45: Uvéites médicamenteuses

Chapitre 45 Uvéites médicamenteuses



Les uvéites médicamenteuses représentent un groupe hétérogène de manifestations inflammatoires intraoculaires (cellules, tyndall en chambre antérieure et/ou dans le vitré) secondaires à l’administration systémique, topique, péri-oculaire ou intraoculaire de médicaments. La relation de causalité entre la survenue d’une uvéite et l’exposition à un principe actif n’est pas toujours manifeste et, dans la majorité des cas, la pathogenèse de l’inflammation observée n’a pu être élucidée. De très nombreux principes actifs utilisés à des fins thérapeutiques, prophylactiques ou diagnostiques ont été associés au développement d’une uvéite ; certains agents, comme la rifabutine, ont fait l’objet d’une littérature abondante, alors que d’autres molécules n’ont été associées au développement d’une uvéite que de manière anecdotique.


En 1981, Naranjo et al. ont déterminé sept critères permettant de juger de la probabilité d’un effet secondaire médicamenteux [1]. Parmi ces critères, on retient la réversibilité de l’effet secondaire à l’arrêt du traitement, la récidive lors de la réintroduction du traitement (rechallenge) et une intensification de l’effet secondaire lors de l’augmentation de la dose (dose-dépendance) [1]. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a également établi six catégories de probabilité d’effets indésirables médicamenteux (World Health Organization causality assessment guide of suspected adverse reactions) [2, 3]. Les trois principaux critères de classification de l’OMS sont :





Les différentes combinaisons possibles de ces trois critères permettent de définir le lien de cause à effet comme « certain », « probable », « possible », « peu probable », « conditionnel/non classé » ou « non évaluable/non classable ». Lorsqu’il est « certain », les trois critères de classification sont positifs. S’il est « probable », cela signifie que tout est positif mais qu’il n’y a pas de données quant à un rechallenge positif. Enfin, la catégorie « possible » implique que le délai temporel entre l’administration du médicament et l’effet secondaire observé est évocateur, mais que l’effet secondaire pourrait avoir une autre cause et qu’il n’y a pas de données concernant le dechallenge.


De manière plus générale, un effet secondaire médicamenteux reste un diagnostic d’exclusion, après que toute autre cause potentielle a été écartée.


Il existe un registre en ligne permettant de rechercher ou de signaler un potentiel effet secondaire médicamenteux sur l’œil1. Il faut être membre de l’American Academy of Ophthalmology pour pouvoir y accéder en ligne sans frais.



Pathogenèse


De nombreuses hypothèses ont été émises pour expliquer l’inflammation intraoculaire observée après administration de certains principes actifs. Deux mécanismes principaux sont invoqués :






Médicaments administrés par voie systémique



RIFABUTINE


La rifabutine est un dérivé semi-synthétique de la rifamycine administré par voie orale pour la prophylaxie et le traitement des infections à Mycobacterium avium-intracellulare complex (MAC) chez l’individu infecté par le VIH, plus rarement chez le sujet immunocompétent. La rifabutine est également utilisée parfois dans le traitement de la tuberculose, ainsi que par certains cliniciens pour le traitement de la maladie de Crohn en raison de l’implication partielle présumée de Mycobacterium paratuberculosis dans la pathogenèse de cette maladie.


