4. Troubles thymiques et émotionnels

Chapitre 4. Troubles thymiques et émotionnels

Michèle Montreuil and Jean Pelletier




Dépression


Critères diagnostiques de la dépression

Selon les critères du Diagnostic and Statistical Manuel of Mental Disorders (4e édition : DSM-IV)Diagnostic and Statistical Manuel of Mental Disorders (4e édition : DSM-IV), le diagnostic de dépression repose sur la présence d’au moins cinq des symptômes cités ci-dessous et installés depuis une période d’au moins 15 jours. Ils doivent avoir pour conséquence une souffrance significative ou une altération du fonctionnement. Ils ne peuvent pas être dus à un autre trouble, ni aux effets d’une substance ou à un deuil. En outre, la présence des paramètres cliniques 1 et 2 est obligatoire :


1. humeur dépressive;


2. diminution de l’intérêt ou du plaisir;


3. perte ou gain significatif de poids;


4. insomnie ou hypersomnie;


5. agitation ou ralentissement;


6. perte de l’énergie ou fatigue;


7. sentiment de dévalorisation ou de culpabilité;


8. diminution de l’aptitude à penser, à se concentrer ou à prendre des décisions;


9. pensées récurrentes de mort.

Les cliniciens utilisent indifféremment, mais à tort lorsqu’il s’agit des critères d’inclusion pour une recherche, les termes d’épisode dépressif majeur, de syndrome dépressif ou de dépressiondépression pour signifier une perturbation de l’humeur dans le sens de la tristesse. Cependant, l’humeur du sujet qui présente une dépression caractérisée n’est pas une simple tristesse. Il s’agit d’une véritable douleur morale, qui peut conduire à des idées de mort et à une conduite suicidaire. Le pessimisme imprègne l’ensemble de la vie du déprimé, sa vision négative porte autant sur les événements actuels que sur l’avenir. L’humeur dépressive est observable sur le plan comportemental, notamment au niveau de la mimique, du débit verbal et du ton de la voix, de la motricité et de la posture. Le faciès est triste, figé, inexpressif, et l’ensemble des gestes est souvent ralenti et exprime le découragement et l’abattement. Le patient se décrit comme indifférent aux choses agréables, ce qui correspond à l’anhédonie. Chez la majorité des déprimés, l’anhédonie s’accompagne d’une hypersensibilité aux choses désagréables et d’irritabilité, parfois d’impulsivité. À l’inverse, dans d’autres cas, l’anesthésie affective est totale et le patient ne ressent plus rien, ni plaisir, ni déplaisir, il n’est plus capable d’éprouver des émotionsémotions. Il n’exprime, alors, qu’un désintérêt total pour tout ce qui l’entoure, il s’agit de l’émoussement affectif. Le ralentissementralentissement, psychique et moteur, s’accompagne d’une sensation d’extrême fatigue appelée asthénie. L’ asthénie dépressive représente une gêne importante pour le malade, elle est plus importante le matin, parfois légèrement améliorée en fin de journée, mais le repos n’a aucune influence positive sur la sensation de fatigue du sujet déprimé. Elle rend toute activité pénible. Le patient se plaint de troubles de concentration, d’attention, et de mémoire. Le ralentissement cognitif se traduit par des idées appauvries, laborieuses, voire absentes, une tendance à la rumination mentale. L’ élaboration mentale est pauvre, les réponses sont brèves, laconiques.


Dépression et sclérose en plaques

Dans le cas des maladies neurologiques telles que la SEP, le tableau clinique est souvent moins caractéristique. La tristesse n’est pas toujours au premier plan. L’intrication entre les symptômes dépressifs et ceux imputables à la maladie elle-même rend le diagnostic difficile (tableau 4.1).

























Tableau 4.1 RalentissementRecouvrement des symptômessymptômes entre dépression et SEP
Dépression Sclérose en plaques
Perte d’énergie Fatigue et fatigabilité
Ralentissement Ralentissement
Désinvestissement Incapacités fonctionnelles
Troubles de la concentration et de la mémoire Troubles cognitifs
Troubles du sommeil Troubles du sommeil
Troubles de l’appétit Diminution de l’appétit

Bien que la grande majorité des outils cliniques utilisés pour évaluer la dépression dans la SEP n’aient pas été élaborés spécifiquement pour des patients atteints d’affections neurologiques, un consensus se dégage pour admettre qu’il existe plus souvent des signes dépressifs et plus rarement un véritable épisode dépressif majeur, tel que décrit par le DSMDSM. Les scores aux échelles classiques de dépression sont généralement modérés. Aussi, assiste-t-on fréquemment à une sous-estimation de la souffrance dépressive, qui n’est pas prise en charge, alors qu’elle engendre un désinvestissement des activités, qu’elle majore les plaintes somatiques et cognitives et qu’elle a un retentissement sur la qualité de viequalité de vie des patients et sur celle de l’entourage.

