CHAPITRE 3 Presbytie et verres correcteurs
Un quart de la population mondiale est aujourd’hui presbyte, proportion qui dépasse d’ores et déjà 40 % en Europe occidentale et en France, et croît régulièrement du fait de l’allongement de la durée de la vie (cf. chapitre 20 « Le candidat à la chirurgie réfractive »). Cette population, de plus en plus longtemps active, présente des besoins visuels variés qui nécessitent des équipements visuels performants et adaptés [24].
Les verres correcteurs, ou ophtalmiques, sont de très loin le moyen de correction le plus répandu pour la compensation des amétropies et de la presbytie. En France, plus de 95 % des personnes qui portent une correction possèdent des lunettes, alors que seulement 8 % sont équipés de lentilles de contact et que moins de 1 % ont subi une chirurgie réfractive [5].
La part des verres progressifs en France dans l’ensemble des modalités possibles (environ 60 %) est l’une des plus importantes au monde et ne cesse de croître du fait de leurs performances et de la diversité de l’offre, qui permet aujourd’hui de répondre à la plupart des besoins [5].
Une étude récente menée en France [21] a montré que le degré de satisfaction des patients passait de 39 % pour un équipement et une prestation standards à 70 % pour le meilleur verre progressif du marché prescrit et adapté par les professionnels les plus compétents disposant des moyens de mesure les plus avancés.
Réglage de l’addition
PRINCIPE DE LA COMPENSATION DE LA PRESBYTIE
L’œil possède une capacité maximale d’augmentation de sa puissance, dénommée amplitude maximale d’accommodation, qui détermine le point le plus rapproché dont il peut former une image nette sur sa rétine (fig. 3-1). On appelle parcours de l’accommodation, la distance qui sépare le point objet R le plus éloigné vu net sans accommoder (punctum remotum) et le point objet P le plus rapproché vu net en accommodant au maximum (punctum proximum). Chez l’emmétrope, ce parcours d’accommodation s’étend de l’infini au proximum situé à distance finie. Chez le myope, le parcours est réel et entièrement localisé à distance finie en avant de l’œil. Chez l’hypermétrope, le parcours d’accommodation est en partie virtuel (en arrière de l’œil) et en partie réel (en avant de l’œil).
DIFFÉRENTES MÉTHODES DE DÉTERMINATION DE L’ADDITION
MÉTHODE STATISTIQUE
Cette approche consiste, à partir d’une table de correspondance âge-addition (tableau 3-I), à choisir une valeur d’addition à essayer au patient et à en vérifier l’efficacité. Fondée sur des valeurs statistiques moyennes, cette méthode n’est que très approximative. En fonction de la table utilisée, les valeurs d’addition peuvent varier considérablement. Par ailleurs, l’âge de manifestation de la presbytie étant variable d’un patient à l’autre, en particulier en fonction de la latitude à laquelle il vit, cette méthode manque totalement d’universalité et donc de précision.
Tableau 3-I Correspondance âge-addition.
Âge | Addition |
---|---|
40 ans | 0,75 D |
44 ans | 1,00 D |
47 ans | 1,25 D |
49 ans | 1,50 D |
51 ans | 1,75 D |
54 ans | 2,00 D |
58 ans | 2,25 D |
63 ans | 2,50 D |
67 ans | 2,75 D |
70 ans | 3,00 D |
75 ans | 3,25 D |
80 ans | 3,50 D |
MÉTHODE DU TEST DUOCHROME « ROUGE/VERT », OU MÉTHODE DE FREEMAN
Comportant des similitudes avec la méthode précédente, la méthode du rouge/vert exploite l’aberration chromatique de l’œil (fig. 3-2). Le patient presbyte regardant un test rouge-vert à 40 cm aura naturellement une préférence pour la perception des caractères sur fond vert. L’introduction progressive de puissance convexe par quarts de dioptrie successifs permettra d’obtenir l’égalité rouge-vert et, directement, la valeur de l’addition. La variabilité de réaction d’un patient à l’autre, l’évolution de l’aberration chromatique avec l’âge et la stimulation différente de l’accommodation par le rouge et le vert font que cette méthode est toujours à utiliser avec prudence.
