4: Indications de la colposcopie

Chapitre 4 Indications de la colposcopie



En 1925, Hinselmann a introduit la colposcopie afin d’explorer le col utérin au fort grossissement. Son intention première était de détecter les lésions précancéreuses, mais il recommandait d’utiliser cette technique pour toutes les femmes qui consultaient en gynécologie. La technique s’est alors répandue de l’Allemagne à l’Espagne puis en France, en Europe et en Amérique latine. Les Anglo-Saxons n’utilisent pas la colposcopie comme méthode de dépistage primaire des lésions précancéreuses, la cytologie est habituellement la technique de référence pour le dépistage et la colposcopie n’est réservée qu’à celles dont le diagnostic de néoplasie intra-épithéliale cervicale (CIN) est suspecté au frottis. Cependant, ni la cytologie ni la colposcopie ont une sensibilité à 100 % et leur spécificité est fortement dépendante de l’entraînement et de la pratique. Des faux négatifs et faux positifs sont observés pour les deux méthodes. Elles sont cependant complémentaires et la performance du diagnostic est meilleure lorsque le frottis et la colposcopie sont complémentaires. Cependant, l’expertise pour chacune des méthodes nécessite un entraînement et une expérience soutenus, ce qui n’est pas toujours compatible en pratique. C’est la raison pour laquelle l’introduction de techniques objectives et reproductibles a progressivement fait son chemin pour compléter la prise en charge des patientes.


L’objectif de la colposcopie est de reconnaître les aspects normaux de la zone de transformation, les modifications non significatives (polype, inflammation…), les lésions significatives (lésions à papillomavirus [HPV] et néoplasies intra-épithéliales cervicales [CIN]) et enfin les modifications hautement significatives évoquant un cancer invasif débutant ou franc.



Apport de la colposcopie dans la prise en charge des frottis anormaux


Selon la nouvelle terminologie de Bethesda [1], on considère comme frottis anormal les atypies suivantes :



S’il n’y a aucun doute sur l’intérêt de pratiquer une colposcopie immédiate après frottis H. SIL/carcinome, ASC-H, AGC, sans autre alternative possible, pour les frottis ASC-US la colposcopie est une option parmi d’autres. Après frottis L. SIL, le débat est toujours ouvert sur l’intérêt de la colposcopie immédiate et systématique ou après frottis L. SIL persistants.



Limites de la colposcopie


La colposcopie a comme avantage, lorsque l’opérateur est entraîné, d’avoir une forte sensibilité pour reconnaître les lésions de haut grade sous-jacentes. Cependant, sa spécificité reste inférieure à 50 %, ce qui est à l’origine de sur-diagnostics, de traitements inappropriés, de stress pour les patientes et bien entendu de coût inutile.


Les causes généralement retrouvées dans l’évaluation faussement positive de la colposcopie sont observées dans les conditions suivantes :




Les faux négatifs des impressions colposcopiques sont suggérés par les observations de cas de cancer invasif après colposcopie ou après colposcopie suivie de méthodes destructrices pour lésions étiquetées « intra-épithéliales cervicales » (CIN) [2,3]. Les causes généralement retrouvées des faux négatifs de la colposcopie sont observées dans les conditions suivantes :





