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Métabolisme osseux
L’os est un tissu vivant. Il doit croître et se modeler durant l’enfance et l’adolescence, mais doit également se réparer durant toute la vie, afin de conserver ses fonctions mécaniques de soutien du corps et de protection des organes.
Le remodelage osseux est l’élément essentiel à ce processus. Il est caractérisé par les séquences suivantes : activation, résorption et formation.
Comprendre le remodelage osseux, c’est également mieux comprendre les maladies touchant le squelette, telles les ostéoporoses, les néoplasies osseuses et de nombreuses autres maladies rares.
C’est également permettre le développement de nouvelles substances potentiellement utiles dans le traitement de ces pathologies et à l’opposé, comprendre la physiopathologie de certains effets indésirables à long terme liés à certains médicaments.
Le but de ce chapitre est de revoir l’essentiel du remodelage osseux tout en conservant l’œil du clinicien, non du fondamentaliste.
Les constituants du tissu osseux
Considéré comme un organe chez l’adulte, un os se compose des cartilages articulaires, des structures trabéculaires et corticales minéralisées et de l’espace médullaire.
À l’intérieur de l’os se retrouvent divers éléments, cellulaires et extracellulaires.
Les éléments cellulaires sont composés des ostéoclastes, des ostéoblastes et des ostéocytes, responsables du remodelage osseux.
Parmi les éléments extracellulaires, on retiendra le minéral (hydroxyapatite), le collagène de type 1, des protéines non collagènes, de la graisse et de l’eau.
Ostéoclastes
Responsables de la résorption osseuse, les ostéoclastes sont des cellules plurinucléées, membres de la famille des monocytes/macrophages.
Ils représentent 1 à 2 % de toutes les cellules osseuses.
Les précurseurs des ostéoclastes sont des macrophages de la moelle osseuse. Ils vont être engagés dans la lignée ostéoclastiques par l’action de plusieurs cytokines comme le Receptor Activator of Nuclear factor-κB Ligand (RANKL), le Macrophage-Colony Stimulating Factor (M-CSF), le Tumor Necrosis Factor alpha (TNF-α) et les interleukines 1 et 6 (IL-1 et Il-6).
Le système RANK, RANKL, ostéoprotégérine (OPG) est d’un intérêt majeur dans la compréhension de la régulation du remodelage osseux :
• RANKL est une cytokine de la famille du TNF-α produite par les ostéoblastes et les cellules stromales de la moelle osseuse ;
• la fixation de RANKL au récepteur RANK situé à la surface du précurseur des ostéoclastes va initier la différenciation et l’activation de ces derniers ;
• l’OPG est un facteur appartenant à la famille des récepteurs solubles du TNF. Comme RANKL, il est sécrété par les ostéoblastes et ses précurseurs du stroma médullaire, correspondant au récepteur soluble du RANKL. L’OPG agit donc comme un puissant inhibiteur de l’activité ostéoclastique et par conséquent de la résorption osseuse. La sécrétion de RANKL et d’OPG est régulée par des facteurs hormonaux et locaux ;
• la parathormone (PTH), le calcitriol, l’IL-1 ou le TNF-α augmentent la sécrétion de RANKL, alors que l’oestradiol et le TGF vont augmenter la production d’OPG.
Les ostéoclastes se fixent à la matrice osseuse grâce aux intégrines. Un compartiment de résorption fortement acide va induire une dissolution du minéral. Des enzymes protéolytiques comme la cathepsine K sont ensuite libérées permettant la dissolution de la matrice extracellulaire.
Ostéoblastes
Représentant 4 à 6 % de toutes les cellules osseuses, les ostéoblastes sont responsables de la formation osseuse.
Ils occupent également les surfaces osseuses au repos (cellules bordantes).
Ils proviennent de cellules souches pluripotentes mésenchymateuses au pouvoir de différenciation étendu : ostéoblastique, chondrocytaire, adipocytaire et myocytaire.
La différenciation ostéoblastique dépend de nombreux facteurs. On retrouve en premier lieu des facteurs de transcription (Runx2 et Osterix), puis des facteurs hormonaux (oestradiol, calcitriol, PTH et glucocorticoïdes), des facteurs locaux comme l’Insulin-like Growth Factor (IGF-1) et la Bone Morphogenetic Protein (BMP), ainsi que d’autres facteurs comme la leptine et la sclérostine.
En excès chronique, la PTH induit une augmentation de la résorption osseuse par augmentation du RANKL et diminution de l’ostéoprotégérine, alors qu’à faibles doses intermittentes, la PTH augmente la formation osseuse.
Les glucocorticoïdes inhibent la formation osseuse en supprimant l’expression de Runx2 au profit de celle de PPARγ2 (Peroxisome Proliferator Activated), favorisant dès lors la lignée adipocytaire. Ils diminuent la synthèse d’ostéocalcine et de collagène de type 1 et augmentent l’apoptose des ostéoblastes et des ostéocytes.
La sclérostine est synthétisée par les ostéocytes, limitant l’engagement des cellules immatures vers la lignée ostéoblastique.
Ostéocytes
Les ostéocytes proviennent d’ostéoblastes matures inclus dans la matrice osseuse à la fin d’une séquence de remodelage osseux.
Représentant plus de 90 % de toutes les cellules osseuses, les ostéocytes sont dispersés dans la matrice osseuse minéralisée.
Ils se retrouvent dans des petites lacunes et sont connectés entre eux et avec les cellules de la surface osseuse ainsi qu’avec les vaisseaux sanguins de la matrice osseuse par un important réseau dendritique composé par de fins canalicules.
Les ostéocytes agissent comme grands ordonnateurs du remodelage osseux. Ils peuvent promouvoir la formation osseuse et sa minéralisation ou au contraire l’inhiber (sclérostine). Ils agissent également sur la régulation de l’activité ostéoclastique.
De plus, ils seraient très sensibles à la charge, inhibant la résorption osseuse en charge, la stimulant alors en décharge.
Matrice extracellulaire
Elle est composée de fibres collagènes de type 1, avec des traces de collagènes de type 3 et 5. Ces fibres forment un important réseau qui sera minéralisé par de l’hydroxyapatite.
Cette minéralisation apportera non seulement une bonne résistance mécanique au tissu, mais servira également de source de calcium, de phosphate et de magnésium, afin de participer à l’homéostasie des minéraux de l’organisme.
Dix à 15 % des protéines osseuses sont des protéines dites non collagène, comme des protéoglycanes, des protéines glycosylées, l’ostéopontine, l’ostéocalcine et bien d’autres. Leurs rôles sont multiples, dans l’organisation de la matrice extracellulaire, dans la coordination des interactions entre les cellules osseuses et la matrice, ainsi que dans la régulation du processus de minéralisation.
Environ 10 % du poids des os est constitué par de l’eau, élément très important pour la nutrition cellulaire et de la matrice, pour les flux ioniques ainsi que pour le maintien structurel du collagène.