Chapitre 4 Sang
Le sang est composé d’un liquide transparent jaune paille, le plasma, dans lequel différents types de cellules sont en suspension. Le plasma constitue normalement 55 % du volume sanguin. Les 45 % restants forment la fraction cellulaire du sang. Les deux fractions sanguines, les globules rouges et le plasma, peuvent être séparées par centrifugation ou par la gravité lorsqu’on laisse le sang au repos (Fig. 4.1A). Comme les cellules sont plus lourdes que le plasma, elles coulent au fond de tout échantillon.
Plasma
Protéines plasmatiques
Les protéines plasmatiques, qui constituent jusqu’à 7 % du plasma, sont normalement retenues dans le sang car elles sont trop volumineuses pour s’échapper par les pores capillaires pour gagner les tissus. Elles sont largement responsables de la pression osmotique du sang (p. 84), qui retient le liquide plasmatique dans la circulation. Si le taux de protéines plasmatiques baisse en raison soit d’une chute de leur production, soit d’une perte par les vaisseaux sanguins, la pression osmotique baisse aussi, et du liquide passe dans les tissus (œdème) ainsi que dans les cavités corporelles.
Albumines
Ce sont les protéines plasmatiques les plus abondantes (environ 60 % du total) et leur principale fonction est de maintenir normale la pression osmotique du plasma. L’albumine agit aussi comme molécule de transport des acides gras libres, de certains médicaments et des hormones stéroïdiennes.
Globulines
Leurs principales fonctions sont :
Électrolytes
Les électrolytes ont un grand nombre de fonctions, dont la contraction des muscles (par exemple Ca2+), la transmission des influx nerveux (par exemple Ca2+ et Na+), et le maintien de l’équilibre acidobasique (par exemple phosphate, PO24–). Le pH du sang est maintenu entre 7,35 et 7,45 (légèrement alcalin) par une série complexe d’activités chimiques, qui implique des systèmes tampons.
Nutriments
Les produits de la digestion, par exemple le glucose, les acides aminés, les acides gras et le glycérol, sont absorbés dans le tractus alimentaire. De même que les sels minéraux et les vitamines, les nutriments sont utilisés par les cellules corporelles pour l’énergie, la chaleur, la réparation et le remplacement, et pour la synthèse d’autres constituants du sang et des sécrétions corporelles.
Produits de déchet
L’urée, la créatinine et l’acide urique sont des produits de déchet du métabolisme des protéines. Ils sont synthétisés dans le foie, et transportés par le sang aux reins, pour être excrétés.
Hormones (Ch. 9)
Ce sont des messagers chimiques synthétisés par les glandes endocrines. Les hormones passent directement des cellules endocrines au sang, qui les transporte à leurs cibles (tissus et organes) situés ailleurs dans le corps, où elles influencent l’activité cellulaire.
Gaz
L’oxygène, le dioxyde de carbone et l’azote sont transportés dans le corps dissous dans le plasma. L’oxygène et le dioxyde de carbone sont aussi transportés en combinaison avec l’hémoglobine et les globules rouges (p. 63). La plus grande partie de l’oxygène est transportée en combinaison avec l’hémoglobine, et la plus grande partie du dioxyde de carbone en tant qu’ions bicarbonate dissous dans le plasma (p. 269). L’azote atmosphérique pénètre dans l’organisme par les mêmes voies que les autres gaz ; il est présent dans le plasma, mais n’a pas de fonction physiologique.
Contenu cellulaire du sang
Après avoir étudié ce paragraphe, vous devriez être capable :
Il y a trois types de cellules du sang (voir Fig. 1.6, p. 8) :
Les cellules du sang sont principalement synthétisées dans la moelle osseuse rouge. Certains lymphocytes sont également produits dans le tissu lymphoïde. Dans la moelle osseuse, les cellules du sang proviennent de cellules souches pluripotentes (c’est-à-dire capables de se développer en un ou plusieurs types de cellules), et elles passent par plusieurs stades de développement avant d’entrer dans le sang. Les différents types de cellules du sang suivent des lignes de développement séparées. Le processus de formation des cellules du sang est appelé hématopoïèse (Fig. 4.2).
