Chapitre 46. Asthme
Chapitre relu par Fr. Troussier, Mme le Dr
pédiatre au CHU d’Angers
Rappel sur la maladie
AsthmeÉducation thérapeutiqueQualité de vieL’asthme est la plus fréquente des maladies chroniques de l’enfance; elle constitue un problème de santé publique et un défi pour les équipes pédiatriques. L’asthme a bénéficié ces dernières années de progrès considérables, tant dans la connaissance des mécanismes physiopathologiques que dans les modalités thérapeutiques. Cependant, alors que les traitements, les mesures préventives et les programmes éducatifs se sont multipliés, sa fréquence, sa gravité et même les décès qui lui sont attribués ont paradoxalement augmenté (Grimfeld & Lefèvre, 2005). Ce constat est probablement lié à des problématiques d’observance de traitements et à certains facteurs psychiques, tels le déniDéni des symptômes et la dépressionDépression (Birkhead et al., 1989).
Définitions
L’asthme est dû à une inflammation de la muqueuse bronchique. C’est une maladie chronique caractérisée par des crises récidivantes de dyspnée expiratoire avec distension thoracique, accompagnée de sifflements.
La crise d’asthme est définie par un accès paroxystique de durée brève. Les symptômes, volontiers nocturnes, sont : dyspnée, oppression thoracique, sibilants, toux. Ils cèdent spontanément ou sous l’effet du traitement.
L’exacerbation correspond à la persistance des symptômes respiratoires au-delà de 24 heures.
L’asthme aigu grave correspond à une crise qui ne répond pas au traitement ou qui est d’intensité inhabituelle (Marguet, 2007).
Données épidémiologiques
L’asthme est une pathologie fréquente qui touche entre 6 et 10 % des enfants (Grimfeld & Lefèvre, 2005; Marchac, 2007; Weiss, 2007). En France, la prévalence de l’asthme varie entre 7 et 9 % chez les enfants de six à sept ans et entre 10 et 15 % chez les adolescents de treize à quatorze ans (Delacourt et al., 2008; Delmas, 2009). Cette prévalence est en augmentation (Lazarovici, 1993; Desombre et al., 2004; Abou Taam, 2007); elle aurait doublé au cours de ces quinze dernières années (Faure, 2009). Pollution, mode de vie, modifications de l’environnement seraient à l’origine de cette évolution.
La majorité des asthmes de l’enfant s’améliore à l’adolescence, mais le pourcentage de résolution est faible (inférieur à 30 %) et rémission ne signifie pas guérison. Il existe des facteurs prédictifs de moins bon pronostic : asthme sévère dans l’enfance et en phase prépubertaire, terrain atopique, sexe féminin, tabagisme associé. La population d’enfants atteints d’asthme sévère est estimée à 9,6 % des patients asthmatiques (Just & Thouvenin, 2007).
Chez l’enfant, 14 % des hospitalisations sont dues à des maladies respiratoires et 15 % d’entre elles sont liées à l’asthme (Just & Thouvenin, 2007). L’asthme de l’enfant serait une des premières causes de consultations aux urgences pédiatriques (5 à 6 %, pouvant atteindre plus de 20 % en hiver) (Marguet, 2007). Enfin, c’est à l’adolescence que le taux de décès dû à l’asthme est le plus important (Weiss & Wagener, 1990).
Clinique
L’asthme est une pathologie chronique de sévérité variable, marquée par des épisodes réversibles de dyspnée aiguë. Il existe des scores de sévérité définis en quatre niveaux :
• asthme intermittent (symptômes rares, exacerbations brèves);
• asthme persistant léger (symptômes plus d’une fois par semaine mais moins d’une fois par jour, activités perturbées);
• asthme persistant modéré (symptômes quotidiens, activités et sommeil perturbés);
• asthme persistant sévère (symptômes permanents, limitation de l’activité physique).
Le degré de sévérité d’un asthme est fondé sur la gravité et la fréquence des symptômes et des exacerbations, ainsi que sur les paramètres fonctionnels respiratoires (de Blic & Deschildre, 2008). L’asthme sévère se rencontre plutôt chez le garçon au cours de l’enfance, alors qu’il s’associe au sexe féminin à l’âge adulte. Parmi les facteurs de sévérité, il faut retenir le rôle prédominant de l’atopie, particulièrement dans l’asthme à début précoce, qui touche surtout le garçon, et de l’obésité, notamment chez la fille ayant une puberté précoce (Just & Thouvenin, 2007).
