42. Diabète insulinodépendant (DID)

Chapitre 42. Diabète insulinodépendant (DID)



Rappels sur la maladie


DiabèteLe diabète sucré de l’enfant est une affection chronique caractérisée par une insuffisance absolue ou relative de la sécrétion en insuline, dont l’une des conséquences est l’hyperglycémie.

On considère qu’une personne est diabétique lorsque sa glycémie à jeun est supérieure à 1,26 g/l.

La teneur du sang en glucose est normalement comprise entre 0,8 et 1 g/l. L’insuline est une hormone hypoglycémiante. Quand la glycémie augmente, le pancréas réagit en sécrétant l’insuline, qui aura alors pour rôle de ramener le taux à la normale. Une insuffisance en insuline provoque donc une accumulation de sucre dans le sang, laquelle se traduit par un diabète.


Formes principales de diabète de l’enfant



Diabète insulinodépendant ou diabète de type 1


Le pancréas ne fournit plus l’insuline qui est indispensable pour la survie. Cette insuline est suppléée par des injections ou une pompe sous-cutanée. Le diabète de type 1 est plus fréquent chez l’enfant et l’adolescent et concerne 1 enfant sur 1 000. Sa fréquence augmente. Il existe une probable origine génétique mais, dans 90 % des nouveaux cas, il n’y a aucun antécédent de diabète dans la famille. Des facteurs alimentaires, environnementaux, infectieux doivent donc être pris en compte dans le déclenchement de la maladie.


Autres diabètes






• le diabète non insulinodépendant ou diabète de type 2;


• les diabètes associés à certains syndromes.


Complications


Il existe des complications susceptibles de survenir tout au long de la maladie : hypoglycémies majeures avec coma, hyperglycémies avec acidocétose, représentant de véritables urgences métaboliques; et des complications à long terme, parmi lesquelles : rétinopathie, insuffisance rénale, cardiopathie, neuropathies, impuissance, stérilité, gangrène exposant aux amputations… Ces complications surviennent d’autant plus fréquemment que le diabète survient précocement (Jos, 1989) et est mal équilibré (Diabetes Control and Complications Trial Research Group(DCCT), 1994).


Spécificités de la maladie



Vécu de l’enfant


On ne peut pas parler de l’enfant diabétique. Chaque enfant est unique dans sa façon de vivre son diabète (Andronikof-Sanglade, 1989). On peut néanmoins décrire, dans les grandes lignes, certaines caractéristiques et facteurs déterminants.


Au plan physique et fonctionnel


Le diagnostic tombe souvent comme un «coup de tonnerre dans un ciel serein», après une période brève de polyuro-polydipsie (souvent à la faveur d’une acidocétose initiale : 30 % des cas), et crée une situation de crise.

Avec le traitement par insuline, l’enfant apprend à reconnaître certains symptômes, particulièrement ceux dus à l’hypoglycémie (sensations cotonneuses, jambes flageolantes, fatigue, vertiges, vision brouillée, sueurs…), plutôt que ceux de l’hyperglycémie. Seules les hyperglycémies importantes sont symptomatiques (soif, polyurie); les hyperglycémies moindres n’entraînant aucun signe.

L’état somatique peut se dégrader rapidement et transitoirement (coma hypoglycémique) mais, pendant de très nombreuses années, aucune complication n’est habituellement apparente. Les répercussions somatiques et les complications du diabète n’apparaissent que beaucoup plus tard, à l’âge adulte. Il est donc difficile de croire qu’un jour on pourra aller moins bien. L’enfant n’y pense pas, «il est insouciant»; quant à l’adolescent, «il est immortel»!

