3: La réaction inflammatoire. Les inflammations

Chapitre 3 La réaction inflammatoire. Les inflammations






Généralités






Notions d’inflammation aiguë et d’inflammation chronique



Inflammation aiguë


L’inflammation aiguë représente la réponse immédiate à un agent agresseur, de courte durée (quelques jours ou semaines), d’installation souvent brutale et caractérisée par des phénomènes vasculo-exsudatifs intenses.


Les inflammations aiguës guérissent spontanément ou avec un traitement, mais peuvent laisser des séquelles si la destruction tissulaire est importante (cf. complément en ligne En savoir plus 3.1 image: « Les médiateurs chimiques »).



e.Tableau 3.1 Effets des principaux médiateurs chimiques





















Vasodilatation Histamine
Kinines
Prostaglandines
Augmentation de la perméabilité vasculaire Histamine
Bradykinine
Facteurs du complément C3a et C5a
Facteur d’activation plaquettaire
Leucotriènes C4, D4, E4
Chimiotactisme Leucotriène B4
Facteur du complément C5a
Chimiokines
Produits bactériens
Produits de dégradation de la fibrine
Thrombine
Fièvre TNF (tumor necrosis factor)
Interleukines 1 et 6
Prostaglandine E2
Douleur Bradykinine
Prostaglandines
Destruction (cellules, matrice) Radicaux libres oxygénés
Enzymes des lysosomes
Monoxyde d’azote
Cytokines lymphocytaires




Déroulement général des différentes étapes de la réaction inflammatoire


La réaction inflammatoire est un processus dynamique comportant plusieurs étapes successives : la réaction vasculo-exsudative, la réaction cellulaire, la détersion, la phase terminale de réparation et cicatrisation.



Réaction vasculo-exsudative


Elle se traduit cliniquement par :




Congestion active


Il s’agit d’une vasodilatation artériolaire puis capillaire dans la zone atteinte (figure 3.1). Localement, il en résulte une augmentation de l’apport sanguin et un ralentissement du courant circulatoire. La congestion est déclenchée rapidement par un mécanisme nerveux (nerfs vasomoteurs) et l’action de médiateurs chimiques.





Diapédèse leucocytaire


La diapédèse leucocytaire correspond à la migration des leucocytes en dehors de la microcirculation et leur accumulation dans le foyer lésionnel (figure 3.3).



Elle intéresse d’abord les polynucléaires (pendant les 6 à 24 premières heures), puis un peu plus tard (en 24 à 48 heures) les monocytes et les lymphocytes. Il s’agit d’une traversée active des parois vasculaires qui comporte plusieurs étapes :





Réaction cellulaire


La réaction cellulaire se caractérise par la formation du granulome inflammatoire ou tissu de granulation inflammatoire.



Composition cellulaire


Le foyer inflammatoire s’enrichit rapidement en cellules provenant du sang ou du tissu conjonctif local.



Localement certaines cellules vont se multiplier (c’est le cas des fibroblastes, lymphocytes, cellules endothéliales, et à un moindre degré des macrophages) et/ou vont se transformer ou se différencier.



La composition du tissu de granulation varie en fonction du temps (figure 3.4). Les polynucléaires sont le stigmate morphologique de l’inflammation aiguë mais généralement après quelques jours ou semaines d’évolution, le granulome inflammatoire contient plus de cellules inflammatoires mononucléées que de polynucléaires. Il s’agit alors de macrophages et de cellules de la réponse immune (lymphocytes et plasmocytes). Ensuite progressivement, sous l’influence de facteurs de croissance, le tissu de granulation s’enrichit en fibroblastes et en cellules endothéliales formant des néo-vaisseaux. Il est alors également appelé bourgeon charnu. La composition du tissu de granulation varie aussi en fonction de la cause de l’inflammation : un type cellulaire peut prédominer sur un autre.





Détersion


Elle succède progressivement à la phase vasculo-exsudative, et est contemporaine de la phase cellulaire.


La détersion peut être comparée à un nettoyage du foyer lésionnel : c’est l’élimination des tissus nécrosés (issus de l’agression initiale ou du processus inflammatoire lui-même), des agents pathogènes et de l’exsudat.


