Item 319. Hypercalcémie (avec le traitement)
• Devant une hypercalcémie, argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents.
• Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge.
Orientation diagnostique et clinique
ITEM 41 Troubles anxieux et troubles de l’adaptation.
ITEM 43 Troubles du sommeil de l’enfant et de l’adulte.
ITEM 56 Ostéoporose.
ITEM 188 Céphalée aiguë et chronique.
ITEM 195 Douleurs abdominales et lombaires aiguës chez l’enfant et chez l’adulte.
ITEM 253 Insuffisance rénale chronique.
ITEM 259 Lithiase urinaire.
ITEM 284 Troubles de la conduction intracardiaque.
ITEM 285 Trouble de l’humeur. Psychose maniacodépressive.
ITEM 300 Constipation chez l’enfant et l’adulte (avec le traitement).
ITEM 307 Douleur et épanchement articulaire. Arthrite d’évolution récente.
ITEM 345 Vomissements du nourrisson, de l’enfant et de l’adulte (avec le traitement).
Complications
ITEM 56 Ostéoporose.
ITEM 200 État de choc.
ITEM 230 Coma non traumatique.
ITEM 238 Fracture de l’extrémité inférieure du radius chez l’adulte.
ITEM 239 Fracture de l’extrémité supérieure du fémur chez l’adulte.
ITEM 253 Insuffisance rénale chronique.
ITEM 259 Lithiase urinaire.
Diagnostics étiologiques
ITEM 124 Sarcoïdose.
ITEM 130 Hypertension artérielle de l’adulte.
ITEM 148 Tumeurs du côlon et du rectum.
ITEM 151 Tumeurs du foie, primitives et secondaires.
ITEM 152 Tumeurs de l’œsophage.
ITEM 156 Tumeurs de la prostate.
ITEM 157 Tumeurs du poumon, primitives et secondaires.
ITEM 158 Tumeurs du rein.
ITEM 159 Tumeurs du sein.
ITEM 164 Lymphomes malins.
ITEM 166 Myélome multiple des os.
ITEM 176 Prescription et surveillance des diurétiques.
ITEM 177 Prescription et surveillance des psychotropes.
ITEM 206 Hypoglycémie.
ITEM 220 Adénome hypophysaire.
ITEM 241 Goitre et nodule thyroïdien.
ITEM 246 Hyperthyroïdie.
ITEM 255 Insuffisance surrénale.
ITEM 290 Ulcère gastrique et duodénal. Gastrite.
• 2008 :
Un homme âgé de 42 ans consulte pour des douleurs articulaires au niveau du genou gauche depuis quelques jours. Comme sa sœur, il a présenté, il y a 2 ans, une crise de colique néphrétique non explorée. Le patient ne prend aucun traitement. À l’examen clinique, le pouls est régulier à 68/minute, la tension artérielle est de 130/75 mmHg. Le genou gauche est tuméfié, chaud. On note la présence d’un choc rotulien et un flessum de 10°. Il n’y a pas d’adénopathie inguinale droite ni gauche palpable. Il n’y a pas de déformation axiale des membres inférieurs. Les résultats des explorations biologiques demandées sont les suivants :
– hémogramme : hématies : 5,2 − 10 6/mm 3 ; leucocytes : 4 800/mm 3 ; plaquettes : 360 000/mm 3 ; Hb : 13,8 g/dl ;
– VS : 35 mm (première heure) ; CRP : 60 mg/l ;
– ionogramme sanguin : Na + : 138 mmol/l ; Cl − : 118 mmol/l ; K + : 4,1 mmol/l ; protidémie : 78 g/l : albuminémie : 40 g/l ; calcémie : 118 mg/l (2,95 mmol/l) ; phosphorémie : 21,7 mg/l (0,70 mmol/l) ; créatininémie : 68 μmol/l.
Une radiographie des genoux est pratiquée.
1) Interprétez la radiographie de genou.
2) Argumentez le diagnostic le plus probable pour les douleurs articulaires. [ Chondrocalcinose.]
