La CME est la concentration à laquelle une nouvelle dose est requise. La CMEA est la concentration minimale (déterminée par une perfusion continue) produisant une analgésie. Bien que la CME puisse quadrupler ou quintupler entre les patients41, les doses prescrites sont bien souvent trop faibles par rapport aux doses recommandées nécessaires pour atteindre la CMEA. Ces patients sont vraisemblablement peu ou pas soulagés plutôt que « partiellement » soulagés. Parallèlement, les prescripteurs ne prennent pas toujours en compte les différences d’efficacité entre les divers opioïdes, et il en résulte des doses trop faibles ou trop élevées.
Une grande étude sur les soins hospitaliers en 2006 a montré que la dose médiane de morphine prescrite dans les services de chirurgie, de médecine et d’urgences n’était que de 2 mg (écart-type, 2 à 4 mg), et les doses les plus faibles furent données aux patients de chirurgie. Dans la même étude, les doses d’hydromorphone et de mépéridine prescrites étaient 6,7 fois et 3,4 fois plus importantes que les doses de morphine prescrites42. Ces données suggèrent que la morphine prescrite est « sous-dosée », mais que l’hydromorphone et la mépéridine sont prescrites a de trop fortes doses, peut-être à cause d’une mauvaise compréhension de l’efficacité et du dosage des traitements (voir tableaux 5-3 et 5-4 de la conversion équianalgésique des opioïdes).