La détersion prépare obligatoirement la phase terminale de réparation-cicatrisation. Si la détersion est incomplète, l’inflammation aiguë va évoluer en inflammation chronique.


La détersion s’effectue selon 2 mécanismes : détersion interne et externe.





Réparation et cicatrisation


La réparation tissulaire suit une détersion complète. Elle aboutit à une cicatrice si le tissu lésé ne peut régénérer (ex : neurones ou cellules musculaires myocardiques) ou lorsque la destruction tissulaire a été très importante et/ou prolongée.


La réparation peut aboutir à une restitution intégrale du tissu : il ne persiste alors plus aucune trace de l’agression initiale et de l’inflammation qui a suivi. Cette évolution très favorable est observée lors d’agressions limitées, brèves, peu destructrices dans un tissu capable de régénération cellulaire.


Le processus de réparation implique de nombreux facteurs de croissance et des interactions complexes entre les cellules et la matrice extra-cellulaire pour réguler les proliférations et biosynthèses cellulaires.


Les étapes de la réparation tissulaire sont les suivantes :



Bourgeon charnu


La réparation passe par la constitution d’un nouveau tissu conjonctif appelé bourgeon charnu qui prend progressivement la place du granulome inflammatoire et va remplacer les tissus détruits au cours de l’inflammation.


Le bourgeon charnu comporte des leucocytes du tissu de granulation, des fibroblastes et myofibroblastes, et des néo-vaisseaux sanguins (figure 3.5). Au début, le bourgeon charnu possède une matrice extra-cellulaire lâche constituée principalement de glycosaminoglycanes, dont l’acide hyaluronique, de collagène de type III et de fibronectine. Le bourgeon charnu s’enrichit ensuite en fibres collagènes de type I, s’appauvrit en fibroblastes, néo-vaisseaux et leucocytes, et diminue de volume grâce à l’action contractile de myofibroblastes. Le bourgeon charnu évolue progressivement soit vers une cicatrice soit vers la reconstitution d’un tissu conjonctif identique au tissu préexistant à l’inflammation.





Régénération épithéliale


Elle apparaît parallèlement à la réparation conjonctive. Les cellules épithéliales détruites sont remplacées par la prolifération des cellules épithéliales saines situées autour du foyer inflammatoire.



Exemple des hépatites :




Variétés morphologiques des inflammations aiguës et chroniques



Variétés d’inflammations aiguës





Inflammation fibrineuse


Elle est caractérisée par un exsudat très riche en fibrinogène qui se coagule en un réseau de fibrine. L’aspect macroscopique est celui de filaments blanchâtres, très fins ou épais (appelés aussi « fausses membranes »), souvent déposés à la surface d’une séreuse (figures 3.9, 3.10). Dans le poumon, les dépôts de fibrine forment les « membranes hyalines » tapissant l’intérieur des parois alvéolaires dans diverses pneumonies aiguës.




L’évolution se fait soit avec une lyse complète de la fibrine par les enzymes des polynucléaires et une guérison sans séquelle, soit avec une détersion incomplète de la fibrine. Dans ce cas, un tissu fibreux va progressivement remplacer la fibrine. Ce phénomène appelé « organisation » conduit à des adhérences fibreuses focales des séreuses, les brides, ou à une adhérence diffuse des feuillets séreux appelée symphyse pleurale ou péricardique (figure 3.11). Dans les poumons, l’organisation fibreuse de membranes hyalines peut conduire à un épaississement fibreux des parois alvéolaires (fibrose systématisée) ou à un comblement fibreux des alvéoles (fibrose mutilante).





Inflammation purulente ou suppurée


Elle est caractérisée par la présence massive de pyocytes (polynucléaires altérés).


L’inflammation suppurée est le plus souvent secondaire à une infection par des bactéries dites pyogènes (staphylocoque, streptocoque, pneumocoque, etc.) (figure 3.13). Elle peut être aseptique, après arrivée massive de polynucléaires dans un site inflammatoire et la libération massive de leurs enzymes.



