4: Fractures et luxations

Chapitre 4 Fractures et luxations



LÉSIONS DU COU DE PIED



Problèmes rencontrés au SAU


Ces lésions sont d’une très grande fréquence et occupent le troisième rang des traumatismes ostéoarticulaires des membres. Elles se présentent cliniquement de façon univoque, sous la forme d’un « gros cou de pied hyperalgique », dont l’analyse clinique ne permet habituellement pas de diagnostic lésionnel précis.



C’est le cas, certes, de l’ouverture, notamment en cas d’exposition ostéochondrale. Certaines fractures fermées réalisent aussi des situations à très haut risque, notamment en présence de plages de contusion dermique par écrasement ou de zones de souffrance cutanée par tension sur la saillie d’un fragment ou d’une épiphyse produite par le déplacement fixé du segment sous-focal (figure 4.1). Cette situation peut concourir à la création d’un cercle vicieux aboutissant à la constitution d’une ischémie évolutive. Les conséquences en sont extrêmement délétères quand elles surviennent sur un revêtement cutané déjà traumatisé ou lorsqu’une incision cutanée les traverse malencontreusement.



Il est capital, après un rapide examen évaluant la vascularisation distale (prise des pouls, évaluation de la qualité du retour veineux et du temps de recoloration pulpaire) et l’innervation (sensibilité plantaire, face dorsale de la 1re commissure), de contacter directement et en extrême urgence l’équipe chirurgicale de garde.


Dans l’attente de l’intervention, en cas d’ouverture (et d’exposition ostéochondrale), on recouvrira le plus rapidement possible le foyer à l’aide de compresses humides de sérum physiologique (en proscrivant tout antiseptique cytotoxique pour le cartilage), puis on placera un grand pansement compressif et on immobilisera le membre sur une attelle cruro-pédieuse, genou fléchi, cheville en équin.


En cas de souffrance cutanée sur la saillie antéro-médiale de la marge antérieure et/ou d’un résidu malléolaire extériorisés par la luxation postéro-latérale du bloc pédieux, il faut sans retard discuter l’indication de « réduction à chaud ». Si les radiographies peuvent être réalisées dans les minutes qui suivent, il est préférable de les réaliser immédiatement. Sinon, l’indication de réduction « sur le champ » est obligatoire. Il faut donc être en mesure de faire le diagnostic clinique de luxation du cou de pied sur :






La réduction doit être rapide, ferme et assurée :





Le membre est immédiatement immobilisé dans une attelle plâtrée postérieure cruro-pédieuse, genou fléchi à 45 degrés pour maîtriser les contraintes rotatoires, pied en équin (neutralisation du moment luxant du triceps). Il est important de protéger la face cutanée du talon par des plaques de feutres en plusieurs couches, pour permettre de poursuivre sans risque la manœuvre de réduction pendant la dessiccation de l’attelle. Il faut craindre la reproduction de la luxation (incoercibilité) par altération de la continence antéro-postérieure de la mortaise en raison de la forte probabilité de fracture de la marge postérieure du tibia. Cette situation rend la réduction et la stabilisation chirurgicales particulièrement urgentes.


La confection de l’attelle demande toute l’attention. On réalise d’abord la pièce suro-pédieuse, jambe pendante en bout de table, dans la position de réduction. Pendant la phase de dessiccation, les manœuvres de réduction sont maintenues. L’attelle est ensuite complétée en cruro-pédieux, dans la position habituelle.


En fait, le diagnostic lésionnel précis repose sur la radiographie. Les clichés standard sont, sauf exception, toujours suffisants s’ils sont centrés et comportent une incidence de face et de profil stricts. Ces impératifs justifient parfois un déplacement dans le service de radiologie pour aider le manipulateur à réaliser les clichés selon les modalités souhaitées.



Lésions de la pince malléolaire



Fractures malléolaires


La cheville (articulation talo-crurale) est une articulation portante constituée par l’emboîtement d’un tenon (le dôme talien) dans une mortaise constituée par l’union du pilon tibial et de l’extrémité distale de la fibula, par l’intermédiaire de la syndesmose. Cette articulation est définie par l’exactitude de l’ajustage des surfaces articulaires (la congruence) et son maintien en toutes circonstances (la continence). La continence est assurée par des freins périphériques circonférentiels (figure 4.2) :







Les fractures malléolaires peuvent prendre l’aspect de fractures bimalléolaires (les plus fréquentes), d’équivalents par association d’une fracture malléolaire et d’une entorse grave sur le versant opposé ou de fractures unimalléolaires de pronostic habituellement bénin. Les lésions bifocales sont susceptibles de s’accompagner d’une atteinte plus ou moins importante des marges antérieure et/ou postérieure qui en grèvent d’autant le pronostic.