Asthme de l’enfant de moins de 36 mois
Il est défini comme tout épisode dyspnéique avec râles sibilants qui s’est produit au moins trois fois depuis la naissance (Haute Autorité de santé, 2009). Son diagnostic est essentiellement clinique. Une absence d’angoisse manifeste est souvent décrite chez le nourrisson dyspnéique, qui paraît peu incommodé par cette dyspnée (Marcelli & Cohen, 2009).
Asthme de l’enfant (ou du «grand enfant»)
Il prend son allure caractéristique à partir de deux ou trois ans, avec des symptômes récidivants de sifflement, d’essoufflement et de toux, particulièrement la nuit et au petit matin (Marchac, 2007). La crise d’asthme débute souvent en fin d’après-midi ou le soir, et est généralement précédée de prodromes. La dyspnée, d’abord silencieuse puis sifflante, prédomine à l’expiration. La toux est fréquente. L’enfant est assis ou debout, penché en avant, souvent angoissé. L’auscultation retrouve des sibilants. En théorie, la dyspnée cède spontanément en quelques heures, mais elle est presque toujours nettement écourtée par le traitement (Marchac, 2007).
Asthme de l’adolescent
Il n’existe pas de caractéristiques symptomatiques cliniques particulières à l’adolescence (Grimfeld & Lefèvre, 2005). Les crises ont la même allure que celles, classiques, du grand enfant et de l’adulte. Le diagnostic est rarement porté à l’adolescence. À noter un taux de mortalité plus élevé à cet âge. Des facteurs de risque sont alors fréquemment retrouvés (Faure, 2009) :
• asthme sévère sous-estimé;
• auto-médication anarchique;
• arrêt brutal d’une corticothérapie prolongée;
• relations familiales perturbées.
Ainsi, dans tous les cas, la surveillance de l’asthme à cet âge doit être rapprochée, quel que soit le degré de gravité de la maladie.
Explorations
Elles sont de deux ordres et permettent à la fois de déterminer la sévérité et de surveiller l’évolution de la maladie :
• les tests allergologiques : tests cutanés permettant de diagnostiquer une allergie;
• les épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) : au moins une fois par an.
Principes de prise en charge
Le traitement a pour objectif de normaliser les fonctions respiratoires intercritiques, mais aussi de redonner à l’enfant asthmatique une vie familiale, scolaire, sociale et sportive normale, en rendant les crises les plus rares possible (Abou Taam, 2007). La prise en charge de l’asthme comprend :
• le traitement de la crise d’asthme;
• un traitement de fond, en cas d’asthme persistant;
• des mesures de contrôle de l’environnement et des éventuels facteurs aggravants.
Seul l’asthme intermittent ne nécessite qu’un traitement bronchodilatateur, à la demande.
Les asthmes persistants nécessitent un traitement de fond, qui repose essentiellement sur la corticothérapie inhalée (de Blic, 2004 et 2005; Global Initiative for Asthma (Gina), 2008). Cependant, malgré l’existence de thérapeutiques efficaces et de recommandations internationales, l’asthme reste une maladie insuffisamment traitée (Weiss, 2007).
Spécificités et particularités de la maladie asthmatique
Aux plans somatique et fonctionnel
Les répercussions de la maladie asthmatique sont variables en fonction de l’intensité des symptômes, ainsi que de l’âge de l’enfant, de son vécu de la maladie et de la place qu’occupe l’asthme dans la dynamique familiale.
Pour l’enfant
Maladie asthmatique
L’asthme est une pathologie chronique qui peut être de sévérité variable. Il existe un risque de crises sévères, potentiellement dangereuses. L’asthme nécessite donc un suivi régulier. En cas d’asthme persistant, un traitement de fond est mis en place, souvent pour une durée prolongée. Dans certaines formes graves, l’asthme est parfois mis en cause dans les retards de croissance pubertaire (McCowan et al., 1998). Les traitements corticoïdes sont eux aussi mis en cause. Toutefois, ce retard n’intervient pas sur la taille définitive attendue chez le patient.
Traitements médicamenteux
Des recommandations nationales (Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES), 2001 et 2002) et internationales (Gina, 2008) existent concernant la prise en charge de l’asthme, en fonction de sa sévérité.
Le traitement médicamenteux de l’asthme intermittent comprend l’utilisation d’un traitement bronchodilatateur inhalé, à la demande. Les asthmes persistants nécessitent un traitement de fond, qui est pris quotidiennement et sur le long terme.
Plusieurs systèmes d’inhalation existent. Le système choisi doit être adapté aux capacités techniques d’exécution de l’enfant (avant 5–6 ans, l’utilisation d’une chambre d’inhalation est obligatoire; après 6 ans, l’enfant est capable d’utiliser la plupart des systèmes d’inhalation) (Delacourt et al., 2008).
