34. Épilepsies

Chapitre 34. Épilepsies


ÉpilepsiePathologie aux répercussions complexes, tant sur le plan clinique, social ou relationnel, l’épilepsie a pour particularité, lorsqu’elle survient chez l’enfant, de se trouver étroitement intriquée avec son développement psychoaffectif et cognitif.


Point sur la maladie



Définition


L’épilepsie se définit par la survenue de crises convulsives récurrentes, non provoquées. Ces crises sont dues à la décharge hypersynchrone d’un ensemble de neurones.

La classification adoptée par l’OMS se fonde sur l’expression clinique des crises (généralisées, partielles, inclassables), enrichie par les données électroencéphalographiques, étiologiques et parfois psychiatriques. Il existe ainsi de nombreuses formes d’épilepsie.


Étiologies


Les épilepsies sont fréquentes chez l’enfant et l’adolescent : 50 % des crises apparaissent avant 10 ans et 70 % avant 20 ans (Marcelli & Cohen, 2009). L’épilepsie peut être idiopathique (correspondant à des perturbations fonctionnelles), avec un caractère génétique et d’évolution relativement bénigne, ou non idiopathique (secondaire à une lésion cérébrale organique); elle peut être partielle (ou focale) ou généralisée. Il existe une probable sensibilité héréditaire, mais aucun mode de transmission monogénique n’est connu à ce jour.


Formes cliniques chez l’enfant


Il existe de nombreuses formes cliniques, dont les principales sont :




• les épilepsies généralisées idiopathiques :




– épilepsie absence,


– épilepsie myoclonique juvénile;


• les épilepsies partielles idiopathiques :




– épilepsie avec pointe centro-temporale : la plus fréquente et la plus bénigne des épilepsies de l’enfant;


• les encéphalopathies épileptiques :




– syndrome de West ou syndrome des spasmes en flexion : encéphalopathie épileptogène grave, de sombre pronostic,


– syndrome de Lennox-Gastaut, associant de nombreuses crises, une insuffisance intellectuelle voire des troubles de type psychotique;


• les épilepsies secondaires à des lésions (tumeurs cérébrales) ou des traumatismes.

L’épilepsie est plus ou moins grave (environ 20 % des épilepsies sont dites «sévères»). La sévérité est surtout liée aux facteurs suivants : fréquence des crises, mauvaises réponses aux traitements, étiologies des épilepsies secondaires et association à des troubles mentaux.

Les classiques convulsions hyperthermiques du nourrisson ne rentrent pas dans la définition de l’épilepsie. Il s’agit de convulsions dues à de fortes fièvres; leur évolution est bénigne.


Explorations complémentaires


Le diagnostic de l’épilepsie repose sur la sémiologie des crises et sur l’enregistrement électroencéphalographique des crises, avec parfois par des enregistrements spécifiques (hyperpnée, stimulation lumineuse intermittente, de sommeil, des 24 heures). Ces examens complémentaires permettent d’exclure les troubles non épileptiques, de type spasmes du sanglot, crises syncopales, crises hystériques… Dans certaines affections, scanner et IRM cérébraux complètent le bilan.

Enfin, un bilan neuropsychologique peut parfois être important pour évaluer les fonctions cognitives de l’enfant.


Association à des troubles mentaux : données nosologiques et épidémiologiques


Les troubles psychiatriques, au cours des épilepsies, apparaissent globalement plus fréquemment (50 % des enfants épileptiques) que dans la population générale, en particulier dans :




• les épilepsies temporales;


• les épilepsies d’apparition précoce;


• lors de certains traitements (instabilité, hallucinations secondaires à la prise de certains antiépileptiques).

Leur nature est variable :




• 15 % de troubles névrotiques;


• 15 à 30 % de troubles du comportement;


• 5 à 10 % de psychoses (Epelbaum, 1993).

Les différents travaux montrent qu’il est toutefois illusoire de vouloir associer systématiquement tel trouble psychiatrique à telle forme d’épilepsie : toutes les catégories nosographiques psychiatriques peuvent se rencontrer chez le sujet épileptique, et ceci indépendamment du type ou de la sévérité de l’épilepsie.

Il est toutefois essentiel de rappeler que la structure de la personnalité ainsi que les modes de fonctionnement psychique et relationnel préalables ou parallèles à l’éclosion de l’épilepsie jouent un rôle majeur dans l’évolution psychique des patients.

Pour certains auteurs, les troubles psychiatriques apparaissent liés au processus épileptique lui-même; pour d’autres, ils seraient liés au processus lésionnel à l’origine de l’éclosion de l’épilepsie. Pour d’autres auteurs enfin, ces deux éventualités peuvent être présentes, mais dépendant en outre de la qualité des liens affectifs de l’enfant. Comme le souligne C. Epelbaum, cette dernière hypothèse peut être rapprochée du fait qu’il n’existe pas de parallélisme strict entre un type de lésion et un type de trouble psychiatrique. Par ailleurs, certains enfants non porteurs de lésion cérébrale présentent des troubles psychiatriques sévères; la lésion cérébrale ne peut ainsi être isolée comme «le» facteur déterminant, mais elle agit plutôt en conjonction avec d’autres facteurs psychologiques, sociaux et biologiques propres à l’enfant et à son environnement familial (Epelbaum, 1993).