Types lésionnels


Les classifications les plus utilisées se fondent sur le siège du trait fibulaire par référence aux ligaments tibio-fibulaires distaux et sur les mécanismes lésionnels. En France, on utilise plus volontiers la classification d’Alnot et Duparc, alors qu’en Suisse et en Allemagne, on donne la préférence à la classification AO. Nous adopterons la classification d’Alnot et Duparc qui réalise un canevas de base très commode (figure 4.3). On distingue plusieurs types de fractures.




Classification d’Alnot et Duparc





Cas particuliers et variantes

Ce schéma de base comporte de nombreuses variantes qu’il est indispensable de prendre en compte, car elles sont potentiellement à l’origine d’erreurs diagnostiques et d’indication.






Analyse radiographique fine


Cette approche de base ne suffit pas pour détecter l’ensemble des lésions traumatiques de la mortaise et se préparer efficacement à faire face à toutes les situations cliniques et peropératoires. Pour cela, il est nécessaire d’analyser avec précision l’anatomie radiologique de la pince malléolaire. Notons d’emblée que cette analyse est au mieux réalisée après réduction et stabilisation des déplacements. Elle a toute sa valeur en post-opératoire.



Incidence de face

C’est celle qui donne le plus de renseignements morphologiques et topographiques sur la pince tibio-fibulaire, le dôme talien et la congruence articulaire. En pratique, il faut se souvenir que la mortaise et le dôme talien sont plus larges en avant dans le plan horizontal.



Les six lignes verticales

L’analyse du cliché de face permet d’individualiser six lignes verticales (figure 4.7).



Sur le secteur latéral, on identifie quatre lignes qui sont, de dehors en dedans, le bord latéral de la fibula, le tubercule tibial antérieur, le bord médial de la fibula et le tubercule tibial postérieur.



C’est un avantage énorme sur les mesures classiques qui prennent en compte la mesure de l’empiétement de l’image du tubercule antérieur sur celle de la malléole latérale et sont, de ce fait, incidence-dépendantes. L’image d’empiétement augmente avec la rotation externe du tibia et diminue jusqu’à s’annuler en rotation interne.


Sur le secteur médial, on identifie deux lignes. La ligne latérale correspond au bord antérieur de la malléole collatérale médiale. Elle est en continuité avec le tubercule antérieur et la pointe de la malléole. C’est le point le plus déclive de la région apicale. Cette ligne est en rapport étroit avec le bord médial du dôme talien, la congruence tibio-talienne étant parfaite dans ce secteur.


La ligne la plus médiale correspond au bord médial cortical de la malléole et du pilon.





Longueur et rotation de la fibula

L’incidence de face permet également d’évaluer deux autres critères, qui sont moins souvent pris en compte mais pas moins importants : la longueur de la fibula et la rotation intrinsèque du tibia et de la fibula.


La longueur de la fibula doit être restaurée de façon exacte. Cet objectif est parfois difficile à atteindre lorsque la comminution focale n’offre pas les critères indispensables à la réduction anatomique du foyer. Il faut alors prendre en compte des critères indirects et parmi ceux-ci l’analyse des rapports talo-fibulaires dans le plan de la syndesmose (B. Weber).


Sur un cliché de face réalisé en légère rotation interne apparaît une modification du bord médial de la malléole fibulaire, à la jonction entre le bord supérieur de la facette articulaire et la portion sus-articulaire. Autour de 15 degrés de rotation interne, ce secteur adopte une conformation en aile d’oiseau avec démasquage d’une zone jonctionnelle ponctuelle, à l’union des deux lignes verticales, légèrement concaves en dedans. Ce point, alors très facilement identifiable, se situe exactement dans le prolongement de la ligne sous-chondrale du tubercule antérieur quand la longueur respective des deux os (et partant celle de la fibula) est exacte (figure 4.8).



