Chapitre 3 La réaction inflammatoire. Les inflammations
Connaître la définition, les étiologies et le déroulement général de la réaction inflammatoire.
Savoir définir une inflammation aiguë, une inflammation chronique, une congestion active, un œdème inflammatoire, un exsudat, une diapédèse leucocytaire, un tissu de granulation, un granulome inflammatoire, une détersion, un bourgeon charnu, une inflammation granulomateuse, un granulome épithélioïde et gigantocellulaire, un granulome pyoépithélioïde, une pustule, un abcès, un phlegmon, un empyème, une cellule géante.
Savoir définir et donner un exemple pour les différentes variétés morphologiques des inflammations aiguës.
Connaître la définition, les étiologies, les principales caractéristiques macroscopiques et microscopiques des fibroses.
Savoir donner des exemples de corps étrangers endogènes et exogènes pouvant être à l’origine d’une réaction inflammatoire.
Connaître les principales caractéristiques macroscopiques, microscopiques ainsi que les modalités évolutives des lésions tuberculeuses.
Généralités
Définition
L’inflammation ou réaction inflammatoire est la réponse des tissus vivants, vascularisés, à une agression.
• des phénomènes généraux, exprimés biologiquement par le syndrome inflammatoire et cliniquement de façon variable, le plus souvent par de la fièvre et éventuellement une altération de l’état général ;
• des phénomènes locaux : l’inflammation se déroule dans le tissu conjonctif vascularisé.
Étiologies
• infection : contamination par des micro-organismes (bactéries, virus, parasites, champignons) ;
• agents physiques : traumatisme, chaleur, froid, radiations ;
• agents chimiques : caustiques, toxines, venins ;
• corps étrangers : exogènes ou endogènes ;
• défaut de vascularisation : réaction inflammatoire secondaire à une nécrose par ischémie ;
• agression dysimmunitaire (anomalie de la réponse immunitaire, allergies, auto-immunité).
• l’agent pathogène peut être endogène ou exogène ;
• les micro-organismes infectieux ne constituent qu’une partie des causes de l’inflammation. Une réaction inflammatoire n’est donc pas synonyme d’infection ;
• un même agent pathogène peut entraîner des réactions inflammatoires différentes selon l’hôte, en particulier selon l’état des défenses immunitaires ;
• plusieurs causes peuvent être associées dans le déclenchement d’une réaction inflammatoire.
Notions d’inflammation aiguë et d’inflammation chronique
Inflammation aiguë
L’inflammation aiguë représente la réponse immédiate à un agent agresseur, de courte durée (quelques jours ou semaines), d’installation souvent brutale et caractérisée par des phénomènes vasculo-exsudatifs intenses.
Les inflammations aiguës guérissent spontanément ou avec un traitement, mais peuvent laisser des séquelles si la destruction tissulaire est importante (cf. complément en ligne En savoir plus 3.1 : « Les médiateurs chimiques »).
En savoir plus 3.1
Les médiateurs chimiques
La plupart des médiateurs exercent leurs actions en se fixant à des récepteurs membranaires sur des cellules cibles. Ils provoquent des réactions en cascade : un médiateur peut déclencher la libération d’autres médiateurs par les cellules cibles et qui agissent de façon synergique ou antagoniste. L’activation de divers médiateurs peut se répéter au cours du processus inflammatoire, entraînant des mécanismes d’amplification ou de résistance à l’action médiatrice initiale. Dans les conditions physiologiques, la régulation du déroulement de la réaction inflammatoire implique que les médiateurs soient rapidement inactivés par un ou plusieurs inhibiteurs ou détruits (e.tableau 3.1).
Vasodilatation | Histamine Kinines Prostaglandines |
Augmentation de la perméabilité vasculaire | Histamine Bradykinine Facteurs du complément C3a et C5a Facteur d’activation plaquettaire Leucotriènes C4, D4, E4 |
Chimiotactisme | Leucotriène B4 Facteur du complément C5a Chimiokines Produits bactériens Produits de dégradation de la fibrine Thrombine |
Fièvre | TNF (tumor necrosis factor) Interleukines 1 et 6 Prostaglandine E2 |
Douleur | Bradykinine Prostaglandines |
Destruction (cellules, matrice) | Radicaux libres oxygénés Enzymes des lysosomes Monoxyde d’azote Cytokines lymphocytaires |
Inflammation chronique
L’inflammation chronique correspond à une inflammation n’ayant aucune tendance à la guérison spontanée et qui évolue en persistant ou en s’aggravant pendant plusieurs mois ou plusieurs années.
