38. Hémophilie

Chapitre 38. Hémophilie



Point sur la maladie


HémophilieL’hémophilie est une maladie héréditaire peu fréquente de la coagulation (1 pour 5 000), qui représente toutefois la première cause de syndrome hémorragique constitutionnel. Si la maladie se déclare le plus souvent chez un sujet aux antécédents familiaux d’hémophilie déjà connus, un tiers environ des enfants hémophiles sont des cas de novo pour la famille.

S’il existe deux formes d’hémophilie, A et B, qui diffèrent par leur fréquence (respectivement 85 et 15 %) ainsi que par le facteur de coagulation déficitaire en cause (respectivement le facteur VIII et le facteur IX), le fait particulier à retenir au plan clinique est qu’il existe des formes sévères (taux de facteur déficitaire inférieur à 1 %) entraînant des hémorragies spontanées et très fréquentes, et des formes modérées (taux de facteur déficitaire supérieur à 1 %) entraînant des hémorragies, certes parfois sévères, mais uniquement provoquées par un traumatisme ou un geste chirurgical.

Dans une même famille, le déficit porte sur le même facteur, avec la même gravité.

L’hémophilie ne touche, en principe, que les garçons, et se trouve être transmise par la mère (transmission récessive liée au sexe), qui est dite «conductrice». Les femmes conductrices peuvent donner naissance à des garçons hémophiles ou à des garçons normaux, à des filles conductrices ou à des filles normales. Les hommes hémophiles auront toujours des filles conductrices et des garçons sains (si bien sûr la mère n’est pas elle-même conductrice). Il s’agit donc d’une affection congénitale, diagnostiquée très tôt dans la vie, en particulier dans sa forme sévère.

Par ailleurs, le dépistage des femmes conductrices ainsi que diagnostic anténatal constituent un progrès technique qui se heurte à de nombreuses questions d’ordre éthique. Depuis les années 1960, la connaissance très précise de l’hémophilie et la correction de ce trouble par l’apport du facteur manquant ont beaucoup amélioré le pronostic des enfants touchés (qui autrefois mourraient rapidement d’hémorragie ou devenaient infirmes à la suite d’hémorragies intra-articulaires). La vie des sujets hémophiles peut être aujourd’hui considérée comme «normale», si l’on excepte toutefois le poids non négligeable des contraintes de la surveillance et du traitement ainsi que celui des effets psychologiques personnels et interpersonnels de la maladie, qui reste, faut-il le rappeler, une pathologie potentiellement létale en l’absence de soins spécifiques. À ce titre, la survenue, au cours des dernières décennies, des complications liées aux traitements transfusionnels (notamment l’hépatite et le VIH) n’a pas été sans faire écho au sort dramatique des enfants hémophiles avant la découverte du traitement substitutif, en même temps qu’elles ont bouleversé l’équilibre de la relation entre médecin et malade.

L’autotraitement, technique moderne consistant à s’injecter le facteur manquant par voie intraveineuse, lors de saignements ou parfois de manière régulière et systématique (dans les formes sévères), présente, outre les nombreux avantages au plan somatique (traitement précoce, bien adapté, rapidement efficace, parfois même préventif), l’intérêt pour l’enfant d’une autonomie dont nous analyserons la nature et les effets.

Toutes ces particularités – historiques, étiologiques, diagnostiques, pronostiques et thérapeutiques – ne sont pas sans conséquence sur les aspects psychopathologiques individuels et familiaux rencontrés dans cette pathologie.


Aspects de la maladie au quotidien



Pour l’enfant


Si le degré de gravité de l’hémophilie n’est pas sans impact sur le quotidien de l’enfant, la qualité du regard porté par son environnement (parental et médical en particulier) apparaît d’une importance capitale. À ce titre, la capacité de l’environnement – et alors bien souvent de l’enfant – à relativiser le préjudice lié à la maladie et à (se) rassurer quant à l’avenir aide notamment l’enfant à se dégager d’une position de dépendance passive qui risque d’infiltrer la vie quotidienne, qu’elle soit familiale, sociale, scolaire, affective, etc.

L’autotraitement a, à cet égard, largement contribué à aider l’enfant dans sa marche vers l’autonomie. S’il est en effet au départ pratiqué par ses parents, il l’est ensuite peu à peu effectué par l’enfant lui-même, guidé par un adulte avant de se débrouiller tout seul. Au-delà du geste lui-même, l’apprentissage de l’autonomie que permet cette technique incite l’enfant à mieux connaître sa maladie. Cette observation se traduit concrètement par le fait que les traitements, leurs motifs et leurs résultats sont alors inscrits par lui dans son carnet d’hémophile.

L’apprentissage de l’autotraitement est par ailleurs parfois assuré par certains centres spécialisés qui, outre l’éducation thérapeutique stricto sensu, permettent aux enfants de se rencontrer et de partager un quotidien dans un cadre étayant. Un autre intérêt est qu’il propose un temps de séparation familiale souvent salutaire pour l’enfant autant que rassurant pour les parents, qui savent leur enfant en sécurité.


Pour les parents


La précocité du diagnostic d’hémophilie induit d’emblée des spécificités de la relation entre les parents et le bébé, en termes, notamment, de protection et de soins, qui visent en particulier à éviter ou limiter tout accident hémorragique. Le rôle du médecin est alors important et consiste à écouter et rassurer des parents parfois particulièrement anxieux.

Ce rapport anxieux à la maladie et à ses risques peut se fixer, s’il n’est pas combattu, de manière telle qu’il peut entraver le développement psychoaffectif normal de l’enfant en lui barrant l’accès à l’autonomie.


Aspects psychodynamiques de la maladie



Impact sur l’enfant lui-même


Dans la définition même de la maladie, l’hémophilie se caractérise par un manque. Ce déficit concret, objectif, quantifiable, de l’un des facteurs de la coagulation risque, à l’insu des protagonistes, de nourrir l’idée que l’insatisfaction et les sentiments de culpabilité, de la mère d’abord, de l’enfant ensuite, sont exclusivement en rapport avec ce déficit précis. En quoi cette équation reliant le déficit au manque est-elle susceptible d’entrer en résonance avec la névrose infantile?

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Apr 22, 2017 | Posted by in PÉDIATRIE | Comments Off on 38. Hémophilie

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