Le corps rappelle cependant parfois à l’ordre. Il est ainsi lors d’émotions violentes entraînant des variations de la glycémie, particulièrement à l’adolescence (Kemmer et al., 1986; Mairesse, 1993). Si l’on excepte la non-observance, les stress émotionnels seraient la deuxième cause la plus fréquente (après les infections) de déséquilibre acidocétosique (Cramer, 1985). Sans se référer à une conception strictement psychosomatique du diabète (Dejours, 1977; Dejours et al., 1979), il est cependant important de tenir compte de ces intrications somatopsychiques dans l’accompagnement du jeune, tant d’un point de vue pédiatrique que psychologique.


Au plan psychologique


La littérature spécialisée, par son abondance, montre que les problèmes psychologiques sont souvent au premier plan des difficultés de prise en charge des enfants et adolescents diabétiques. Or, le plus souvent, les enfants et adolescents diabétiques vont bien. Tout enfant ou adolescent diabétique n’a pas besoin de voir un psychologue ou un pédopsychiatre : la plupart évoluent bien d’un point de vue psychologique. Et si parfois, quelques-uns nécessitent une prise en charge psychologique, celle-ci est loin d’être systématique.

Par ailleurs, qui dit réaction psychologique ne veut pas dire réaction pathologique (ni réaction psychiatrique). Ainsi, à la découverte et à l’annonce du diabète, les réactions anxieuses sont normales, et d’ailleurs préférables à des passivités silencieuses. Il est normal (et attendu) de réagir à une annonce aussi importante, qui bouleverse la vie quotidienne. Le choc initial passé, les réactions classiques surviennent : mortification narcissique, culpabilité, deuil précoce, effondrement dépressif (Cramer, 1985).

Lors de la découverte d’un diabète, les équipes pédiatriques font appel souvent à la diététicienne, à l’assistante sociale et à la psychologue du service de pédiatrie, suivant un parcours de soins quasi systématique. Cependant, est-il opportun de rencontrer l’enfant ou l’adolescent lorsqu’il n’a pas encore intégré les tenants et les aboutissants de sa maladie? Le présenter à un psychologue ne le met-il pas d’emblée face à une problématique non pensée? Ne se sent-il pas stigmatisé? L’annonce de la maladie est bien souvent un moment de sidération pour le jeune et ses parents. Beaucoup d’étrangers, tous spécialistes, affluent autour de lui avec chacun des informations diverses, et il n’y a que peu de place pour une élaboration possible. Tout est concret, chiffré, balisé, mesuré. Est-ce pour autant mentalisé?


D’un point de vue psychologique, il n’y a pas d’enfants ni d’adolescents diabétiques


En effet, la majorité des études montrent qu’il n’existe pas de personnalité du diabétique (Dunn & Turtle, 1981) et qu’il est impossible de dégager un fonctionnement psychique typique de l’enfant diabétique. L’inscription inconsciente du diabète, sa contribution à l’aménagement des fantasmes, à la représentation du corps et aux problèmes d’oralité, n’apparaissent pas sur un mode spécifique à travers le matériel analytique des enfants diabétiques (Cramer, 1985). Et si nous repérons certains traits de personnalité chez le jeune diabétique, rien n’est systématique ni spécifique du diabète : les enfants et adolescents diabétiques ont une «personnalité normale».

De la même manière, les fonctions psychologiques cognitives (intelligence, mémoire, attention, concentration), ainsi que les quotients intellectuels, sont identiques chez les diabétiques et les non diabétiques. De ces remarques, il découle que la fréquence des troubles psychologiques est la même chez les enfants diabétiques et non diabétiques. S’il existe des spécificités psychologiques, celles-ci sont liées au diabète en tant que tel et non directement aux réactions qu’il suscite, qui sont celles de la maladie chronique.

Ces spécificités du diabète, on peut les repérer et en citer certaines caractéristiques :




• le diabète est une énigme, un mystère;


• le diabète est invisible;


• le diabète n’a pas de localisation concrète représentable;


• le diabète n’est pas douloureux, au sens d’une douleur palpable;


• le diabète est un paradoxe.