La pathogenèse de l’uvéite observée dans le cadre de la prise de rifabutine n’est pas connue. Il est possible que la rifabutine, libre ou liée à des protéines plasmatiques ou tissulaires, induise la production d’anticorps spécifiques, comme cela est bien connu avec la rifampicine. La présence de ces complexes immuns est susceptible de déclencher une réaction inflammatoire. Des complexes immuns circulants ont été retrouvés chez des patients traités par rifabutine [4], mais sans preuve concluante qu’ils étaient directement impliqués dans la genèse de l’inflammation intraoculaire. Il est peu probable que les lymphocytes T jouent un rôle déterminant dans la mesure où la majorité des cas d’uvéite induite par la rifabutine sont observés chez le sujet atteint de sida [5]. Le rôle de micro-organismes comme MAC n’est pas non plus très clair. En effet, MAC est rarement une cause d’inflammation intraoculaire chez le sujet infecté par le VIH, et cette inflammation est généralement très sévère, se présentant de manière tout à fait aspécifique et non sélective sous forme d’une endophtalmie [6] ou d’une panophtalmie [7]. De plus, des cas d’uvéite antérieure ont été décrits chez des sujets atteints de sida traités par rifabutine à titre prophylactique, sans évidence de bactériémie ou d’infection active à MAC [8]. La libération massive d’antigènes de MAC sous l’effet de la rifabutine, par analogie au phénomène de Jarish-Herxheimer, pourrait expliquer la survenue d’une réaction inflammatoire. Cependant, cette dernière survient souvent plusieurs semaines après le début du traitement par rifabutine, contrairement au phénomène de Jarish-Herxheimer qui se manifeste rapidement après la prise de pénicilline ; en outre, même si la rifabutine a également été associée à un syndrome d’arthrite/arthralgies [4] et à un pseudo-ictère [9], la relative spécificité oculaire de la réaction inflammatoire observée chez les patients traités par rifabutine rend l’hypothèse d’une réaction de type Jarish-Herxheimer moins probable.


La rifabutine est très souvent utilisée en association à d’autres agents antimicrobiens, parmi lesquels la clarithromycine, l’éthambutol et le fluconazole. La plupart des cliniciens s’accordent à penser qu’un traitement concomitant de dérivés azolés et de macrolides peut entraîner une élévation des taux sériques de rifabutine par interaction avec le cytochrome P450 hépatique, renforçant ainsi le potentiel inflammatoire de la rifabutine et le risque de développement d’une uvéite [5, 10].


L’intensité de l’inflammation intraoculaire semble liée à la dose quotidienne de rifabutine. Toutefois, une uvéite peut déjà être observée à une dose de 300 mg par jour, que ce soit pour la prophylaxie ou le traitement d’une infection à MAC [5, 8, 1016] ou dans le cadre thérapeutique d’une maladie de Crohn [17, 18].


La symptomatologie de l’uvéite induite par la rifabutine consiste principalement en une photophobie, une rougeur oculaire, une douleur (inconstante) et une baisse d’acuité visuelle plus ou moins marquée. Les manifestations cliniques sont dominées par une réaction inflammatoire d’intensité variable en chambre antérieure, unilatérale ou bilatérale, avec parfois de la fibrine, survenant entre deux semaines et plusieurs mois après le début du traitement. Un hypopyon peut être observé [5, 1120]. Une inflammation du vitré de sévérité variable peut y être associée, avec parfois formation d’opacités vitréennes en « œufs de fourmis » (snowballs) [19] ou d’opacités blanc-jaunâtre denses occupant principalement le vitré inférieur [13]. Une infiltration cellulaire du vitré antérieur évocatrice de pars planite a également été décrite [14]. Des opacités rétiniennes périvasculaires blanc-jaunâtre ont été décrites chez un patient [13]. Dans de rares cas, l’examen clinique et angiographique du fond d’œil peut révéler une vasculite rétinienne [20, 21], un engainement périvasculaire [20] ou une papillite [20]. Un cas isolé d’œdème maculaire cystoïde, confirmé par angiographie fluorescéinique et tomographie en cohérence optique (OCT), a été rapporté [19]. Lorsque l’inflammation intraoculaire devient très marquée, elle peut mimer une panuvéite [8, 10, 13, 20], une endophtalmie [5, 11] ou une panophtalmie [4]. Outre une uvéite, la rifabutine peut entraîner la formation de dépôts cornéens endothéliaux.


L’uvéite induite par la rifabutine a été essentiellement observée chez des individus infectés par le VIH ou atteints de sida. Toutefois, des cas ont également été rapportés chez des sujets immunocompétents [15, 16, 19, 20, 22] ou immunosupprimés non infectés par le VIH [16], ainsi que chez des enfants [5, 2325].


