Chapitre 4 Fractures et luxations
LÉSIONS DU COU DE PIED
Problèmes rencontrés au SAU
C’est le cas, certes, de l’ouverture, notamment en cas d’exposition ostéochondrale. Certaines fractures fermées réalisent aussi des situations à très haut risque, notamment en présence de plages de contusion dermique par écrasement ou de zones de souffrance cutanée par tension sur la saillie d’un fragment ou d’une épiphyse produite par le déplacement fixé du segment sous-focal (figure 4.1). Cette situation peut concourir à la création d’un cercle vicieux aboutissant à la constitution d’une ischémie évolutive. Les conséquences en sont extrêmement délétères quand elles surviennent sur un revêtement cutané déjà traumatisé ou lorsqu’une incision cutanée les traverse malencontreusement.
La réduction doit être rapide, ferme et assurée :
Lésions de la pince malléolaire
Fractures malléolaires
La cheville (articulation talo-crurale) est une articulation portante constituée par l’emboîtement d’un tenon (le dôme talien) dans une mortaise constituée par l’union du pilon tibial et de l’extrémité distale de la fibula, par l’intermédiaire de la syndesmose. Cette articulation est définie par l’exactitude de l’ajustage des surfaces articulaires (la congruence) et son maintien en toutes circonstances (la continence). La continence est assurée par des freins périphériques circonférentiels (figure 4.2) :
Types lésionnels
Les classifications les plus utilisées se fondent sur le siège du trait fibulaire par référence aux ligaments tibio-fibulaires distaux et sur les mécanismes lésionnels. En France, on utilise plus volontiers la classification d’Alnot et Duparc, alors qu’en Suisse et en Allemagne, on donne la préférence à la classification AO. Nous adopterons la classification d’Alnot et Duparc qui réalise un canevas de base très commode (figure 4.3). On distingue plusieurs types de fractures.
Classification d’Alnot et Duparc
Cas particuliers et variantes
Dans ce type lésionnel, rare, les foyers malléolaires siègent dans le plan de l’interligne et simulent une fracture sousligamentaire par adduction. Il s’agit en réalité d’une authentique fracture par abduction, comme en attestent le déplacement en valgus et la présence extrêmement fréquente d’une zone d’enfoncement ostéochondrale, d’étendue et de profondeur plus ou moins importante, sur la marge latérale entre les deux tubercules. Cette lésion, qui survient fréquemment chez le sujet âgé, est extrêmement instable (figure 4.4).
Équivalents de fracture bimalléolaire
Elles représentent plus de 30 % des fractures de la pince malléolaire (figure 4.5). Elles associent une fracture de la fibula, habituellement interligamentaire (rarement susligamentaire), et une entorse grave du ligament collatéral médial. En l’absence de recherche systématique, cette association lésionnelle risque d’être méconnue. En effet, elle fait habituellement suite à une rotation externe forcée lésant électivement le faisceau antérieur du ligament collatéral médial, de sorte que le diastasis intertibio-talien, pas toujours évident, peut être caché.
Cette lésion par torsion latérale du pied et flambage de la fibula correspond à une dislocation tibio-fibulaire en aval du trait, par rupture des deux ligaments TFD et de la membrane interosseuse sous-focale ; cette lésion intéresse la totalité des moyens d’union entre les deux os quand le trait fibulaire siège sur le col (figure 4.6).
Analyse radiographique fine
Incidence de face
Les six lignes verticales
L’analyse du cliché de face permet d’individualiser six lignes verticales (figure 4.7).
La ligne la plus médiale correspond au bord médial cortical de la malléole et du pilon.
Les trois lignes horizontales
Longueur et rotation de la fibula
Sur un cliché de face réalisé en légère rotation interne apparaît une modification du bord médial de la malléole fibulaire, à la jonction entre le bord supérieur de la facette articulaire et la portion sus-articulaire. Autour de 15 degrés de rotation interne, ce secteur adopte une conformation en aile d’oiseau avec démasquage d’une zone jonctionnelle ponctuelle, à l’union des deux lignes verticales, légèrement concaves en dedans. Ce point, alors très facilement identifiable, se situe exactement dans le prolongement de la ligne sous-chondrale du tubercule antérieur quand la longueur respective des deux os (et partant celle de la fibula) est exacte (figure 4.8).
La rotation intrinsèque du tibia et de la fibula est également un élément de contrôle de réduction de premier plan (figure 4.9). Sur un cliché de face en rotation neutre, la distance intertuberculaire, c’est-à-dire la projection de l’espace entre le tubercule antérieur et le tubercule postérieur, est de l’ordre du centimètre. Elle diminue en rotation interne et augmente en rotation externe.
L’aspect de la malléole fibulaire se modifie beaucoup avec le degré de rotation :
Incidence de profil
L’incidence de profil donne moins d’informations (figure 4.10). Bien orientée et de profil strict, elle renseigne sur :
Il est capital de noter que le tubercule antérieur n’est pas visible sur l’incidence de profil.
