4 Éléments d’anesthésie buccale et dentaire
La douleur dentaire est beaucoup mieux prise en charge par les dentistes que par les médecins. Ils disposent en outre des instruments nécessaires pour travailler. Cependant, les dentistes ne sont pas toujours disponibles et les patients peuvent se présenter aux urgences avec des douleurs dentaires ou des traumatismes dentaires avec pour but de voir soulager leur douleur. Bien que les analgésies conventionnelles soient efficaces, le fait de faire un bloc d’un nerf avec un anesthésique local de longue durée d’action peut rendre le patient votre ami pour la vie. Les blocs dentaires sont aussi une bonne alternative pour les femmes enceintes car les anesthésiques locaux et l’adrénaline ne sont pas tératogènes et peuvent être administré sans effets secondaires s’ils sont utilisés correctement.
Anesthésie dentaire pour les dents maxillaires
Anesthésie locale ou suprapériostée
Les dents maxillaires sont innervées par un réseau de nerfs issus du nerf maxillaire et du nerf infraorbitaire (figure 4.1). Ces nerfs cheminent dans l’os spongieux du maxillaire, au-dessus des racines des dents maxillaires. La lame corticale latérale de l’alvéole maxillaire est généralement assez mince et poreuse pour permettre une injection efficace (suprapériostée) d’anesthésique local. Cette technique n’est pas recommandée pour plus de deux dents adjacentes, ou bien en cas d’infection ou d’inflammation locale.
Figure 4.1 Le nerf maxillaire et ses rameaux terminaux : nerf maxillaire, nerf alvéolaire supérieur et postérieur, nerf infraorbitaire, nerf alvéolaire supérieur et antérieur, nerf alvéolaire supérieur et moyen.
Technique
Identifier la zone à infiltrer ; il s’agit de l’apex du pli buccogingival adjacent à la dent à endormir.
Sécher la muqueuse et appliquer un anesthésique topique avec un coton-tige. Utiliser de la lidocaïne à 4 % en gel ou tout autre anesthésique topique (la tétracaïne qui est en général utilisée pour l’anesthésie topique en ophtalmologie fonctionne très bien).
Attendre 30 secondes que l’anesthésie topique fasse son effet. Pour diminuer encore la douleur à l’injection, soulever la lèvre, la tirer vers le haut et la secouer au moment où l’aiguille est insérée.
Placer la seringue parallèlement au grand axe de la dent. Avec le biseau en face de l’os, insérer l’aiguille au niveau de la zone et avancer l’aiguille jusqu’à ce que le biseau soit sur ou au-dessus de l’apex de la dent (en général quelques millimètres) (figure 4.2). Le patient ne doit pas opposer de résistance ou exprimer de la gêne durant la procédure.
En cas de nécessité d’anesthésier deux dents, insérer l’aiguille parallèlement à la ligne buccogingivale (là où la muqueuse jugale se réfléchit sur la gencive) en opposition à la dent devant être anesthésiée (figure 4.3).
Aspirer, et s’il n’y a pas de reflux sanguin, injecter environ 2 à 4 ml d’anesthésique local lentement sur 30 à 60 secondes et continuer tout en retirant l’aiguille.
Le patient devrait ressentir un engourdissement entre 2 et 5 minutes après l’injection. En cas d’échec dans la tentative pour atteindre l’apex de la dent, l’injection se solde par différents degrés d’engourdissement de la région sans obtenir une anesthésie de la dent elle-même. Si la première infiltration ne permet pas d’obtenir une sédation de la douleur, on peut répéter l’opération plusieurs fois tout en maintenant la dose totale d’anesthésique dans les limites recommandées.