3) Interprétez le bilan phosphocalcique. Hypothèses diagnostiques ? Examen(s) biologique(s) à faire pour confirmer le diagnostic le plus probable ? [ PTH 1-84 intacte pour confirmer l’hyperparathyroïdie primaire.]
Survenue d’un coma hypoglycémique.
2) Diagnostic ? Examens à faire pour confirmer le diagnostic ?
3) Diagnostic à évoquer devant les deux affections précédentes ? Examen à faire pour le confirmer ? [ NEM1 à évoquer devant l’hyperparathyroïdie primaire et la suspicion d’insulinome].
• 2008 :
Une patiente de 68 ans est amenée aux urgences par sa famille pour lombalgies aiguës évoluant depuis 48 heures et faisant suite à une chute de sa hauteur. À l’interrogatoire de sa famille, vous apprenez qu’elle est suivie depuis 10 ans pour une hypertension artérielle essentielle et qu’elle prend du ramipril (Triatec®) depuis plusieurs années. La fréquence cardiaque est à 125/minute, la tension artérielle est à 80/40 mmHg, la température à 38 °C. Le score de Glasgow est à 9, il n’existe pas de signes de localisation neurologique, il n’y a pas d’anomalie des réflexes pathologiques, la nuque est souple. L’auscultation cardiaque et pulmonaire ne vous apporte rien de particulier. L’abdomen est météorisé, sensible à la palpation, sans défense, avec un tympanisme, il n’existe pas de bruits hydroaériques. L’examen du rachis trouve une douleur exquise à la palpation des épineuses L2 et L3. La mobilisation rachidienne active est impossible et la mobilisation passive entraîne une douleur intense.
Les premiers examens biologiques effectués sont les suivants : Na + : 146 mmol/l ; K + : 4,6 mmol/l ; Cl − : 90 mmol/l ; Ca 2+ : 4,40 mmol/l ; bicarbonates : 13 mmol/l ; urée : 34 mmol/l ; créatinine : 230 μmol/l ; phosphore : 1,4 mmol/l (normale : 0,8–3).
Radiographie de crâne de profil avec l’énoncé.
1) Diagnostics envisagés pour expliquer les manifestations cliniques et biologiques présentées par la patiente ? [ Hypercalcémie néoplasique humorale, par métastases osseuses, myélome.]
2) Examens demandés ?
3) Interprétez la radiographie de crâne. [ Lacunes osseuses à l’emporte-pièce.] Diagnostic ? Traitement symptomatique ? [ Traitement de l’hypercalcémie aiguë.]
4) Traitement antalgique des lombalgies ?
5) Diagnostic à évoquer devant une dyspnée aiguë, avec tachycardie sinusale, effet shunt gazométrique, une fébricule et une radiographie de thorax normale. Examens à faire ? Discuter le rapport bénéfice/risque des examens proposés.
6) Traitement à instaurer avec la posologie.
• Synthèse d’avis de la commission de la transparence : Cadens, Calsyn, Cibacalcine, Miacalcic, Calcitonine Pharmy II, Calcitonine Sandoz, (calcitonines humaines ou de saumon, injectables), HAS, juin 2009 http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2009-09/synthese_davis_calcitonines_2009-09-25_10-53-2_177.pdf
• Prise en charge de l’hyperparathyroïdie primaire asymptomatique, consensus d’experts de la SFE, novembre 2005. http://www.endocrino.net/download/sfe_consensus_hpa_nov2005.pdf
– être répété pour confirmer le diagnostic ;
– être interprété en fonction de l’albuminémie.
▪ Définitions :
– calcémie totale > 2,6 mmol/l (105 mg/l) ;
– calcémie ionisée > 1,3 mmol/l (141 mg/l) (calcium non lié à l’albumine) ;
– hypercalcémie aiguë : > 3,5 mmol/l → Urgence thérapeutique et prise en charge en réanimation.
▪ L’hypercalcémie est le plus souvent diagnostiquée fortuitement.
▪ Les principales complications liées à l’hypercalcémie chronique sont :
– osseuses (ostéoporose) ;
– rénales (lithiase rénale).
▪ L’hypercalcémie aiguë est une urgence thérapeutique et menace le pronostic vital.