Au cours de la SEP, la prévalencedépressionprévalence de la dépressiondépression vie entière est estimée à 50 %, avec une incidence annuelle de 20 %, qui est supérieure à celle d’une population non atteinte de SEP (8,9 %) [2, 4]. La fréquence est plus élevée que dans les maladies chroniques et les autres affections neurologiques [5]. Comme dans la population générale, la prévalence de la dépression chez les femmes atteintes de SEP est supérieure à celle des hommes. Cependant, les études de prévalence doivent être encore améliorées sur le plan méthodologique, car au moins deux critiques importantes peuvent être faites à la lecture des différents travaux. D’une part, les échantillons de patients sélectionnés sont suivis dans des centres spécialisés, ce qui exclut les patients qui ne consultent pas en milieu hospitalier et dont l’état psychopathologique n’est pas répertorié. D’autre part, les critères et les outils d’évaluation de la dépression ne sont pas identiques d’une étude à l’autre.

La précocité et la fréquence de la dépression ont été initialement décrites à la fin des années 1980, dans une étude française portant sur les relations entre troubles émotionnels et cognitifs et ancienneté de la maladie [6]. Dans ce travail, 37 patients dont la maladie évoluait depuis moins de 2 ans étaient comparés à 35 patients dont la durée d’évolution était comprise entre 6 et 12 ans et à un groupe contrôle. Les troubles cognitifs étaient présents chez 46 % des patients présentant une SEP récente et dans 68 % des cas dans le groupe dont la durée d’évolution était plus ancienne. Une symptomatologie dépressive était présente chez 38 % des patients évoluant depuis moins de 2 ans et chez 17 % des patients évoluant depuis 6 à 12 ans. S’il n’y avait pas de corrélation significative entre dépression et troubles cognitifs, une corrélation positive et significative existait entre les déficits cognitifs observés et le défaut de contrôle émotionnel tel que l’incontinence affective.

Parmi les déterminants de la dépression de la SEP, il reste actuellement difficile de préciser la part qui revient aux limitations motrices et sensorielles, aux troubles cognitifs, à la fatiguefatigue ainsi qu’aux facteurs de personnalité dans l’adaptationadaptation à la maladie. Dans la majorité des études, les troubles dépressifs ne semblent pas être corrélés à l’importance des troubles cognitifs, ni aux indices lésionnels évalués par l’IRM. La relation handicaphandicap et dépression est, elle aussi, controversée. En revanche, la perception du risque de dépendance à court terme, avec le spectre du passage au fauteuil roulant, est corrélée à l’anxiétéanxiété, à la dépression et à un sentiment de détresse [7]. En effet, dans cette étude, les auteurs montrent que, au regard des risques réels de handicap (selon les études épidémiologiques), les patients qui sont au stade précoce de la maladie (2 ans après le diagnostic) surestiment de manière significative leur risque à court terme de dépendance au fauteuil roulant [7].

Les facteurs à l’origine de la prévalence élevée de la dépression dans la SEP restent imprécis. Deux interprétations, non exclusives, sont proposées. Sur un plan psychologique, il s’agirait de la réaction à la maladie neurologique et à ses conséquences, telle que l’incertitude, la peur de la perte d’autonomie, les difficultés d’adaptationadaptation à la situation maladie et la qualité du soutien social perçu. Sur un plan neurobiologique, les processus physiopathologiques de l’atteinte neurologique interféreraient avec les mécanismes biologiques responsables de la survenue d’un état dépressif [5]. Quoi qu’il en soit, les conséquences cumulées de la dépression et de la SEP aboutissent à un véritable handicaphandicap du fait du retentissement social et professionnel. Il est nécessaire d’en faire le diagnostic pour la traiter précocement.