Ces spécificités se prêtent à toutes sortes de théories magiques. Le diabète est une pathologie difficile à se représenter, à penser. Ce flou de représentation et de causalité participe aux méconnaissances des enfants et adolescents diabétiques. Et pour certains pédiatres, les représentations sont nombreuses; il en est ainsi du diabète comme «supplice chinois» (J.-M. Limal).


Diabète et petite enfance


L’âge de l’enfant est une donnée très importante à prendre en considération au moment de la découverte du diabète, surtout en deçà de six ou sept ans, puisque alors sont mises en question ses modalités de penser sa maladie, tant d’un point de vue cognitif que d’un point de vue affectif. Pour qu’un événement, quel qu’il soit, soit intégré par le psychisme, il faut qu’il puisse prendre sens dans la vie intérieure de chacun. La compréhension qu’un enfant a du mécanisme et de la signification de sa maladie reste pendant longtemps tout à fait décalée par rapport à la manière dont un adulte peut la comprendre et la penser, mais également par rapport à l’idée que nous avons de la façon dont l’enfant comprend sa maladie (Andronikof-Sanglade, 1989). Ce décalage est source de malentendus et de frustrations réciproques.

Nous pouvons illustrer ce décalage par la non-compréhension intellectuelle théorique du mécanisme du diabète et par le régime. Par exemple, combien d’enfants nous interrogent sur le pourquoi du régime? Pourquoi l’interdiction du sucré (Brunet et al., 1985)? N’est-ce pas une illustration de ce décalage et de la difficulté (voire de l’incompréhension) à penser le diabète chez l’enfant?

Ainsi, avant l’âge de six ou sept ans, le diabète échappe en partie à l’enfant; il est impensable, d’autant qu’il est invisible et sans douleur palpable. Il imprègne cependant toute sa vie psychique, son réseau relationnel et marque de son sceau l’expérience quotidienne; il semble que plus la maladie survient précocement, plus la personnalité aurait du mal à se structurer (Andronikof-Sanglade, 1989).

L’enfant jeune reprend le plus souvent à son compte toutes les réactions parentales. Il imite et reproduit, consciemment et inconsciemment, les attitudes et réactions parentales (processus d’identificationIdentification). Ceci n’est pas vrai uniquement pour le diabète, mais pour la vie psychique en général. Dans ce contexte, se met en place tout un jeu relationnel de l’enfant à l’égard de son entourage et autour du diabète pour obtenir des bénéfices secondaires à la maladie, voire pour faire pression sur les parents.

Ainsi, certains enfants diabétiques présentent parfois une passivité importante, acceptant tout, n’osant pas s’opposer, ni aux parents, ni au médecin, comme s’ils étaient coupables de leur diabète. Sur un autre versant, le diabète peut venir cristalliser tous les conflits. Cela a pour effet de dramatiser le diabète et d’amener une recrudescence d’angoisseAngoisse, d’agressivité, de culpabilitéCulpabilité et éventuellement de dépression, tant chez l’enfant que chez les parents. Dans ces contextes complexes, les relations sont marquées par l’emprise; l’autonomisation est difficile à obtenir, après des années pendant lesquelles les parents ont eu la charge quasi exclusive du traitement (R. Coutant).


Enfants plus grands (de huit à douze ans)


À cet âge, d’un point de vue psychologique, la maladie devient plus compréhensible. L’enfant est capable de comprendre et de s’autonomiser progressivement. Les premières ébauches de séparation et d’individuation apparaissent. Les réactions psychiques (anxieuses, dépressives) sont celles que l’on retrouve chez tout enfant vivant une maladie chronique (Kliever, 1997). Mais les difficultés psychologiques sont surtout marquées par rapport à l’entourage (Fonagyet al., 1987) :




• souffrance vive d’être différent des autres et privé de ce qui est permis à cet âge;


• augmentation des difficultés à accepter le diabète, qui s’extériorisent et se manifestent plus bruyamment sous la forme de provocations, colères, chantage, irritabilité, instabilité de l’humeur, manque de confiance en soi, dépression… L’ensemble de ces symptômes est le plus souvent exprimé à l’égard des parents, qui sont en première ligne.

