4: Le comblement du sinus maxillaire

Chapitre 4 Le comblement du sinus maxillaire



Le traitement des insuffisances osseuses verticales postérieures maxillaires fait appel à deux techniques chirurgicales mises en œuvre indépendamment ou simultanément :




L’examen clinique, l’analyse des modèles d’étude sur articulateur et le bilan radiographique confirment l’indication.


Contrairement aux procédures d’augmentation osseuse précédemment citées, le comblement sinusien est sectoriel et dépendant :




Lorsque la décision thérapeutique s’oriente vers un comblement sinusien, deux alternatives chirurgicales sont envisageables : le comblement sinusien par voie crestale [4] ou le comblement sinusien par abord latéral après réalisation d’un volet osseux [5, 6].



Comblement sinusien par abord latéral


Historiquement décrite par Boyne [7], puis par Tatum [8], cette technique a pour objectif d’interposer un substitut osseux et/ou de l’os autogène entre la membrane de Schneider élevée et le plancher sinusien.


L’accès à cet espace nécessite, au préalable, la réalisation d’une « fenêtre osseuse » par ostéotomie de la paroi latérale du maxillaire.


D’un volume total variable de 5 à 22 mL, la capacité moyenne du sinus est de 12,5 mL [9]. Son comblement partiel a pour but le rétablissement d’une hauteur osseuse suffisante à la mise en place d’implants en secteur maxillaire postérieur (figures 4.1 et 4.2).




Les deux étiologies principales à l’origine des insuffisances verticales postérieures maxillaires sont la résorption alvéolaire crestale et la pneumatisation sinusienne. Toutes deux sont essentiellement liées à l’avulsion des molaires maxillaires [10].



Contre-indications et restrictions


Les contre-indications locales sont généralement en rapport avec une pathologie sinusienne. Il s’agit notamment de la présence d’une tumeur, d’une sinusite chronique ou d’un antécédent chirurgical d’assainissement du sinus (intervention de Caldwell-Luc) [11].


Des signes cliniques inflammatoires et/ou infectieux imposent le report de l’intervention jusqu’à la prise en charge thérapeutique du patient.


Avec l’indication d’un comblement sinusien, deux impératifs sont primordiaux pour prévenir tout risque d’échec. Le premier consiste en la nécessité de s’assurer de la perméabilité du méat moyen, espace de drainage du sinus maxillaire, de la partie antérieure des sinus éthmoïdaux et du sinus frontal, pour réduire le risque infectieux.


Les principales étiologies de l’obstruction du méat moyen sont :






La thérapeutique des rhinosinusites aiguës infectieuses, prescrite par le médecin spécialiste après sinusoscopie à travers la cloison inter-sinuso-nasale consiste en une antibiothérapie curative, en fonction du tableau clinique : douleur infra-orbitaire unilatérale ou bilatérale amplifiée lorsque la tête est inclinée vers l’avant. Cette douleur se révèle occasionnellement pulsatile et maximale en fin de journée.


En première intention, l’Afssaps [12] recommande l’utilisation de six molécules :








La pristinamycine et la télithromycine sont également recommandées en cas d’allergie aux bêtalactamines.


L’association d’une corticothérapie (3 j à raison de 0,8 mg/kg/j – équivalent prednisone) soulage la douleur tout en réduisant l’œdème.


Dans certains cas, seule la chirurgie (méatotomie moyenne) permet le rétablissement de la perméabilité et l’assainissement sinusien [13].



Le second impératif consiste à rétablir l’intégrité de la crête osseuse sous-sinusienne du plancher sinusien et d’écarter le risque infectieux [15] en présence d’un tissu de granulation, d’un kyste, d’un apex résiduel, d’une dent infectée, d’une communication buccosinusienne, etc. (figures 4.3 à 4.5).