Évaluation des marges du pilon tibial
Par définition, la marge antérieure n’est pas concernée. Néanmoins, certaines fractures comportent une fracture du tubercule antérieur. Cette lésion doit être dépistée, car c’est dans ce secteur que la congruence articulaire est la plus étroite, les pressions unitaires les plus importantes. Comme on l’a vu précédemment, cette lésion se recherche sur l’incidence de face (et non de profil). Elle se manifeste par une perte de définition de la ligne sous-chondrale antérieure dans son secteur le plus latéral et l’impossibilité d’identification du tubercule antérieure, donnant un aspect d’amputation de la ligne souschondrale antérieure dans son secteur latéral (figure 4.11). La vision directe du fragment tuberculaire déplacée est très difficile, et, en cas de doute, on demandera un scanner en précisant au radiologue la nécessité d’explorer cette région.
Couramment utilisé, le terme de « fractures trimalléolaires » est donc inadapté car il regroupe plusieurs lésions de gravité extrêmement variable (figure 4.12).
Fragment de Cunéo et Picot (fig. 4.12c)
Trois lignes horizontales sont définies (figure 4.13) :
L’analyse du segment sus-jacent à la ligne supérieure permet d’identifier les bords collatéraux du fragment sous la forme d’un « V » inversé d’une hauteur de l’ordre de 3 cm dont la branche latérale se perd dans la syndesmose et la branche médiale atteint la malléole correspondante en dédoublant la corticale médiale du pilon (figure 4.14).
Cette difficulté est encore accrue quand le fragment de Cunéo et Picot est refendu par un trait vertical sagittal séparant un fragment postéro-latéral (contenant le tubercule postérieur) et un fragment postéro-médial (avec tout ou partie de la malléole médiale). Dans cette circonstance, la réduction de la luxation entraîne la réduction exacte du fragment postéro-médial qui est solidement contenu par les tendons postéro-médiaux. En revanche, le fragment postéro-latéral reste habituellement déplacé. Une analyse rapide risque d’identifier cette lésion à une fracture malléolaire avec fragment postérieur type Volkmann et conduire à une indication thérapeutique inadaptée (figure 4.15).
Les difficultés sont majeures quand la radiographie est effectuée après réduction de la luxation. Les meilleurs éléments diagnostiques doivent être recherchés sur l’incidence de face (figure 4.16) :
Recherche de lésions ostéchondrales
Au terme de cette longue analyse, il est possible de décrire deux grands types lésionnels :
Traitement
Principes généraux
Traitement chirurgical
Les malréductions malléolaires sont en effet très mal tolérées. Elles sont susceptibles de générer, à l’intérieur d’une pince rigidifiée par l’ostéosynthèse, un vice rotatoire talien hautement pathogène et pourvoyeur d’arthrose précoce et évolutive. L’évolution se chiffre ici en termes d’années (figure 4.17).
Le principal défaut malléolaire fibulaire est la malréduction en varus. Ce vice réductionnel est produit quasi expérimentalement par l’application d’une plaque rectiligne sur la surface malléolaire galbée, de concavité latérale (figure 4.18).
Mais d’autres pièges sont plus difficilement maîtrisables. Ce sont :
Ces vices réductionnels sont tous à l’origine d’un conflit entre l’extrémité distale de la malléole et la face latérale du dôme talien (voir figure 4.17).
Méthodes
Traitement orthopédique
La réduction s’effectue sur un bottillon plâtré humide. Bien entendu, à ce stade, il faut utiliser des bandes de plâtre de Paris de 10 ou 15 cm de large. L’utilisation de bandes de résine est incompatible avec les impératifs de moulage nécessaires à la réduction. Le genou est maintenu à 45 degrés de flexion pour détendre les gastrocnémiens et le secours d’un aide ou l’utilisation d’une barre à genou sont indispensables. Le pied est maintenu en léger équin, et surtout pas en talus, pour éviter la constitution d’une pince large, principal écueil du traitement orthopédique. Les manœuvres de réduction, réalisées par l’intermédiaire du talon et de la paume des deux mains, sont maintenues jusqu’à dessiccation du plâtre. Pendant le temps de séchage et sans relâcher la pression sur les zones d’appui, des mouvements de lissage du plâtre en regard des malléoles sont réalisés du plat des doigts, de façon à parfaire le moulage de ces dernières sur les faces collatérales du dôme talien (figure 4.19).
En cas de doute, où si l’on souhaite disposer d’une mesure plus précise, on peut utiliser le test de Skinner qui évalue la concordance entre l’axe anatomique de la partie distale du tibia et le centre du dôme talien (figure 4.20).
4.20 Test de Skinner.
L’objectif du traitement orthopédique est la restitution de l’exact centrage talien de face.
Le centrage est défini par la concordance, à 1 mm près de cette ligne et du point talien central.
Traitement chirurgical
Néanmoins, le traitement chirurgical implique deux impératifs :
Tout doit être mis en œuvre pour satisfaire à ces deux impératifs.
La voie d’abord directe se situe immédiatement en regard des foyers :
L’ostéosynthèse est réalisée selon les principes décrits au chapitre 3.
Revenons sur cette fracture dont le facteur de gravité postérieur justifie le décubitus ventral et un abord postéro-médial. Ce dernier permet le contrôle du trait médial et des 2/3 adjacents de la surface du fragment (voir figure 4.21).
Le traitement des lésions malléolaire est au second plan :