Observance thérapeutique
Elle serait d’environ 50 % chez l’enfant asthmatique (de Blic, 2007; Weiss, 2007). Et encore plus faible chez les adolescents où elle pourrait attendre moins de 30 % dans certaines études (Weiss, 2007). La perception de la maladie peut être source d’une mauvaise adhérence thérapeutique (Chateaux & Spitz, 2006). De même, la nature des traitements de l’asthme peut être un motif de mauvaise observance (contraintes quotidiennes même en l’absence de symptômes).
La mauvaise observanceObservance peut parfois être l’expression d’un mal-être. Particulièrement pour l’adolescent, les craintes d’un retard de croissance ou d’une obésité liés aux traitements (corticoïdes), non seulement sont des facteurs de mauvaise observance, mais peuvent également entraver une représentation psychique satisfaisante de l’«image du corpsCorpsimage du» (Grimfeld & Lefèvre, 2005).
Hospitalisations
L’hospitalisation est rare, mais nécessaire en cas de gravité de la crise d’asthme (hypoxémie), en cas de facteurs de risque d’asthme aigu grave ou de non-réponse au traitement. Elle s’impose parfois aussi pour des raisons «psychosociales».
Surveillance et Suivi
La sévérité de l’asthme doit être évaluée lors de la première consultation et réévaluée régulièrement tout au long du suivi. Les outils de mesure de l’intensité de l’asthme sont cliniques (symptômes diurnes ou nocturnes, gêne à l’effort, consommation de β-2-mimétiques), fonctionnels (explorations fonctionnelles respiratoires, peak flow ou débit de pointe). Dans le suivi, la notion de «contrôle» de l’asthme est préférable à celle de sévérité. Cette notion de contrôle traduit la maîtrise de la maladie par une prise en charge donnée et reflète l’activité dynamique de la maladie sur quelques semaines; le contrôle doit être évalué à chaque consultation, en tenant compte des informations apportées par l’enfant et ses parents (de Blic & Deschildre, 2008).
Éducation thérapeutique
Éducation thérapeutiqueL’éducation thérapeutique fait partie intégrante de la prise en charge de l’enfant asthmatique. Elle vise à aider l’enfant et ses parents à acquérir et à maintenir des compétences permettant une gestion optimale de la vie de l’enfant avec la maladie (ANAES, 2002). Elle est personnalisée et adaptée à l’enfant et ses parents.
Elle est réalisée par le médecin lors des consultations, mais peut aussi être délivrée dans un cadre plus structuré, les «écoles de l’asthme», animées par des équipes pluridisciplinaires spécialisées (Weiss, 2007).
Mesures de contrôle de l’environnement et des éventuels facteurs aggravants
Il est important de contrôler les facteurs déclenchants dans l’environnement : mise à jour des vaccinations, éviction des allergènes et autres irritants respiratoires (Abou Taam, 2007). Le tabagisme actif chez l’adolescent a une action irritante et inflammatoire directe sur les voies aériennes supérieures et inférieures (Annesi-Maesano, 2007). Le tabagisme passif est tout aussi préoccupant. Outre le tabac, d’autres facteurs aggravants de la maladie doivent être pris en considération, en particulier les allergies alimentaires, la rhinite allergique, l’obésité, le reflux gastro-œsophagien.
Scolarité
Rares sont les difficultés scolaires liées directement à l’asthme. Ce sont davantage la baisse de l’estime de soi ou des troubles de l’attention qui sont susceptibles de retentir sur les résultats scolaires. Un projet d’accueil individualisé peut être mis en place en milieu scolaire, à la demande des parents. Le PAI permet de formaliser les procédures d’urgence chez l’enfant asthmatique sur le temps scolaire (Abou Taam, 2007).
Sport
Pendant longtemps, les enfants asthmatiques ont été dispensés de sport. Aujourd’hui, les activités sportives sont non seulement autorisées, mais fortement encouragées (exceptée la plongée sous-marine). Certains adolescents asthmatiques excellent dans certaines disciplines sportives (Randolph, 1997). L’asthme d’effort ou «à l’exercice» est un obstacle aux activités sportives et doit être pris en charge.
Qualité de vie
Qualité de vieL’asthme retentit sur la qualité de vie de l’enfant et a un impact sur son bien-être et ses interactions avec les autres. L’enfant asthmatique doit apprendre à gérer la réduction de ses fonctions respiratoires (respiration sifflante, essoufflement rapide, sensation d’oppression) lors de certaines activités physiques et jeux avec ses amis, au cours de certains sports. Il doit aussi reconnaître ses émotions et ses angoisses liées à la maladie (peur de la crise) (Chateaux & Spitz, 2008).