Durant les premières années de la vie, la moelle rouge occupe la totalité de l’espace médullaire, mais dans les 20 années qui suivent, elle est progressivement remplacée par de la moelle jaune graisseuse, qui n’a pas de fonction hématopoïétique. Chez les adultes, l’hématopoïèse est confinée aux os plats, aux os irréguliers et aux membres (épiphyses des os longs), les sièges principaux étant le sternum, les côtes, le pelvis et le crâne.
Érythrocytes (globules rouges du sang, hématies)
Les globules rouges du sang sont des disques biconcaves non nucléés, d’environ 7 microns de diamètre. (Fig. 4.3). Leur principale fonction est le transport gazeux, essentiellement l’oxygène, mais ils transportent aussi du dioxyde de carbone. Leur forme caractéristique est appropriée pour leur fonction ; la biconcavité augmente leur surface pour l’échange gazeux, et la minceur de la partie centrale favorise l’entrée et la sortie rapides des gaz. Les cellules sont flexibles, de telle sorte qu’elles peuvent se glisser à travers les étroits capillaires, et elles ne contiennent pas d’organites intracellulaires, ce qui laisse davantage de place à l’hémoglobine, la volumineuse protéine pigmentée responsable du transport du gaz.
La mesure du nombre de globules rouges, celle de leur volume et de leur teneur en hémoglobine sont des évaluations routinières et utiles en pratique clinique (Tableau 4.1). Les symboles entre parenthèses sont les abréviations habituellement utilisées dans les résultats du laboratoire.
Mesure | Valeurs normales |
---|---|
Taux d’érythrocytes – nombre d’érythrocytes par litre, ou millilitre cube (mm3) de sang | |
Hématocrite – volume de globules rouges dans 1 l ou mm3 de sang | 0,4–0,5 l/l |
Volume globulaire moyen (VGM) – volume d’une cellule moyenne mesuré en femtolitres (1 fl = 10−15 l) | 80 à 96 fl |
Hémoglobine (Hb) – poids de l’hémoglobine dans le sang total, mesuré en grammes/100 ml de sang | |
Teneur corpusculaire (globulaire) moyenne en hémoglobine (TCMH ou TGMH) – la quantité moyenne d’hémoglobine par cellule, mesurée en picogrammes (1 pg = 10−12 gramme) | 27–32 pg/cellule |
Concentration corpusculaire (globulaire) moyenne en hémoglobine (CCMH ou CGMH) – le poids de l’hémoglobine dans 100 ml de globules rouges | 30–35 g/100 ml de globules rouges |
Durée de vie et fonction des érythrocytes
Les érythrocytes sont produits dans la moelle osseuse rouge, qui est présente aux extrémités des os longs, ainsi que dans les os plats et ceux irréguliers. Ils y passent par plusieurs stades de développement avant d’entrer dans le sang. Leur durée de vie dans la circulation est d’environ 120 jours.
Le processus de développement des globules rouges depuis les cellules souches prend environ 7 jours ; il est appelé érythropoïèse (Fig. 4.2). Les cellules immatures sont relâchées dans le flux sanguin sous forme de réticulocytes, puis deviennent matures au bout d’un jour ou deux dans la circulation et deviennent des érythrocytes. Durant cette période, elles perdent leur noyau et deviennent donc incapables de se diviser (Fig. 4.4).
Hémoglobine
L’hémoglobine est une protéine volumineuse et complexe, contenant une protéine globulaire (globine) et une substance complexe contenant du fer appelée hème. Chaque molécule d’hémoglobine contient quatre chaînes de globine et quatre unités d’hème, chacune comportant un atome de fer (Fig. 4.5). Comme chaque atome de fer peut se combiner avec une molécule d’oxygène, cela signifie qu’une seule molécule d’hémoglobine peut transporter jusqu’à quatre molécules d’oxygène. Un globule rouge de sang moyen transporte environ 280 millions de molécules d’hémoglobine, ce qui donne à chaque cellule la capacité théorique de transport d’oxygène dépassant le milliard de molécules d’oxygènes !
Le fer est transporté dans le flux sanguin en étant lié à sa protéine de transport, la transferrine, et stocké dans le foie. La production érythrocytaire normale nécessite un apport en fer stable. L’absorption du fer dans l’appareil digestif est très lente, même si le régime est riche en fer ; cela implique qu’un déficit en fer peut facilement survenir si les pertes dépassent l’apport.