Dépression, troubles cognitifs et sévérité du handicap

Les recherches initiales n’ont pas mis en évidence de relations claires entre déficits cognitifsDépressiondéficits cognitifs et dépression [4]. Dans une analyse réalisée récemment [8], il apparaît que, sur 15 études, à l’exception de 3, rapportées avant 1999, il n’y avait pas de relation entre la dépressiondépression et le niveau de handicapdépressionhandicap lié à la SEP. Il est cependant nécessaire de différencier les formes évolutives de la maladie afin d’établir la réalité du lien et de développer des recherches longitudinales.

Des travaux plus récents font apparaître que la dépression et les troubles cognitifs sont plus fréquents dans les formes progressives que dans la formeforme rémittenteformerémittente, et plus particulièrement marqués dans les formes secondairement progressives [4]. Deux explications, non exclusives, peuvent être avancées. Tout d’abord, la charge lésionnelle charge lésionnelleévaluée à l’IRM serait supérieure dans les formes secondairement progressives, ensuite le stressstress d’origine à la fois physique et psychologique serait plus important face au nouveau profil évolutif de la maladie.

Pour Shawaryn et al. [9], la sévérité de la maladie en termes de handicap évalué par l’EDSS et le déficit dans la vitesse de traitement de l’information (notamment évalué par la PASAT) sont corrélés positivement et de façon significative à la dépression. D’autres études constatent une corrélation également positive entre les troubles dépressifs et la perception subjective d’un déficit cognitif [10, 11] et montrent que la dépression est en lien avec le score à l’EDSS mais aussi avec l’incertitude quant au devenir, la perte d’espoir et les stratégies défensives centrées sur l’émotion. Chwastiak et al. [12] ont analysé, chez 739 patients, les relations entre les symptômes dépressifs et la sévérité de la maladie (EDSSEDSS). Les scores de dépression augmentaient avec l’aggravation de la maladie. Les paramètres fonctionnels de l’EDSS étaient significativement associés aux symptômes dépressifs, quels que soient l’âge, le niveau d’éducation et l’ancienneté de la maladie. Les symptômes cognitifs étaient les plus fortement corrélés à la symptomatologie dépressive. De manière plus détaillée, Arnett et al. (in [4]) ont mis en évidence que les déficits cognitifs sont clairement corrélés avec l’humeur dépressive et la perception négative de soi du patient déprimé mais pas avec les symptômes neurovégétatifs de la dépression. La relation dépression et troubles cognitifs, en particulier concernant la vitesse de traitement de l’informationvitesse de traitement de l’information, les fonctions exécutivesfonctions exécutives et la mémoiremémoire de travailmémoirede travail, est mieux établie dans les dépressions sévères [4].

Les études récentes établissent un lien entre dépression et handicap évalué par l’EDSS. Elles viennent contredire la littérature internationale antérieure à 1999 en ce qui concerne la relation statistique entre la dépression, les troubles cognitifs et la sévérité du handicap [8].

Lobentanz et al. [13] ont étudié l’influence du handicap, de la dépressiondépression, de la fatiguedépressionfatigue et du sommeil sur la qualité de vie. Le handicap, évalué par l’EDSS, la fatigue et le sommeil ont une incidence uniquement sur les dimensions physiques de la qualité de viequalité de vie, alors que la dépression est le principal facteurfacteur prédictiffacteurprédictif de toutes les dimensions de la qualité de vie. L’ensemble des études confirment qu’il existe une corrélation négative significative entre dépression et qualité de vie, quelle que soit l’origine de la dépression.


Dépression et fatigue

La revue de la littérature internationale concernant la question des liens entre psychopathologie et fatigue dans la SEP fait majoritairement référence aux recherches sur la dépression.

Dans la SEP, entre 75 à 95 % des patients ont une plainte de fatigue [14]. Vers la fin des années 1980, la fatigue est reconnue, par les professionnels de santé, comme un des problèmes majeurs de la maladie. Des définitions sont proposées afin de mieux de cerner cette entité clinique. Le groupe canadien de recherche sur la SEP [15] propose la définition suivante : «Sensation anormale de fatigue ou manque d’énergie disproportionné ou plus grand que prévu par rapport au degré d’effort quotidien et/ou au degré d’incapacité». Hubsky et Sears [16] soulignent la dimension subjective et comportementale de la fatigue : «Expérience subjective variant entre la fatigue et l’épuisement et pouvant se manifester à travers les symptômes physiologiques, affectifs ou comportementaux et cognitifs».