La rotation intrinsèque du tibia et de la fibula est également un élément de contrôle de réduction de premier plan (figure 4.9). Sur un cliché de face en rotation neutre, la distance intertuberculaire, c’est-à-dire la projection de l’espace entre le tubercule antérieur et le tubercule postérieur, est de l’ordre du centimètre. Elle diminue en rotation interne et augmente en rotation externe.



L’aspect de la malléole fibulaire se modifie beaucoup avec le degré de rotation :







Incidence de profil

L’incidence de profil donne moins d’informations (figure 4.10). Bien orientée et de profil strict, elle renseigne sur :






Elle permet surtout d’évaluer la marge postérieure et de détecter la présence d’un éventuel fragment marginal postérieur (sans toutefois pouvoir faire la mesure exacte de sa surface).


Il est capital de noter que le tubercule antérieur n’est pas visible sur l’incidence de profil.



Évaluation des marges du pilon tibial



Marge postérieure


Les lésions de la marge postérieure sont fréquentes et facilement repérables sur l’incidence de profil. Leur étendue, en termes de pourcentage d’amputation de la surface du toit de la mortaise, est très variable. Elle va de la simple avulsion du tubercule postérieur (extra-articulaire et sans conséquence mécanique directe) à l’amputation de toute la marge postérieure, créant les conditions d’une grave instabilité par perte de la continence postérieure. En présence d’un fragment marginal postérieur, facilement identifié sur l’incidence de profil, l’évaluation exacte de sa morphologie et de sa surface est moins évidente. C’est pourtant un impératif qui conditionne l’indication et la technique en cas de décision chirurgicale.



En pratique, trois situations peuvent se présenter et leur identification nécessite la prise en compte et l’analyse fine de l’incidence de face.






Fragment de Cunéo et Picot (fig. 4.12c)


Il en va tout autrement du troisième type lésionnel dont le trait, frontal, atteint et traverse la corticale médiale du pilon. Cette lésion a été décrite par Cunéo et Picot en 1929. Elle réalise une fracture-séparation frontale du secteur postérieur de la mortaise qui se désinsère du pilon, selon la direction des travées osseuses, sous l’action du dôme talien propulsé en arrière lors de la luxation.


Cette lésion s’apparente, certes, à une fracture du pilon tibial de type marginal postérieur. Elle doit cependant être décrite avec les fractures malléolaires car, en pratique, sa présentation radiologique prend le masque d’une atteinte prédominante des malléoles qui capte l’attention. La lésion marginale, non évidente, peut passer inaperçue, ce qui soulève de sérieuses diffi cultés d’interprétation anatomique et de technique peropératoire.


Le fragment de Cunéo et Picot réalise un volumineux fragment pyramidal, de base rectangulaire et sommet proximal, à la face postérieure de la métaphyse tibiale. Ce fragment emporte la totalité de la marge postérieure depuis le tubercule postérieur jusque et y compris la corticale médiale du pilon. Plus ou moins étendu vers l’avant, il provoque constamment une atteinte sévère de la continence postérieure. L’association à une luxation postérieure est constante.


Les lésions malléolaires sont de distribution et de morphologie variable. Sur le versant latéral, il peut s’agir de fractures intertuberculaires ou, plus fréquemment, sus-tuberculaires. Sur le versant médial, le trait de séparation frontale passe souvent entre les deux tubercules malléolaires, ce dernier étant notamment complété par un second trait horizontal détachant deux fragments malléolaires apicaux.


Le diagnostic est aisé si l’on connaît l’existence de cette lésion et lorsque la radiographie est réalisée en position de luxation.


De profil, la taille du fragment (il avoisine et dépasse parfois le tiers postérieur du diamètre antéro-postérieur du plafond) et la luxation postérieure du talus sont les premiers signes d’alerte. La présence de ces deux signes doit rendre particulièrement vigilant.



Trois lignes horizontales sont définies (figure 4.13) :






L’analyse du segment sus-jacent à la ligne supérieure permet d’identifier les bords collatéraux du fragment sous la forme d’un « V » inversé d’une hauteur de l’ordre de 3 cm dont la branche latérale se perd dans la syndesmose et la branche médiale atteint la malléole correspondante en dédoublant la corticale médiale du pilon (figure 4.14).



Le diagnostic est plus malaisé et le risque de méconnaissance plus grand, si la radiographie est réalisée après réduction de la luxation.