L’inflammation suppurée peut se rencontrer sous plusieurs formes : pustule, abcès, phlegmon ou empyème.



Pustule : accumulation de pus dans l’épaisseur de l’épiderme ou sous l’épiderme décollé.


Abcès : inflammation suppurée localisée creusant une cavité dans un organe plein (cf. complément en ligne En savoir plus 3.2 image: « Morphologie et évolution d’un abcès »).


Phlegmon : suppuration diffuse non circonscrite, s’étendant le long des gaines tendineuses, ou dans le tissu conjonctif entre les aponévroses et entre les faisceaux musculaires des membres.



En savoir plus 3.2


Morphologie et évolution d’un abcès


Les enzymes protéolytiques de très nombreux polynucléaires (dont des élastases et collagénases) sont responsables d’une nécrose de liquéfaction qui creuse une cavité dans un tissu. Le pus est un mélange de pyocytes, de fibrine et de nécrose tissulaire qui est collecté au centre de l’abcès (e.Figure 3.1) ; en périphérie se forme un tissu de granulation inflammatoire appelé « membrane pyogénique » circonscrivant le pus (e.Figure 3.2). L’évolution spontanée d’un abcès est variable. Si la détersion est complète, un bourgeon charnu comble progressivement la cavité puis laisse une cicatrice. Le plus souvent la détersion spontanée est incomplète : l’abcès s’entoure d’une coque fibreuse épaisse et devient chronique : c’est l’abcès enkysté. La nécrose tissulaire peut s’étendre, ulcérer la peau ou s’ouvrir dans un conduit naturel (bronches, cavité pyélo-calicielle, etc.) : c’est l’abcès fistulisé.




Il s’observe lors d’infection par des bactéries secrétant en grande quantité des enzymes dégradant le tissu conjonctif (hyaluronidase du streptocoque hémolytique). L’inflammation s’étend sans se collecter et a peu de chance d’être détergée. Le phlegmon évolue donc fréquemment vers la chronicité avec formation d’une fibrose.


Empyème : suppuration collectée dans une cavité naturelle préexistante.


Par exemple : cavités séreuses (figure 3.14), articulations (arthrite), sinus (sinusite), trompe (pyo-salpinx), vésicule biliaire (pyo-cholécyste), appendice (pyo-appendicite) (figure 3.15), espace limité par les méninges (empyème sous-dural).






Variétés d’inflammations chroniques


Dans les inflammations de longue durée évoluent simultanément une inflammation active, des destructions tissulaires et une tentative de réparation.



Caractères morphologiques communs aux inflammations chroniques




Peu ou pas de phénomènes exsudatifs, sauf en cas de poussée inflammatoire aiguë émaillant une évolution chronique (ex : la synovite de la polyarthrite rhumatoïde présente, lors des poussées actives de la maladie, un abondant exsudat fibrineux intra-articulaire, des ulcérations du revêtement synovial et un afflux de polynucléaires).


Le granulome inflammatoire contient peu ou pas de polynucléaires neutrophiles et est constitué principalement de cellules mononucléées : lymphocytes, plasmocytes, monocytes-macrophages, fibroblastes, parfois avec des polynucléaires éosinophiles ou basophiles et des mastocytes. La proportion de ces différentes cellules est variable selon l’étiologie de l’inflammation : prédominance de lymphocytes et plasmocytes dans certaines maladies auto-immunes (ex : thyroïdite lymphocytaire) ou dans des pathologies virales (ex : hépatite chronique liée au virus C) ; prédominance de monocytes-macrophages dans certaines infections chroniques et dans les réactions à corps étrangers. Les monocytes-macrophages peuvent prendre des aspects morphologiques particuliers :








Variétés pathologiques de la réparation/cicatrisation




Plaie atone : le tissu de granulation inflammatoire est déficient, entraînant un bourgeon charnu atrophique pauvre en capillaires sanguins. La cicatrisation est alors impossible. Exemple fréquent : diabète avec neuropathie et troubles de la micro-circulation locale.


