40. Insuffisance rénale – hémodialyse et Dialyse péritonéale

Chapitre 40. Insuffisance rénale – hémodialyse et Dialyse péritonéale


Insuffisance rénaleHémodialyseDialyseL’insuffisance rénale reste longtemps asymptomatique et le diagnostic est souvent fait tardivement, au stade d’insuffisance rénale terminale. Parfois, une asthénie chronique, une pâleur ou la découverte fortuite d’une anémie lors d’un bilan permettent de faire un diagnostic plus précoce.

Du fait de ce caractère très longtemps asymptomatique, il est difficile de mesurer le nombre de sujets atteints d’insuffisance rénale. En revanche, concernant l’insuffisance rénale terminale, on estime sa prévalence à 50 à 80 millions d’enfants dans le monde, avec une concordance entre l’Europe et les États-Unis, c’est-à-dire une répartition équivalente du nombre d’insuffisants rénaux entre l’Europe de l’Ouest et l’Amérique du Nord, sans prévalence ni incidence différente de part et d’autre de l’Atlantique. Il existe une stabilisation des chiffres entre dix et quinze ans, mais une nette augmentation pour les enfants de moins de deux ans (P. Cochat).

La fonction rénale se mesure par la filtration glomérulaire dont la normale est supérieure à 90 ml/min/1,73 m2. L’insuffisance rénale est dite terminale lorsque le débit de filtration glomérulaire rénale, mesuré par la clairance à la créatininine, est inférieur à 15 ml/min/1,73 m2. Le rein ne peut alors plus éliminer et il faut mettre en place des techniques spécifiques.

L’insuffisance rénale est due en grande partie aux malformations congénitales, aux néphropathies glomérulaires et aux néphropathies héréditaires. En 2009, dans 50 % des cas, le diagnostic est fait en anténatal et permet donc des prises en charge médicales précoces.

Les répercussions de l’insuffisance rénale chronique sont principalement : la diminution de la vitesse de croissance, l’anémie et l’ostéodystrophie rénale.


Rappels sur la dialyse


DialyseUn programme de dialyse est envisagé en cas d’insuffisance rénale terminale, lorsque le débit de filtration glomérulaire est inférieur à 15 ml/min/1,73 m2. Il existe deux principaux types de dialyse, qui parfois se succèdent en attendant la transplantation rénale. Chacune de ces techniques a ses avantages et ses inconvénients.


Hémodialyse


HémodialyseL’hémodialyse est une méthode d’épuration du sang par la création d’un circuit de circulation extracorporelle et son passage par un filtre. L’hémodialyse permet ainsi de retirer du sang les déchets produits par l’alimentation, d’équilibrer le bilan électrolytique sanguin et d’éliminer le surplus d’eau.

Ainsi, trois à quatre fois par semaine, l’enfant vient au centre de dialyse pour une séance qui dure entre trois et cinq heures. Des contraintes aujourd’hui difficilement acceptables : des centaines d’heures de trajet, des milliers d’heures connecté à une machine, des centaines de ponctions veineuses (P. Cochat). Et durant les dialyses, de nombreux aléas : problèmes de voies d’abord (fistules), impatience et ennui, chutes de tension artérielle et autres complications en lien direct avec la technique. Enfin, cela favorise la marginalisation de l’enfant, incapable de suivre une scolarité tout à fait normale.


Dialyse péritonéale


DialyseLa dialyse péritonéale vient elle aussi épurer le plasma sanguin, ce que le rein ne parvient plus à faire. Ici, l’épuration sanguine ne s’effectue pas à l’extérieur du corps mais au sein de la cavité péritonéale. La dialyse péritonéale peut être continue ambulatoire (DPCA) ou automatisée (DPA).

Elle peut être proposée à tout âge (c’est la seule possibilité chez le nouveau-né et le nourrisson) et dépend du choix des parents, des distances géographiques (entre domicile et centre) et enfin des habitudes et capacités des centres. Elle présente certains avantages, tels une meilleure tolérance sur le plan cardio-vasculaire et hémodynamique, le maintien d’une fonction rénale et d’une diurèse résiduelle et une meilleure autonomie. Mais si les contraintes sont moins caricaturales que celles de l’hémodialyse, elles n’en sont pas pour autant moins lourdes : présence de cathéter, risques de péritonite, limitation des activités aquatiques, omniprésence du générateur à domicile, pannes et défections à charge de la famille, alarmes nocturnes…

Ces deux techniques de dialyse n’évitent pas la prise de médicaments (en moyenne cinq à dix comprimés ou sachets par jour), voire des injections sous-cutanées (EPO, hormone de croissance), ainsi que les contraintes hygiénodiététiques et les régimes.


Complications


Les complications médicales observées à long terme en dialyse comprennent classiquement des troubles cardiovasculaires (troubles cardiaques et hypertension artérielle(HTA)), une ostéodystrophie, un retard de croissance, des troubles du développement intellectuel.

Il existe aussi des complications psychologiques liées à la fois à la maladie chronique, mais aussi aux troubles rénaux. Il s’agit principalement de troubles anxieux et dépressifs. Enfin, s’y ajoutent des répercussions scolaires (difficultés, retards) et sociales (marginalisations) importantes.