La première mesure thérapeutique est l’interruption du traitement de rifabutine, pour autant qu’elle soit possible. Le traitement classique d’une uvéite antérieure associant corticostéroïdes topiques et cycloplégiques est appliqué en fonction de la sévérité clinique de l’atteinte inflammatoire. L’utilisation de corticostéroïdes-dépôts en injection sous-ténonienne postérieure a également été décrite chez des sujets présentant une atteinte inflammatoire du segment postérieur [16, 19].



BIPHOSPHONATES


Les biphosphonates regroupent un ensemble de molécules analogues aux pyrophosphates, contenant ou non de l’azote (nitrobiphosphonate ou biphosphonate non nitré). Ils inhibent la résorption osseuse par les ostéoclastes par divers mécanismes. Les nitrobiphosphonates (alendronate, pamidronate, risédronate, zolendronate) empêchent la phénylation de certaines protéines, inhibant ainsi la fonction des ostéoclastes ; les biphosphonates non nitrés (clodronate, étidronate) provoquent l’apoptose des ostéoclastes et des macrophages. Les biphosphonates sont utilisés dans le traitement et la prévention de l’ostéoporose post-ménopausique ou cortico-induite, dans le traitement de l’hypercalcémie d’origine tumorale, des métastases ostéolytiques de tumeurs malignes (sein et autres tumeurs solides, hémopathies malignes dont le myélome multiple) et de la maladie de Paget de l’os. Ils peuvent être administrés par voie orale, intraveineuse ou intramusculaire. Les biphosphonates représentent à ce jour la classe de médicaments la plus étroitement associée au développement d’une inflammation oculaire d’origine médicamenteuse.


La pathogenèse des effets secondaires ophtalmiques des biphosphonates n’est pas connue, même si de nombreuses manifestations inflammatoires oculaires ont été décrites (tableau 45-I). Sur le plan systémique, les nitrobiphosphonates ont été associés à des états fébriles transitoires et à un syndrome grippal, avec parfois fatigue, arthralgies, myalgies, céphalées ou nausées. Ces manifestations peuvent refléter l’activation de lymphocytes T par les nitrobiphosphonates, ce qui provoque la libération de cytokines comme le TNFα, l’IL-6 et IL-1, stimulant elles-mêmes la prolifération lymphocytaire. Du point de vue ophtalmologique, la plupart des manifestations inflammatoires ont été rapportées en association à des nitrobiphosphonates, principalement l’alendronate, le pamidronate et le zolédronate. À l’inverse, les biphosphonates non nitrés, comme le clodronate, n’entraînent pas d’élévation des cytokines pro-inflammatoires comme le TNFα ou l’IL-6 [26] ; du point de vue ophtalmologique, seul un cas d’uvéite antérieure non granulomateuse associée à un biphosphonate non nitré a été rapporté [27].



Macarol et Fraunfelder ont postulé un mécanisme allergique ou immunologique caractérisé par la formation de complexes immuns pour expliquer les manifestations inflammatoires oculaires et systémiques observées après administration de pamidronate [28]. Moorthy et al. ont émis l’hypothèse que les biphosphonates pourraient jouer un rôle d’adjuvants au système immunitaire, entraînant une prolifération de lymphocytes et potentialisant une maladie à complexes immuns, sans que la spécificité oculaire et plus particulièrement uvéale ne puisse être expliquée [29].


Les symptômes rapportés par les patients varient en fonction du type anatomique et du degré d’atteinte inflammatoire oculaire. Fraunfelder et Fraunfelder ont résumé les symptômes rapportés pour chaque biphosphonate [3, 30], ainsi que le degré de probabilité — « certain », « probable », « possible » : cf. supra — d’être associé à l’administration de biphosphonates [3], en se fondant sur la classification établie par l’OMS [2]. Les symptômes associés de manière certaine à l’administration de biphosphonates incluent : vision trouble, irritation oculaire, douleur, épiphora et photophobie [3]. L’œdème palpébral, péri-oculaire ou orbitaire représente une association probable [3]. Les symptômes en relation possible avec les biphosphonates sont : la diplopie, les hallucinations visuelles et la xanthopsie [3].