Un des risques principaux à cet âge, d’un point de vue psychologique, est que le diabète devienne objet de tous les maux, prétexte systématique aux difficultés ou échecs scolaires, aux troubles du comportement à type d’instabilité, aux troubles relationnels intrafamiliaux. Parfois même, le diabète peut masquer des difficultés qui n’y sont pas liées. Le danger est alors de passer à côté de troubles psychiatriques authentiques, tout étant mis sur le compte du diabète. C’est un danger à écarter devant tout diabète instable et devant des perturbations qui dépassent et débordent l’enfant et son entourage. Dans ces circonstances, il semble important de prévoir une consultation pédopsychiatrique afin de faire la part des choses et d’aider l’enfant et ses parents à authentifier les troubles secondaires au diabète et ceux qui ne le sont pas.


Diabète et adolescence


Que le diabète soit découvert à l’adolescence ou qu’il existe depuis plusieurs années, il s’agit d’un moment souvent difficile mais qui peut tout à fait bien se dérouler.

L’adolescence, c’est l’âge :




• de l’autonomisation, de l’individuation;


• de la conquête d’une identité propre;


• de la remise en question des acquis;


• des explorations relationnelles et objectales;


• de la puberté et des transformations corporelles;


• de la remise en question de l’autorité parentale…

Il s’agit donc d’un moment de remaniement psychologique normal, mais qui peut être perturbé par la découverte d’un diabète ou la continuité d’une prise en charge d’un diabète déjà ancien. À l’adolescence, l’instabilité psychologique favorise l’instabilité diabétique (Tubiana-Rufi, 2005). Tout adolescent remet en cause le diabète et son traitement, parfois de manière bruyante. Diabète et adolescence se jouent simultanément; tout dépend alors du sens que la maladie prend pour l’adolescent. Et les réactions psychologiques à l’adolescence vont d’une dangereuse insouciance (voire du déni) à une primauté des préoccupations thérapeutiques (obsessionnalité).

Le diabète, pour l’adolescent, est un paradoxe.

En effet, l’adolescent aspire à la liberté et, au contraire, le diabète est vécu comme une contrainte. L’adolescence représente le changement et, à l’opposé, le diabète est immuable. L’adolescence est une promesse de quitter l’enfance, mais on ne quitte jamais le diabète. L’adolescence, c’est la confrontation aux lois (parentales, sociales…), alors que le diabète impose des règles avec lesquelles on ne peut pas transiger. L’adolescence est classiquement une période de crise et d’instabilité; le diabète, lui, demande une régularité, mécanique et répétitive. Plus le diabète et son traitement sont enchevêtrés avec la psychologie de l’adolescence, et plus les perturbations de l’adolescence risquent de toucher le traitement du diabète.

Ainsi, le diabète peut là aussi devenir l’objet de tous les conflits et son traitement, l’arme psychologique privilégiée. Si l’adolescence, c’est le changement du corps, le diabète risque alors de devenir un «corps étranger» et son traitement, une menace pour l’identité psychique.

À l’adolescence, nous observons fréquemment des difficultés d’acceptation du diabète, avec :




• une majoration de l’anxiété, voire des angoisses de mort;


• des tendances dépressives, voire des idées de suicide;


• des inhibitionsInhibition avec des dépendances affectives (prolongées);


• des troubles variés des conduites alimentaires (Vila, 1997);


• des troubles du comportement à type de colères, opposition, conflits;


• des «tricheries» avec le diabète, mais aussi avec l’entourage (parental, médical).

Ces différents troubles constituent des signaux d’alarme. Ces manifestations psychologiques, lorsqu’elles deviennent envahissantes et durables, nous semblent être des indications à une consultation pédopsychiatrique.