La précocité d’une lésion (intervenant donc sur un système nerveux central en plein développement) est par ailleurs de nature à accentuer la vulnérabilité aux différentes formes d’agression, notamment d’ordre affectif.


Association à des troubles cognitifs : données nosologiques et épidémiologiques


TroublescognitifsLes données épidémiologiques retrouvent des chiffres de QI globalement plus faibles mais néanmoins proches des chiffres obtenus sur des groupes contrôles, si l’on excepte les retards mentaux francs en liens avec d’importants processus lésionnels chez certains enfants épileptiques (Drossart, 1985; Bulteau et al., 2000). Lorsqu’il existe un niveau intellectuel légèrement inférieur, il faut tenir compte, lors des tests, de la bradypsychie habituelle, de la conséquence des ruptures de contact lors de crises fréquentes et du ralentissement dû au traitement. Il faut donc répéter les évaluations.

Parfois, il existe des difficultés cognitives spécifiques (troubles du langage, troubles de l’attention ou de la mémoire…) selon le type d’épilepsie. La pratique de tests spécifiques permet de reconnaître les troubles et de suivre leur évolution au fil du temps et des traitements éventuels.

Les détériorations mentales sont rares. La notion de «démence épileptique» (définie comme un syndrome psychique caractérisé par l’affaiblissement ou la perte partielle ou totale des facultés intellectuelles, morales ou affectives, sans possibilité de retour) a été décrite par Misès sous deux formes :




formes démentielles vraies : un déficit global des fonctions cognitives apparaît secondairement à l’épilepsie. Des travaux ultérieurs ont par ailleurs montré que ces situations étaient directement corrélées à des lésions cérébrales identifiables ou à la sévérité des crises comitiales (Stores, 1981);


Psychoses et dysharmonies évolutives à expression déficitaire : le sujet désinvestit la réalité au profit d’un monde interne fantasmatiquement menaçant, et un certain déficit cognitif peut en découler (Misès, 1968).


Éléments pronostiques


Le pronostic est globalement meilleur que chez l’adulte, avec une habituelle diminution de la fréquence des manifestations paroxystiques entre 12 et 14 ans. Les éléments de mauvais pronostic sont :




• l’âge de début précoce;


• la présence de causes neurologiques lésionnelles et évolutives (encéphalopathies chroniques évolutives);


• la grande fréquence initiale des crises;


• le long délai entre le début de l’épilepsie et la mise en place d’un traitement adapté;


• la survenue d’états de mal;


• la présence de crises de différents types.


Particularités de la maladie



Au plan fonctionnel



Fréquence et nature des crises


Le handicap provoqué par l’épilepsie dépend étroitement de la nature des crises (myoclonies, crises généralisées tonico-cloniques, absences…) ainsi que de leur fréquence. Au-delà des effets intrapsychiques dont il sera question plus loin, la multiplication du nombre de crises, en particulier lorsqu’elles sont cliniquement bruyantes, est de nature à véritablement ébranler la dynamique familiale, la scolarité, ainsi que les relations aux pairs.


Effets secondaires de la surveillance et des traitements


Selon certains auteurs, le perfectionnisme somaticien, pourtant incontournable, ainsi que le réseau de surveillance clinique, électrique et biologique, désinvestissent un peu plus les modalités d’expression d’une vie psychique, en valorisant, voire en morcelant le corps dans sa représentation fonctionnelle «objective» (Claveirole, 1997).

D’autre part, si les antiépileptiques visent à diminuer le nombre de crises ou à les faire disparaître, ils comportent néanmoins un certains nombre d’effets secondaires neuropsychiques parfois très mal vécus, allant d’une «simple» somnolence à certaines manifestations corporelles (vertiges), comportementales (instabilité, agitation, irritabilité) ou cognitives (troubles de l’attention et de la concentration, troubles de la mémoire; Trimble, 1987), voire psychiatriques (phénomènes hallucinatoires non seulement susceptibles d’entraver le quotidien, mais aussi parfois de démasquer d’authentiques processus psychotiques sous-jacents).


Au plan psychodynamique



Vécu de l’enfant


Depuis Freud (1929), de nombreux psychanalystes ont proposé des interprétations aux crises d’épilepsie chez l’adulte sous la forme de «crises d’affects», de survenue de pulsions désorganisantes chez des sujets prédisposés et fragiles (Schilder, Fénichel, Greeson, Covello).

Chez l’enfant, il faut rappeler de prime abord, que l’épilepsie est douloureusement vécue, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parce que le moment de la crise échappe au contrôle de l’enfant et le plonge dans la passivité en même temps qu’il le surexpose au regard des témoins qui assistent à l’événement. Autrement dit, en termes psychopathologiques, non seulement quelque chose de soi échappe au Moi de l’enfant, mais, de surcroît, est observé par l’autre qui détient le contenu du déroulement de la crise et le restitue à l’enfant à la lumière de ses propres ressentis face à la crise à laquelle il vient d’assister. Ces ressentis sont parfois teintés d’angoisses et donc forcément très peu contenants et très peu pare-excitants; ils sont eux-mêmes susceptibles de renvoyer à l’enfant une image dégradée, blessée, voire parfois monstrueuse de lui-même.

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Apr 22, 2017 | Posted by in PÉDIATRIE | Comments Off on 34. Épilepsies

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