La fatigue est un phénomène multifactoriel, dont les mécanismes physiopathologiques demeurent mal connus et difficiles à traiter. Parmi ces facteurs, les aspects psychologiques et psychopathologiques doivent être pris en compte. La fatigue, au sens psychiatrique, correspond à un état subjectif d’épuisement qui altère la motivation et l’activité mentaleImpact Scalementale soutenue. Elle survient dans des situations telles que la dépression, l’anxiété et le stressstress chronique. Il s’avère également nécessaire de prendre en compte le rôle de la douleurdépressiondouleur dans la fatigue et dans la dépressiondépression et de considérer l’impact de l’ensemble de ces facteurs sur la qualité de viequalité de vie des patients.

Bien que la fatiguedépressionfatigue et la dépressiondépression correspondent à deux entités cliniques distinctes, il existe des recouvrements entre les deux syndromes car la fatigue fait partie du tableau de la dépression, avec les conséquences suivantes : une baisse d’énergie, un ralentissementralentissement physique et psychique, des troubles du sommeil, de la concentration et de la mémoire. Cependant, les affects négatifs tels que la perte d’espoir, la tristesse et l’anxiétéanxiété permanentes, repérables au cours de la dépression, ne sont pas associés au vécu de fatigue du sujet atteint de SEP, s’il n’est pas déprimé [17].

Pour tenter de préciser les relations entre la plainte subjective de fatigue dans la SEP et la dépressiondépression, l’ancienneté dans la maladie et le niveau de handicapdépressionhandicap, un travail a comparé 30 patients atteints de SEP à 29 patients présentant d’autres pathologies neurologiques et à 30 sujets en bonne santé [18]. Les résultats confirment que la fatigue représente pour les patients atteints de SEP un des trois symptômessymptômes les plus invalidants de la maladie. Leurs scores de fatigue sont significativement plus élevés que dans les deux autres groupes. La fatigue est par ailleurs majorée par l’exercice physique et améliorée par le repos. Les résultats mettent de plus en évidence l’absence de corrélation significative entre le degré de fatigue, le niveau de handicap et l’ancienneté de la maladie. Enfin, les répercussions professionnelles, sociales et familiales de la fatigue sont plus importantes pour les patients atteints de SEP. Dans ce travail, et bien que les patients SEP soient plus déprimés que les patients des deux autres groupes, il n’existait pas de différence significative entre les patients atteints de SEP déprimés et les patients non déprimés au score d’intensité de fatigue ressentie. La dépression n’explique donc pas à elle seule la fatigue. Ces données vont dans le sens de recherches n’ayant pas mis en évidence des corrélations positives significatives entre fatigue et dépression.

Si la majorité des études initiales n’a pas montré de relation entre fatigue et dépression [19], des études plus récentes décrivent un lien positif significatif [[20][21] and [22]]. Ainsi, dans l’étude de Chwastiak [21], 76 % des 739 patients ayant un score de fatigue supérieur à la normale présentaient des scores de dépression élevés, contre 31 % des sujets ayant des scores «normaux» aux échelles de fatigue. Tellez et al. [20] ont évalué la fatigue et la dépression de patients atteints de SEP sur une durée de 18 mois. Les résultats montraient que l’augmentation des scores de dépression était positivement corrélée à l’aggravation de la fatigue. Penner et al. [19] ont exploré les relations entre la fatigue, la dépression et le handicap physique, en comparant un groupe de 41 patients atteints de SEP avec un groupe de 41 sujets en bonne santé. Les résultats de cette recherche révélaient un lien significatif entre le niveau de handicap et la fatiguefatigue physiquefatiguephysique dans le groupe présentant une SEP. Ils notaient que la dépression était le facteur principal qui influençait la fatigue dans les deux groupes. Cependant, dans la majorité des recherches, des critiques méthodologiques peuvent être formulées sur le faible contrôle des dimensions cliniques communes à la dépression et à la fatigue.

Les études les plus pertinentes utilisent des outils cliniques qui distinguent la fatiguefatigue mentalefatiguementale de la fatigue physiquefatiguephysique. Elles mettent en évidence que seule la fatigue mentale est corrélée à la dépression [23, 24].

