La phase de métabolisme des médicaments
L’étape de métabolisme appelée également effet de premier passage comprend l’ensemble des modifications de la structure chimique (biotransformations essentiellement enzymatiques) que vont subir la plupart des molécules médicamenteuses, conduisant à la formation de métabolites actifs ou inactifs et donc à la « perte » irréversible d’une partie du médicament.
Si cette phase ne concerne pas tous les médicaments, elle constitue la première étape du processus d’élimination, par la formation de métabolites plus polaires donc plus hydrosolubles, plus facilement éliminables dans les urines. Il s’agit au départ d’un mécanisme de « défense » de l’organisme. Si elle conduit souvent à une inactivation du principe actif, la phase du métabolisme peut contribuer à l’effet pharmacologique ou toxique par la formation de métabolite(s) actif(s) et peut aussi être indispensable à l’activation de prodrogues en composés actifs.
Généralités
Le foie est considéré comme l’organe épurateur de premier passage par excellence. Placé entre le tube digestif et le reste de l’organisme, il joue un rôle de douane pour « contrôler » lors de leur premier passage toutes les molécules absorbées afin d’éviter qu’elles ne gagnent la circulation générale. Cela est rendu possible par l’existence du système porte, drainant la quasi-totalité du sang quittant le tube digestif vers le foie par la veine porte (figure 4.1). Le foie fait ainsi l’objet d’une double irrigation sanguine :
• via la veine porte (75 %) riche en molécules provenant de l’intestin ;
• via l’artère hépatique (25 %) apportant le sang oxygéné depuis l’aorte.
L’unité fonctionnelle du foie est le lobule hépatique (figure 4.2). Présents au nombre de 50 000 à 100 000, ces lobules contiennent environ 80 % de cellules épithéliales (hépatocytes) orientées sous forme de lames de façon radiaire vers la veine hépatique, mais aussi des cellules endothéliales tapissant les vaisseaux sanguins, et des cellules immunitaires. À la périphérie des hépatocytes, des formations étoilées nommées espaces portes comprennent les artères hépatiques, les veines portes par où afflue le sang et des canalicules biliaires par lesquels la bile formée quitte le foie. Le sang circule entre les lames épithéliales, dans les capillaires sinusoïdes, depuis l’espace porte jusqu’à la veine centrolobulaire alors que la bile circule dans le sens opposé.
Les hépatocytes sont chargées de former la bile (600 à 1 200 ml par jour) qui, outre des déchets, produits issus du catabolisme cellulaire physiologique (pigments biliaires), peuvent véhiculer certains médicaments et toxiques à éliminer.
Les hépatocytes sont également le lieu d’un intense métabolisme, en particulier via les enzymes du cytochrome P450, sous forme soluble ou insoluble (microsomes hépatiques).
Plusieurs types de réactions sont mis en jeu (figure 4.3) :
• des réactions phase I ou « fonctionnalisation », aboutissant à la création ou à la modification de groupements fonctionnels ; elles concernent surtout les médicaments liposolubles ;
• des réactions phase II ou « conjugaison » conduisant à l’ajout de substances endogènes sur des groupements polaires de la molécule médicamenteuse.
Plusieurs combinaisons de biotransformations sont retrouvées selon les molécules considérées (figure 4.4).
Réactions de fonctionnalisation ou de phase I
Les métabolismes de phase I rassemblent les principales réactions chimiques classiques.
La réaction d’oxydation
Différentes enzymes sont capables d’oxyder des xénobiotiques, en particulier :
• l’alcool déshydrogénase (ADH) pour les molécules présentant des fonctions alcool ou glycol (figure 4.5) ;
Figure 4.5 Rôles de l’alcool déshydrogénase dans le métabolisme de l’éthanol
ADH : alcool déshydrogénase ; NAD(H) : nicotinamide adénine dinucléotide (hydrogène) ; MEOS : microsomal ethanol oxidizing system, NADP(H) : nicotinamide adénine dinucléotide phosphate (hydrogène).
• les monoamines-oxydases (MAO), non microsomiales (présentes au niveau des mitochondries) même si cela ne concerne que peu les médicaments ;
• les mono-oxygénases retrouvées au niveau des microsomes au sein du cytochrome P450 (figure 4.6).
Ainsi, différents types d’oxydation sont possibles :
– aliphatique : RH ROF (ibuprofène, midazolam) ;
– aromatique (epoxydation) RC6H5 RC6H4OH (propranolol, phénobarbital) ;