Chapitre 4
États de choc
Ce chapitre explore le phénomène dévastateur qu’est le choc. Nous allons commencer par revoir l’anatomie et la physiologie de la perfusion tissulaire et décrire la physiopathologie de l’hypoperfusion des tissus. Nous comparerons ensuite les différents types d’états de choc et nous décrirons la façon de les reconnaître et de les traiter étape par étape. Enfin, nous discuterons de l’importante place des états de choc dans l’évaluation AMLS et nous vous donnerons des outils concrets pour diagnostiquer et stopper l’enchaînement des différentes dysfonctions d’organe.
Augmentation anormale de la concentration en ions hydrogène dans le sang résultant de l’accumulation d’acide ou de la perte d’une base, indiquée par un pH sanguin inférieur à la normale.
État de troubles hémodynamiques et métaboliques profonds caractérisé par l’incapacité du système circulatoire de maintenir une perfusion adéquate des organes vitaux. Il peut être causé par un volume sanguin circulant diminué, une insuffisance cardiaque ou un tonus vasomoteur défaillant.
coagulation intravasculaire disséminée (CIVD)
Une forme pathologique de la coagulation qui se diffuse ou devient systémique plutôt que locale. Le processus entraîne une activation soudaine des facteurs de coagulation à un point tel qu’ils sont rapidement consommés et provoquent des saignements généralisés.
Un mouvement cardiaque complet ou battement cardiaque. Période marquant le début d’un battement cardiaque jusqu’au prochain battement ; mouvement systolique et diastolique avec intervalle entre chaque.
Le volume effectif de sang expulsé par chaque ventricule par unité de temps (habituellement volume par minute) ; est égal au volume d’éjection systolique (VES) multiplié par la fréquence cardiaque (FC), soit DC = VES × FC.
Volume sanguin anormalement diminué circulant dans le corps humain ; une hémorragie est la cause la plus commune.
Acte de couler sur ou au travers de, en particulier le passage d’un liquide au travers des vaisseaux d’un organe.
Il s’agit de la force de résistance du myocarde juste après que celui-ci s’est contracté. Chez le cœur sain, c’est la pression que doit vaincre le myocarde pour éjecter le sang. Elle est mesurée par la tension sur la paroi du ventricule gauche après le début de la contraction. La postcharge est largement déterminée par la résistance vasculaire périphérique et ses caractéristiques physiques ainsi que par le volume sanguin circulant. Elle est souvent déterminée par la mesure de la pression artérielle systolique.
État mécanique du cœur à la fin de la diastole ; l’ampleur maximale du volume en fin de diastole dans le ventricule ou la pression provoquant l’étirement du ventricule en fin de diastole. Dans le myocarde, il s’agit de la force d’étirement sur celui-ci sur une période donnée avant sa contraction. Chez un cœur sain, il s’agit de la pression exercée sur la paroi ventriculaire en fin de diastole en grande partie déterminée par le retour veineux, le volume sanguin total circulant ainsi que l’activité auriculaire.
pression artérielle moyenne (PAM)
La pression artérielle que subit une artère lors d’un cycle cardiaque complet exprimé comme suit : PAM = pression diastolique + (1/3 de la pression différentielle).
pression pulsée ou pression différentielle
Différence entre la pression artérielle systolique et la pression artérielle diastolique.
La quantité de sang éjectée à chaque battement cardiaque par le ventricule gauche. Elle varie avec l’âge, le sexe et la condition physique. Également appelée décharge systolique.
La quantité de sang circulant dans les vaisseaux.
Le célèbre chirurgien traumatologue du XIXe siècle, Samuel Gross, décrivait le choc comme « un ébranlement rude de la machine de la vie ». R. Adams Cowley, médecin dans l’armée américaine qui a promulgué le concept de « l’heure d’or », a défini le choc comme « une pause momentanée dans l’acte de mourir ». En tant qu’organisateur du premier système d’urgences préhospitalières dans le Maryland et que fondateur de l’un des premiers centres de traumatologie spécialisés dans le choc, le Dr Cowley ne s’est cependant pas contenté d’accepter que la mort était la conséquence inévitable du choc. Lui et William Harvey, Walter Cannon, George James Guthrie, William Bayliss ainsi que George Crile ont favorisé l’émergence de nombreux traitements que nous allons aborder tout au long de ce chapitre. Tout d’abord, nous devons définir ce qu’est le choc, mais sans les mots poétiques utilisés par les Dr Gross et Cowley.