Cette difficulté est encore accrue quand le fragment de Cunéo et Picot est refendu par un trait vertical sagittal séparant un fragment postéro-latéral (contenant le tubercule postérieur) et un fragment postéro-médial (avec tout ou partie de la malléole médiale). Dans cette circonstance, la réduction de la luxation entraîne la réduction exacte du fragment postéro-médial qui est solidement contenu par les tendons postéro-médiaux. En revanche, le fragment postéro-latéral reste habituellement déplacé. Une analyse rapide risque d’identifier cette lésion à une fracture malléolaire avec fragment postérieur type Volkmann et conduire à une indication thérapeutique inadaptée (figure 4.15).



En définitive, la fracture de Cunéo et Picot est facilement identifiable si l’on connaît son existence et si la radiographie est réalisée en position de luxation.


Les difficultés sont majeures quand la radiographie est effectuée après réduction de la luxation. Les meilleurs éléments diagnostiques doivent être recherchés sur l’incidence de face (figure 4.16) :






Recherche de lésions ostéchondrales

L’inventaire des lésions se termine par la recherche de lésions ostéochondrales qui grèvent le pronostic. Celles-ci intéressent le plafond de la mortaise, préférentiellement au niveau des marges par impaction talienne.


Les enfoncements antéro-médiaux sont les plus classiques dans le cadre des fractures sous-ligamentaires dont ils conditionnent le pronostic.


Ils peuvent intéresser le secteur postéro-latéral et représenter le stade final d’une lésion de dégagement ayant entraîné la fracture première du tubercule postéro-latéral. Il aggrave alors le potentiel d’instabilité.


Ils peuvent siéger sur le versant latéral et être très étendus, dans le cadre de fractures par abduction basse, et aggraver une instabilité déjà importante.




Traitement



Principes généraux

L’inventaire précis des lésions de la peau et des structures ostéoarticulaires, ainsi que l’évaluation de leur gravité ayant été réalisés, on peut maintenant discuter des indications et des modalités thérapeutiques. Autrefois, le traitement orthopédique représentait l’essentiel des moyens thérapeutiques ; actuellement l’ostéosynthèse est réalisée par tous, de façon quasi exclusive. Dans un travail déjà vieux de plus de 20 ans, nous avons essayé de comparer ces deux modes thérapeutiques en prenant pour base d’étude l’évaluation des conséquences des défauts postréductionnels sur la genèse de l’arthrose après 5 ans d’évolution. S’appuyant sur une série de 250 fractures malléolaires, ce travail a abouti à un certain nombre de conclusions.



Traitement orthopédique

Il est compatible avec de bons résultats cliniques et anatomiques à long terme, en dépit d’imperfections réductionnelles malléolaires.


Cela n’est vérifié qu’à la condition sine qua non du maintien d’un parfait centrage talien, de face et de profil, jusqu’à consolidation. Ces bons résultats sont rendus possibles par des mécanismes de rattrapage réciproque des différentes imperfections intrafocales ; le centrage talien étant obtenu, lors de la réduction, par moulage des surfaces malléolaires sur les facettes collatérales du talus. La pérennité du centrage talien jusqu’à consolidation est une condition absolue. En effet, en cas de déplacement secondaire sous plâtre, nécessitant une reprise, cette dernière (quelle soit orthopédique ou chirurgicale) aboutit constamment à un moins bon résultat.



L’arthrose, quand elle survient, s’installe habituellement sur une pince plutôt large, à l’origine d’une excentration talienne linéaire peu évolutive. L’évolution se chiffre le plus souvent en termes de décennies.



Traitement chirurgical

Le traitement chirurgical de première intention est susceptible de donner les meilleurs résultats anatomiques et fonctionnels à court et à long terme.



Les malréductions malléolaires sont en effet très mal tolérées. Elles sont susceptibles de générer, à l’intérieur d’une pince rigidifiée par l’ostéosynthèse, un vice rotatoire talien hautement pathogène et pourvoyeur d’arthrose précoce et évolutive. L’évolution se chiffre ici en termes d’années (figure 4.17).



Les défauts pathogènes sont ceux qui créent une pince étroite par le biais d’un conflit talo-malléolaire distal. Ceux-ci touchent principalement la malléole latérale et à un moindre degré la malléole médiale.


Le principal défaut malléolaire fibulaire est la malréduction en varus. Ce vice réductionnel est produit quasi expérimentalement par l’application d’une plaque rectiligne sur la surface malléolaire galbée, de concavité latérale (figure 4.18).



