Chapitre 3 Outils et stratégie d’exploration
Outils diagnostiques
Radiographies conventionnelles
Pour notre part, et en accord avec la méta-analyse de Holmes, elles restent indiquées dans la prise en charge des traumatismes mineurs [1]. Les radiographies permettent un tri rapide et peu onéreux pour cette multitude de patients générant de nombreuses demandes d’imagerie souvent inutiles ou qui ne répondent qu’à la tentative de se protéger sur un plan juridique. Nous n’ignorons certes pas son manque de sensibilité qui, pour certains, justifie le recours systématique au scanner. Toutefois cette attitude nous paraît excessive pour une pathologie dont la fréquence reste inférieure à 2 %. Ceci dit, le radiologue demeure maître de sa décision et peut récuser le bilan radiographique s’il estime que le résultat escompté sera médiocre ou incomplet, comme chez les patients corpulents, chez les sujets alités de plus de 65 ans, en cas de pathologie rachidienne dégénérative notoire.
• Pour les radiographies de la charnière cervico-occipitale, on respectera les critères du centrage intracrânien, à savoir : la superposition des structures paires et symétriques pour l’incidence de profil (fig. 3.1a), l’alignement des structures de la ligne médiane pour l’incidence de face bouche ouverte (fig. 3.1b).
• Pour les radiographies du rachis cervico-thoracolombaire, on exigera l’enfilement des plateaux vertébraux, la superposition des processus articulaires pour l’incidence de profil et l’alignement des processus épineux sur la ligne médiane pour l’incidence de face. Le centrage sera effectué préférentiellement sur la région suspecte.
• Les incidences obliques s’avèrent utiles au rachis cervical en présence d’une névralgie cervicobrachiale. Dans ce cas, on étudiera avec soin l’interligne uncovertébral. Un diastasis unilatéral est un signe pathognomonique en faveur d’une instabilité rotatoire justifiant une exploration scanographique [2, 3].
Radiographies dynamiques
Clichés radiographiques en orthostatisme
Certaines lésions spontanément réductibles peuvent passer totalement inaperçues si le bilan initial est fait en position couchée. Un contrôle radiographique debout, si les conditions cliniques le permettent, est alors recommandé [4]. Le bénéfice, lié à la mise sous tension des structures discoligamentaires et musculotendineuses en réponse à une mauvaise répartition des forces, est parfois substantiel. En effet, le simple poids de la tête ou du tronc peut dans ce cas révéler une lésion instable (fig. 3.2) ou mobiliser un fragment osseux dans le canal vertébral (fig. 3.3).
Fig. 3.2 Dislocation rotatoire positionnelle.
a. Radiographie de profil en décubitus.
b, c. Radiographie de profil et schéma correspondant en position debout
d. Coupe scanographique axiale passant par le disque C3–C4.
Clichés dynamiques en flexion–extension du rachis cervical
Bien que décriés dans la littérature, ils restent indiqués pour le diagnostic des entorses graves cervicales (fig. 3.4) et le bilan préchirurgical de certaines lésions instables de la charnière cervico-occipitale (fig. 3.5). Ils sont à proscrire de première intention en urgence. Si le bilan initial a été fait en décubitus, il devra être précédé, pour les raisons explicitées précédemment, d’une radiographie de profil debout, sans collier et en position indifférente. Ce n’est qu’après avoir vu ce cliché que le radiologue confirmera ou infirmera l’indication.
Fig. 3.4 Entorse grave C5–C6.
a. La radiographie de profil en position indifférente montre un écart interépineux (✽).
Les complications des épreuves dynamiques fonctionnelles de profil en flexion–extension sont exceptionnelles, sous réserve d’une technique rigoureuse : indication ponctuelle et en présence du radiologue, patient alerte et coopérant, mouvement uniquement actif, amplitude du mouvement strictement limité à l’arc indolore. Une amplitude supérieure à 30° de part et d’autre de la position neutre est recommandée pour limiter le pourcentage de faux négatifs [5, 6].
Scanner
C’est l’outil de choix pour l’analyse des lésions osseuses. Sur un plan pratique, il nous semble important de rappeler les points suivant :
• respect de l’alignement tête–cou–tronc lors de l’installation du patient, en particulier dans les traumatismes à haute énergie, chez les patients comateux ou intubés. En pratique, l’exploration sera effectuée en protégeant le rachis cervical par un collier semi-rigide. À défaut, on risque deux types de complications : luxation sous l’effet fléchissant de la têtière (fig. 3.6) ou rétrolisthésis en cas de cyphose thoracique ou de fracture sur rachis enraidi (fig. 3.7) ;
• le centrage du patient doit rester précis en particulier chez le polytraumatisé. L’alignement gabelle–manubrium sternal–symphyse pubienne positionne le rachis dans l’axe du tunnel et facilite les reformations multiplanaires en particulier dans le plan sagittal ;
• acquisition volumique en coupe fine millimétrique, voire inframillimètre pour la charnière cervico-occipitale et le rachis cervical ;
• adaptation du volume à explorer aux données cliniques : étude restreinte en cas de traumatisme direct localisé, étude élargie en prévision d’une ostéosynthèse, étude du rachis in toto chez le polytraumatisé et le traumatisé crânien sévère ;
• reconstruction en filtre spatial pour les structures osseuses, en filtre de densité pour les parties molles ;
• analyse systématique du rachis dans les trois plans. Pour la charnière cervico-occipitale, on prendra comme référence des critères intracrâniens, comme la ligne bivestibulaire de Wackenheim, la ligne rejoignant la tête des marteaux, la ligne de Fischgold (fig. 3.8). Ceci s’avère indispensable en cas de fractures déplacées, de torticolis ou d’asymétrie constitutionnelle (fig. 3.9). Pour les autres vertèbres, on utilisera comme référence le plan bipédiculaire et le plan du mur postérieur (fig. 3.10) ;
• dans certaines situations, on peut être amené à préciser le siège des traits de fracture sur l’arc neural au moyen de coupes obliques (fig. 3.11) ;
• l’injection de produit de contraste (angioscanner) est indispensable pour la mise en évidence des lésions vasculaires : dissection et/ou thrombose traumatique.