Les manifestations cliniques rapportées en association avec les biphosphonates sont résumées dans le tableau 45-I. Il faut relever que les biphosphonates représentent la première classe de médicaments associée de manière certaine à la survenue d’une sclérite [3].


Le traitement repose tout d’abord sur l’identification de l’agent causal, ce qui permet l’interruption du traitement de biphosphonates, seule mesure thérapeutique définitivement efficace. L’uvéite antérieure est traitée selon l’association classique de corticostéroïdes topiques et d’agents mydriatiques, renforcée le cas échéant d’un corticostéroïde péri-oculaire ou d’une brève corticothérapie orale.



SULFAMIDÉS ET ANTIFOLIQUES


Les sulfamidés sont des antibiotiques utilisés dans le traitement de très nombreuses infections bactériennes, notamment des infections urinaires, ainsi que dans la prophylaxie de certaines infections parasitaires comme la toxoplasmose chez l’individu infecté par le VIH. Les antifoliques, dont le triméthoprime et la pyriméthamine, sont le plus souvent utilisés en association avec les sulfamidés dans des combinaisons fixes disponibles sur le marché. Du fait de la prescription extrêmement fréquente de sulfamidés, il apparaît que la survenue d’une uvéite associée à cette classe d’agents est rare.


Le sulfamidé le plus souvent rapporté en association avec le développement d’une uvéite est le sulfaméthoxazole, généralement combiné avec le triméthoprime. La majorité des cas rapportés consiste en une uvéite antérieure bilatérale modérée [3133], symétrique ou asymétrique. Un cas rapporté présentait aussi des infiltrats cornéens limbiques sur 360° [33]. L’uvéite peut se manifester isolément ou en association avec d’autres manifestations systémiques évoquant une réaction d’hypersensibilité [31, 32] ou un syndrome de Stevens-Johnson [31]. Le rechallenge s’est révélé positif dans plusieurs cas [31]. L’interruption définitive du traitement par sulfamidés est la seule mesure thérapeutique garantissant la résolution définitive de l’uvéite.


Le triméthoprime a également été associé à la survenue d’une uvéite antérieure [3436]. Un cas d’arthrite, uvéite antérieure bilatérale et syndrome de Stevens-Johnson a été décrit en association avec l’administration de triméthoprime seul, avec rechallenge positif [34].



CIDOFOVIR


Le cidofovir est un analogue de nucléotide fréquemment utilisé dans les années quatre-vingt-dix dans le traitement de la rétinite à cytomégalovirus (CMV) chez le sujet infecté par le VIH. Ses avantages principaux résident dans son mécanisme d’action indépendant des enzymes du CMV ainsi que dans ses propriétés pharmacocinétiques, caractérisées principalement par une demi-vie intracellulaire prolongée, permettant ainsi un schéma d’administration intermittent et évitant la mise en place de voies veineuses centrales à demeure. Le cidofovir a été administré par voie intraveineuse et par voie intravitréenne chez des sujets atteints de rétinite à CMV.


Le cidofovir intraveineux a été associé au développement d’une uvéite antérieure, qui peut être très marquée, parfois fibrineuse, survenant chez 25 % à 45 % des patients traités [37, 38]. Le cidofovir a également été associé à un risque accru d’uvéite de reconstitution immune chez les sujets atteints de rétinite à CMV dans le cadre d’un sida traité par thérapie antirétrovirale hautement active (HAART ; cf. chapitre 25, « Manifestations ophtalmiques inflammatoires et infectieuses de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine ») [39].


L’administration intravitréenne de cidofovir peut également favoriser le développement d’une uvéite [4043], qui semble être dose-dépendante, avec un index thérapeutique très étroit.


Dans la pratique clinique courante actuelle, le cidofovir n’est plus utilisé dans le traitement de la rétinite à CMV, particulièrement en raison des effets secondaires potentiels oculaires (uvéite antérieure parfois sévère, hypotonie) et systémiques (toxicité rénale). L’hypotonie sévère et irréversible représente certainement l’effet secondaire le plus redouté lors de l’utilisation de cidofovir.