Une situation identique est créée par l’introduction très périphérique (proche de la corticale latérale et non pas au sommet de la pointe de la styloïde malléolaire) d’une broche centromédullaire rigide et rectiligne exerçant un important effort de rappel en varus. Avec un peu de pratique, ces situations, sommes toutes assez caricaturales, sont rapidement évitées.


Mais d’autres pièges sont plus difficilement maîtrisables. Ce sont :








Les défauts de la malléole médiale sont moins fréquents. Ils peuvent néanmoins être à l’origine d’un conflit talo- malléolaire et aggraver les conséquences d’un petit défaut du secteur latéral.


Il peut s’agir d’une verticalisation malléolaire globale, en cas de comminution articulaire (la mise en compression du foyer entraînant une compression articulaire et un bâillement cortical), et surtout de vices rotatoires à l’origine de conflits talo-malléolaires antérieur ou postérieur.


Pour éviter ce risque il faut absolument guider les manœuvres de réduction sur plusieurs critères focaux, articulaires :






Méthodes


Traitement orthopédique

Ce traitement et ses différents temps ne s’envisagent bien entendu que sous anesthésie générale ou locorégionale. Les manœuvres de réduction du foyer s’effectuant par action directe sur les tissus mous la protection cutanée est essentielle et fait partie intégrante de la technique. Le pied, la cheville et la jambe sont soigneusement nettoyés. L’extrémité distale du membre inférieur est protégée par un jersey de taille appropriée. Puis des plaques de feutres sont fixées sur les reliefs osseux, mais aussi sur les zones servant d’appui aux manœuvres de réduction. Ainsi, une fracture comportant une composante d’abduction nécessite deux plaques, l’une sus- malléolaire médiale et l’autre sousmalléolaire latérale, permettant d’exercer sans risque les pressions nécessaires à la réduction des déplacements. Ces plaques sont soigneusement fixées par des bandes autocollantes, en veillant qu’elles ne soient jamais constrictives. Il est également important de placer à la face dorsale du pied et en regard de la crête tibiale, sur toute sa hauteur, une bande de feutre de 2 à 3 cm de large à titre de protection cutanée quand le plâtre sera secondairement fendu. La cohésion et la stabilité de ce dispositif de protection sont renforcées par la mise en place d’un deuxième jersey de même taille qui fixe l’ensemble.


La réduction s’effectue sur un bottillon plâtré humide. Bien entendu, à ce stade, il faut utiliser des bandes de plâtre de Paris de 10 ou 15 cm de large. L’utilisation de bandes de résine est incompatible avec les impératifs de moulage nécessaires à la réduction. Le genou est maintenu à 45 degrés de flexion pour détendre les gastrocnémiens et le secours d’un aide ou l’utilisation d’une barre à genou sont indispensables. Le pied est maintenu en léger équin, et surtout pas en talus, pour éviter la constitution d’une pince large, principal écueil du traitement orthopédique. Les manœuvres de réduction, réalisées par l’intermédiaire du talon et de la paume des deux mains, sont maintenues jusqu’à dessiccation du plâtre. Pendant le temps de séchage et sans relâcher la pression sur les zones d’appui, des mouvements de lissage du plâtre en regard des malléoles sont réalisés du plat des doigts, de façon à parfaire le moulage de ces dernières sur les faces collatérales du dôme talien (figure 4.19).




En cas de doute, où si l’on souhaite disposer d’une mesure plus précise, on peut utiliser le test de Skinner qui évalue la concordance entre l’axe anatomique de la partie distale du tibia et le centre du dôme talien (figure 4.20).



Le premier critère est fixé par la réunion de trois points situés au milieu de la cavité médullaire à hauteur différente.


De face, le centre du dôme est déterminé par le milieu du segment de droite horizontale, parallèle à l’interligne (dans le


plan des malléoles), limité latéralement par la face latérale du talus et, médialement, par la ligne correspondant au bord postéro-médial du talus. Ce dernier est matérialisé par la plus latérale des deux lignes qui définissent la face médiale du dôme (le dôme est plus large en avant qu’en arrière).


Pour éviter des erreurs liées à l’orientation du rayon, la projection de l’axe du tibia est définie par la perpendiculaire à la tangente au sommet du dôme, abaissée à partir du point d’intersection.