Aspects psychopathologiques


L’insuffisance rénale chronique oblige le sujet à se rappeler que si l’intérieur du corps est un lieu source de plaisir, il est aussi celui de la possession. Reste qu’ici, le contrôle du dedans n’est plus possible… C’est la machine qui va devoir contrôler les flux, la fonction rénale. Cette dépossession n’est pas découverte sans angoisse. Et il est très difficile, quand arrive la phase terminale d’insuffisance rénale, d’accepter de devoir être totalement dépendant d’une machine pour vivre. Le diagnostic tombe parfois brutalement et la maladie chronique vient envahir la vie quotidienne… D’autant que la dialyse doit parfois être mise en place de façon plus ou moins urgente.

L’enfant insuffisant rénal chronique est un patient atteint d’une maladie mortelle. Il vient à l’hôpital non pas pour guérir, mais parce que les médecins proposent, grâce à des techniques avancées, de reculer les limites de la mortMort. Il se trouve donc dans la situation d’un survivant (Cupa, 2002). La spécificité de la position existentielle du dialysé se caractérise par la présence continuelle de la mort et par la nécessité des soins; ce qui le place dans une dépendance absolue, marquant son impuissance radicale. Les difficultés psychiques sont donc liées à la fois à cette maladie mortelle et aux soins prodigués.

Certaines problématiques psychiques secondaires à la maladie chronique sont patentes : sentiments d’injustice, culpabilité de n’avoir pu déceler le trouble plus tôt, deuilDeuil infini, angoisses réactionnelles aux agressions, externes ou internes (actes thérapeutiques, effets secondaires des traitements, séparations multiples et répétées, douleurs somatiques, limitations des activités physiques, changements corporels), blessures narcissiques, mouvements d’agressivité, phases régressives, passivité, moments dépressifs…


Un statut particulier


L’insuffisance rénale chronique confère un statut particulier à l’enfant, avec une privation partielle de liberté et des relations de dépendance à l’égard des équipes soignantes et de la machine de dialyse. Plus l’enfant est jeune, plus les effets de la dialyse sont grands. Il en est ainsi de très jeunes enfants dont la découverte de la maladie rénale s’est faite en anténatal. Les premiers mois de vie sont souvent partagés entre le domicile familial et l’hôpital. On peut alors imaginer les répercussions sur la construction de l’image du corpsCorpsimage du, sur la mise en place des enveloppesEnveloppe (corporelle) psychiques et sur les interactions précocesInteractions précoces du bébé et de son entourage.

Comme dans toute maladie chronique, les parents ont parfois des difficultés à trouver une distance «suffisamment bonne» avec leur enfant devenu malade. Deux situations extrêmes sont fréquemment retrouvées :




• surinvestissement centré sur la maladie, clé de voûte de l’édifice familial. Agressivité et culpabilité sont puissamment déniées et retournées en surprotection… avec ses conséquences pour le jeune : renforcement des liens de dépendance, fantasme de réparation (certains parents allant jusqu’à assurer de véritables fonctions de soignants), impossibilité de faire un travail de deuil, incapacité à accepter une redistribution des rôles, court-circuitage des conflits normaux, conscients et inconscients, impossibilité de désengagement des liens œdipiens et difficultés d’intégration du jeune auprès de ses pairs;


• ignorance et fuite, témoins de la non-acceptation parentale de la maladie, pouvant aller jusqu’à la dénégation. Cette non-reconnaissance a parfois des conséquences pour les parents à type de désinvestissement affectif (rejet), de majoration des conflits, de l’agressivité, de failles narcissiques massives avec effondrement dépressif, de renvoi de culpabilité (confusion entre incompétence et impuissance), et parfois même de conflit dans le couple… voire de divorce.

Les conséquences pour l’équilibre de la famille, pour le vécu de la fratrie et bien sûr pour l’avenir psychologique du jeune malade chronique sont bien sûr capitales.


Adaptation à la dialyse


DialyseL’adaptation à la dialyse dépend bien sûr des conditions de découverte de l’insuffisance rénale et des conditions de mises en place de l’épuration extrarénale. On peut cependant décrire ce processus d’adaptation sur le mode d’un «parcours du combattant». Quatre phases sont classiquement décrites :




• une première période d’apathie extrême;


• une deuxième période d’euphorie, coïncidant avec l’amélioration somatique des premières dialyses;


• une période d’anxiété liée au poids des contraintes;


• une période de lutte et d’ajustement à la maladie chronique et au nouveau rythme de vie, ponctué par les séances de dialyse.

Les premières dialyses sont très importantes. Elles sont fréquemment vécues comme un soulagement (physique et psychique), comme une vérification du caractère supportable de l’épreuve. L’impossibilité d’admettre l’irréversibilité de la dialyse, l’interrogation maintes fois réitérée que lorsque ça ira mieux, on pourra s’en passer, constituent les éléments les plus minimes d’une attitude qui à l’extrême prend la forme d’un déni de la maladie (Alillaire, 2002). Après une phase d’espoir et de satisfaction, l’angoisse va souvent s’accentuer et témoigner des désillusions croissantes. Parallèlement à une amélioration physique (parfois spectaculaire), se développent des difficultés psychologiques grandissantes. Le sujet réalise la perte définitive de sa santé, de son indépendance, de sa capacité à s’assumer seul… La dialyse chronique semble exercer un effet d’usure, en asséchant la vitalité psychique des patients et en les ancrant chaque jour davantage dans le concret et le factuel (Pucheu, 1998).

Only gold members can continue reading. Log In or Register to continue

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Apr 22, 2017 | Posted by in PÉDIATRIE | Comments Off on 40. Insuffisance rénale – hémodialyse et Dialyse péritonéale

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access