Chapitre 4 Imagerie de la femme
Pelvis féminin
Techniques d’imagerie
Échographie pelvienne
C’est « la » technique primordiale en exploration gynécologique. La voie sus-pubienne (vessie pleine) permet d’avoir une vue d’ensemble (fig. 4.1). Elle est systématique et indispensable en particulier en cas de gros utérus myomateux ou d’ovaires haut situés, et bien sûr si la patiente est vierge. La voie endovaginale permet une étude plus précise de l’utérus et des annexes (vessie vide) grâce à des sondes vaginales de haute fréquence ; les acquisitions récentes 3D (volumique) sont par ailleurs utiles notamment pour l’étude des malformations utérines et des malformations fœtales. Le mode dit « harmonique », actuellement installé sur la plupart des machines, a permis une amélioration de la définition en contraste, et est utilisé par défaut dans la plupart des applications gynécologiques.
Les trompes normales ne sont pas visibles.
Aspect en fonction de l’âge (fig. 4.2)
Pendant l’enfance le volume ovarien croît régulièrement. Avant 10 ans, il reste inférieur à 3 cm³. Entre 10 et 12 ans (début de la puberté clinique), il dépasse le cap des 3 cm³ et les follicules sont mieux visibles et plus nombreux. Après 12 ans (fin de puberté), il prend l’aspect adulte ovalaire multifolliculaire avec un volume d’environ 5 à 7 cm³, 4 cm de grand axe, 6 cm2, et une dizaine de follicules de répartition harmonieuse, variant en nombre et en aspect selon le moment du cycle.
Fig. 4.2 Échographie des ovaires normaux chez des femmes d’âge différents.
(a) 18 ans, nombreux follicules.
(b) 30 ans, plus sphérique, avec des follicules plus petits.
(c) 47 ans, pauci-folliculaire, avec un corps jaune.
Après la ménopause, les ovaires deviennent atrophiques, parfois mal repérables en raison de leur caractère afolliculaire. Tout « kyste ovarien » requiert alors en principe un avis chirurgical ou au moins un contrôle échographique en raison de la possibilité de cystadénome séreux ; cependant, il est admis que des kystes fonctionnels peuvent aussi être présents chez une femme ménopausée.
Aspect en fonction du cycle
• En première partie du cycle (phase folliculaire), les follicules croissent régulièrement. Il est important de connaître en échographie les aspects normaux de la folliculogenèse :
• En seconde partie de cycle (phase lutéale), ce « corps jaune » est de siège centro-ovarien ; sa paroi s’épaissit et est richement vascularisée. Il est rempli d’échos internes (liquide hémorragique). Ce caillot peut prendre plusieurs aspects : kystique, fibreux ou en filet de pêche. Il régresse en quelques jours.
Hystérosonographie
Son but principal est d’analyser une anomalie endométriale suspectée en échographie et notamment de différencier un polype d’un simple épaississement. Il s’agit donc d’un examen de deuxième intention. Techniquement, c’est une sorte d’ « hystérographie à l’eau » couplée à une échographie pelvienne. La patiente est allongée sur la table d’échographie ; après désinfection du col utérin, on cathétérise ce dernier et on injecte du sérum physiologique dans la cavité pour la dilater, puis on réalise l’échographie pour analyser l’endomètre. Cet examen est réalisé uniquement en première partie de cycle en raison de l’injection endo-utérine.
Hystérosalpingographie (fig. 4.3)
L’indication principale actuelle est l’hypofertilité ; son but est de rechercher une obstruction tubaire. Elle est réalisée uniquement en première partie de cycle puisqu’elle utilise les rayons X.
Scanner
Le pelviscanner (ou scanopelvimétrie) est réalisé chez la femme au troisième trimestre de la grossesse dans des cas précis : présentation par le siège ou antécédents de traumatisme du bassin. Il est réalisé à très basse dose, ce qui permet une exposition minimale du fœtus (il est moins irradiant que l’ensemble des trois clichés standard de pelvimétrie qui étaient autrefois effectués).
IRM pelvienne (fig. 4.4)
C’est un examen de deuxième intention, après l’échographie. Ses capacités de caractérisation ont fait de l’IRM la modalité de référence dans de nombreuses pathologies.