DIÉTHYLCARBAMAZINE


La diéthylcarbamazine est un agent antiparasitaire utilisé essentiellement dans le traitement des filarioses, telles que l’onchocercose et l’infection par Loa loa. La survenue d’une uvéite antérieure a été décrite après administration orale ou topique [44]. Le mécanisme incriminé dans la pathogenèse de l’uvéite pourrait être celui d’une réaction de type Jarisch-Herxheimer secondaire à la libération massive de protéines parasitaires suite à l’action filaricide de la diéthylcarbamazine.



CONTRACEPTIFS ORAUX


En dépit d’un lien de cause à effet relativement faible, certains contraceptifs oraux ont été associés de manière anecdotique au développement d’une uvéite. Un cas d’uvéite antérieure bilatérale a été décrit [45]. Walsh et al. ont décrit trois cas de manifestations inflammatoires intraoculaires mises en relation avec la prise de noréthynodrel et de mestranol [46]. Parmi les trois patientes décrites, l’une a présenté une uvéite bilatérale avec périvasculite rétinienne artérielle et veineuse ; l’atteinte inflammatoire vasculaire s’est résolue après interruption du traitement mais une uvéite est réapparue après reprise du même contraceptif oral [46], suggérant en conséquence un rechallenge positif. Dans un autre cas, une névrite optique rétrobulbaire et une papillite sont décrites chez une patiente de quarante-quatre ans sous contraceptif oral depuis dix ans [47], mais sans évidence convaincante de lien de cause à effet.




STREPTOKINASE


La streptokinase est une protéine dérivée de streptocoques phémolytiques utilisée comme agent thrombolytique en cas d’infarctus aigu du myocarde ou d’autres manifestations thromboemboliques. Sur le plan systémique, la streptokinase interagit avec le système immunitaire, induisant notamment la formation d’anticorps anti-streptokinase et étant occasionnellement associée à la survenue d’une maladie sérique. La maladie sérique est une réaction d’hypersensibilité de type III se manifestant généralement une à deux semaines après exposition à un antigène systémique et caractérisée par la formation de complexes immuns circulants. Cliniquement, elle se présente sous forme d’exanthèmes cutanés mais peut aller jusqu’au développement de manifestations inflammatoires sévères, comprenant notamment une glomérulonéphrite, une vasculite systémique ou une péricardite, accompagnées d’un état fébrile et d’arthralgies. La fréquence de maladie sérique après traitement par la streptokinase a été évaluée à 6 % [51], ce chiffre étant par ailleurs probablement sous-évalué compte tenu de la nature peu ou non symptomatique de certaines manifestations de la maladie sérique.


La pathogenèse de l’uvéite induite par la streptokinase s’apparente probablement à celle de la maladie sérique, avec formation de complexes immuns circulants ; il semble peu probable que la streptokinase ait un effet toxique direct sur l’œil [52].


La streptokinase est associée au développement d’une uvéite antérieure unilatérale [53] ou bilatérale [5458], parfois avec hypopyon [54, 55, 57, 58], survenant entre douze heures et sept jours suivant la perfusion de streptokinase. Dans tous les cas décrits, une résolution de l’uvéite a pu être observée, nécessitant toutefois un traitement topique associant corticostéroïdes et cycloplégiques.



AUTRES MÉDICAMENTS ADMINISTRÉS PAR VOIE SYSTÉMIQUE


Certains médicaments ont été associés au développement d’une uvéite dans des cas isolés, comme par exemple l’ibuprofène (un anti-inflammatoire non stéroïdien) [59], les interleukines IL-3 et IL-6 [60], et la terbinafine, agent antifongique associé au développement d’une uvéite antérieure synéchiante chez un patient atteint de sida [61], avec rechallenge positif et résolution de l’uvéite après interruption du traitement. Le propranolol, un bêtabloquant, a été incriminé comme cause de pseudotumeur inflammatoire intraoculaire, qui s’est résolue après arrêt du traitement [62].