Variabilité de la colposcopie


Il est clairement démontré que les aspects colposcopiques peuvent présenter un certain degré de variabilité intra- et inter-observateurs [4,5]. Sellors a même montré que cette variabilité intra- et inter-observateur concernait également les scores des colpophotographies, en particulier dans l’évaluation du niveau de la jonction squamocylindrique, de la surface de la zone de transformation anormale, de la couleur et des modifications de la zone de transformation anormale. Récemment dans l’étude ALTS menée aux États-Unis [6] sur plus de 3488 femmes, la biopsie dirigée sous colposcopie n’a pas été performante pour évaluer complètement les lésions. Ainsi, après frottis ASC-US et bas grade, 8,6 % des CIN III et 50 % des CIN II, confirmées après résection de la zone de transformation, ont été identifiées comme CIN I après colposcopie/biopsie. Lorsque la colposcopie/biopsie n’était pas satisfaisante, dans 10 % des cas on retrouvait une CIN III après résection de la zone de transformation. D’une manière générale, lorsque l’impression colposcopique est en faveur d’un col normal ou d’une lésion de bas grade, on peut s’attendre à 20–22 % de lésions de haut grade sous-jacentes selon Higgins [7]. En revanche, lorsque la colposcopie évoque une lésion de haut grade, la confirmation histologique d’une lésion de haut grade est observée dans 71 à 98 % des cas. Ritter [8] observe, cependant, que des carcinomes micro-invasifs peuvent être retrouvés grâce à la colposcopie chez les patientes ayant un aspect évocateur d’une lésion de haut grade. Les limites de la colposcopie se situent plutôt dans les impressions non significatives ou évoquant une lésion intra-épithéliale de bas grade. En effet, la spécificité de la colposcopie est plus réduite dans ces cas. Stoler [6], dans l’étude ALTS, a montré que la reproductibilité diagnostique des biopsies sous colposcopie pour les CIN I n’était que de 44 %, et 46 % de ces CIN I ont été sous-évaluées en négatif après une relecture par un panel d’experts pathologistes. Ceci rejoint les informations connues par la méta-analyse de Follen montrant que la sensibilité de la colposcopie à identifier les cols normaux des cols anormaux était de 95 % et la spécificité de 45 %.



Colposcopie après frottis anormal



Colposcopie après frottis ASC-US


L’avantage de la colposcopie chez les femmes ayant des frottis ASC-US est qu’elle est assez sensible pour reconnaître les lésions de haut grade ou les cancers débutants. La méta-analyse de Mitchell [9] sur la performance de la colposcopie, montre que la sensibilité de la colposcopie à distinguer les cols normaux des cols anormaux est de 90 % mais la spécificité n’est que de 48 %. Cependant, sa variabilité et les faux positifs générés par les biopsies, en particulier les CIN I et leur potentiel de sur-diagnostic et sur-traitement, peuvent en limiter la portée dans cette indication.



Options de prise en charge des femmes ayant des frottis ASC-US


Les options de prise en charge des femmes ayant des frottis ASC-US sont maintenant bien établies [10]. Huit à dix pour cent des femmes ayant des frottis ASC-US ont une CIN HG sous-jacente.


L’option frottis de contrôle est simple et peu coûteuse. Elle présente cependant l’inconvénient [1012] d’être peu sensible à reconnaître les lésions de haut grade sous-jacentes (0,67–0,85). C’est la raison pour laquelle cette option ne s’entend qu’après plusieurs frottis de contrôle négatifs avant de passer à un dépistage régulier [13,14]. Toutefois, l’indication de la colposcopie demeure si les frottis de contrôle reviennent toujours avec des atypies de type ASC-US. Cependant, un des inconvénients à pratiquer de façon prolongée des frottis de contrôle est de méconnaître jusqu’à 30 % de lésions de haut grade sous-jacentes.


Les limites de la colposcopie lorsqu’elle est pratiquée de manière systématique en particulier après frottis ASC-US tiennent à sa variabilité intra- et inter-observateurs [4,5], sa faible reproductibilité avec les résultats histologiques obtenus par l’électro-résection [6] et sa faible reproductibilité également avec les résultats de la biopsie dirigée [6]. Ceci peut entraîner dans certaines circonstances et, en particulier pour les CIN I, dont la concordance diagnostique entre pathologiste est inférieure à 40 %, un sur-diagnostic et un sur-traitement, un stress pour les patientes et un surcoût inutile.