Transport de l’oxygène
Lorsque les quatre sites de liaison de l’oxygène sur une molécule d’hémoglobine sont pleins, celle-ci est dite saturée. L’hémoglobine se lie à l’oxygène de manière réversible pour former l’oxyhémoglobine, suivant l’équation suivante :
Les tissus actifs sur le plan métabolique, par exemple les muscles d’effort, libèrent l’acide des produits de déchet ; ainsi, le pH local chute. Dans certaines conditions, l’oxyhémoglobine se rompt facilement, procurant de l’oxygène supplémentaire pour les tissus.
Faibles taux d’oxygène (hypoxie)
Là où les taux d’oxygène sont faibles, l’oxyhémoglobine se rompt, libérant de l’oxygène. Dans les tissus, qui consomment constamment de l’oxygène, les taux d’oxygène sont toujours faibles. Cela pousse l’oxyhémoglobine à libérer de l’oxygène à destination des cellules. En outre, plus le taux d’oxygène tissulaire est faible, plus de l’oxygène est libéré, ce qui signifie que lorsque la demande en oxygène tissulaire augmente, c’est également le cas de l’apport en oxygène pour combler celle-ci. Par ailleurs, si les taux d’oxygène sont élevés, comme c’est le cas dans les poumons, la formation d’oxyhémoglobine est favorisée.
Les tissus métabolisant de manière active, qui ont des besoins en oxygène plus importants que la normale, sont plus chauds que les tissus moins actifs, ce qui pousse l’équation décrite ci-dessus vers la gauche, augmentant la dissociation d’oxygène. Cela implique que les tissus très actifs recevront un apport d’oxygène plus élevé que les tissus moins actifs. Dans les poumons, où les alvéoles sont exposées à l’air inspiré, la température est plus basse, favorisant la formation d’oxyhémoglobine.
Contrôle de l’érythropoïèse
Les nombres de globules rouges demeurent tout à fait constants, car la moelle osseuse produit des érythrocytes au rythme auquel ils sont détruits. Cela est dû à un mécanisme de rétroaction homéostasique négative. L’hormone qui régule la production érythrocytaire est l’érythropoïétine, qui est principalement générée par les reins.
L’hypoxie, c’est-à-dire l’apport en oxygène aux cellules déficient, est le stimulus primaire accroissant l’érythropoïèse. Cela se produit quand :
L’hypoxie augmente la formation d’érythrocytes en stimulant la production d’érythropoïétine. Celle-ci stimule un accroissement de la production de proérythroblastes et la libération dans le sang d’un nombre accru d’érythrocytes. Elle augmente aussi la maturation réticulocytaire. Ces modifications augmentent la capacité de transport de l’oxygène par le sang, et suppriment l’hypoxie tissulaire, qui est le stimulus d’origine. Quand l’hypoxie tissulaire est surmontée, la production des érythrocytes diminue (Fig. 4.6). Quand le taux d’érythropoïétine est bas, la formation de globules rouges ne se produit pas, même en cas d’hypoxie, et une anémie (l’incapacité qu’a le sang de transporter la quantité d’oxygène adéquate aux besoins corporels) se développe.
Destruction des érythrocytes
La durée de vie des érythrocytes est d’environ 120 jours ; leur destruction, ou hémolyse, est effectuée par des cellules réticulo-endothéliales phagocytaires. Celles-ci sont présentes dans de nombreux tissus, mais la rate, la moelle osseuse et le foie sont les principaux sièges de l’hémolyse. En vieillissant, les membranes cellulaires des érythrocytes se fragilisent, ce qui les rend plus sensibles à l’hémolyse. Le fer libéré par l’hémolyse est retenu dans l’organisme, et réutilisé dans la moelle osseuse pour former de nouvelles molécules d’hémoglobine (Fig. 4.4). La biliverdine dérive de l’hème. Elle est presque complètement réduite en un pigment jaune, la bilirubine, qui se lie à l’albumine plasmatique la transportant au foie (voir Fig. 12.37, p. 322). Dans le foie, la bilirubine, de liposoluble, devient hydrosoluble (NdT : en raison de sa combinaison avec l’acide glycuronique, combinaison appelée glycuroconjugaison).
Groupes sanguins
Les hématies ont sur leur surface des antigènes dont le type caractérise le groupe sanguin de l’individu ; en même temps, le sérum contient des anticorps dirigés contre les antigènes de groupe sanguin que l’individu ne possède pas. Antigènes de groupe sanguin et anticorps sont génétiquement déterminés, développés durant la vie fœtale et présents à la naissance (ces anticorps sont dits « naturels »).