Un travail effectué par Trojan et al. [24] montre que les patients atteints de SEP ont des scores supérieurs aux sujets contrôles sur les dimensions : fatiguefatigue générale, fatigue physiquefatiguephysique et réduction d’activité et de motivation. Les patients ressentent également plus de douleurs et une moins bonne qualité de sommeil, et le score de dépressiondépression et de stressstress est plus élevé. Que la fatiguedépressionfatigue soit générale, physique ou mentale, il n’y a pas de différence significative entre les hommes et les femmes, ni entre les formes progressives primaires et secondaires de la maladie, ni entre les patients traités ou non traités par les thérapeutiques immunomodulatrices. En revanche, il existe une relation très forte entre fatigue générale et douleurdépressiondouleur. En utilisant un modèle statistique multivarié, les auteurs montrent que la qualité du sommeil et la douleur contribuent, l’une et l’autre, à la fatigue générale.

Un autre travail [25] insiste sur le caractère multidimensionnel de la fatigue neurologique en comparant des patients victimes d’un accident vasculaire cérébral (AVC) et des patients atteints de SEP appariés pour le déficit fonctionnel, le handicap et les séquelles cognitives. Les deux groupes de patients sélectionnés ne sont ni déprimés, ni anxieux et avec un handicap neurologique faible. Les résultats montrent que 46 % des patients présentant une SEP ont une fatigue significativement plus élevée que le groupe AVC (29 %). Les scores de sévérité et d’impact psychique sont plus sévères dans le groupe SEP. Les scores sont plus élevés surtout pour les items décrivant l’impact mental et affectif de la fatigue. En revanche, les conséquences de la fatigue sur le fonctionnement physique, social et familial sont similaires dans les deux groupes. La bonne réponse au repos, concernant les patients atteints des deux affections, serait donc un argument contre une participation dépressive de la fatigue.

En dehors de tout syndrome dépressif, les troubles cognitifs ne sont pas toujours prédictifsfacteurprédictifs de l’importance de la fatigue. En revanche, la fatigue a un impact négatif sur les performances cognitives attentionnelles et sur la motivation [19].

La plainte de fatigue est présente chez la majorité des personnes atteintes de SEP, aussi bien au début de la maladie que dans les formes plus évoluées. Elle peut être permanente. Il s’agit d’un symptômesymptôme majeur pour lequel les patients se disent mal compris par l’entourage et les soignants. Cette fatigue persistante majore le ralentissementralentissement global, les difficultés motrices et cognitives. Elle affecte l’activité de penser et la capacité de désirer et d’anticiper. Elle a un impact sur la vie socioprofessionnelle, relationnelle et affective. Les principales conséquences sont une réduction des activités, avec une tendance au retrait, un sentiment d’impuissance et de dévalorisation. Elle peut se manifester par une irritabilité et/ou une agressivité envers l’entourage et entraîner un retournement agressif contre soi-même, sous forme d’affects dépressifs [18].

Il est nécessaire de poursuivre les recherches sur les relations entre fatigue, dépression et anxiétéanxiété, et tâches complexes d’attention. En outre, il ressort des études récentes que les outils cliniques les plus pertinents sont multidimensionnels et distinguent la fatiguefatigue psychiquefatiguepsychique de la fatigue physique, cela afin de clarifier leur relation avec la dépression.


Dépression et douleurs

Le handicapdépressionhandicap lié aux douleurs de la SEP est sous-évalué, alors que la douleur est estimée présente entre 53 et 86 % des cas [26]. L’origine de la douleur est variée : douleurs neurogènes paroxystiques, douleurs neurogènes continues, douleurs des poussées, contractures (spasticité), douleurs iatrogènes, douleurs secondaires. En consultation courante, chez la majorité des personnes atteintes de SEP, la plainte douloureuse n’est pas toujours mise en avant, à l’exception des douleurs aiguës. Les problèmes sont si souvent intriqués et multiples (d’ordre physique, social, professionnel, affectif) que les patients rencontrent des difficultés à les hiérarchiser. Cependant, il est essentiel de rechercher la composante douloureuse afin de comprendre la place que la douleur occupe dans certains comportements de retrait, d’isolement, de passivité, de découragement, d’angoisse et de dépression. Dans le travail de Ehde et al. [26], 44 % des 442 patients étudiés rapportent une douleur persistante au cours des trois derniers mois. Comparés à des patients SEP non douloureux, il ressort que la douleur est positivement corrélée à l’humeur dépressive, la fatigue, une perception péjorative de l’état de santé, une baisse des activités quotidiennes à l’extérieur comme au domicile et à un score de handicap plus élevé à l’EDSSEDSS.