Bilan préchirurgical


Une étude récente menée auprès d’otorhinolaryngologistes Nord-américains tente de définir le cadre des examens « de routine » préopératoires indispensables au comblement sinusien [16]. Ces investigations rapportent que 60 % d’entre eux recommandent le scanner comme examen radiologique de référence.


La tomodensitométrie identifie donc :









Volume de l’espace sinusien à combler


Le volume sinusien à combler est directement lié à l’importance de l’édentement (édentement intercalé, totalité du secteur latéral édenté), à son éventuelle procidence, à l’ancienneté des avulsions et à la morphologie sinusienne.


S’agissant de la morphologie sinusienne, elle présente une grande variabilité. Cependant, les études montrent que le mur antérieur est situé dans 58 % des cas au niveau de la première prémolaire et que le mur postérieur siège au niveau de la tubérosité du maxillaire dans 94 % des cas. La longueur du sinus délimitée entre le mur antérieur et le mur postérieur est en moyenne de 30 mm (± 5,6 mm). La hauteur du sinus située entre les planchers de l’orbite et du sinus est de 34,6 mm (± 7,7 mm). La largeur comprise entre la face latérale du maxillaire et la paroi externe des fosses nasales est de 25,4 mm (± 5,7 mm) [17, 18] (figure 4.6).



Or, le comblement du sinus est partiel et n’intéresse jamais la totalité de la cavité sinusienne. Différentes études statistiques réalisées, tant sur pièces anatomiques que par simulations informatiques, définissent le volume du sinus à combler en fonction de la hauteur du comblement recherchée [1821] (tableau 4.1).


Tableau 4.1 Relation entre la hauteur du comblement et le volume de substitut nécessaire.



































Nombre de sinus étudiés Hauteur du comblement recherché (en mm) Volume de matériau nécessaire au comblement (en cm3)
44 5 1,7 (± 0,9)
44 12 3,6 (± 1,5)
15 14 3,17 (± 1,1)
38 15 4,02 (± 1,4)
59 15 3,51 (± 1,2)
38 20 6,19 (± 1,7)
59 20 5,66 (± 1,7)



Délimitation du volet osseux


L’étude radiologique détermine la morphologie du volet osseux.


La limite supérieure du trait d’ostéotomie se situe entre 10 à 15 mm du rebord crestal alvéolaire pour assurer un comblement d’une hauteur suffisante à la mise en place d’implants de longueur usuelle (10 à 13 mm).


La limite inférieure du trait d’ostéotomie suit le plancher du sinus, son tracé tient compte de la hauteur osseuse sous-sinusienne.


Les traits d’ostéotomie antérieur et postérieur sont étendus pour garantir un comblement approprié à la mise en place de l’ensemble des implants du site édenté (figure 4.10 et encadré 4.1, figures 4.11 à 4.14).







Configuration radiographique de la membrane de Schneider


L’étude du scanner permet d’identifier l’aspect de la membrane sinusienne. Elle renseigne sur l’épaisseur membranaire et l’éventuelle présence d’une affection. Une étude radiologique menée sur 143 patients révèle l’importance de cette épaisseur. Ses valeurs varient de 0,16 mm jusqu’aux valeurs maximales de 34,6 mm.



La valeur moyenne se situe entre 2 et 3 mm. Il est également constaté que 37 % des patients présentent un épaississement uniforme [23].


Dans le bilan préopératoire, il est essentiel d’estimer non seulement l’épaisseur de la membrane sinusienne mais également sa morphologie afin d’évaluer la perméabilité du méat moyen et de prévenir une obturation du méat lors de l’intervention (encadré 4.3, figures 4.18 à 4.21).



Quelques auteurs exposent une classification morphologique et dimensionnelle de la membrane sinusienne [24] sur la base d’une étude radiologique menée sur 560 sinus dont 36,1 % présentent une modification de l’épaisseur et/ou de l’aspect de cette membrane (tableau 4.2).



