Chapitre 44. Désordres de la différenciation sexuelle
Mythes, différences des sexes et sexualité
Différenciation sexuelle (troubles de)SexualitéinfantileAmbiguïtés sexuellesPseudo-hermaphrodismes
«S’il est une question où mythe et réalité s’interpénètrent, celle de la différence des sexes est une de celle-là. Le mythe d’une individualité complète et autonome, d’un hermaphrodisme heureux et satisfait, d’un narcissisme absolu, d’une complétude gémellaire nirvanique, tisse la toile de fond du problème de la différence des sexes, qu’il s’agisse d’un mythe originaire (Adam) ou d’un désir ultérieur (romantisme allemand).»
L’identité sexuée n’est pas un donné, mais une construction, une croyance (Chiland, 2008).
Au-delà du mythe, la différence des sexes repose sur une réalité physiologique et sur une perception psychologique.
D’un point de vue physiologique, rappelons qu’il existe :
• le sexe génétique (chromosomique, garçon 46 XY et fille 46 XX);
• le sexe gonadique (structure des gonades mâles et femelles);
• et le sexe corporel (caractères sexuels primaires et secondaires).
D’un point de vue psychologique, c’est toute la question de l’identité sexuée dans laquelle se reconnaît l’individu. Et ici, l’enfant se sent appartenir à son sexe très tôt (bien avant la phase phallique), par la façon dont il est investi dans les interrelations précoces par les parents.
Enfin, il existe le sexe de l’état civil.
Ainsi, d’un point de vue psychologique, il n’existe pas deux lignées sexuelles totalement différentes, l’une mâle et l’autre femelle, mais au contraire une constante interaction entre les deux. Les achoppements fréquents entre ces deux lignées sont, à chaque étape, illustrés par certains types d’anomalies.
Sexualité infantile
SexualitéinfantileRéalité biologique et perception psychique (consciente et inconsciente) s’intriquent et participent, in fine, à la réalisation progressive d’une sexualité épanouie. Pour y parvenir, c’est donc tout un cheminement, depuis la perception par l’enfant de la différence sexuelle jusqu’à l’émergence d’une sexualité, qui doit se dégager progressivement de la génitalité.
Mais cette sexualité n’est pas un aboutissement; elle s’invite dès le plus jeune âge (cf.chapitre 11). Et c’est tout le mérite de Freud d’avoir levé le voile sur cette sexualité infantile. L’infans, à mesure qu’il grandit, doit non seulement reconnaître son sexe (et renoncer à l’autre) mais encore accepter de ne pas trouver avant longtemps un véritable objet de satisfaction sexuelle.
Phase de séparation-individuation, complétude narcissique, stade phallique, complexe d’Œdipe, bisexualité psychique, identification sexuelle, période de latence, renoncement à la toute-puissance infantile, curiosité sexuelle, puberté… autant de phases et de repères psychiques fondamentaux dans l’organisation complexe de la sexualité humaine. Il n’est pas possible de reprendre ici le développement de la libido chez l’enfant. Nous nous limiterons à rappeler que pour le pédopsychiatre ou psychologue de liaison, son existence est fondamentale dans le développement psychoaffectif de l’enfant. Quel que soit le trouble, l’anomalie ou la maladie présentée par l’enfant, la prise ne compte de la sexualité infantile et de l’identité sexuée sont incontournables pour comprendre le «sexe vécu».
Garçon ou fille? Les ambiguïtés sexuelles (génitales externes)
Ambiguïtés sexuelles
«L’anatomie, c’est le destin»
Normalement, le sexe chromosomique oriente l’évolution de la gonade (dès la septième semaine de la vie embryonnaire) et les secrétions hormonales seraient en partie responsable de l’orientation psychosexuelle du système nerveux central. Des pics de sécrétion hormonale se retrouvent chez le nouveau-né. Puis, après une longue période de silence, les sécrétions hormonales sexuelles reprennent à la puberté.
Parfois, la différenciation sexuelle est anormale; des anomalies organiques créent une ambiguïté des organes génitaux externes. Ainsi, les organes génitaux sont d’apparence soit ambiguë, soit opposée au sexe chromosomique qui, lui, en revanche, est normal. L’«intersexualité» ou trouble du développement du sexe (DSD, pour disorder of sex development) se réfère donc à ces individus présentant une différenciation sexuelle somatique atypique.
Environ 200 personnes naissent chaque année en France avec une malformation génitale (Vincent, 2009). Au-delà du problème médical, les «intersexués» questionnent la société tout entière. Or, notre société n’est pas du tout faite pour supporter des enfants qui ne soient ni fille ni garçon (Cl. Bouvattier, dans Vincent, 2009).
À la naissance, l’intersexualité des nouveau-nés plonge les parents dans un désarroi profond qui sidère toute possibilité d’élaboration psychique de l’annonce traumatique et parfois même empêche l’investissement affectif du bébé (Michel et al., 2008). Les mouvements émotionnels des parents sont souvent clastiques et reflètent autant leur profonde souffrance que le refus d’une réalité qui assigne à l’inhumain (Gueniche, 2007). L’enfant qui présente une anomalie des organes génitaux externes est en effet une figure de l’impensable et suscite, chez tout un chacun, un sentiment d’inquiétante étrangeté (Freud). En effet, l’être humain est reconnu en tant qu’individu sexué (garçon ou fille) et dans ce domaine, le doute n’est pas permis. On ne peut être homme et femme à la fois, ou être entre-deux (Pontalis, 1973). Il n’existe pas de troisième sexe. Toute ambiguïté est une aberration voire une monstruosité (Gueniche, 2007). L’évolution de l’enfant «intersexuel» sera d’autant plus favorable qu’une identité sexuée est «adoptée» et investie psychiquement par les parents, dès les premières relations, et ceci avec certitude, cohérence et continuité, quel que soit le caryotype révélé ultérieurement. Les traitements et les décisions de transformations chirurgicales devront prendre en compte ce sexe adopté par les parents et investi par l’enfant dès la naissance. Chaque soignant (pédiatre, gynécologue, chirurgien, pédopsychiatre…), au travers des décisions qu’il sera amené à prendre, rejouera sa position par rapport à la bisexualité psychique, les modalités de ses conflits (archaïques, œdipien), et le travail interdisciplinaire est très important dans ces situations pour éviter toutes les projections et rationalisations hâtives.

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