Un paradoxe revient souvent à l’adolescence : pour ne pas être tourmenté par son diabète, ne pas toujours en parler et faire en sorte qu’il ne soit pas au-devant de la scène, il faut appliquer régulièrement le traitement et au mieux les consignes diététiques. Mais certains adolescents font tout le contraire : ils font tout pour qu’on en parle tout le temps! Autrement dit, pour se libérer du diabète, il faut suivre le traitement le mieux possible. Il s’agit bien là d’un paradoxe, entre liberté et contraintes; un des points fondamentaux de la prise en charge psychologique des adolescents diabétiques.

Enfin, le diabète est une maladie qui ne se voit pas et qui permet une vie «normale» au plan des relations amicales et amoureuses mais aussi au plan scolaire et sportif. Mais l’adolescent se sent différent des autres et c’est parfois difficile à vivre et à accepter. En effet, l’adolescent aime pouvoir s’identifier et se reconnaître en l’autre; c’est rassurant et opérant pour la construction de son identité, de sa personnalité. Le diabète ne permet pas de pouvoir faire exactement comme les autres, par exemple manger dans des fast-foods, s’acheter des bonbons.


«Tricher» avec sa maladie


Les chiffres des glycémies deviennent des chiffres pièges qui enferment l’adolescent dans un «je fais bien» ou «je fais mal». Avant même de pouvoir le dire, avant même d’avoir envie de le dire, les chiffres parlent d’eux-mêmes et ramènent à la réalité objective. Et si un doute sur les chiffres existe, la mesure sanguine de l’hémoglobine glyquée vient révéler le réel équilibre diabétique.

Il n’est pas rare de voir le carnet de glycémie vide ou rempli avec de faux chiffres. Même si le médecin peut avoir un historique des glycémies grâce à un lecteur, l’important est sans doute, pour le jeune, de penser un temps que ses chiffres sont normaux et qu’il peut dépasser, dans une certaine forme de déni, certaines interdictions médicales ou sermons parentaux. Injections sautées occasionnellement, oublis (voire arrêt total) surviennent ainsi régulièrement.

Et pour le médecin, cette «tricherie» sur le carnet est peut-être l’occasion de parler avec le jeune, non pas de ses chiffres glycémiques, mais de sa vie en général; de sortir de connotations morales et d’ouvrir le dialogue sur des questions qui dépassent le diabète et qui concernent la santé en général (sexualité, études, statut social…). Le pire serait de faire comme si de rien n’était.


Malade «à vie»


La notion de «maladie à vie» est difficile à intégrer quand on est dans la toute-puissance infantile avec l’insouciance et le sentiment d’immortalité qui va avec. Ces fantasmes se heurtent cependant au principe de réalité, et l’enfant doit passer par un processus de deuil, souvent douloureux. Car dans la maladie chronique, il n’y a jamais de retour à l’état de santé initial. Le «balancier» ne revient pas. Un nouveau rythme, une nouvelle oscillation vont s’installer, sans espoir de guérison. Le diabète est un compagnon à vie qu’il faut accepter.

Parfois, des idées fausses sont véhiculées et des croyances s’installent. Il est toujours intéressant d’interroger l’adolescent sur les représentations de son diabète. Certains adolescents craignent par exemple que l’insuline fasse grossir… et donc limitent les injections.

Les conceptions et le «travail de la maladieTravailde la maladie» (cf.chapitre 25) révèlent la qualité du processus symbolique et les capacités de représentation de l’enfant. À défaut d’être accepté, le diabète devient un ennemi à combattre, un intrus à rejeter, un corps étranger à expulser. Et derrière, se cachent la maladie et la mort. Des éléments dépressifs peuvent apparaître face à une réalité difficile à accepter, qui vient à l’encontre des aspirations et des désirs (cf.annexe VIII: slam d’adolescents diabétiques, en fin de chapitre).