Anatomie et physiologie du choc
Le mot perfusion provient du verbe latin perfundere, qui signifie « verser sur ». Dans le corps, le sang transporte et amène l’oxygène aux cellules via le système circulatoire. Les trois principaux piliers déterminant la perfusion cellulaire sont le débit cardiaque (abordé plus loin dans ce chapitre), le volume sanguin intravasculaire et la capacité vasculaire. Le volume intravasculaire est l’espace vasculaire disponible. La capacité vasculaire est fonction du volume et de la pression artérielle (elle est calculée en divisant la variation en volume par la variation de la pression).
Cœur
Débit cardiaque: Pour que le sang circule à travers le corps, il doit être pompé. La structure du cœur est prévue pour ce fonctionnement. Chez une personne en bonne santé, le cœur régularise remarquablement le débit de sang oxygéné à travers le corps pour que la perfusion soit la plus adéquate possible. Le débit cardiaque (DC) est la quantité de sang éjectée par les ventricules par unité de temps, habituellement exprimée en litres par minutes (l/min). Pour cette raison, le DC est également défini en volume par minute. Le DC d’un adulte en bonne santé varie de 3 à 8 l/min et la moyenne se situe à environ 5 l/min.
Le DC est déterminé par le volume d’éjection systolique (le volume de sang éjecté à chaque contraction cardiaque) et la fréquence cardiaque. L’équation est la suivante :
Le volume d’éjection systolique d’un adulte en bonne santé se situe aux alentours de 70 ml, soit environ le volume de liquide que contiendrait un œuf. Il peut varier en raison des différences physiologiques individuelles. La principale variable mécanique affectant le volume d’éjection systolique est donnée par la loi de Starling, ou loi de Franck-Starling. La loi de Starling décrit la capacité des fibres myocardiques de s’étirer et de se contracter tout en adaptant la force de contraction du cœur. Selon cette loi, plus le myocarde est étiré, plus les contractions sont fortes mais seulement jusqu’à un certain point. En effet, une fois que le myocarde s’est étendu au-delà de son élasticité optimale, la contraction devient plus faible et moins efficace. La figure 4-1 montre un aperçu du volume d’éjection systolique et de la loi de Starling.
Figure 4-1 Régulation de la pression artérielle. A. Rôles essentiels joués par le débit cardiaque et la résistance périphérique dans la modulation de la pression artérielle. B. Interaction du système rénine-angiotensine-aldostérone et du peptide auriculaire natriurétique dans le maintien de la pression artérielle et de l’homéostasie. (Source : Kumar V, et al : Robbins and Cotran pathologic basis of disease, ed 8, Philadelphia, 2009, Saunders.)
1. Précharge : la pression qu’exerce le sang dans les ventricules sur le tissu myocardique juste avant le début d’une contraction. Vous pouvez comparer la précharge à la tension que subit la corde d’un arc lorsqu’on la tend. Si la tension sur la corde n’est pas suffisante, la flèche va tomber au sol près des pieds de l’archer. Au contraire, si la traction est plus forte, la flèche sera propulsée vers sa cible. Dans le cœur, la pression ou la tension que subit le myocarde est due au volume sanguin retournant dans le cœur et s’accumulant dans le ventricule juste avant une nouvelle contraction. La loi de Starling décrit que plus le myocarde est étiré, plus la contraction et le DC sont forts.
2. Postcharge : la force que rencontre le sang lors de son éjection du ventricule. Vous pouvez comparer la postcharge à la pression qu’il faut exercer sur une porte battante pour l’ouvrir. Si quelqu’un ou quelque chose est appuyé de l’autre côté de la porte, il faudra augmenter la pression sur la porte pour l’ouvrir. Dans la circulation systémique, la postcharge est représentée par la pression systolique aortique et la résistance vasculaire systémique.