L’épaisseur est échelonnée en cinq catégories et la morphologie de la membrane est répartie selon les critères suivants : normale, arrondie, périphérique, irrégulière et complète (tableau 4.3).



L’obstruction du méat moyen apparaît régulièrement dans 15 % des sinus étudiés et ceci, lorsque la membrane est d’une épaisseur supérieure à 10 mm (dans 74,3 % des cas) ou lorsqu’elle revêt soit une forme irrégulière (38,8 % des cas) soit une forme circonférentielle (55,2 % des cas). Cependant, une muqueuse d’une épaisseur inférieure à 5 mm ou comprise entre 5 et 10 mm est susceptible de provoquer une obturation complète du méat moyen, respectivement dans 11 % et 36,2 % des cas (encadré 4.4, figure 4.22).



La conjonction entre la morphologie et l’épaisseur oriente le praticien vers le risque d’obturation du méat moyen et le contraint à adresser le patient vers un médecin spécialiste (tableau 4.4).




L’examen radiologique préchirurgical met parfois en évidence une hypertrophie sphérique pédiculée de la muqueuse sinusienne : le polype du sinus (figure 4.23).Le polype solitaire du sinus est une tumeur bénigne avec comme situation possible le plancher sinusien et comme conséquence une modification de sa morphologie. Ainsi, l’angle entre les parois palatine et vestibulaire est plus ouvert et la profondeur du sinus réduite [25].





Situation de l’artère antrale alvéolaire


Rappels anatomiques : la présence d’une anastomose entre l’artère infra-orbitaire et l’artère alvéolaire postérieure et supérieure constitue un obstacle anatomique à prendre en compte lors d’une ostéotomie. Sous la dénomination d’artère antrale alvéolaire, celle-ci chemine généralement le long de la face latérale du sinus, sous la membrane de Schneider [32]. Son parcours le plus souvent rectiligne (dans 78 % des cas) [33] est partiellement infra-osseux et parfois sous-périosté (figure 4.26).



De plus, sa position par rapport au rebord crestal est liée au degré de résorption alvéolaire.


Sur pièces anatomiques, elle est toujours identifiable après injection et ce, malgré un diamètre parfois restreint [34]. Le tableau 4.6 analyse six études relatives à la distance entre l’artère et le rebord alvéolaire, son éventuelle identification sur un scanner et l’évaluation de son diamètre.





Choix du matériau de comblement


Un matériau de comblement idéal répond aux critères qui suivent :












Il n’est pas simple de réunir l’ensemble de ces impératifs. Seul l’os autogène y parvient. Cependant, les nombreuses études menées démontrent la réalité d’une régénération osseuse intrasinusienne après comblement quel que soit le matériau utilisé.


Ainsi, l’emploi de xénogreffe [41], d’origine porcine utilisée seule ou combinée à l’os autogène [42] ou d’origine bovine utilisée isolément ou encore sous forme de substitut composite [43], [44], aboutit à une régénération osseuse sans interférer avec le processus de cicatrisation. De même, l’utilisation d’un substitut alloplastique [45], notamment les phosphates tricalciques α ou β, permet la mise en place d’implants avec succès dans un sinus greffé, malgré leur résorption parfois incomplète. L’usage de substituts allogéniques, avec pour avantage une résorption plus rapide due à la porosité des particules et des blocs, assure un taux de succès équivalent. Des études histologiques menées sur les allogreffes associées à de l’acide hyaluronique, sur les substituts alloplastiques et sur les xénogreffes, témoignent de la néoformation osseuse intrasinusienne après comblement [46] (figures 4.27 et 4.28).




Les résultats obtenus par les différentes classes de substituts réduisent l’usage de l’os autogène comme matériaux de comblement du sinus maxillaire et préviennent ainsi de tout risque de morbidité du site de prélèvement d’un greffon.