Ses indications principales sont :
• la caractérisation des masses latéro-utérines, notamment les kystes ou les masses ovariennes complexes ;
• la recherche d’endométriose profonde ;
• la recherche d’ovaires micropolykystiques si l’échographie sus-pubienne n’est pas contributive ;
TEP-scan (tomographie par émission de positons)
Les indications potentielles du TEP-scan en cancérologie pelvienne sont :
• dans le cancer de l’ovaire :
• dans le cancer du col utérin :
Place de l’imagerie selon les symptômes
Grossesse normale (fig. 4.5)
Fig. 4.5 Grossesse débutante.
(a) Sac ovulaire normal et vésicule vitelline ; 4 SA ; l’embryon n’est pas encore visible.
(b) « Œuf clair » : il n’y a pas de vésicule ombilicale ni d’embryon.
Douleur pelvienne aiguë
Devant une douleur pelvienne aiguë, il faut penser à trois urgences graves (grossesse extra-utérine – GEU –, torsion ovarienne, pelvipéritonite à point départ gynécologique) et à une seule technique (l’échographie).
Chez une jeune femme en âge de procréer, il faut rechercher de manière systématique une GEU (dosage des β-hCG, au moins un test urinaire) ; en échographie, le premier signe est la présence de sang dans la trompe (hématosalpinx). L’hémopéritoine affirme la rupture de la GEU (fig. 4.6)
Les autres urgences sont moins lourdes de conséquences en cas d’erreur diagnostique : hémorragie intrakystique et/ou rupture de kyste, abcès ovarien ou pyosalpinx (« Sur le vif » 4.1), nécrobiose de fibrome, etc.
Sur le vif 4.1 Pyosalpinx
Une femme de 45 ans, médecin, consulte aux urgences pour une douleur pelvienne aiguë, aggravant des douleurs devenues de plus en plus fréquentes depuis quelques mois. Elle est multipare (trois enfants) et porte un stérilet depuis 3 ans. Elle ne désire plus d’enfant. Il y a eu quelques métrorragies ces dernières semaines. Sa mère a eu un cancer du sein à l’âge de 35 ans. Les β-hCG sont négatifs. Le bilan biologique retrouve une hyperleucocytose modérée isolée. Une première échographie réalisée en urgence retrouve une « masse mixte, liquidienne et tissulaire, d’allure cloisonnée, avec flux enregistrés dans les cloisons, fortement suspecte de tumeur de l’ovaire » (fig. 4.7). On lui donne un rendez-vous d’hospitalisation pour cœliochirurgie, en prévoyant de faire une hystérectomie avec annexectomie bilatérale. Elle doute et prend un deuxième avis. La deuxième échographie retrouve une lésion mixte, mais les portions liquidiennes s’avèrent tubulées, à contenu épais, il existe une douleur assez nette reproduite sous la sonde et, surtout, l’ovaire est finalement retrouvé au contact et semble normal. La graisse pelvienne apparaît hyperéchogène, ce qui témoigne de son inflammation. L’échographiste suggère en premier lieu une surinfection d’hydrosalpinx. L’IRM réalisée à la suite permet de conforter le chirurgien. L’intervention est donc une chirurgie tubaire simple.
Douleur pelvienne chronique
Devant des douleurs chroniques, on recherchera des signes d’adénomyose ou d’endométriose profonde (surtout si les douleurs sont cycliques), un hydrosalpinx ou une masse annexielle. L’échographie est toujours réalisée en première intention, suivie de l’IRM si besoin.
Métrorragies
Beaucoup de métrorragies sont fonctionnelles, notamment en périménopause et sous pilule progestative, mais elles restent un diagnostic d’élimination. L’examen gynécologique prime toujours : l’examen du col utérin au spéculum est indispensable et ne peut en aucun cas être remplacé par une échographie ou une IRM. Un frottis est réalisé si besoin.
Leucorrhées
Les leucorrhées isolées, souvent mycotiques, ne nécessitent pas d’imagerie.
La suspicion de salpingite ou d’endométrite nécessite une échographie à la recherche de pyosalpinx, d’abcès tubo-ovariens et de rétention (« Sur le vif » 4.2).