L’enfant doit enfin accepter les contraintes liées aux traitements (horaires, nombre de prises). Par ailleurs, il semble que les sentiments négatifs associés par l’enfant à son asthme et les difficultés de gestion des parents soient liés à une plus mauvaise qualité de vie (Chateaux & Spitz, 2008).
Enfin, dans la majorité des cas, la maladie asthmatique en elle-même n’interfère pas avec la sexualité.
Pour les parents
Les parents tentent de s’adapter pour faire face à l’asthme de leur enfant. Ils doivent apprendre à gérer les crises d’asthme, sans angoisse ni panique.
Les parents du petit enfant asthmatique sont très impliqués dans la réalisation du traitement. Lorsque l’enfant grandit, les parents jouent un rôle dans la qualité de l’observance thérapeutique.
Par ailleurs, les parents ont un rôle important dans les mesures de «contrôle de l’environnement» qui participent à la lutte contre l’inflammation bronchique (Abou Taam, 2007). Il s’agit principalement de :
• la réduction de la charge allergénique au domicile (acariens…);
• la limitation des contacts allergéniques extérieurs (pollens…);
• la lutte contre les moisissures;
• l’éviction des animaux domestiques auxquels l’enfant est allergique;
• l’arrêt du tabac (pour lutter contre le tabagisme passif).
Ces aménagements de la vie de tous les jours se font parfois au prix de sacrifices… et d’une présence parentale marquée auprès de leur enfant, jusqu’à acquérir une compétence dans les soins et le contrôle des crises. Ce n’est pas sans générer angoisse, agressivité, culpabilité, surprotection ou impuissance. Ces affects sont fortement mobilisés quand une crise aboutit à une hospitalisation et donc une séparation.
Au quotidien, de nombreuses études témoignent du rôle des parents dans la majoration ou la régression de la maladie, non seulement parce qu’ils gèrent en grande partie les soins, mais aussi à cause de la place qu’ils occupent dans le système relationnel ainsi créé (Lazarovici, 1993).
Au plan psychopathologique
À la naissance, la nécessité vitale qui s’impose au bébé est de respirer, et le premier cri sera pour l’entourage la première manifestation de sa bonne santé et de sa vie indépendante. Plus tard, l’air, objet d’échange du nouveau-né avec le milieu, sera le support de la parole. Respirer, c’est aussi percevoir et sentir les différentes stimulations olfactives qui constitueront les premiers repères dans le monde sensoriel (Vervier et al., 1996). La respiration témoigne de l’intensité des émotions (amplitude et fréquence expiratoires et inspiratoires), d’un état de bien-être ou de mal-être. Une dyspnée ou une polypnée, parce qu’elle atteint la fonction respiratoire, s’apparente rapidement à une menace vitale pour l’existence même de l’enfant, et génère chez les parents une grande anxiété (Vervier et al., 1996).
Les aspects psychiques sont donc très intriqués aux manifestations physiques. L’asthme s’intègre dans le cadre des pathologies psychosomatiquesPsychosomatique qui ont fait l’objet d’une abondante littérature. En France, L. Kreisler s’est beaucoup intéressé à la clinique psychosomatique de l’enfant asthmatique (Kreisler, 1987; Kreisler & Fain, 1995). Le rôle joué par les facteurs psychiques dans l’asthme est indéniable, tant dans le déclenchement que dans le déroulement des crises et dans l’évolution de la maladie (Desombre et al., 2004).
Dans ce contexte, il semble important de s’intéresser aux représentations de la maladie asthmatique pour l’enfant et pour sa famille, de façon à mieux appréhender les problématiques.
Du côté de l’enfant
Vécu de l’enfant
L’âge de l’enfant entre en jeu dans son vécu et ses réactions face à la maladie asthmatique.
Chaque enfant a ses propres représentations de la maladie et a tendance à élaborer une «théorie explicative» de sa maladie, qui prend généralement appui sur un événement de sa vie (Weiss, 2007). Ces «théories explicatives» ou «théories étiologiques» concernant la maladie sont souvent empreintes de culpabilité.
De plus, il est parfois décrit chez l’enfant asthmatique la sensation d’être perçu comme différent, limité dans ses activités, marginalisé par rapport à ses camarades (Weiss, 2007).
L’anxiété semble être le facteur psychologique le plus souvent associé à la dyspnée. On dit parfois que «le souffle, c’est la vie». Ainsi, il n’est pas étonnant que la difficulté de respirer confronte à l’angoisse de mort (Newinger & Légeron, 2005). Les enfants atteints d’asthme élaborent des mécanismes d’adaptation face à ces angoisses (stratégies de coping).

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