3. Contractilité : la force de contraction cardiaque pour un niveau donné de précharge. Une stimulation inotrope positive, telle qu’obtenue avec l’administration d’adrénaline ou de dopamine, va augmenter la force et la vitesse de contraction. Ce renforcement de la contraction va à son tour augmenter le volume d’éjection systolique pour un niveau donné de précharge et également augmenter la demande en oxygène du myocarde.
4. Synchronisme : pour que la circulation sanguine se fasse efficacement, les contractions cardiaques doivent être synchronisées. Les oreillettes se contractent avant les ventricules et le ventricule gauche dépolarise légèrement avant le ventricule droit. Lorsqu’il y a une perte de la synchronisation entre les oreillettes et les ventricules, comme cela se produit au cours d’une fibrillation auriculaire, la précharge ventriculaire diminue. Un trouble de la conduction tel qu’un bloc de branche peut perturber la coordination de la dépolarisation des ventricules et ainsi réduire l’efficacité de la contraction cardiaque.
Système vasculaire
Pression artérielle: C’est la pression que le sang exerce à l’intérieur des artères contre leurs parois. Pour que la pression de perfusion reste efficace, le cœur doit produire une circulation constante à travers le système vasculaire et les artères doivent maintenir leur tonus. Cette résistance du flux sanguin au travers du système vasculaire est appelée résistance vasculaire périphérique et elle est déterminée par le degré de vasoconstriction des artères et des artérioles distales. La vasoconstriction exerce une force de compression sur le sang, ce qui augmente la pression dans l’espace vasculaire. Lorsqu’il y a une augmentation de la résistance périphérique, la pression artérielle s’élève et distribue d’autant mieux le sang au travers des capillaires pour perfuser efficacement les tissus.
La pression artérielle moyenne (PAM) est une moyenne entre la pression systolique et diastolique, nécessaire à la bonne perfusion que requièrent le myocarde et le cerveau. On la situe généralement vers 70 mmHg, mais la valeur considérée comme normale devrait être située entre 80 et 100 mmHg. Les patients souffrant d’hypertension chronique nécessitent une PAM supérieure à la moyenne pour maintenir une perfusion tissulaire adéquate. La formule utilisée pour calculer la PAM est la suivante :
La pression différentielle est la différence entre les pressions systolique et diastolique. La pression différentielle est normalement de 40 mmHg. Une modification du débit cardiaque et/ou de la résistance vasculaire est responsable des variations de la pression différentielle. La réponse du corps humain à un choc hypovolémique est un exemple de l’effet qu’a chacun de ces mécanismes sur la pression différentielle. Une diminution du débit cardiaque et une augmentation de la résistance vasculaire périphérique provoquent un pincement de la pression différentielle. Lorsqu’un certain volume est perdu, le retour veineux au cœur diminue, ce qui entraîne une baisse du débit cardiaque. Le corps réagit en activant le système nerveux sympathique, qui sécrète de l’adrénaline. Cela provoque une augmentation de la fréquence cardiaque, de la contractilité et une vasoconstriction. S’enchaîne alors une augmentation de la pression diastolique face à une pression systolique légèrement abaissée, ce qui cause un resserrement de la pression différentielle. Les changements peuvent être subtils et passent facilement inaperçus. La pression artérielle peut par exemple passer de 118/68 à 108/82 mmHg, ce qui représente tout de même une diminution de près de 50 % (de 50 à 26 mmHg) de la pression différentielle. Lorsque vous recherchez uniquement du côté de la pression artérielle, la diminution de la pression pulsée, ou différentielle, peut passer inaperçue. Mais lorsque vous calculez également la pression différentielle, vous pouvez noter une baisse marquée de cette dernière. Une baisse de plus de 50 % de la pression différentielle indique une diminution de 50 % du volume d’éjection systolique. La pression différentielle est un indicateur de choc utile, en particulier lorsque la mesure est effectuée à plusieurs reprises, de sorte qu’une tendance puisse se dessiner. Comme tout autre signe ou symptôme, ce devrait être une partie de l’évaluation que vous devriez utiliser pour vous diriger dans le recueil d’autres éléments pour confirmer l’état du patient.