Rôle des matériaux de comblement du sinus maxillaire (actualisation des connaissances)



Études cliniques


Dès 2003, Lundgren et al. ont remarqué, suite à l’exérèse de volumineux kystes intrasinusiens associée à la suture de la membrane de Schneider lésée pendant l’intervention, une néoformation osseuse intrasinusienne à 3 mois, alors que l’espace laissé vacant n’avait pas été comblé [47]. Actuellement, de nombreuses publications expliquent que le maintien d’un espace entre la membrane sinusienne élevée et le rebord alvéolaire crestal suffit à induire une ostéogénèse. Les substituts employés n’auraient finalement qu’un rôle passif de mainteneur d’espace.


Lorsque le rebord crestal est suffisant pour obtenir une stabilité primaire, la mise en place des implants permet une sustentation de la membrane de Schneider. Quelques auteurs ont appliqué ce protocole expérimental dans une étude menée sur six comblements sinusiens. Les espaces entre les implants sont obturés à l’aide d’éponges de gélatine résorbables : les biopsies effectuées à 6 mois ont montré la présence de tissu osseux néoformé [48].


Dans d’autres études, les auteurs ont placé 28 implants stabilisés par 6,2 mm d’os crestal résiduel en moyenne : la membrane sinusienne est élevée par abord sinusien et par voie latérale sans apport de biomatériaux. À 1 an, tous les implants sont ostéo-intégrés et une régénération osseuse périphérique est identifiée sur le scanner postopératoire [49].


Une étude supplémentaire réalisée sur 25 élévations de la membrane sinusienne avec la mise en place simultanée de 41 implants et le comblement des espaces intrasinusiens à l’aide de PRF (platelet rich fibrin) démontre radiologiquement un gain osseux moyen de 10 mm (0,9 mm). Le taux de survie des implants à 1 an est de 100 %, l’analyse histologique révèle un os vivant et organisé [50].


Une expérimentation sur 19 implants maintenus par 5 mm d’os crestal résiduel, après abord sinusien par voie latérale a été conduite par d’autres auteurs. La membrane élevée est suturée afin de la maintenir à distance de la crête. Les espaces entre les implants sont occupés par la formation d’un caillot sanguin. Le gain moyen de hauteur est de 7 mm et tous les implants mis en charge ont été testés sur une période d’un an [51].


En l’absence de placement simultané des implants, le maintien de l’espace entre la membrane de Schneider et le rebord crestal peut être envisagé par une membrane rigide, à résorption lente. Une analyse qui compare cette dernière technique avec un comblement classique du sinus à l’aide d’une xénogreffe et qui confronte bilatéralement les résultats, a abouti à la conclusion suivante : la pose des implants à 6 mois en région des sinus maxillaires gauche et droit s’est effectuée sans différence notable et le suivi à 1 an est comparable [52].


En revanche, les expérimentations au cours desquelles le comblement est composé d’une seule éponge de collagène imbibée de sang veineux ne procurent qu’une très faible formation osseuse [53] et le maintien de la membrane reste insuffisant.



Réponse cellulaire de la membrane sinusienne


La culture de cellules de la membrane de Schneider révèle un potentiel ostéogénique par l’expression de l’ARNm des marqueurs de protéines ostéogéniques (phosphatase alcaline, ostéonectine, ostéocalcine et scialoprotéine osseuse).


Le placement ectopique sous-cutané d’une enveloppe formée à partir de cellules de la membrane sinusienne induit une formation osseuse [54] lors d’essais expérimentaux sur la souris. Les cellules humaines de la membrane sinusienne quant à elles sont susceptibles d’induire l’expression des BMP-2 ainsi que les protéines précitées mais également de minéraliser leur matrice extracellulaire. Sur une charpente ostéoconductrice, ces cellules engendrent une néoformation osseuse, y compris dans des sites ectopiques [55].


À ce titre, la membrane de Schneider participe à la formation du tissu osseux après son élévation.

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May 22, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 4: Le comblement du sinus maxillaire

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