Chapitre 4
Nouvelles techniques d’imagerie et de radiothérapie en oncologie pulmonaire
La convergence progressive des nouvelles technologies et des nouveaux concepts permet une radiothérapie de plus en plus précise et ciblée, permettant d’envisager des compléments de dose sur les tumeurs pulmonaires et ainsi un meilleur contrôle local. Le guidage par l’imagerie multifonctionnelle permet de mieux cibler des zones à risque de récidive, tout en épargnant les tissus sains. Les nouveaux concepts s’étendent jusqu’à la notion de dose painting ou de dose sculpting. Les nouvelles techniques de radiothérapie, et leur impact sur l’imagerie post-thérapeutique — radiologie et médecine nucléaire — seront exposés.
Nouvelles techniques de radiothérapie
Radiothérapie de conformation
Radiothérapie conformationnelle tridimensionnelle
Le concept de radiothérapie conformationnelle tridimensionnelle date déjà de plus de 30 ans. Mais cette technique n’a pu être réellement testée que dans les 15 dernières années grâce au développement conjoint de la puissance des stations de calcul et de la technologie des accélérateurs [1–3]. Elle représente aujourd’hui le mode d’irradiation thoracique le plus habituel en France. Trois étapes schématiques caractérisent la démarche conformationnelle :
• l’acquisition tridimensionnelle des données anatomiques en position de traitement décrivant le patient et la maladie ;
• la planification dosimétrique prévisionnelle de l’irradiation avec identification des différents volumes d’intérêt ;
• l’exécution du traitement intégrant une démarche d’assurance de qualité très stricte.
Pour le cancer du poumon, l’un des problèmes les plus difficiles à résoudre dans le cadre de la radiothérapie de conformation reste la définition des volumes cibles. Bien que les concepts théoriques des différents volumes cibles d’intérêt (tumeur, ganglions lymphatiques, organes sains à risque, etc.) soient maintenant bien acceptés et utilisés dans la plupart des centres de radiothérapie, l’évaluation précise de leurs limites est plus complexe [4]. L’imagerie fonctionnelle est une aide de plus en plus reconnue pour la définition de ces volumes cibles d’intérêt (cf. infra).
Les résultats évaluant la radiothérapie 3D (RT3D) dans le traitement des cancers du poumon ont été publiés dans les années quatre-vingt-dix et sont actuellement bien connus. Ils ont tous conclu à sa supériorité sur les techniques conventionnelles, que l’objectif ait été la couverture (homogénéité) du volume cible tumoral et/ou la diminution de la dose reçue par les organes sains à risque (fig. 4.1) [1, 2]. Cependant, même si la RT3D apparaît comme potentiellement capable d’améliorer le contrôle local, et peut-être la survie, sans augmenter la toxicité, les résultats cliniques actuels sont encore perfectibles et l’intérêt de l’escalade de dose reste à prouver [1, 2, 5].
Radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité
L’arrivée de nouvelles technologies comme les collimateurs multilames, associées aux récents développements de concepts physiques comme l’optimisation de dose et l’irradiation conformationnelle avec modulation d’intensité (RCMI), ou « IMRT » selon la terminologie anglo-saxonne, pourrait apporter une solution, au moins partielle, aux problèmes posés lors de l’irradiation des cancers du poumon. Cependant, le développement clinique de la RCMI n’en est qu’à sa phase initiale en radiothérapie thoracique et ne s’est concrétisé actuellement que dans quelques centres dans le monde. À cette date, seulement quelques centaines de patients ont été traités pour un carcinome bronchique non à petites cellules (CBNPC) par cette technique [6–9]. Plusieurs procédés permettent de faire varier l’intensité du rayonnement au sein du faisceau. Les techniques les plus couramment utilisées, du moins en France, recourent à des collimateurs multilames couvrant la totalité de la région traitée. Une nouvelle technique de RCMI, l’arcthérapie dynamique, permet de délivrer une radiothérapie modulée rotationnelle et volumétrique à la différence de la RCMI « classique » qui utilise plusieurs séries de faisceaux fixes. En faisant varier la vitesse de la rotation du bras de l’accélérateur, la vitesse de déplacement des lames du collimateur et la fluence (débit de dose), les techniques d’arcthérapie dynamique actuellement disponibles (RapidArc de Varian Medical System et VMAT d’Elekta) permettent de délivrer l’irradiation en moins d’unité moniteur et en moins de temps total de traitement que la RCMI classique [6–8, 10].