▪ Le simple dosage de la PTH 1-84 intacte permet de distinguer deux grands cadres étiologiques :
– les hypercalcémies avec une PTH 1–84 intacte élevée (> 65 ng/ml) ou normale (10–65 ng/ml), dont la principale cause est l’hyperparathyroïdie primaire ;
– les hypercalcémies avec une PTH 1–84 intacte effondrée, qui oriente vers toutes les autres causes d’hypercalcémie.
▪ L’interprétation des dosages simultanés de calcémie, albuminémie, 25(OH)-vitamine D, PTH 1–84 intacte, phosphorémie et calciurie des 24 heures permet d’orienter le diagnostic étiologique.
▪ Deux causes dominent l’étiologie :
– l’hyperparathyroïdie primaire ;
– les pathologies néoplasiques (syndromes paranéoplasiques, néoplasies solides et hémopathies).
▪ Il ne faut pas oublier que l’hyperparathyroïdie primaire peut s’intégrer dans une néoplasie ndocrinienne multiple de type 1 ou de type 2.
▪ Le traitement de l’hyperparathyroïdie primaire est avant tout chirurgical.
I. PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE
A. Définition de l’hypercalcémie
▪ La calcémie mesurée représente la somme :
– du calcium lié aux protéines, en particulier à l’albumine (environ 40 % du calcium total) ;
– et du calcium libre (environ 60 % du calcium total), composé :
• du calcium ionisé (environ 50 % du calcium total), dont la concentration est régulée finement ;
• du calcium complexé (environ 10 % du calcium total) à différents anions (citrates, bicarbonates…).
– est la fraction active ;
– régule la sécrétion de la parathormone (PTH) par l’intermédiaire d’un récepteur transmembranaire ( calcium sensor) présent au niveau des cellules parathyroïdiennes.
▪ La calcémie totale est comprise entre 2,2 et 2,6 mmol/l (85–105 mg/l).
▪ La calcémie ionisée est comprise entre 1,15 et 1,30 mmol/l.
▪ Dans deux circonstances principales, le calcium ionisé ne peut pas être estimé à 50 % de la valeur du calcium total :
– une anomalie du pH sanguin : l’acidose augmente la proportion de calcium ionisé par rapport au calcium total et l’alcalose la diminue ;
– une anomalie du taux de protides sanguins : l’hyperprotidémie augmente la calcémie totale sans augmenter la calcémie ionisée ; inversement en cas d’hypoprotidémie.
▪ Dans ces situations, il est possible :
– de calculer la calcémie corrigée en fonction de l’albuminémie selon la formule suivante :
– de mesurer la calcémie ionisée, afin de s’affranchir du calcul de la calcémie corrigée (cependant son dosage nécessite des conditions de prélèvements rigoureuses pour être interprétable).
B. Rôle de la parathormone
▪ La parathormone (PTH) est synthétisée par les cellules parathyroïdiennes des glandes parathyroïdes, qui sont classiquement au nombre de quatre et mesurent quelques millimètres de hauteur.
▪ Il s’agit d’un peptide de 84 acides aminés dont de nombreux fragments protéolytiques circulent. Les dosages actuels permettent de doser la PTH 1-84 (intacte).
▪ La PTH joue plusieurs rôles :
– augmentation de la résorption osseuse ;
– augmentation de la réabsorption rénale de calcium ;
– diminution de la réabsorption rénale de phosphore ;
– augmentation de la synthèse de vitamine D, elle-même responsable :
• d’une augmentation de l’absorption digestive de calcium ;
• d’une augmentation de l’absorption digestive de phosphore.
▪ La sécrétion de PTH est finement régulée par le taux de calcémie ionisée (par l’intermédiaire du calcium sensor).
C. Physiopathologie des hypercalcémies
1. Hypercalcémie des hyperparathyroïdies primaires
L’hyperparathyroïdie primaire correspond à une sécrétion autonome de PTH par :
▪ un ou plusieurs adénomes ;
▪ une hyperplasie diffuse des parathyroïdes ;
▪ un cancer parathyroïdien (exceptionnellement).