Le centrage est défini par la concordance, à 1 mm près de cette ligne et du point talien central.


De profil, la mesure est moins précise, le centrage étant défini par la concordance entre l’axe tibial et le centre de la poulie. Bien entendu, les manœuvres de réduction sont reprises jusqu’à ce que le centrage soit parfait sur les deux incidences.


La contention est alors complétée en cruro-pédieux. À ce stade, pour limiter le poids de l’appareil de contention, des bandes de résine peuvent être utilisées. Il est important de veiller à :








Le blessé peut alors être reconduit dans son lit, pied légèrement surélevé, avec des consignes précises de surveillance de la coloration des orteils, de récupération de la sensibilité pulpaire et application stricte d’un protocole de dépistage clinique d’un éventuel syndrome des loges.


La surveillance radiographique est particulièrement importante ; il faut réaliser un contrôle radiographique au 2e jour (après reprise de la station debout et de l’appui monopode), aux 8e, 15e et 21e jours. Parallèlement, un traitement préventif par HBPM est mis en œuvre selon les modalités habituelles. À la 6e semaine, après un nouveau contrôle radiographique, le genou est libéré, l’appui étant possible sous protection de la botte à l’échéance de la 8e semaine. La contention est supprimée en moyenne entre la 10e et la 12e semaine en fonction du type anatomique et des données radiographiques. Nous n’insisterons pas sur l’importance du port prolongé d’une contention élastique anti-œdème et de la rééducation.



Traitement chirurgical

C’est aujourd’hui le mode de traitement quasi univoque parce que, en théorie, c’est le meilleur moyen d’obtenir la restauration exacte des surfaces articulaires : il ne nécessite pas de contention postopératoire contraignante et surtout il diminue considérablement les impératifs de surveillance postopératoire.




Protection cutanée et prévention des complications septiques


On ne saurait trop insister sur l’importance de l’état cutané préopératoire. Il faut évaluer minutieusement l’état cutané dès l’admission et le noter par écrit. Il faut ensuite pratiquer le plus rapidement possible une immobilisation efficace d’attente de la chirurgie le plus rapidement possible, même si celle-ci est programmée en « urgence ». Quelques heures d’immobilisation incomplète ou imparfaite sont suffisantes pour altérer gravement une peau initialement en bonne condition. L’utilisation d’attelles préformées suro-pédieuses ou cruro-pédieuses maintenant le genou en extension et ne maîtrisant pas la rotation est à proscrire ; ces attelles doivent être limitées au temps préradiographique. Ce dernier doit donc être réalisé en extrême urgence, de façon prioritaire, car il est préférable de disposer de radiographies avant toute manœuvre de réduction. Si la réalisation des radiographies demande un délai d’attente, il vaut mieux réaliser d’emblée la réduction d’une éventuelle luxation, tant le risque cutané est évolutif.


Au bloc opératoire, sous anesthésie, on procède à la préparation cutanée (rasage, soins des ongles, savonnage) à l’aide d’une solution moussante antiseptique de même nature que celle utilisée pour la préparation chirurgicale. Il faut ensuite faire un nouvel examen de l’état cutané sous un bon éclairage. Il faut proscrire en effet toute incision dans un secteur cutané de vitalité douteuse et rester à une distance suffisante d’une telle lésion (en général un travers de main, au minimum).



Qualité de la réduction


C’est un impératif absolu qui concerne tous les temps de l’intervention. Il s’agit de faire l’étude analytique rigoureuse des lésions ostéoarticulaires et ligamentaires avec prise en compte méthodique de tous les critères d’analyse préopératoire : traits malléolaires, marge postérieure, syndesmose, toit de la mortaise (enfoncements ostéochondraux), ligament collatéral médial (équivalents de fracture bimalléolaire).


La position opératoire est conditionnée par la présence et la taille d’un éventuel fragment marginal postérieur :






La voie d’abord directe se situe immédiatement en regard des foyers :







Il est préférable de réduire et de fixer provisoirement l’ensemble des foyers de façon à contrôler la qualité de la réduction de chaque foyer et ses conséquences sur l’interligne et la syndesmose.


On fera un contrôle radiographique peropératoire avec évaluation systématique de l’ensemble des critères.


