3. Un RCIU Sévère

Cas 3. Un RCIU Sévère



PREMIÈRE CONSULTATION



HISTOIRE PÉRINATALE

Les parents sont en bonne santé, non apparentés. La fratrie est composée d’une première fille de 9 ans, née à 36 SA, pesant 2 265 g, sans problème par la suite. Les deux grossesses suivantes se sont terminées par une mort in utero dans un contexte d’hypertension artérielle (HTA) gravidique.

Cette enfant est donc née d’une 4e grossesse marquée par des poussées d’HTA et d’une prise de poids excessive (20kg). Un traitement de fond par l’aspirine est entrepris (200mg/24h). Une hypotrophie foetale entraîne une hospitalisation à 30 SA pour surveillance. Une menace d’accouchement prématuré est traitée par Salbutamol®. Au cours d’un mois d’hospitalisation prénatale, la mère est considérée comme extrêmement angoissée ; elle a de plus des problèmes familiaux. Une rupture spontanée des membranes survient au terme de 35 SA ; le LA est clair ; la présentation est céphalique et le travail est rapide (2h 10). Les scores d’apgar sont de 10 à 1 minute, 3 minutes et 5 minutes. L’enfant est transférée au centre néonatal en raison d’une hypotrophie sévère: PN, TN et PCN sont inférieurs au 2e percentile.

À la période néonatale, il n’y a pas eu de difficulté respiratoire ; une hyperbilirubinémie modérée est traitée par photothérapie les 5 premiers jours ; l’alimentation est parentérale, puis entérale exclusive à J10. Une ETF systématique montre à J5 des hyperéchogénicités périventriculaires frontales bilatérales intéressant également la région thalamocaudée à droite. À J25, l’EEG fait en raison de clonies du sommeil est normal.

Au cours des premiers mois, sa mère consulte pour une hyperexcitabilité très marquée et un sommeil insuffisant. Ces signes sont considérés comme banaux par le médecin consulté. La mère dit n’avoir été informée que plus tard des hyperéchogénicités observées à J5. À l’âge de 6 mois, la mère s’inquiète d’une raideur anormale des MI et organise elle-même, dit-elle, un programme comportant kinésithérapie et psychomotricité.



ORIENTATION ET AIDES REÇUES À CE JOUR

Kinésithérapie et psychomotricité depuis l’âge de 6 mois AC.


EXAMEN NEUROLOGIQUE À 2 ANS ½

L’enfant pèse 16,5kg (91e perc.), mesure 87cm (25e perc.), avec un PC à 47,5cm (2e perc.). Aucun rattrapage n’a donc été observé pour le PC alors qu’il s’est produit pour la taille et le poids. À l’examen crânien, des bourrelets squameux et métopique discrets sont palpés.

L’examen neurologique révèle une spasticité modérée des deux MI, avec légère prédominance à D: les triceps sont très toniques et globuleux ; un stretch phasique est présent à la dorsiflexion rapide des deux pieds (plus marqué à D). Cette spasticité a entraîné un léger raccourcissement musculotendineux, puisque la dorsiflexion lente du pied est limitée à 90˚ des deux côtés. Les voûtes plantaires sont effondrées. Les muscles ischiojambiers sont également atteints ; l’angle poplité est de 90˚ à D et de 110˚ à G. Les réflexes rotuliens sont très vifs, surtout à droite. Il n’y a pas de signe de Babinski. Le déséquilibre du tonus passif du tronc est modéré, avec excès d’extension.

Au point de vue fonctionnel, la marche est légèrement sautillante ; l’enfant peut sauter sur un pied à gauche mais pas à droite. Elle se plaint de douleurs et fatigabilité à la marche. La radiographie du bassin est normale.


COMMENT CONCLURE CETTE PREMIÈRE CONSULTATION ?


OPINION PERSONNELLE DU LECTEUR SUR QUATRE QUESTIONS








1. Quels éléments considérez-vous comme essentiels à ce jour ?


2. Que peut-on dire à la famille aujourd’hui ?


3. Quelle prise en charge proposez-vous ?


4. Quelles investigations considérez-vous comme nécessaires ?


RÉPONSES PROPOSÉES



Interprétation proposée à la famille

On peut indiquer à cette mère que ses inquiétudes ont été légitimes à chaque stade du développement moteur de sa fille. Le trouble moteur, sous la forme d’une spasticité distale mineure, est très probablement d’origine anténatale, lié à une insuffisance placentaire. Une surveillance orthopédique régulière est recommandée tout au long de la croissance. Bien que la qualité du langage soit rassurante pour l’avenir, il faudra poursuivre la surveillance du développement pour anticiper sur d’éventuelles difficultés dans le domaine de l’attention et de la coordination. La décision de faire une imagerie cérébrale appartient aux parents: elle n’est pas indispensable, car les résultats ne modifieront ni la prise en charge, ni l’interprétation de la cause, à l’évidence une HI foetale.

Pendant cet entretien, la mère s’est exprimée longuement sur ses inquiétudes et revendications: nous l’encourageons à se démettre de la fonction de « mère soignante » qu’elle a assumée depuis la naissance de sa fille. Les coordonnées d’un collègue neurologue lui sont indiquées, car elle est à la recherche d’autres avis. En fait, dans les semaines suivantes, la mère a consulté, non pas un, mais deux neurologues: l’un a confirmé le diagnostic de spasticité mineure distale des deux MI, tandis que l’autre ne l’a pas confirmé et ne considère donc pas l’indication d’une IRM cérébrale comme légitime médicalement. Avec ces avis contradictoires, la mère garde la maîtrise de la situation: elle souhaite faire l’IRM cérébrale.


Prise en charge indiquée

Continuer la kinésithérapie. Il serait également souhaitable qu’un bilan des habiletés de motricité fine soit fait, suivi d’une prise en charge au besoin. Une évaluation neuropsychique pourra être prévue autour de 4 ans pour évaluer raisonnement, performances verbales et distractibilité.


Investigations demandées




– IRM cérébrale.


– Examen ophtalmologique.


– Consultation orthopédique.

May 31, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 3. Un RCIU Sévère

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