4: Les langages des « corps » et la pulsion

Chapitre 4 Les langages des « corps » et la pulsion



Qu’entend-on par langage ?


Selon S. Freud, en 1913 : « Par langage, on ne doit pas comprendre simplement l’expression des pensées en mots mais aussi le langage des gestes et toute forme d’expression de l’activité psychique. »


On ne saurait mieux définir la place du corps et de ses langages dans la communication avec soi et avec l’environnement.


Pour reprendre le schéma freudien de la représentance pulsionnelle, nous pouvons dire que l’affect et l’émotion (à distinguer) sont des formes de langage indispensables à la construction du langage verbal.


De la même manière, la représentation de choses est indispensable dans la chaîne signifiante à l’établissement de la symbolisation secondaire, la carence de symbolisation primaire produit un langage, une parole désincarnés.


Ainsi, on retrouve chez Freud en 1905, l’idée que le décrochage psychique du langage verbal vis-à-vis de la représentation de choses facilite les jeux de mots. À l’opposé, « l’emploi sérieux des mots exige un certain effort pour renoncer à ce procédé si commode ». Il précise que dans les états morbides (psychotiques) « la faculté de concentrer l’effort psychique sur un seul point est probablement restreinte. La représentation par assonance verbale prend de fait le pas sur le sens des mots ». « De tels malades » précise-t-il encore « suivent dans leurs discours la progression des associations extrinsèques au lieu de suivre celle des associations intrinsèques ».


De même chez l’enfant « la part mot » de la chose conduit à traiter les mots comme des objets et à assigner à une consonance identique ou analogue un sens identique.


Dans Études sur l’hystérie (1895), S. Freud souligne que le fantasme est traduit dans le langage moteur projeté sur la « motilité ». Le corps à ce moment-là est considéré suivant une anatomie de l’imaginaire qui produit de ce fait des symptômes corporels qui ne tiennent pas compte de l’anatomie réelle. Parallèlement, la « pantomime » de l’hystérique traduit une complexité signifiante qui habite le corps. S. Freud y décrit une scène au cours de la laquelle une patiente présente un chaos gestuel, une agitation incohérente, mais l’observation fine du déroulement gestuel décrit en fait une scène de viol. La première moitié du corps de la femme, à cet instant, figure l’attaque du violeur qui tente d’arracher ses vêtements, tandis que la seconde moitié représente la femme en train d’essayer de se protéger de l’attaque. Message pulsionnel adressé à un spectateur « indifférent », attitude qui témoigne de son interprétation à travers le symptôme conversionnel de la « belle indifférence » dans l’hystérie. « Le corps dit et met en scène ce que le sujet ne peut dire mais qu’il pourrait dire. » R. Roussillon (2008).


En 1913, S. Freud étend aux états psychotiques et schizophréniques l’idée que les manifestations corporelles n’étaient pas dénuées de sens mais apparaissaient comme des « reliquats d’actes, mimiques sensées mais archaïques ».


Tous ces exemples indiquent à quel point on peut considérer d’une part, qu’il existe plusieurs types de langages : sensoriel, sensori-moteur, affectivo-émotionnel et verbal. Chacune de ces formes d’expressions langagières possède un pouvoir intégrateur de la psyché toujours en lien avec un autre sujet. Si on peut considérer que le langage verbal est une intégration psychique majeure, il faut admettre que les langages corporels jouent un rôle prépondérant pendant les deux premières années de la vie psychique. Période qui précède l’avènement du langage verbal qui viendra prendre le relais des autres formes d’expression.


Toutefois, les langages corporels accompagnent le langage verbal, ils « participent à la conversation », en témoignent les travaux de E.T. Hall (1971) qui démontrent comment l’attitude mimique corporelle et gestuelle est un facilitateur de la communication verbale entre deux sujets.


Mais ces langages corporels premiers, du fait de leur précocité, sont reliés à l’environnement et en dépendent pour devenir « potentiels » ou pour rester « virtuels ».


Ainsi, la sensation, l’éprouvé corporel, acquièrent une valeur de message si la mère reconnaît cette valeur et l’accrédite. Dans le cas contraire, la non-reconnaissance par l’objet de cette fonction adressée à l’autre lui fait perdre sa valeur messagère. Cette valeur messagère initiale se transforme alors, elle se déplace du côté de l’insensé car non ressentie, mais elle reste en quête de reconnaissance d’où sa répétition et son association à l’hallucinatoire (fueros primaires). Il s’agit donc de la traduction d’une non-rencontre avec l’objet qui cherche à se dire par la répétition hors du champ signifiant et dans le registre des déterminants corporels primaires (rythme, espace, temps, coordinations sensorielles, associativité extrinsèque, champ mimo-gesto-postural, voir schémas en annexe).


Ces expériences primaires décrites précédemment engagent dans la relation à l’objet une problématique essentielle qui est celle de la temporalité.

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May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 4: Les langages des « corps » et la pulsion

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