Sang: Le sang a deux fonctions principales : le transport de l’oxygène et des nutriments vers les cellules du corps et l’élimination des déchets en les rejetant du corps. L’hémoglobine, une protéine qui se trouve dans les globules rouges et contenant du fer, transporte l’oxygène vers les tissus. Le dioxyde de carbone (CO2), l’un des premiers déchets produits par le métabolisme, est dissous dans le plasma et doit être rapidement éliminé puisqu’une accumulation de CO2 contribue à un état d’acidose. D’autres éléments composant le sang incluent :
les globules blancs : défendent le corps contre des infections causées par des bactéries, des champignons et d’autres agents pathogènes ;
les plaquettes : lancent le processus de coagulation ;
les protéines : exécutent diverses fonctions dont la coagulation du sang, l’immunité, la cicatrisation et le transport ;
les hormones : assurent la fonction du système de contrôle des organes, régulent la croissance et le développement et effectuent encore d’autres fonctions vitales ;
les éléments nutritifs : sont les piles à combustible qui assurent la fonction des organes (le glucose est l’un de ces éléments transportés à toutes les cellules du corps) ;
le plasma : transporte les composants solides du sang. Ce liquide est composé d’environ 92 % d’eau et 7 % de protéines.
Système nerveux
Le système nerveux autonome contrôle les actions involontaires du corps telles que la fonction respiratoire. Les deux branches principales du système nerveux autonome sont les systèmes nerveux sympathique et le parasympathique. Le système nerveux sympathique permet de maintenir les fonctions corporelles normales et de réagir aux menaces qui exigent une réaction immédiate à l’aide des réflexes. Au cours de ces situations, le système sympathique joue au rôle direct sur la perfusion tissulaire. Il redirige temporairement le sang hors des fonctions moins essentielles, comme la digestion, et l’envoie vers le cœur et le cerveau. Le système parasympathique maintient les fonctions vitales en l’absence de situations stressantes. Le tableau 4-1 résume les fonctions des systèmes sympathique et parasympathique.
Tableau 4-1
Fonctions des systèmes nerveux sympathique et parasympathique
Sympathique | Parasympathique | |
Myocarde | ↑ Fréquence et contractilité | ↓ Fréquence et contractilité |
Coronaires | Constriction (récepteurs alpha) Dilatation (récepteurs bêta) | Dilatation |
Bronchioles | Dilatation (bêta) | Constriction |
Tractus digestif | ↓ Péristaltisme | ↑ Péristaltisme |
Vessie | Relaxation | Contractions |
Peau | Sueurs | Pas d’effets |
Médullosurrénale | ↑ Sécrétion d’adrénaline | Pas d’effets |
Physiopathologie de l’état de choc
Acidose métabolique
Lorsque les tissus du corps ne sont plus suffisamment oxygénés et que les cellules commencent à produire de l’acide lactique, qui est le sous-produit du métabolisme anaérobie, l’acidose métabolique s’installe. Si l’état de choc persiste, cette voie alternative ne sera plus en mesure de générer suffisamment d’ATP, le principal moyen de stockage d’énergie. Parce que l’ATP permet de maintenir l’intégrité des parois cellulaires, une carence en ATP laissera rentrer le sodium et l’eau à l’intérieur des cellules, ce qui provoque un œdème cellulaire. Le morcellement de la paroi des cellules permet également au potassium et à l’acide lactique de s’échapper de la cellule pour aller dans le sérum. En conséquence, l’acidose lactique et l’hyperkaliémie (taux de potassium élevé dans le sang) se développent. L’œdème se formant dans les cellules et les mitochondries endommage la cellule. Tandis que l’œdème interstitiel se développe, le volume intravasculaire baisse, entraînant une diminution de la perfusion dans les cellules environnantes. L’amoindrissement de la circulation dans les capillaires adjacents mène à une ischémie. Les cellules ischémiques produisent des lactates, des radicaux libres et des facteurs inflammatoires, qui augmentent les dégâts aux cellules. Si la perfusion est rétablie, les toxines vont s’évacuer à travers le système circulatoire et provoquer des dégâts à d’autres organes. Si les dommages sont importants, aucune tentative de réoxygénation ou de reperfusion ne pourra empêcher la mort cellulaire. Comme on peut le voir dans la figure 4-2, l’état de choc est une cascade où la réponse inflammatoire est associée à l’hypoperfusion.