Sur le vif 4.2 Pelvipéritonite à point de départ gynécologique
Une jeune femme de 20 ans est amenée par les pompiers après un malaise dans la rue. Elle frissonne, est tachycarde, et sa pression artérielle est à 9/6. La palpation abdominale trouve une défense généralisée. Les touchers pelviens sont douloureux et le doigtier ramène des pertes malodorantes. Les fils d’un stérilet sont palpés. Devant cette suspicion de péritonite, un scanner est effectué. Une seule hélice est effectuée (radioprotection), au temps portal. Il existe un épanchement pelvien abondant et un abcès de l’ovaire (fig. 4.8). Une cœliochirurgie est rapidement débutée, pour nettoyage de la cavité et mise à plat des collections.
Infertilité
L’infertilité se définit par l’absence de grossesse après plus de 2 ans de rapports sexuels réguliers (selon l’Organisation Mondiale de la Santé). Après un interrogatoire poussé des deux conjoints, un examen clinique et, de plus, certains tests (courbe de température, test post-coïtal de Hühner, etc.), on effectue :
• une échographie pelvienne qui recherche :
• une hystérographie qui est systématique et apprécie la perméabilité tubaire ;
• l’IRM pelvienne, qui est parfois demandée en deuxième intention dans quelques cas particuliers, comme la suspicion de malformation utérine, d’endométriose profonde ou d’adénomyose.
Hirsutisme
On élimine par l’interrogatoire et l’examen clinique les causes iatrogènes et les causes idiopathiques (origine familiale méditerranéenne, avec un hirsutisme modéré, ancien et non évolutif, des cycles normaux réguliers et une testostéronémie normale).
On recherche selon l’âge de la patiente et le contexte clinicobiologique :
• un syndrome des ovaires micropolykystiques (SOMPK) : avec les causes fonctionnelles, c’est la cause d’hirsutisme la plus fréquente chez les jeunes filles ;
• un syndrome de Cushing avec obésité et hirsutisme et augmentation du cortisol libre urinaire des 24 heures ;
• une tumeur virilisante ovarienne : ici, on est orienté par une testostéronémie très élevée, (N × 6). L’échographie des ovaires est souvent normale ; c’est l’IRM pelvienne qui doit être demandée en raison de la petite taille de ces tumeurs sécrétantes.
Aménorrhée primaire
L’échographie recherche en particulier un hématocolpos (imperforation hyménéale) et apprécie la morphologie pré- ou post-pubère de l’utérus.
Les échographies pelviennes « de dépistage » chez des femmes asymptomatiques (quel que soit l’âge) n’ont pas fait la preuve de leur utilité, notamment pour le dépistage du cancer de l’ovaire ou de l’utérus.
C’est l’échographie sus-pubienne et endovaginale qui reste l’examen incontournable de toute pathologie pelvienne gynécologique.
La seule place de l’hystérographie est la vérification de la perméabilité tubaire dans un contexte d’infertilité.
L’IRM intervient en deuxième intention grâce à ses capacités de caractérisation tissulaire.
Le scanner n’est que peu utilisé (urgence septique, torsion sur kyste dermoïde) et pour le bilan d’extension des cancers gynécologiques.
Pathologie ovarienne
Pathologie ovarienne fonctionnelle
Kystes fonctionnels de l’ovaire (kyste folliculaire et kyste hémorragique du corps jaune)
Le kyste folliculaire (fig. 4.9) correspond à un développement excessif d’un follicule qui apparaît sous la forme d’une image ronde intra-ovarienne de contenu liquidien, à paroi fine non vascularisée, sans cloison ni végétation, de taille supérieure à 3 cm. Sa taille ne dépasse pas 8 cm. Il est très fréquent chez la femme en âge de procréer.
Il prend divers aspects parfois trompeurs : en « filet de pêche » (avec des cloisons de fibrine, avasculaires au Doppler, fig. 4.10), voire pseudo-tumoral mais sans vascularisation centrale. On effectue alors quasi systématiquement un contrôle en première partie de cycle à 1, 2 ou 3 mois (selon l’aspect) pour vérifier sa régression. Le principal diagnostic différentiel est un kyste endométriosique dont la structure interne est plus fine avec parfois visibilité de saignement déclives (saignements d’âges différents) persistant au cours des cycles.