Pour la malléole latérale : il peut être utile de disposer d’un cliché bien centré du côté sain à titre de comparaison. On procédera à une analyse méthodique en quatre points :







Pour la malléole médiale, on détectera tout vice réductionnel en étant particulièrement attentif sur l’incidence de face à la bonne direction générale et en détectant :





Pour la marge postérieure, l’incidence de profil est essentielle. Il ne doit exister aucune marche d’escalier sur les deux berges. En cas de doute de vice rotatoire dans le plan frontal, on peut se référer à l’incidence de face (parfaite cohérence des branches du « V » plein et du « V » creux) et surtout d’un profil en léger trois quarts.


La syndesmose doit être analysée avec beaucoup de soins. Elle est évaluée par l’écart entre le tubercule postérieur du tibia et la corticale médiale de la fibula et mesure 3 à 4 mm. Insistons sur le fait que la constatation d’un élargissement radiographique de la syndesmose traduit habituellement un conflit talo-malléolaire distal consécutif à une malposition malléolaire (le plus souvent en varus). Cette pince étroite justifie une reprise de la réduction du foyer fibulaire.


Enfin, l’interligne doit être de largeur normale et parfaitement congruent sur toute son étendue de face et de profil (attention aux petits pincements latéraux qui peuvent traduire une malrotation talienne dans un défect postéro-latéral de la mortaise, et aux pincements antérieurs sur le profil qui peuvent entre le témoin d’une subluxation asymétrique du talus sur pince étroite).




Ostéosynthèse


L’ostéosynthèse est réalisée selon les principes décrits au chapitre 3.


En cas d’ostéosynthèse de fragment marginal postérieur, il est nécessaire de commencer par ce temps. Idéalement, le vissage (vis de 3,5 avec ou sans rondelle) s’effectue par voie rétrograde d’arrière en avant avec une prise corticale antérieure et un montage en compression garantissant une parfaite stabilité rotatoire.


Sur le secteur latéral, l’ostéosynthèse par plaque vissée est privilégiée. On utilise un matériel adapté à la taille des fragments et à leur situation sous-cutanée. Les plaques Maconor série 0 ou 1 et les plaques A0 pour petits fragments sont bien adaptées :





Sur la malléole médiale, on stabilise le foyer par deux broches, ce qui permet d’utiliser la stabilisation de la seconde broche pour implanter la première vis sur le trajet de la première. On utilise habituellement deux vis de 3,5 à prise corticale distale dans le tibia après forage au diamètre nominal dans le fragment proximal pour mise en compression. Idéalement, les vis doivent être parallèles, les têtes soigneusement enfouies dans les fibres d’origine du ligament collatéral médial.


La synthèse terminée, on vérifie la parfaite liberté articulaire dans toute son amplitude et l’exactitude de la réduction selon la procédure précédente sur des clichés tenus en position de fonction, bien centrés.



Cas particuliers




Fracture de Cunéo et Picot


Revenons sur cette fracture dont le facteur de gravité postérieur justifie le décubitus ventral et un abord postéro-médial. Ce dernier permet le contrôle du trait médial et des 2/3 adjacents de la surface du fragment (voir figure 4.21).


La réalisation d’une contre-incision postéro-latérale pour contrôler directement le secteur latéral se justifie en cas de doute sur l’exactitude de la réduction de ce secteur (risque de malrotation frontale) et surtout en cas de refend sagittal.


Après fixation provisoire par trois broches sagittales horizontales en triangulation (deux broches inférieures parallèles à l’interligne et une broche apicale médiane) et contrôle radiographique (pour vérifier de la qualité de la réduction, la position des broches et déterminer la longueur des vis), ces dernières sont progressivement remplacées par des vis à corticale (de 3,5 ou 4) en compression avec rondelle et prise corticale antérieure. La mise en place des deux vis sur le secteur médial et central oblige parfois à passer entre les tendons postéro-médiaux, après isolement sur lacs du pédicule qui passe entre LFO et LFH. L’implantation de la vis latérale est facilitée par la réalisation d’une voie postéro-latérale.


La longueur doit être déterminée avec une grande attention ; elle doit concilier une bonne prise corticale antérieure et l’absence de débord extra-cortical susceptible de provoquer un conflit avec les structures nobles de la loge antérieure.


Le traitement des lésions malléolaire est au second plan :


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May 4, 2017 | Posted by in CHIRURGIE | Comments Off on 4: Fractures et luxations

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