MÉTHODE DE LA RÉSERVE D’ACCOMMODATION
– avec le test mobile, le principe est de rechercher la position du punctum proximum d’accommodation (PPA). Pour cela, on rapproche le texte jusqu’à ce que le patient ne puisse plus lire et on en déduit l’amplitude d’accommodation maximale (Amax), qui est l’inverse de cette distance exprimée en mètres. La difficulté de cette mesure est l’imprécision possible dans l’estimation de la distance limite de lecture, en particulier chez le presbyte confirmé;
– avec le test fixe, placé par exemple à 40 cm, la mesure consiste à demander au patient de lire les plus petits caractères possibles et à l’accompagner en introduisant progressivement des verres convexes par quart de dioptrie jusqu’à rendre tout juste possible la lecture du plus petit texte (Parinaud 2, par exemple). L’amplitude maximale d’accommodation est alors donnée par la formule : Amax= 2,50 D (proximité du test) – Puissance convexe ajoutée.
RECOMMANDATIONS PRATIQUES
BIEN CORRIGER LA VISION DE LOIN
– soit la correction de l’hypermétropie est insuffisante et la valeur de l’addition en est augmentée d’autant, avec son cortège de conséquences;
– soit la correction est trop forte et se révèle source d’inconfort en vision de loin pour le patient.
COMPARER LA VALEUR DE L’ADDITION AUX NORMES STATISTIQUES
Dès l’addition déterminée, on pourra, avec l’âge du sujet, en comparer la valeur avec les données statistiques (tableau 3-I), afin de s’assurer en particulier que l’addition n’est pas excessive. Ces données sont des valeurs moyennes observées sur des presbytes occidentaux et applicables en France.
VÉRIFIER LE CONFORT DE VISION DU PATIENT
Test de la mire de Helmholtz
C’est un test de mise au point pour vérifier que la valeur de l’addition prescrite est en adéquation avec la distance de travail du sujet (fig. 3-3). Le sujet, équipé de sa correction de vision de près place la mire à sa distance habituelle de lecture et en observe le centre. Si les cercles du centre de la mire sont vus déformés, cela indique que la correction en vision de près n’est pas en adéquation avec la distance de lecture, qu’elle est soit trop faible, soit trop forte.
Verres bifocaux ou trifocaux
Bien qu’ils ne représentent plus aujourd’hui en France qu’une faible part des verres utilisés pour la correction des presbytes (moins de 5 % [5]), les verres bifocaux présentent des caractéristiques optiques et des applications intéressantes à aborder ici. Ils sont essentiellement utilisés pour le renouvellement des équipements de presbytes déjà porteurs de ce type de verres, mais également pour des équipements particuliers de vision de loin et de près.
GÉOMÉTRIES DE VERRES BIFOCAUX
De nombreuses géométries de verres bifocaux sont disponibles, tant du point de vue des formes que des dimensions ou positionnement du segment de vision de près (fig. 3-4). Le segment « courbe » est le plus utilisé en France car sa ligne de séparation est plus fine et moins visible que celle du segment « droit » très utilisé dans les pays anglo-saxons. Le segment « rond », exclusivement disponible aujourd’hui en version organique, est moins visible et particulièrement intéressant pour son usage chez les enfants. Le segment « grand champ » est souvent retenu pour des usages spécifiques nécessitant une plage de vision de près maximale ou pour les prescriptions d’addition pour correction de la vision binoculaire. Enfin, les verres trifocaux sont devenus d’un usage extrêmement restreint; il en subsiste une rare version standard en organique, les autres relevant de fabrications spéciales.
Verres progressifs
Depuis leur introduction dans les années soixante, les verres progressifs se sont peu à peu imposés comme les verres les plus performants pour corriger la presbytie, grâce à leur faculté à assurer une vision nette et confortable à toutes les distances. Aujourd’hui, ils représentent près de 60 % des verres correcteurs utilisés en France pour la correction de la presbytie, comparé à une moyenne mondiale d’environ 30 % [5].
PRINCIPES ET CARACTÉRISTIQUES
La réalisation d’une progression de puissance nécessite de raccorder, sur la même surface d’un verre, une zone de vision de loin et une zone de vision de près de rayons de courbure très différents et donne inévitablement naissance, dans les parties latérales du verre, à des zones de moindre qualité optique. La disposition, les caractéristiques et le contrôle de ces zones définissent sur le verre le champ de vision nette utilisable par le porteur (fig. 3-5).

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