Figure 4-2 La « cascade du choc ». L’ischémie d’une région donnée du corps va déclencher une réponse inflammatoire qui aura un impact sur les organes non ischémiques, même après la restauration d’une perfusion systémique. (Reproduit avec l’autorisation de Dutton RP : Shock and trauma anesthesia. In Grande CM, Smith CE, editors : Anesthesiology clinics of North America : trauma, Philadelphia, 1999, Saunders.)
Trois mécanismes peuvent compromettre l’oxygénation cellulaire : l’activation de la cascade de la coagulation (figure 4-3), la libération d’enzymes lysosomales et une baisse du volume sanguin circulant. Chacun de ces événements déclenche un cycle qui altère progressivement la capacité du corps de maintenir une oxygénation adéquate. À chaque stade d’avancement, la réponse du corps est majorée. La coagulation en cascade peut être responsable d’une nécrose tubulaire et d’une coagulation intravasculaire disséminée. La libération d’enzymes lysosomales agresse les cellules affectées, ce qui contribue à augmenter les dommages et à voir apparaître des problèmes tels que la réponse immunitaire systémique, le syndrome de détresse respiratoire aiguë ou une lésion pulmonaire aiguë. La réponse à une baisse du volume sanguin circulant est expliquée ci-dessous dans les mécanismes compensatoires.
Mécanismes compensatoires
Les mécanismes de compensation sont efficaces uniquement jusqu’à un certain point. Une fois que le seuil critique est atteint, l’hypoxie se développe et l’état de choc prend l’avantage sur les mécanismes compensatoires du corps. En fin de compte, l’oxygène disponible ne suffit plus à répondre à toutes les demandes du corps. Si cela n’est pas traité, la dysfonction de plusieurs organes entraîne la mort inévitablement. Les étapes du choc sont résumées dans le tableau 4-2.
Réponse adrénergique: Les glandes surrénales, situées au-dessus des reins, sécrètent l’adrénaline et la noradrénaline en réponse à une baisse du débit cardiaque. Ces hormones stimulent les récepteurs alpha et bêta dans le cœur et les vaisseaux sanguin. Les récepteurs alpha 1 sont les déclencheurs de la vasoconstriction et les bêta 1 stimulent le rythme cardiaque et sa contractilité (tableau 4-3). La localisation des récepteurs conduit généralement à une plus grande constriction dans les tissus non essentiels tels que la graisse, la peau et les tissus du tube digestif. La vasoconstriction se produit également dans les reins.
Tableau 4-3
Emplacement | Actions | |
Alpha 1 | Artérioles de la peau, des viscères et des muqueuses Veines Sphincters de la vessie | Constriction, augmentation de la résistance vasculaire périphérique |
Alpha 2 | Système digestif | Diminution des sécrétions, du péristaltisme |
Bêta 1 | Cœur, reins | Augmentation de la fréquence cardiaque, de la contractilité et de la demande en oxygène Sécrétion de la rénine |
Bêta 2 | Artérioles cardiaques, poumons, et dans les muscles squelettiques Bronchioles | Dilatation avec augmentation de la perfusion organique Dilatation |
Réponse hypophysaire: L’hypophyse antérieure libère l’hormone antidiurétique (vasopressine) en réponse au choc. La vasopressine est synthétisée dans l’hypothalamus. Elle est libérée dans les premières phases d’un choc, lorsque les signes sont encore discrets. Elle circule dans les tubules distaux et dans les tubes collecteurs des reins et provoque une réabsorption des liquides. Le volume intravasculaire est maintenu et la production d’urine diminue. L’origine du mot « vasopressine » est vaso-, qui signifie « vaisseau », et pressine qui signifie « presser ». La vasopressine stimule la contraction des muscles lisses du tractus digestif et des vaisseaux sanguins.
