Chapitre 3. Processus de l’entretien
pièces à assembler
Introduction
Sur le plan général, le patient doit se sentir suffisamment à l’aise pour exprimer ses difficultés et accepter une réflexion et un accompagnement autour de celles-ci ; l’entretien doit avoir permis d’expliciter non seulement le problème essentiel, mais aussi parfois des problèmes adjacents ou cachés. Quelques aspects très spécifiques concernent l’abord des thématiques majeures : les idées de suicide, la prise d’alcool ou de toxiques, les éléments de la sexualité ou des aspects traumatiques de l’existence. Une autre dimension spécifique concerne la possibilité de mettre en route une réflexion autour d’une problématique précise ou de faire naître des hypothèses susceptibles d’être approfondies (on parle d’élaboration).
Style de la personne
Le style de la personne découle de la résultante de son apparence, de sa façon de se présenter ou de gérer l’entretien, de l’impression générale que dégage le patient après une rencontre.
« Incrustation visuelle »
Certaines personnes laissent une impression visuelle forte. Leur taille, leur embonpoint, un détail physique, une manière de se tenir, voûté ou exagérément droit, une inclinaison de la tête, une gestuelle des mains. Un détail frappe, sollicite la mémoire et laisse une trace vivace en matière visuelle. Dans certains cas, il peut s’agir d’une impression physique, dans d’autres d’un aspect esthétique lié à la beauté, à un point qui frappe l’attention. L’allure de la personne transparaît dans sa manière de s’habiller. Certaines s’attachent à être hyper-conformes à leur environnement ou à leur classe sociale. Leur style, classique, sport, moderne…, n’est démenti par aucun élément, tout est conforme à ce que l’on attend. Dans d’autres cas, vont attirer l’attention, un bijou, un sac à mains, un type de chaussures qui témoignent d’une discrète originalité mais peuvent parfois être franchement insolites dans le contexte. Il existe des personnes dont la neutralité est telle, de l’apparence aux vêtements, que quelques jours après leur visite on ne se rappelle que très difficilement de leur visage et l’on aura du mal à dire la couleur de leurs cheveux, s’ils portaient une moustache, comment ils étaient habillés. On peut dès lors se poser des questions sur la nécessité de ce camouflage physique et psychique aboutissant à une neutralité absolue. Enfin, on peut trouver parfois une autre forme d’incrustation. L’incrustation olfactive liée à un parfum capiteux, une odeur rémanente, entêtante. L’incrustation auditive naît d’un timbre de la voix spécifique, d’un accent, d’un défaut de prononciation.
Début de la discussion
Une source importante de renseignements se dégage de la façon dont la discussion s’engage et comment les patients gèrent ou ne gèrent pas le laps de temps dont ils disposent. Visiblement, certains ont établi une liste, apparente ou cachée, ils souhaitent en décliner tous les éléments pour ne rien oublier. Ils ont besoin d’ordre et d’une planification un peu rationnelle de l’entretien. Quelques personnes lisent ou adressent un texte écrit ; il s’agit d’une forme de résumé ou d’un canevas mentionnant les aspects les plus importants de leur demande.
Dans les manières de débuter plusieurs styles se rencontrent ; bien sûr le thérapeute préfère celle ou celui qui après quelques phrases pose la nature exacte du problème, source de tracas ou de tourment. Bien des personnes ordonnent leur récit sur un mode temporel. Elles partent de leur enfance ou d’un événement signifiant et évoluent vers le présent selon une séquence temporelle structurée. D’autres semblent débuter sur une thématique très éloignée du problème essentiel et vont par petites touches arriver au point qui leur semble crucial. Parmi les difficultés, l’une relève des propos trop circonstanciés, riches en détails, fournissant beaucoup d’informations ponctuelles ; le médecin a un moment le sentiment que l’on passe à côté et se dit en lui-même : « Venons-en au fait… ». Les discours digressifs donnent le sentiment que le propos se perd au fur et à mesure. Il n’existe plus aucun fil conducteur ; on se trouve devant une pelote de laine dont plusieurs fils seraient tirés en même temps ; on se dit en soi-même au bout d’un moment : « Mais où veut-elle en venir ? ».
Pour dégager l’impression générale qu’une personne laisse à la fin de l’entretien, il y a deux questions que l’on peut se poser.
Se poser cette question permet de réfléchir sur la thématique essentielle de l’entretien, le moment où elle survient dans la trajectoire de la personne qui consulte et pourquoi on devient son interlocuteur plutôt qu’un autre.
Il faut aller au-delà de réponses simples comme « parce que je suis son médecin traitant », ou à l’inverse « parce qu’elle n’a pas pu en parler à son médecin traitant », en s’interrogeant sur des aspects liés à la tranche d’âge, au contexte, voire au caractère féminin ou masculin de l’interlocuteur.
• « Qu’est-ce qui n’a pas été dit, peut-il y avoir des éléments cachés ou qui apparaîtront ultérieurement ? ».
La deuxième question fait appel à l’imagination et a pour but de s’interroger. Ce type de questionnement maintient une forme de suspens dans la relation. Le détective qui se contenterait de la première piste qui lui est offerte sait bien avec son expérience qu’elle peut être trompeuse ; des ressorts cachés existent souvent.
Cet ensemble d’éléments aboutit à une esquisse comprenant une image, une impression pouvant aller de la perplexité à la sympathie, d’un sentiment d’ennui à un vécu d’agression. Un aspect essentiel concerne une autre dimension : la création d’un climat d’empathie.
Création de l’empathie
L’empathieempathie se définit comme une forme de relation accueillante, soutenante et disponible. Elle crée un climat d’écoute favorable montrant l’intérêt que l’on a ; elle pose un accompagnement, une réflexion. Dans le phénomène d’empathie, on essaie de se mettre à la place, « dans les chaussures ou dans l’habit », de l’autre personne. Une manière d’être empathique revient à se poser la question : « Est-ce que ce n’est pas trop difficile pour mon interlocuteur de me parler, de me dire certaines choses ; quelle image peut-il avoir de son thérapeute ? ». La création de l’empathie revient à permettre à une personne consultante de pouvoir exprimer des sujets intimes, des traumatismes, des éléments d’ambivalence.