Médicaments administrés par voie topique


L’administration topique d’agents actifs garantit en principe une meilleure pénétration intraoculaire au niveau du segment antérieur, particulièrement dans des yeux présentant une atteinte inflammatoire. Le segment antérieur, particulièrement la chambre antérieure, ainsi que la loge vitréenne peuvent faire office de réservoir médicamenteux, potentialisant ainsi l’effet toxique de certains principes actifs [29]. La pathogenèse de l’uvéite observée en association à l’administration topique de certains agents médicamenteux pourrait être liée à une rupture de la barrière hématooculaire, en particulier de la barrière hémato-aqueuse [29].



BÊTABLOQUANTS


En dépit d’un lien de cause à effet probable entre la survenue d’une uvéite et l’exposition au métipranolol topique (cf. infra), l’uvéite reste un effet secondaire extrêmement rare de l’administration de bêtabloquants topiques. En effet, aucun cas d’uvéite secondaire à l’administration de bêtabloquants topiques n’a été rapporté dans deux séries, l’une rétrospective portant sur cinq mille huit cent trente et un patients [63], et l’autre prospective par le biais de questionnaires adressés à des ophtalmologistes sur tout le territoire néerlandais [64].



MÉTIPRANOLOL


Le métipranolol est un bêtabloquant non sélectif qui était utilisé dans le traitement du glaucome. Il a été introduit sur le marché en 1986 au Royaume-Uni. La pathogenèse de l’uvéite observée en association avec l’administration de métipranolol n’est pas connue. L’hypothèse d’un rôle favorisant de différences de préparation et de conditionnement du produit entre le Royaume-Uni, l’Europe continentale et les États-Unis a été émise, sans évidence concluante [65].


En 1991, Akingbehin et Villada décrivent les premiers cas d’uvéite antérieure granulomateuse potentiellement associés à l’administration de métipranolol [66]. La nature granulomateuse de l’inflammation était confirmée par la présence de précipités endothéliaux en « graisse de mouton » dans environ 50 % des cas, mais aucun cas n’a présenté de nodules iriens granulomateux de type Koeppe ou Busacca [66]. L’uvéite observée s’est résolue en une à six semaines après corticothérapie et cycloplégiques topiques et arrêt du traitement de métipranolol [66]. Un rechallenge positif a été observé chez sept des vingt-six patients décrits initialement, avec développement d’une uvéite antérieure granulomateuse dans les deux semaines qui ont suivi la réintroduction d’un traitement topique de métipranolol 0,3 % [67]. Il a été estimé que l’incidence d’uvéite antérieure induite par le métipranolol au Royaume-Uni était de 0,38 % pour la concentration à 0,6 % et de 0,11 % pour la formulation à 0,3 % [66]. L’incidence d’uvéite plus élevée et le nombre absolu de cas d’uvéite plus important [65] constatés avec une plus grande concentration de l’agent actif, la résolution de l’uvéite après interruption du traitement ainsi qu’un rechallenge positif constituent trois éléments de probabilité pour établir le lien de cause à effet entre le métipranolol topique et la survenue d’une uvéite antérieure. À la suite de ces observations, faisant suite à d’autres descriptions de cas similaires [68], le métipranolol topique a été retiré du marché en 1991. Aux États-Unis, Melles et Wong rapportent en 1994 une incidence d’uvéite antérieure granulomateuse de 0,49 % avec le métipranolol 0,3 % [69]. Ils décrivent en outre deux cas d’uvéite antérieure granulomateuse se résolvant en deux semaines après corticothérapie topique et interruption du traitement de métipranolol [69] ; un rechallenge positif a également été rapporté dans leur série [69]. D’autres cas d’uvéite antérieure induite par le métipranolol ont été décrits [7074], y compris un cas d’uvéite antérieure non granulomateuse bilatérale avec rechallenge positif [75].

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Jun 13, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 45: Uvéites médicamenteuses

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