2. Hypercalcémie des pathologies paranéoplasiques, des néoplasies solides et des hémopathies
– les cancers du poumon ;
– les cancers du sein ;
– les cancers du rein ;
– les cancers digestifs.
▪ L’hypercalcémie peut être liée à la présence de métastases osseuses ostéolytiques (cancer du sein, de la prostate, du poumon, de la thyroïde, du rein).
▪ Enfin, une hypercalcémie peut se rencontrer en cas de myélome (la baisse de l’élimination urinaire du calcium en raison de l’insuffisance rénale explique en partie l’hypercalcémie) et de lymphomes. La sécrétion par les cellules tumorales de facteurs stimulant l’activité ostéoclastique est incriminée dans ces hypercalcémies.
3. Hypercalcémie des granulomatoses
La pathologie classiquement en cause est la sarcoïdose. L’hypercalcémie est liée à une production excessive de 1,25(OH) 2-vitamine D (forme active de la vitamine D), par une action α-hydroxylase du tissu granulomateux.
4. Hypercalcémie iatrogène
a) Surdosage en vitamine D
Un surdosage en vitamine D est responsable d’une hypercalcémie, d’une hyperphosphorémie et d’une hypercalciurie, en raison :
▪ d’une augmentation de l’absorption digestive de calcium et de phosphore ;
▪ d’une diminution de la réabsorption rénale de calcium (liée à l’hypercalcémie et à l’effondrement de la PTH).
b). Diurétiques thiazidiques
Les diurétiques thiazidiques sont responsables, exceptionnellement, d’une hypercalcémie en raison d’une hypocalciurie. L’hypercalcémie est aggravée par l’hémoconcentration.
c). Lithium
Le lithium est responsable d’une hypercalcémie dans 10 % des cas en raison d’une augmentation de la réabsorption tubulaire du calcium. Par ailleurs, le lithium a une action directe sur la cellule parathyroïdienne qui est stimulée par des concentrations plus élevées de calcium circulant.
L’hypercalcémie régresse à l’arrêt du traitement.
d). Intoxication à la vitamine A
Exceptionnelle, elle est responsable d’une hypercalcémie en raison d’une action directe sur l’os.
5. Hypercalcémie des immobilisations
6. Hypercalcémie des endocrinopathies (en dehors de l’hyperparathyroïdie primaire)
▪ L’hyperthyroïdie entraîne une ostéolyse pouvant être responsable d’une élévation des taux de calcium sanguin (sans hypercalcémie réelle le plus souvent).
▪ L’insuffisance surrénale aiguë peut s’accompagner d’une hypercalcémie modérée liée à la déshydratation et à l’insuffisance rénale fonctionnelle.
7. Hypercalcémie hypocalciurique familiale bénigne
Il s’agit d’une affection héréditaire de transmission autosomique dominante. Elle est responsable d’une inactivation partielle du calcium sensor de la cellule parathyroïdienne et de la cellule rénale, qui sont sensibles à des taux plus élevés de calcémie sanguine.
II. DIAGNOSTIC CLINIQUE
A. Forme asymptomatique
▪ Il s’agit de la situation la plus fréquente actuellement (80 % des hyperparathyroïdies primaires).
▪ La calcémie est en générale inférieure à 3 mmol/l.
▪ Le diagnostic clinique est impossible par définition.
▪ Les atteintes sont infracliniques :
– découverte fortuite de lithiase rénale ITEM 259 ;
– diminution de la densité minérale osseuse sans fracture ITEM 56
B. Forme symptomatique d’hypercalcémie chronique
▪ Le plus souvent, la calcémie est supérieure à 3 mmol/l.
▪ Aucun signe n’est spécifique.
▪ Signes généraux :
– asthénie ;
– anorexie ;
– amaigrissement.
▪ Signes neuropsychiques ITEMS 41, 43, 188, 285 :
– troubles de la concentration, de la mémoire ;
– anxiété, troubles du sommeil ;
– syndrome dépressif ;
– aggravation d’un trouble psychiatrique préexistant ;
– céphalées.
▪ Signes digestifs :
– nausées, vomissements ITEM 345 ;
– douleurs abdominales ITEM 195 ;