Syndrome des ovaires micropolykystiques
Ce syndrome, fréquent chez les jeunes femmes en âge de procréer, associe une spanioménorrhée anovulatoire, une augmentation modérée de la testostéronémie (maximum N × 3) et une franche augmentation de l’hormone lutéinisante (LH).
Parmi les trois critères de Rotterdam (2003), deux sont nécessaires au diagnostic :
• hyperandrogénie clinique ou biologique ;
• un aspect évocateur en imagerie (échographie endovaginale ou IRM pelvienne) : ovaire(s) de volume > 10 cm³ et contenant au moins 12 follicules de 2 à 9 mm.
L’hypertrophie stromale ne fait plus partie des critères (même si on peut la mentionner) et la surface ovarienne n’est plus utilisée car considérée comme insuffisante (fig. 4.11) (« Sur le vif » 4.3).
Sur le vif 4.3 Syndrome des ovaires micropolykystiques
Une jeune femme de 20 ans consulte pour anomalie menstruelle. L’interrogatoire retrouve des règles assez régulières, mais tous les 2 mois. L’examen clinique retrouve un surpoids modéré ; il n’y a pas d’hirsutisme le jour de la consultation, car la patiente s’épile régulièrement. L’acné est marquée sur le visage et dans le dos. L’examen clinique est par ailleurs normal. Elle n’a jamais eu de rapports sexuels. Les dosages hormonaux montrent une augmentation modérée de la testostéronémie (N × 1,5) et une franche augmentation de la LH. L’échographie montre des ovaires globuleux, mais la profondeur ne permet pas une bonne analyse (seule la voie sus-pubienne est possible). C’est donc l’IRM qui permet de retrouver des ovaires micropolykystiques typiques (fig. 4.11b). Sous pilule associant un œstrogène et un antiandrogène (acétate de cyprotérone), les cycles se normalisent et l’acné diminue en 4 mois.
Ovaires multifolliculaires
Les ovaires multifolliculaires sont observés moins fréquemment sous minipilule œstroprogestative, du fait d’une freination hypophysaire incomplète, et chez les femmes anorexiques (anovulation hypothalamique fonctionnelle). Contrairement au SOMPK, il n’existe pas de signe d’hyperandrogénie. Les ovaires sont de taille normale (volume < 8 cm³). On observe de petits follicules de moins de 9 mm, un peu trop nombreux (8 à 12 par ovaire), de topographie périphérique et sans follicule dominant de plus de 15 mm. Le stroma n’est pas hypertrophié. Il existe des formes frontières, et il est parfois difficile de distinguer cet aspect d’un aspect physiologique de première partie de cycle.
Ovaires macropolykystiques
Ils surviennent chez des femmes aux antécédents infectieux ou chirurgicaux présentant des douleurs pelviennes cycliques ou permanentes, sans signe d’hyperandrogénie. On observe de multiples macrofollicules de plus de 15 mm. La dysovulation peut conduire à une hypofertilité. Ils peuvent être associés à un faux kyste péritonéal puisque les causes sont les mêmes.
Lutéome et syndrome d’hyperstimulation ovarienne
Chez la jeune fille, les kystes les plus fréquents sont le kyste fonctionnel, le kyste hémorragique du corps jaune et, plus rarement (à partir de la puberté), les kystes endométriosiques. À cet âge, le syndrome des ovaires micropolykystiques est également très fréquent mais son diagnostic est parfois délicat en imagerie car il existe des formes frontières avec des ovaires multifolliculaires normaux : on s’appuiera sur un faisceau d’arguments selon les critères de Rotterdam incluant le contexte clinicobiologique.
Chez la femme ménopausée : en périménopause, les kystes fonctionnels restent possibles (à surveiller de près). Après la périménopause, l’hypothèse principale devant un kyste liquidien simple est celle d’un cystadénome séreux : on dose le CA 125 de manière systématique et l’on propose un avis chirurgical.
La présence de cloisons ou de végétations (et à plus forte raison de masse solide) doit faire évoquer une tumeur ovarienne.