Chapitre 4. Premier entretien thérapeutique
le kit d’assemblage
Une précaution initiale vise à séparer l’intérêt pour la forme ou l’intérêt pour la fonction.
• Si on privilégie la formeforme, on prend une direction sémiologique. On s’intéresse à l’état mental du patient et l’on observe des symptômes d’anxiété, de tristesse, d’anomalies du cours de la pensée… Pour ces symptômes, on évalue une intensité, une durée, des fluctuations. L’approche formelle permet de construire un diagnostic, par exemple celui d’un trouble anxieux, d’un trouble de l’humeur, d’un état psychotique aigu…
• l’approche fonctionnelle s’intéresse à une explication à l’origine des symptômes. Un deuil explique la tristesse, un événement inquiétant rend compte de l’anxiété, une prise de produits toxiques illustre des symptômes psychotiques. En privilégiant la fonctionfonction, on donne une grande importance au sens, mais on peut méconnaître un diagnostic précis d’une pathologie, la répétition de cette pathologie pouvant être très invalidante pour le sujet.
Le kit d’assemblage concerne les premiers entretiens mais aussi les entretiens ultérieurs. Les objectifs en sont assez différents. Les premiers entretiens vont chercher à préciser la nature de la demande, le choix des ingrédients à mélanger, une réflexion sur les résistances aux changements, les objectifs ou les buts à atteindre. Généralement, les entretiens ultérieurs sont dictés par la nécessité d’un soutien dans une circonstance spécifique, soit font l’objet d’une focalisation sur une thématique ou une autre, soit choisissent un axe de réflexion autour de la personnalité ou d’aspect dynamique.
Quelle est la demande du patient ?
Ce point est essentiel ; il doit s’imposer dès les premiers moments au psychothérapeute ; à la fin du premier ou du second entretien, une réponse doit pouvoir se formuler. Des patients arrivent à un entretien avec une demande apparentedemande apparente et bien souvent une demande cachée ou latente. La demande apparente peut être claire, facilement reconnaissable, liée à un problème spécifique : les difficultés à assumer une liaison extraconjugale, l’impossibilité à se séparer d’un parent, un sentiment d’insuffisance. Parfois, la demande apparente s’inscrit dans un registre organique : une fatigue, un trouble du sommeil, des douleurs multiples, un sentiment de mal-être. Mais le médecin sent bien que la demande réelle se situe dans un tout autre domaine dont le symptôme organique représente la face facilement explicable, transmise au médecin.
Un cas particulier se situe lorsque la rencontre n’a pas été désirée par le patient, qu’elle lui soit imposée par une situation médico-légale, par un conjoint, par un trouble du comportement qui l’a amené aux urgences. Dans ce cadre-là, les attentes du médecin et du patient sont diamétralement opposées. Le patient cherche à banaliser, à échapper à toutes réflexions psychiatriques. Il va donc utiliser toutes les armes possibles : minimiser, dénier, parfois mentir, faire preuve de réticences, bref tout faire pour ne pas entrer dans un dialogue. Le médecin quant à lui posera des questions dans le but de mettre à jour des difficultés psychiques ou une pathologie mentale. Ces entretiens sont difficiles, le médecin cherche l’alliance, le patient cherche la fuite. Ces contextes sont très fréquents en matière de psychopathologie et représentent le contexte de non-demande. Les demandes latentesdemandes latentes touchent souvent les problèmes d’alcoolisme ou de toxicomanie, ou certains aspects comportementaux tels les comportements violents ou les répétitions dans l’existence ou dans la destinée d’une personne de schémas néfastes. Vis-à-vis de la demande, il est toujours important d’essayer de focaliser celle-ci afin de ne pas laisser des demandes trop vastes, trop floues ou manifestement irréalistes s’inscrire dans l’entretien. Trop vastes, il peut s’agir de changer de personnalité ; trop floues, « je veux comprendre pourquoi je me sens mal ou insuffisant » ; trop irréalistes, « je n’arrive pas à comprendre pourquoi, alors que j’ai consulté plusieurs médecins, personne n’arrive à me guérir … ».
Une bonne partie du travail autour de la demande consiste à repérer ce qui est sous-entendu dans la demande apparente et quelles peuvent être les demandes latentes, exprimées ou pas. Parmi les demandes les plus habituelles, on retrouve souvent le besoin de se confier, le souhait d’obtenir une réassurance sur le fait d’être fou ou pas fou, le besoin de compréhension ou d’explications sur des états psychiques inhabituels pour le patient, le désir d’obtenir un médicament vis-à-vis de l’insomnie ou de la tristesse. Lorsque la demande paraît extrêmement imprécise, il n’est pas inutile de poser à une ou deux reprises des questions du type : « en quoi puis-je vous aider ? », ou bien « qu’attendez-vous de moi ? ». D’autres modalités de questions dans le même style sont également utiles. Un autre aspect essentiel dans le premier entretien est d’arriver à dégager les ingrédients de l’assemblage de la demande.
Le cocktail issu de la demande
Généralement, ce cocktail comporte un mélange de trois ingrédients dont il convient de repérer les parts respectives. Ces trois ingrédients sont le soutien, la compréhension, le souhait d’un changement. On comprend que ces trois ingrédients varient beaucoup d’un sujet à l’autre et d’un contexte à un autre.