Si des individus sont transfusés avec du sang du même groupe sanguin, c’est-à-dire du sang dont les hématies ont les mêmes antigènes de groupe sanguin que les hématies de ces individus, le système immunitaire de ces derniers ne reconnaîtra pas ces antigènes comme étant étrangers, et ne les rejettera pas. Cependant, s’ils sont transfusés avec du sang d’un groupe sanguin différent, c’est-à-dire du sang dont les hématies portent un ou des antigènes que n’ont pas les hématies des sujets transfusés, le système immunitaire du transfusé développera une attaque contre les hématies transfusées, et les détruira ; le sang transfusé et le sang du transfusé (ou le donneur et le receveur de sang) sont dits incompatibles. Il se produit alors une réaction transfusionnelle.
Système ABO
Environ 55 % des individus possèdent à la surface de leurs hématies soit des antigènes A (sujets du groupe sanguin A), soit des antigènes B (groupe sanguin B), soit des antigènes des deux types (groupe sanguin AB). Les 45 % restants n’ont ni antigènes A ni antigènes B (groupe sanguin O). Les anticorps correspondants sont dits anti-A et anti-B. Les individus du groupe sanguin A ne peuvent pas fabriquer d’anticorps anti-A (par conséquent, ils n’ont pas ces anticorps naturels dans leur sérum), car sinon une réaction contre leurs propres hématies se produirait ; toutefois, ils fabriquent des anticorps anti-B, qu’ils possèdent dans leur sérum. De même, les individus du groupe B fabriquent, et possèdent dans leur sérum, des anticorps naturels anti-A ; ceux du groupe AB n’en fabriquent pas, et ceux du groupe O fabriquent (et possèdent dans leur sérum) à la fois des anticorps naturels anti-A et des anticorps anti-B (Fig. 4.7).
Les sujets du groupe sanguin AB, ne possédant pas plus d’anticorps naturels anti-A qu’anti-B, sont parfois dits receveurs universels : la transfusion de sang soit du groupe A, soit du groupe B, à ces individus est sans risque, car ceux-ci n’ont pas d’anticorps naturels pour réagir avec les antigènes A et B. Inversement, les sujets du groupe O n’ont pas d’antigènes A et B sur la membrane de leurs hématies, et leur sang peut être transfusé sans risque aux sujets des groupes A, B, AB et O ; les sujets O sont dits donneurs universels. Il convient de noter que les termes receveurs universels et donneurs universels peuvent être trompeurs, car ils impliquent que le système ABO est le seul devant être pris en considération. En pratique, bien que les systèmes ABO puissent être compatibles, d’autres systèmes d’antigènes sur les hématies des receveurs et des donneurs peuvent être incompatibles et provoquer une réaction transfusionnelle (p. 74). C’est la raison pour laquelle, avant toute transfusion, il demeure nécessaire d’effectuer une épreuve de compatibilité croisée pour s’assurer de l’absence de réaction entre le sang du donneur et celui du receveur. L’hérédité des groupes sanguins ABO est décrite au chapitre 17 (p. 459).
Système Rhésus
L’antigène important de la membrane des érythrocytes est ici l’antigène Rhésus (Rh), ou facteur Rhésus (NdT : il existe en fait un système Rhésus comprenant divers antigènes, dont le plus important est l’antigène Rh proprement dit, appelé aussi D). Environ 85 % des personnes possèdent cet antigène ; elles sont dites Rhésus positives (Rh+ ou D), et elles ne possèdent donc pas d’anticorps naturels anti-Rhésus. Les 15 % restant n’ont pas d’antigène Rhésus (ces personnes sont Rhésus négatives, ou Rh−). Les individus Rh− sont capables de fabriquer des anticorps anti-Rhésus, mais ils ne le font que dans certaines circonstances, par exemple lors de la grossesse (p. 73) ou du fait d’une transfusion de sang incompatible (NdT : il n’y a pas d’anticorps naturels anti-Rh).
Leucocytes (globules blancs)
Ces cellules ont une importante fonction dans la défense et l’immunité. Les leucocytes sont les plus volumineuses des cellules du sang, mais ils ne représentent que 1 % environ du volume sanguin. Ils possèdent un noyau, et certains ont des granulations dans leur cytoplasme (Tableau 4.2). Il en existe deux principaux types :
Nombre × 109/l | Pourcentage du total | |
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