Activation du système rénine-angiotensine: Les reins sont indispensables au maintien d’une pression artérielle correcte. Lorsque le flux sanguin vers les reins est diminué, le système rénine-angiotensine est activé (figure 4-4). La rénine est une enzyme libérée par les cellules juxtaglomérulaires se trouvant dans les reins. Elle convertit l’angiotensinogène en angiotensine I, qui est convertie à son tour en angiotensine II dans les poumons par l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA). L’angiotensine II est un puissant vasoconstricteur, mais de courte vie. Au cours du choc, elle déclenche la constriction des vaisseaux les plus éloignés du cœur, en créant une résistance qui augmente la postcharge du cœur. Le retour veineux des organes non vitaux est augmenté, ce qui élève la précharge. Cette perfusion sélective se produit pendant la phase de choc ischémique. Bien que la perfusion d’organes vitaux, le cerveau, le cœur, les poumons et le foie, soit améliorée, les organes non vitaux deviennent ischémiques.
Figure 4-4 Interactions entre le peptide atrial natriurétique (atrial natriuretic peptide [ANP]) et le système rénine-angiotensine-aldostérone. Une hypotension ou une hypovolémie déclenche la libération de rénine à partir des artérioles afférentes, ce qui provoque la formation de l’angiotensine II, qui stimule la libération d’aldostérone à partir du cortex surrénalien. L’angiotensine II et l’aldostérone produisent une vasoconstriction et la rétention de sodium, entraînant finalement une réexpansion du volume intravasculaire, ce qui provoque une distension auriculaire, qui à son tour déclenche la libération d’ANP. L’ANP inhibe la libération de la rénine, l’action de la rénine sur l’angiotensinogène qui forme l’angiotensine II, la vasoconstriction induite par l’angiotensine, la sécrétion d’aldostérone par l’angiotensine II, et les actions de l’aldostérone sur le tube collecteur. L’action de l’ANP déclenche une vasodilatation et l’excrétion de sodium. L’administration thérapeutique de liquides pour distendre l’auricule et ainsi provoquer la libération d’ANP est une intervention importante pour limiter la vasoconstriction rénale et la rétention de sodium.
Aldostérone: L’angiotensine I et l’angiotensine II sont des protéines qui stimulent la production et la sécrétion d’aldostérone par le cortex surrénalien, ce qui provoque une réabsorption du sodium par les reins dans les tubules rénaux. Le sodium entraîne les molécules d’eau dans le système vasculaire au lieu de les éliminer dans l’urine, ce qui augmente le volume vasculaire et la pression artérielle. La libération de l’aldostérone stimule les reins qui stoppent la libération de la rénine, ce qui rétablit ainsi la perfusion dans ces derniers. La sécrétion d’aldostérone crée aussi la sensation de soif, l’un des premiers signes de choc.
Types de choc
Il existe quatre types de choc différents : hypovolémique, distributif, cardiogénique et obstructif. Ils sont définis en fonction de la partie du système vasculaire atteinte (tableau 4-4). Un dysfonctionnement peut se produire dans l’une des trois principales composantes du système cardiovasculaire : la pompe (le cœur), la tuyauterie (les vaisseaux sanguins), ou le liquide circulant (le sang).
Choc hypovolémique
Remémorez-vous la cause de l’hypoperfusion tissulaire dans l’état de choc hypovolémique en procédant à une analyse du terme hypovolémie. Le préfixe hypo– signifie « en dessous » ou « faible », vol– se réfère à « volume », et -émie se rapporte à l’hémoglobine, le sang.
Une réduction du volume des liquides présents et/ou circulants conduit à une diminution du débit cardiaque, ce qui provoque une hypoxie des tissus et des cellules. Les signes et symptômes classiques du choc hypovolémique sont une tachycardie, une hypotension, et une augmentation de la fréquence respiratoire ; mais les signes varient en fonction de la quantité de liquide perdue. Des saignements, des vomissements, de la diarrhée et de nombreuses autres affections peuvent réduire le volume de liquides circulants (figure 4-5).