Dépression et traitements de fond

Dans les années 1990, les traitementstraitements de fond, principalement représentés par les interférons bêta prescrits dans les formes rémittentes, ont été incriminés dans la survenue de la dépression et quelques cas de suicidessuicides. Étant donné que la fréquence de la dépression au cours de la maladie est élevée, ainsi que son incidence annuelle, à moins de faire des études longitudinales rigoureuses, il n’est pas aisé de déterminer quel rôle exact jouent ces traitementstraitements dans la survenue d’une telle symptomatologie. En 2000, Feinstein [4] procédait à une revue de la littérature sur cette question. Au regard des limites méthodologiques inhérentes à cette approche, il soulignait qu’il était prématuré de conclure à une relation entre la prise d’un traitement de fond par interféroninterféron bêta et la dépression. Pour Siegert et Abernethy [4], le taux de dépression est équivalent chez les sujets traités par interféron bêtabêta et chez les sujets traités par acétate de glatirameracétate de glatiramer. Les recherches actuelles confirment ces observations, avec un éclairage important sur les relations causales. Ainsi, il est utile de retenir que le meilleur index prédictiffacteurprédictif de la survenue d’une dépression chez les patients atteints de SEP et traités par interféron bêtainterféron bêta est l’existence d’antécédents dépressifs. Il reste donc essentiel d’évaluer le statut psychopathologique des patients qui débutent un traitement de fond et d’assurer un suivi rigoureux de leur état thymique et émotionnel.


Corrélats morphologiques de la dépression et rôle des facteurs psychosociaux

Les régions neuroanatomiques impliquées dans la dépression de la SEP restent mal connues et les dispositifs méthodologiques sont difficiles à mettre en place, au regard de l’absence de modèle neuropathologique de la dépressiondépression. L’étude en IRMdépressionIRM la plus solide a été menée par Ghaffard et Feinstein [2]. Dans le cadre d’un entretien psychiatrique structuré, les auteurs ont évalué la dépression à partir des critères du DSM-IVDSM-IV chez des patients atteints de SEP. Leurs critères d’exclusion étaient très rigoureux (absence d’antécédent psychiatrique, et en particulier de dépression antérieure à l’inclusion dans l’étude). Les auteurs ont comparé, en IRM, 21 patients déprimés appariés à 19 patients non déprimés. Les résultats mettaient en évidence que les patients atteints de SEP déprimés présentaient plus de lésionslésions dans les régions médianes inférieures gauches et une atrophieatrophie plus importante des régions temporalestemporales antérieures gauches. Dans le modèle statistique de régression, ces deux régions expliquaient 42 % de la variance totale.

Cependant, l’étude de l’humeur dépressive ne peut pas se limiter à une approche unique en termes de localisations. Le modèle biopsychosocial devrait prévaloir dans la compréhension des dysfonctionnements et des difficultés vécues par les patients. À cet égard, l’analyse des facteurs psychosociaux prend une place de plus en plus importante dans les recherches cliniques contemporaines. Par exemple, des mécanismes tels que la nature et le poids des ressources psychologiques personnelles, la recherche de soutien social doivent être pris en compte pour analyser quels sont les facteurs protecteurs contre la survenue de troubles de l’humeur. Afin d’y répondre, des études menées en psychologie de la santé sur le copingcoping et les stratégies d’ajustement se développent dans la SEP. L’objectif de telles recherches est d’étudier les ressources internes et externes auxquelles les patients font appel pour faire face aux situations difficiles et quelles sont les mieux adaptées. Il apparaît ainsi que les patients qui utilisent des stratégies actives face à la maladie ont moins de symptômes dépressifs que les patients qui ont recours à des stratégies d’évitement [4].

Il apparaît donc nécessaire que les symptômes dépressifs soient identifiés et mieux pris en charge. Le traitement de la dépression permet d’améliorer la qualité de viequalité de vie des patients en réduisant les aggravations fonctionnelles somatiques et cognitives et par conséquent de limiter le retentissement sur la vie sociale et relationnelle. En outre, leur prise en compte par un traitement adapté, comportant antidépresseurs et psychothérapie, limite le risque de passage à l’acte suicidaire, qui est majoré par la présence de l’anxiétéanxiété.