Bourgeon charnu hyperplasique (synonyme : pseudo botryomycome) : développement excessif d’un bourgeon charnu hypervascularisé, lié à des facteurs locaux irritatifs ou infectieux.


Hyperplasie épithéliale au pourtour d’un foyer inflammatoire : cette hyperplasie de l’épiderme ou d’un revêtement muqueux peut parfois simuler une tumeur, cliniquement et microscopiquement (hyperplasie pseudo-épithéliomateuse) (figure 3.18).


Cicatrice hypertrophique : excès de tissu conjonctif collagène par excès d’activité des myofibroblastes. Cette cicatrice hypertrophique a tendance à s’atténuer au cours du temps, à la différence de la chéloïde qui persiste ou augmente de volume au cours du temps.


Chéloïde : il s’agit d’une lésion hypertrophique du tissu conjonctif du derme survenant après une plaie ou spontanément (figure 3.19). Elle est constituée de gros trousseaux anormaux de collagène (collagène dit « hyalin » très dense aux colorants) (figure 3.20) et résulte d’une dérégulation de la synthèse de la matrice extra-cellulaire sur un terrain génétiquement prédisposé (prédominance dans la race noire). Une chéloïde peut récidiver après une exérèse chirurgicale.


Cicatrice rétractile : exagération du processus normal de contraction du tissu fibreux cicatriciel. Elle survient le plus souvent après des traumatismes sévères (brûlures profondes) au niveau des plantes et des paumes ou du thorax, et peut gêner la mobilité articulaire.






Fibroses



Définition


La fibrose est une lésion élémentaire du tissu conjonctif définie par l’augmentation des constituants fibrillaires de la matrice extra-cellulaire dans un tissu ou un organe. Elle est une composante fréquente des processus inflammatoires mais peut aussi survenir dans d’autres conditions pathologiques (pathologies vasculaires, métaboliques, tumorales).


La sclérose est l’induration des tissus liée à la fibrose. Il s’agit donc d’un terme macroscopique mais souvent employé comme synonyme de fibrose.


La matrice extra-cellulaire (MEC) est une structure multimoléculaire complexe comprenant des fibres de collagènes, des fibres élastiques, des glycoprotéines de structure dont la fibronectine et la laminine, et des mucopolysaccharides. Il s’agit d’un milieu dynamique, organisé en un réseau tridimensionnel et physiologiquement en équilibre entre les processus de synthèse, de dépôt dans le milieu extra-cellulaire et les processus de dégradation de ces molécules.


La constitution d’une fibrose résulte d’une rupture de l’équilibre de la MEC : augmentation des processus de synthèse et de dépôt des constituants de la MEC d’une part et diminution de leur dégradation d’autre part.


Une fibrose constituée peut rester stable, s’aggraver sous l’action répétée d’agressions tissulaires, ou régresser.


La régression est une évolution rare, concernant des fibroses récentes et nécessitant la disparition du stimulus initial de la fibrogénèse.



Circonstances étiologiques des fibroses


Si l’évolution spontanée d’une réaction inflammatoire chronique prolongée est souvent la fibrose, toutes les fibroses ne sont pas pour autant d’origine inflammatoire.






Morphologie macroscopique et microscopique des fibroses




Microscopie


Les aspects microscopiques des fibroses sont variables.



Selon l’ancienneté de la fibrose




Fibrose récente en voie de constitution (figure 3.24) : fibrose « lâche » riche en MEC non fibrillaire (prédominance de mucopolysaccharides), fibres de collagène peu épaisses et peu condensées (surtout de type III et IV), nombreux fibroblastes et myofibroblastes, présence de leucocytes de la réaction inflammatoire.


Fibrose ancienne (figure 3.25) : fibrose dense, riche en fibres collagènes épaisses et condensées (surtout de type I) avec peu de cellules et moins de substance fondamentale hydrosoluble.






Selon sa topographie





Pour plus d’informations, voir le complément en ligne En savoir plus 3.3 image: « Un exemple de fibrose mutilante : la cirrhose hépatique ».


May 7, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 3: La réaction inflammatoire. Les inflammations

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