Tomothérapie
Le principe de la tomothérapie hélicoïdale (TH) consiste à embarquer sur un statif de scanner un petit accélérateur d’électrons pour la production des faisceaux de photons de moyenne énergie (6 MV) (fig. 4.2). Le faisceau est mis en forme par un système de collimation en fente permettant une irradiation sur 40 cm de largeur par 1 à 5 cm d’épaisseur couvrant ainsi une « tranche » (d’où le terme « tomothérapie »). Chaque « tranche » est découpée en mini-faisceaux qui peuvent être interrompus à volonté au cours de la rotation par un système obturateur du type collimateur multilames « binaire » à haute vitesse permettant de moduler l’intensité du faisceau de façon sélective pour réaliser la distribution de dose voulue. Pendant l’irradiation, comme pour un scanner de radiodiagnostic la table se déplace longitudinalement. Le mouvement global est donc celui d’un scanner fonctionnant en mode hélicoïdal balayant jusqu’à 160 cm de longueur de traitement en continu. Ce système permet également de faire de l’imagerie temps réel en position de traitement pour la validation de la mise en place puisqu’un détecteur opposé au tube accélérateur permet d’obtenir une image 3D tomodensitométrique. Ainsi, la tomothérapie regroupe en un seul appareil un système original d’irradiation conformationnelle continue avec modulation d’intensité et un dispositif intégré de contrôle scanographique des champs d’irradiation [11]. Les premières études sur les grands champs complexes d’irradiation, notamment pour les irradiations des mésothéliomes pleuraux malins (MPM), se traduisent par une application clinique simple, efficace et plutôt bien tolérée [7, 12]. Dans une première étude clinique française sur 12 patients traités par pleuropneumonectomie extra-pleurale puis TH, le contrôle tumoral local est prometteur et la toxicité pulmonaire est plus faible qu’avec les autres techniques de RCMI classique [12].
Irradiation avec asservissement respiratoire
La prise en compte des mouvements respiratoires a toujours été une préoccupation majeure de la radiothérapie thoracique (poumons, seins, etc.) et abdominale (foie, reins, etc.) [13–15]. Le développement de la RT3D et de la RCMI l’a encore accentuée. En effet, la taille des champs d’irradiation diminuant, il est devenu nécessaire d’évaluer très précisément les mouvements des organes intra ou extrathoraciques induits par la respiration et/ou, si possible, de les contrôler. Récemment, une solution technologique a été développée pour contrôler les mouvements respiratoires et délivrer l’irradiation à un moment précis, planifié à l’avance [16–19]. C’est ce que l’on nomme le gating respiratoire. Différentes techniques de gating respiratoire existent actuellement. Deux approches peuvent être isolées, comme pour le gating en imagerie TEP : soit la respiration du patient est bloquée pendant l’acquisition ou l’irradiation, soit le patient respire librement et le déclenchement des différents appareils s’effectue automatiquement — est « synchronisé » — à un niveau respiratoire donné. Dans la première technique, la respiration du patient est bloquée, habituellement en inspiration, soit volontairement, soit par l’occlusion d’une valve (fig. 4.3) [20, 21]. L’autre approche consiste, pendant que le patient respire librement, à suivre en temps réel son rythme ventilatoire grâce à différents types de capteurs et à déclencher le scanner ou l’accélérateur linéaire à un niveau, toujours identique, du cycle respiratoire [17]. Les premiers résultats chez des patients traités pour un cancer du poumon, du foie ou mammaires semblent très prometteurs [15, 17, 20–23].