Figure 4-5 Physiopathologie du choc hypovolémique. (Redessiné à partir de Urden LD : Thelan’s critical care nursing : diagnosis and management, ed 5, St Louis, 2006, Mosby.)
Choc hémorragique: Le choc hémorragique est la cause la plus fréquente de choc hypovolémique. Une perte de sang importante peut se produire sans saignement visible. Une hémorragie interne ou extériorisée peut être causée par des lésions traumatiques ou des problèmes médicaux tels qu’une rupture ou une dissection d’anévrisme aortique, une rupture de la rate, une grossesse extra-utérine, une hémorragie gastro-intestinale, ou d’autres causes provoquant une perte de sang importante. Le saignement peut être évident, comme chez un patient présentant une hématémèse, ou alors discret, comme chez un patient ayant une petite hémorragie digestive qui s’est étalée dans le temps. Dans l’état de choc hémorragique, la capacité du sang de transporter l’oxygène diminue au fur et à mesure que les réserves en globules rouges s’épuisent.
Autres causes de choc hypovolémique: La perte de liquides autres que le sang peut aussi provoquer un choc hypovolémique. Par exemple, la perte extrême de liquides interstitiels peut venir s’ajouter à des vomissements, de la diarrhée et une diurèse massive chez les patients atteints de diabète ou de diabète insipide. La perte excessive de plasma chez les patients brûlés non traités peut provoquer un choc hypovolémique retardé.
La gravité du choc dépend du pourcentage et de la quantité de liquide perdu. Des pertes de liquide étalées dans le temps donnent au corps le temps de les compenser. Chez un adulte en bonne santé, une perte de 10 à 15 % de sang est généralement bien tolérée. Les enfants et les personnes âgées sont plus sensibles, même lorsqu’ils perdent une petite quantité de sang ; mais les mécanismes de compensation ou des médicaments peuvent retarder les signes extérieurs. Le tableau 4-5 résume les étapes de choc hypovolémique.
Tableau 4-5
Source : Aehlert B : Paramedic practice today : above and beyond, St Louis, 2009, Saunders.
Choc distributif
Choc septique: Le choc septique est le résultat d’une réponse inflammatoire systémique massive à l’infection par des bactéries à Gram négatif ou à Gram positif, aérobies ou anaérobies, des champignons ou des virus. Les organismes à Gram négatif semblent être la principale cause d’infection, particulièrement chez les patients hospitalisés.
Plusieurs changements dans les soins prodigués ont contribué à une hausse récente de l’incidence du sepsis. De plus en plus de patients sont renvoyés à la maison avec des dispositifs médicaux susceptibles de provoquer une infection, tels que des cathéters. Beaucoup de ces patients ont aussi un système immunitaire affaibli ; ils sont alors plus à risque de développer une septicémie. En outre, l’incidence des infections par les organismes à Gram positif résistants aux antibiotiques, tels que Staphylococcus aureus et Streptococcus pneumoniae, a augmenté. Les causes qui prédisposent un patient à la septicémie sont résumées dans l’encadré 4-1.
La base d’un choc septique et d’un syndrome de réponse inflammatoire systémique (SRIS) est un processus complexe de la réponse inflammatoire et de la défaillance multiviscérale (figure 4-6). Deux ou plusieurs des critères suivants doivent être réunis pour qu’un diagnostic de SRIS puisse être posé :
Figure 4-6 Les conséquences physiopathologiques du syndrome septique résultent d’un déséquilibre entreles médiateurs pro-inflammatoires et anti-inflammatoires, l’activation de la cascade de la coagulation et l’inhibition de la fibrinolyse. Le syndrome peut évoluer en défaillance multiviscérale suivie du décès. (Source : Long S, Pickering L, Prober C : Principles and practice of pediatric infectious diseases, ed 3, Philadelphia, 2008, Churchill Livingstone.)