Anxiété

Dans la SEP, s’il existe de nombreuses recherches sur la dépression, un faible nombre d’entre elles ont analysé la fréquence de l’anxiété et ses corrélations avec les autres dimensions cliniques et psychopathologiques. L’anxiété est, de fait, mal étudiée et probablement sous-évaluée.

Pourtant, la prévalence de l’anxiété dans la SEP est actuellement estimée à 36 % des cas [4, 7, 27]. Dans leur étude sur les troubles anxieux, Korostil et Feinstein [27] ont utilisé les critères du DSM-IV DSM-IVchez 140 patients atteints de SEP. Ils confirment la présence de troubles anxieux chez 35,7 % d’entre eux, avec une prévalence supérieure à la population générale concernant le trouble panique (10 % versus 3,5 %), le trouble obsessionnel compulsif (8,6 % versus 2,5 %), et l’anxiété généralisée (18,6 % versus 5,1 %). Par ailleurs, les sujets à risque sont plus fréquemment de sexe féminin, avec des antécédents de dépression. En outre, ces patients rapportent un nombre plus important de situations de stressstress et un faible soutien social et ils présentent des tendances à l’alcoolisation avec des idées suicidaires. Les auteurs constatent que, chez la majorité des patients étudiés, le diagnostic de troubles anxieux n’a pas été porté et, de ce fait, aucun traitement n’a été mis en place, alors que l’anxiété renforce les plaintes somatiques, et qu’associée à la dépression, elle majore le risque suicidaire.

L’anxiété ne semble pas corrélée avec l’âge, le statut professionnel, ni avec l’atteinte cognitive [27]. Elle n’est pas liée à l’ancienneté de la maladie. Cependant, la perception du risque à court terme de dépendance au fauteuil roulant, chez des patients diagnostiqués depuis moins de 2 ans, est significativement et positivement corrélée à l’anxiété et à un sentiment de détresse [7]. Les différents résultats sont discordants en ce qui concerne les relations entre anxiété et score de handicaphandicap. Il semble toutefois que moins le patient accepte les limitations physiques, plus il est anxieux [28]. Les relations entre anxiété et lésionslésions cérébrales ne sont pas clairement identifiées. Ainsi, Zorzon et al. [29] ne trouvent pas de corrélations avec les anomalies à l’IRMIRM et ils défendent l’idée que l’anxiété est une réponse réactionnelle aux pressions psychosociales subies par les patients. Elle serait liée aux difficultés d’adaptationadaptation et au vécu émotionnel douloureux engendré par la maladie.

L’anxiété, souvent perçue tant par le patient que par les soignants comme une réaction compréhensible à la maladie chronique, fait rarement l’objet d’un traitement. Pourtant, elle constitue un facteur de souffrance, de morbidité mais aussi de mortalité lié au risque suicidaire lorsqu’elle est associée à la dépression. C’est pourquoi elle doit être prise en charge précocement [4], là encore par médicaments et prise en charge psychothérapique.


Suicide et SEP

SuicideLes passages à l’acte suicidaire sont plus fréquents chez les patients atteints de SEP que dans la population générale. Les facteurs de risque de suicide sont la précocité et la forme progressive de la maladie, la sévérité de la dépressiondépression associée à l’anxiété, l’isolement affectif et social, les faibles revenus et les antécédents psychiatriques [30, 31].

Une des premières études sur les causes de décès dans la SEP a été menée au Canada, dans un large échantillon de 3 126 patients atteints de SEP [32]. L’analyse couvrait une période de 16 années (1972–1988) et mettait en évidence que la proportion de décès par suicide était 7,5 fois supérieure à la population générale, dans la même tranche d’âge. Ce chiffre très élevé n’a pas été confirmé par une étude danoise menée à partir d’un échantillon de 5 000 patients. La méthodologie était plus rigoureuse que dans l’étude précédente et les auteurs notaient une incidence du suicide de 1,8 fois celle de la population générale. En outre, le suicide touchait plus fréquemment des sujets dont le diagnostic de SEP avait été porté avant l’âge de 30 ans, et le plus souvent de sexe masculin. Dans une étude suédoise conduite auprès de 12 000 patients sur une période de 17 ans, le taux de suicides représentait 2,3 fois celui de la population générale correspondante [33].