Drogue et insuline, un pas


DroguesDevoir se piquer ramène souvent à une connotation négative, en lien avec le monde de la toxicomanie. L’insuline peut ici s’apparenter à une substance dont on ne peut se passer; une drogue, source d’énergie ou au contraire, moyen de destruction. Cette identification au toxicomane n’est généralement pas bien tolérée.

Parallèlement, l’adolescent, en quête de sensations, joue parfois avec ses injections d’insuline et recherche les sensations en lien avec l’hypoglycémie : sensations cotonneuses de flottement, d’entre-deux. D’authentiques comportements d’addictions (avec les risques d’overdoses qui vont avec) peuvent apparaître chez de jeunes diabétiques.

D’autre part, même sans s’exposer aux autres lors des injections, les bras gardent la marque des piqûres. Certains stigmates apparaissent; la peau au niveau de l’abdomen présente parfois des lipodystrophies, souvent disgracieuses pour les filles. Ces marques peuvent faire penser à celles d’une toxicomanie, ce qui est difficilement supportable pour le jeune diabétique.


Troubles du comportement et conduites à risque


Lorsque l’enfant est jeune, le traitement par insuline est souvent géré par les parents, mais très tôt les diabétologues invitent l’enfant à s’autonomiser afin qu’il devienne acteur de ses soins. Très vite, il se fait ses injections lui-même. Un apprentissage et une expérience sont nécessaires afin de pouvoir ajuster ces injections lors de repas trop riches, d’une activité sportive intense ou lors d’infections virales par exemple. Progressivement, le jeune devient expert et acquiert une certaine habileté voire une toute-puissance dans la manipulation de l’insuline. Mais le caractère mécanique, répétitif, devient parfois insupportable, jusqu’à entraîner des comportements suicidaires.

De même, lors de moments de doutes, d’angoisses ou de mal-être passager, classiques chez tout adolescent, l’injection peut devenir une arme que le jeune peut retourner contre lui : une façon alors d’en finir avec ce qui fait malaise et simultanément de se servir du diabète pour exprimer l’agressivité et la retourner contre soi. Flirter avec la mort, c’est une façon de tenter de la dominer, c’est mettre à l’épreuve son propre sentiment d’exister, voire son immortalité.

Enfin, dans certaines circonstances, le jeune ne s’occupe pratiquement plus de son diabète. L’HbA1c est supérieure à 1 %, régulièrement; c’est un diabète à l’abandon (R. Coutant). Cette attitude apparaît comme une façon de défier la maladie et la mort et s’apparente à une conduite à risque.


Diabète et parents


Parents (place des)Il n’y a pas de pathologie psychologique ou psychiatrique spécifique dans les familles d’enfants et d’adolescents diabétiques. Une des principales difficultés parentales réside dans le fait de trouver les meilleures attitudes entre deux extrêmes :




• une surveillance trop rigoureuse, rigide, intrusive et omniprésente, qui peut entraver le bon développement psychologique de l’enfant;


• et un laxisme, un laisser-faire, voire un abandon de toute attention, aussi mal vécu par l’enfant.

Il n’existe pas de recette; il s’agit de trouver un compromis, un juste milieu, un équilibre. Et l’expérience montre que ce sont dans les familles privilégiant l’indépendance et l’autonomie de l’enfant, celles encourageant les activités extrafamiliales, que les enfants et adolescents diabétiques sont les mieux équilibrés d’un point de vue psychologique (Anderson et al., 1997). En revanche, dans certaines familles, on peut assister à une sorte de confusion entre fonctionnement psychique et maladie (Cerreto, 1987). Cette confusion aboutit à l’emploi de la maladie comme réification du vécu psychique : le diabète devient alors une rationalisation qui explique tout mouvement psychique.

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Apr 22, 2017 | Posted by in PÉDIATRIE | Comments Off on 42. Diabète insulinodépendant (DID)

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