L’option test HPV après frottis ASC-US est actuellement recommandée du fait de la forte sensibilité du test à identifier les lésions de haut grade (≥ 95 %) et sa valeur prédictive négative optimum (≥ 99 %) [10,12]. Lorsque le test HPV est pratiqué sur les cellules résiduelles du liquide en suspension, l’approche semble avoir un meilleur coût bénéfice que l’option frottis de contrôle ou colposcopie immédiate [15].



Test HPV dans l’évaluation des anomalies colposcopiques


Nous avons entrepris d’examiner l’intérêt du test HPV dans l’évaluation des anomalies colposcopiques chez les patientes adressées en colposcopie pour frottis anormal [16]. Trois cent quatre-vingt-neuf patientes adressées en colposcopie après frottis anormal ont été évaluées par frottis, test HPVHR (détection de papillomavirus à haut risque par Hybrid Capture 2) et résection systématique de la zone de transformation (ERAD) tenant compte du niveau de la jonction squamocylindrique. Parmi les patientes ayant un frottis ASC-US HPVHR+, 50 % ont une lésion de haut grade sous-jacente, ceci passe à 63 % pour les patientes ayant un frottis bas grade HPVHR+.


Il est possible avec le test HPV de prédire l’existence d’une lésion de haut grade sous-jacente selon les aspects colposcopiques en particulier lorsque la colposcopie montre des modifications mineures de la zone de transformation (TAG I). En effet, c’est dans ces cas que la spécificité de la colposcopie est réduite, le risque de variabilité inter et intra-observateur est élevé et les CIN I histologiquement confirmées par des biopsies dirigées sont peu reproductibles. Ces situations peuvent générer sur-diagnostics et sur-traitements.


Lorsque la colposcopie après frottis ASC-US ou L. SIL montre des signes de transformation atypique de grade II (souvent en rapport avec une CIN de haut grade), il est clair que dans ces conditions le test HPV ne majore pas beaucoup la sensibilité, elle reste élevée (de 87,5 à 99 %). La spécificité demeure également élevée par l’adjonction du test HPV (de 65 à 80 %). Cependant, l’élément important est lorsque la colposcopie montre des modifications mineures de la zone de transformation (TAG I), dans ces conditions, on augmente par l’adjonction du test HPV la sensibilité à reconnaître une lésion de haut grade sous-jacente puisque celle-ci est évaluée de 66,7 à 96,3 % et la spécificité est également majorée de 54,5 à 65 %.




Rationnel pour la pratique de la colposcopie chez les patientes présentant des frottis avec atypies glandulaires (AGC)


Les études montrent que 9 à 54 % des patientes ayant des frottis avec AGC ont des biopsies confirmant le diagnostic de CIN, 0 à 8 % des biopsies confirmant un adénocarcinome in situ, et 1 à 9 % des patientes ont un cancer invasif [18,19]. La terminologie de Bethesda 2002 distingue les AGC non déterminées et les AGC en faveur d’une néoplasie intra-épithéliale. La raison en est que le risque pour chacune de ces catégories de correspondre à une lésion significative est différent. La confirmation d’une CIN II–III, adénocarcinome in situ ou cancer invasif est retrouvée chez 9 à 41 % des femmes présentant une AGC non déterminée et chez 27 à 96 % des femmes ayant une AGC en faveur d’une néoplasie [1821]. La colposcopie systématique s’impose dans ces cas. Cependant, la sensibilité de la colposcopie peut être réduite pour les lésions glandulaires endocervicales [22,23]. Parfois, il sera utile, après colposcopie négative, de pratiquer un prélèvement de l’endocol au cytobrush ou un curetage endocervical et/ou une échographie pelvienne pour évaluer l’endomètre. L’âge est un élément déterminant. Les femmes préménopausées sont plus à risque d’AIS et de CIN II–III et moins à risque d’adénocarcinome de l’endomètre comparé aux femmes ménopausées [24].


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Jul 9, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 4: Indications de la colposcopie

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