Récemment ces différentes approches ont été évaluées pour les cancers du sein et les cancers du poumon dans le cadre d’un programme de soutien aux innovations diagnostiques et thérapeutiques coûteuses (STIC) suite à l’appel d’offres lancé en 2003. Vingt services ou départements de radiothérapie des Centres de lutte contre le cancer (CLCC) et de Centres hospitalo-universitaires (CHU) se sont ainsi regroupés dans le but d’éclaircir les décideurs et fournir des indications précises pour favoriser ou non la diffusion des différentes techniques d’asservissement de la respiration en les comparant aux techniques de radiothérapie conformationnelles classiques (RTC). Six cent soixante-huit patients ont été inclus, 319 patients dans le groupe RAR (radiothérapie asservie à la respiration) et 349 dans le groupe de référence (RTC). Pour les cancers du poumon (435 patients), globalement l’ensemble du traitement reste malheureusement limité en termes d’efficacité et relativement toxique. Le grand nombre de rechutes locales à l’intérieur des champs d’irradiation associé à une toxicité pulmonaire et œsophagienne non négligeable confirme la nécessité d’une technique de très grande précision afin d’augmenter la dose dans le volume cible tout en protégeant au mieux les tissus sains avoisinants. La RAR pourrait être l’une de ces techniques. Le premier résultat important de cette partie de l’étude montre la bonne reproductibilité des différents systèmes de contrôle de la respiration. Le second point retient l’augmentation importante du volume pulmonaire total dans le groupe RAR avec pour corollaire une diminution de tous les paramètres dosimétriques prédictifs de la toxicité pulmonaire. Ce bénéfice est beaucoup plus important pour les deux systèmes de blocage en inspiration proche de la maximale par rapport au dispositif de synchronisation respiratoire conduisant à une réduction significative des paramètres dosimétriques prédictifs de pneumopathies interstitielles comme le volume de poumon recevant une dose de 20 Gy, ou V20, (22,8 % vs 26,5 %, p < 0,0001), ou de 25 Gy ou V25 (18,8 % vs 23,2 %, p < 0,0001), et la dose pulmonaire moyenne (12,8 Gy vs 15,6 Gy, p < 0,0001) respectivement entre la RAR et la RTC. Ce bénéfice dosimétrique, notamment dans le sous-groupe avec blocage inspiratoire, était corrélé à une diminution de la toxicité pulmonaire aiguë et tardive observée sur le plan clinique et fonctionnel (épreuves fonctionnelles respiratoires). Cette réduction de la toxicité grâce aux différentes techniques de RAR a été également observée pour le cœur et l’œsophage. En revanche, il n’y avait pas de différence en termes d’efficacité (survies globale et spécifique) selon les techniques de RAR [23].
Radiothérapie stéréotaxique
Généralités
Le développement de la radiothérapie stéréotaxique (RS) permet un ciblage particulièrement précis. Ces systèmes permettent une réduction des volumes de traitement en facilitant l’hypofractionnement avec des doses quotidiennes nettement augmentées (> 10 Gy) et réduisent de façon significative la durée du traitement global. On appelle sous le terme générique de radiothérapie stéréotaxique une radiochirurgie qui délivre la dose non seulement en une fraction unique mais aussi en plusieurs fractions. Elle est le plus souvent hypofractionnée (3 à 6 fractions) mais peut dans certains cas être normofractionnée (dose par fraction comprise entre 1,8 et 2 Gy). Le terme de radiochirurgie est habituellement réservé aux irradiations intracrâniennes en séance unique avec cadre invasif de repérage stéréotaxique. Cette approche offre une haute dose biologique efficace de la cible tout en minimisant les effets toxiques sur les tissus normaux. Comme pour la radiochirurgie cérébrale, la RS pulmonaire peut être réalisée soit par un accélérateur dédié (Cyberknife), soit par un accélérateur classique associé à un système spécifique d’immobilisation, de contention, et de repérage dans l’espace. Takeda et al. ont montré l’intérêt de la TEP-FDG chez les patients bénéficiant d’une RS, avec un meilleur pronostic de récidive locale si la SUVmax (Standardized Uptake Value) était inférieure à 6 avant la RS, que les patients aient un cancer T1b ou T2, ou qu’ils aient bénéficié de 40 ou 50 Gy [24].