La lidocaïne permet d’obtenir une analgésie d’une heure au niveau de la dent et de 3 à 5 heures au niveau des tissus mous avoisinants. Aux urgences, lorsqu’il s’agit de calmer une douleur temporairement, l’agent utilisé habituellement est de la bupivacaïne à 0,5 % ou de la ropivacaïne à 0,5 %, également avec de l’adrénaline à la concentration de 1/200 000. Cela entraîne de 1 à 3 heures d’analgésie dentaire et de 4 à 9 heures d’anesthésie des tissus mous avoisinants. La durée de l’analgésie est moins importante avec une infiltration sous-périostée qu’avec un bloc nerveux. L’analgésie débute entre 3 et 10 minutes, en fonction de l’agent utilisé.
Conseil pour les non-dentistes
L’orientation du biseau est importante pour éviter la douleur à l’injection et pour mieux contrôler la déviation de l’aiguille. Au cours de l’infiltration, il est préférable d’orienter le biseau vers l’os afin d’éviter de transpercer le périoste (figure 4.4). Il est aussi important de se souvenir, en particulier avec les blocs nerveux tronculaires, que l’extrémité de l’aiguille est toujours déviée de son site de ponction au fur et à mesure qu’elle traverse les tissus. Par exemple, une aiguille de 25 mm et de 30 G peut être déviée de plus de 4 mm de la cible.
Une quantité d’anesthésique d’environ 2 ml est suffisante pour assurer l’anesthésie dentaire dans la plupart des cas. De plus grands volumes peuvent cependant être utilisés avec une plus grande chance de réussite, en particulier pour les non-experts. L’inconvénient de cette technique peut résider dans un éventuel surdosage en anesthésique local.
En cas d’échec de l’infiltration locale pour les dents maxillaires, on peut envisager un bloc nerveux tronculaire. Un bloc du nerf infraorbitaire anesthésiera la partie inférieure et supérieure des alvéoles qui innervent les dents de la partie antérieure du maxillaire, alors qu’un bloc du nerf alvéolaire supérieur postérieur bloquera les molaires.
On évitera d’utiliser une seringue dentaire, car il est impossible d’aspirer avec ce type de seringue. On utilisera une seringue conventionnelle avec la plus petite aiguille possible de longueur appropriée, le plus souvent 23 G et 40 mm.
Bloc du nerf infraorbitaire par voie intrabuccale
Ce bloc entraîne une excellente anesthésie pour les douleurs impliquant les dents supérieures depuis la ligne médiane jusqu’aux canines et pour les dilacérations de la lèvre supérieure. Chez 70 % des patients, ce bloc procurera une anesthésie des prémolaires et d’une partie de la racine de la première molaire. Le foramen infraorbitaire peut être facilement repéré en utilisant une sonde d’échographie et ainsi établir sa position exacte.
Technique
Localiser le foramen infraorbitaire qui se trouve environ 10 mm sous l’incisure infraorbitaire (celle-ci correspond à l’articulation zygomaticomaxillaire) et environ 25 mm en dehors de la ligne médiane de la face. Il peut être un peu douloureux de palper le foramen infraorbitaire.
Identifier le site d’injection qui se trouve être l’apex du pli buccogingival directement adjacent à la première prémolaire supérieure.
Sécher la muqueuse et appliquer un anesthésique topique.
Placer l’index au niveau du foramen infraorbitaire et soulever la lèvre supérieure tout en la secouant en même temps que l’insertion se fait sur la gencive.
Maintenir la seringue parallèlement au plus long axe de la première prémolaire et diriger l’aiguille vers le doigt qui se trouve sur l’incisure infraorbitaire et également sur le foramen infraorbitaire (figure 4.5) ; rester près du périoste pour éviter l’artère faciale.
Faire progresser l’aiguille lentement jusqu’à rencontrer l’os (environ 10 à 15 mm chez l’adulte) environ 10 mm sous le bord inférieur de l’orbite ; ne pas chercher à entrer dans le foramen infraorbitaire car cela peut entraîner une injection intraneurale et des complications.
Aspirer. Après s’être assuré de l’absence de reflux sanguin, injecter 2 à 5 ml d’anesthésique local.
Si du sang est aspiré, retirer l’aiguille de 5 mm et la rediriger légèrement dans la bonne direction.