Seule l’étude de Feinstein [31] a permis d’analyser, chez 140 patients atteints de SEP, les facteursfacteurs prédictifsfacteursprédictifs de risque suicidaire. Ce sont les mêmes que dans la population générale avec, par ordre d’importance, la sévérité de la dépression, la comorbidité anxiété-dépression, les antécédents d’abus d’alcool (bien que, comparée à la population générale, la prévalence de l’alcoolisme semble inférieure chez les SEP) et l’isolement social. Dans son travail, Feinstein [31] souligne, qu’au moment du recrutement des patients, un tiers des patients suicidaires ne bénéficiaient d’aucune aide psychologique et deux tiers des patients présentant une dépression majeure et des idées suicidaires ne recevaient aucun traitement antidépresseur. Plusieurs auteurs déplorent l’absence de recherche systématique de la symptomatologie anxiodépressive, en pratique courante, avec les conséquences que cela implique.


Stress et émotion

émotionDès les premières descriptions de la SEP, Charcot [1] avait suggéré la présence de «circonstances d’ordre moral invoquées par les patients». «Dans les antécédents pathologiques des malades, nous n’avons à relever, en général, que des indices très vagues : l’hystérie y figure dans quelques cas mais ce sont les circonstances d’ordre moral qui, le plus communément, sont invoquées par les malades : les chagrins prolongés pour les femmes, quant aux hommes, il s’agit pour la plupart de gens déclassés, placés en dehors du courant général, trop facilement impressionnables, mal armés pour soutenir la lutte pour la vie.»

La littérature est riche de données qui abondent autant sur la présence que sur l’absence de relation entre émotion, stress subi et SEP. Bien qu’à partir des années 1990, les études sur stressstress et événements de vie aient proposé des dispositifs méthodologiques de plus en plus rigoureux, leurs résultats restent contestables au regard des critères d’analyse du stress et du choix des groupes témoins. En l’état actuel des recherches, le lien entre stress et SEP est considéré comme seulement plausible [34].


Qu’est-ce qu’une émotion?

Le terme émotion signifie mouvement vers l’extérieur. D’un point de vue sémantique, émotion et mouvement sont liés. L’émotion est définie comme une réaction aiguë et transitoire. Le caractère brutal et habituellement bref de l’émotion la rend distincte de l’humeur. L’humeur concerne des états plus durables dans le temps que l’émotion. Il est classique de décrire une émotion comme un système de réponses complexes à trois niveaux : les réactions physiologiques, comportementales et expressives. Ces dernières sont très influencées par la personnalité du sujet et les réactions cognitives et subjectives [35].


Composante physiologique/biologique

Les réactions physiologiques concernent à la fois le système nerveux central et le système nerveux autonome. Les études sur le stress, dont celles de Cannon, ont mis en évidence le rôle du système hormonal dans le processus émotionnel. Les émotions négatives entraînent des réponses plus fortes du système nerveux autonome que les émotions positives [36].


Composante comportementale

Elle fait référence aux expressions de l’émotion, qui diffèrent d’un individu à l’autre. Il s’agit, d’une part, de la communication verbale et non verbale (ton de la voix) pour exprimer l’émotion à autrui et, d’autre part, des réactions immédiates à une situation (réflexes). L’expression faciale est certainement la composante comportementale de la communication la plus étudiée et la plus significative. Chaque état émotionnel correspond à un patron de préparation d’action spécifique.


Composante subjective

La composante subjective comprend l’ensemble des processus mentaux qui interviennent dans la perception d’une situation, dans son maintien et sa transformation en mémoire. La composante subjective, que l’on désigne également comme composante cognitive et expérientielle, peut se traduire par des mots. Le langage constitue la voie majeure permettant d’y accéder. Les émotions sont déterminées non seulement par une activité physiologique particulière, mais aussi par une évaluation cognitive de la situation, de l’environnement et des relations interpersonnelles. La composante subjective peut être étudiée par différentes méthodes, comme l’entretien clinique ou les échelles d’autoévaluation. L’émotion a pour fonction de signaler à l’individu quelles sont les situations qui sont les plus adaptées pour lui et de le motiver à interagir avec les événements.

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Jun 5, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 4. Troubles thymiques et émotionnels

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