Cyberknife®
Basé sur l’expérience de la radiochirurgie intracrânienne, le cyberknife® est un système robotique de radiothérapie externe non invasif offrant la possibilité d’orienter un faisceau de photons d’énergie intermédiaire (6 MV) dans toutes les directions. Ainsi un accélérateur miniaturisé est monté sur un bras robotisé, guidé en temps réel par un système d’imagerie basé sur des tubes de rayons X disposés en position fixe dans la salle de traitement (fig. 4.4). La collimation est assurée par un collimateur circulaire dont on choisit le diamètre dans la gamme de 5 à 60 mm. Il n’est possible de traiter classiquement que des tumeurs de taille inférieure à 5 cm ou de combiner plusieurs irradiations sur des cibles multiples adjacentes. C’est l’une des rares limitations de cet appareil. En pratique, le robot articulé qui supporte la tête d’irradiation à 6 degrés de liberté permet un positionnement de multiples faisceaux avec des orientations dans presque tout l’espace avec une précision supérieure à 0,2 mm.
Résultats actuels
Le nombre d’études de RS publiées augmente considérablement depuis 5 ans. Dans le poumon, les équipes qui se sont le plus intéressées à la RS sont les équipes de l’Université d’Indiana aux États-Unis et de l’Université de Kyoto au Japon [25–30]. Leurs premières études de RS publiées dans le cancer du poumon remontent au milieu des années quatre-vingt-dix et se sont surtout intéressées aux petites lésions pulmonaires T1 ou T2N0 chez des patients le plus souvent inopérables pour des raisons médicales. Les doses atteintes varient en moyenne autour de 15 Gy en 1 fraction pour de petites lésions inférieures à 3 cm à 60–66 Gy en 3 fractions pour des tumeurs plus grandes. Si leurs résultats sont assez contradictoires avec des taux de contrôle local (80 à 100 % à 2 ans) et de survie très élevés (56 à 80 % à 2 ans) pour les séries japonaises, probablement pour des patients très sélectionnés, leurs taux de toxicité tardive restent relativement comparables et acceptables, autour de 20 % de grades 3 et 4 à 2 ans [25–30]. Sur le plan de la toxicité, la RS est habituellement bien tolérée bien que le suivi médian des principales études publiées soit encore faible. Les séries publiées avec un recul important rapportent des complications plus retardées (autour du 6e mois) qu’avec les techniques classiques. À côté de la toxicité pulmonaire (pneumopathie, pleurésie, hémoptysie) très liée à la taille de la tumeur, à sa localisation thoracique centrale et aux chimiothérapies (CT) associées, les complications les plus fréquemment observées sont une fatigue générale, des fractures de côtes, des péricardites, des épithélites et des douleurs pariétales. La pose de clips fiduciaires nécessaires au repositionnement précis des faisceaux d’irradiation lors d’une RS peut également être la source de complications comme des pneumothorax, hématomes et migrations de clips [25–33].
Hadrons
Le terme « Hadronthérapie » inclut une large panoplie de particules utilisées, ou potentiellement applicables à la radiothérapie incluant les protons, les neutrons, des ions légers (hélium, oxygène, carbone) et des ions lourds (néon, argon). Les protons sont les particules les plus utilisées dans le monde. Par rapport aux photons X des accélérateurs linéaires classiques, les protons sont caractérisés par un dépôt de dose élevé sur une très courte distance en fin de parcours (appelé « pic de Bragg »). Cette propriété physique spécifique limite l’irradiation aux tissus sains avoisinant le volume cible et facilite ainsi le traitement de tumeurs très proches d’organes sains très radiosensibles. Sur le plan clinique, certaines indications sont maintenant solidement validées, c’est le cas des tumeurs oculaires, des chordomes ou chondrosarcomes de la base du crâne. D’autres sont en cours d’évaluation comme les méningiomes, les tumeurs du cavum localement évoluées, certaines tumeurs pédiatriques, les tumeurs prostatiques, et c’est également le cas des tumeurs thoraciques [34]. Dans ce domaine des protons, des nouveautés se préparent en particulier par l’évolution vers une compacité plus grande des cyclotrons amenant à moyen terme à une plus grande diffusion et une meilleure intégration de la protonthérapie dans les plateaux techniques traditionnels.