On peut distinguer deux types de circonstances de survenue des inflammations chroniques :
• les inflammations aiguës évoluent en inflammations prolongées subaiguës et chroniques lorsque l’agent pathogène initial persiste dans les tissus, ou lorsqu’une inflammation aiguë récidive de façon répétée dans le même organe en entraînant à chaque épisode des destructions tissulaires de moins en moins bien réparées ;
• les inflammations peuvent parfois se manifester d’emblée sous une forme apparemment chronique. La phase aiguë vasculo-exsudative est passée inaperçue car brève ou asymptomatique. C’est souvent le cas de maladies auto-immunes et d’affections pour lesquelles les mécanismes dysimmunitaires sont prépondérants (ex : hépatite auto-immune).
Déroulement général des différentes étapes de la réaction inflammatoire
Réaction vasculo-exsudative
Elle se traduit cliniquement par :
• quatre signes cardinaux classiques de l’inflammation aiguë : rougeur, chaleur, tuméfaction, douleur ;
• elle comporte trois phénomènes : une congestion active, un œdème inflammatoire, une diapédèse leucocytaire.
Congestion active
Il s’agit d’une vasodilatation artériolaire puis capillaire dans la zone atteinte (figure 3.1). Localement, il en résulte une augmentation de l’apport sanguin et un ralentissement du courant circulatoire. La congestion est déclenchée rapidement par un mécanisme nerveux (nerfs vasomoteurs) et l’action de médiateurs chimiques.
Œdème inflammatoire
L’œdème inflammatoire résulte du passage dans le tissu conjonctif interstitiel ou les cavités séreuses d’un liquide appelé exsudat constitué d’eau et de protéines plasmatiques.
Sa traduction clinique est un gonflement des tissus qui, en comprimant des terminaisons nerveuses, est responsable de la douleur (également provoquée par certains médiateurs chimiques). Sa traduction microscopique est un aspect pâle, peu colorable et distendu du tissu conjonctif (figure 3.2).
Rôle et conséquences de l’œdème :
• apport local de médiateurs chimiques et de moyens de défense (immunoglobulines, facteurs de la coagulation, facteurs du complément) ;
• dilution des toxines accumulées dans la lésion ;
• limitation du foyer inflammatoire par une barrière de fibrine (provenant du fibrinogène plasmatique), ce qui évite la diffusion de micro-organismes infectieux ;
• ralentissement du courant circulatoire par hémoconcentration, ce qui favorise le phénomène suivant : la diapédèse leucocytaire.
Diapédèse leucocytaire
La diapédèse leucocytaire correspond à la migration des leucocytes en dehors de la microcirculation et leur accumulation dans le foyer lésionnel (figure 3.3).
Figure 3.3 Diapédèse leucocytaire : passage de leucocytes au travers de la paroi d’un capillaire dilaté.
1. margination des leucocytes à proximité des cellules endothéliales, favorisée par le ralentissement du courant circulatoire ;
2. adhérence des leucocytes aux cellules endothéliales, par la mise en jeu de molécules d’adhésion présentes sur la membrane des leucocytes et sur l’endothélium ;
3. passage trans-endothélial des leucocytes. Les leucocytes émettent des pseudopodes qui s’insinuent entre les jonctions intercellulaires des cellules endothéliales puis traversent la membrane basale grâce à une dépolymérisation transitoire provoquée par leurs enzymes. [Schéma 3.1]
Réaction cellulaire
La réaction cellulaire se caractérise par la formation du granulome inflammatoire ou tissu de granulation inflammatoire.
Composition cellulaire
• Du sang : polynucléaires, monocytes et lymphocytes. Après diapédèse, ces leucocytes quittent le territoire péri-vasculaire et migrent vers le foyer lésionnel par chimiotactisme. Les agents chimiotactiques, produits par les tissus altérés, par des bactéries et par les leucocytes déjà présents dans le foyer inflammatoire, se fixent sur des récepteurs membranaires des leucocytes, ce qui conduit à l’activation de leur cytosquelette et à leur mobilisation.
• Du tissu conjonctif local : fibroblastes, cellules endothéliales, mastocytes et macrophages résidents.
• Accumulation de polynucléaires dont la durée de vie est courte (3–4 jours). Leurs enzymes sont libérées dans le foyer inflammatoire. L’apport de nouveaux neutrophiles doit être soutenu dans les phases initiales de l’inflammation par une production hématopoïétique accrue.
• Les monocytes deviennent des macrophages activés capables de phagocytose, de sécrétion de nombreux médiateurs et de coopération avec les lymphocytes pour le développement de la réaction immunitaire (présentation de molécules antigéniques aux lymphocytes). Leur durée de vie est plus longue que celle des polynucléaires.
• Transformation des lymphocytes B en plasmocytes sécrétant des immunoglobulines ; activation des lymphocytes T : sécrétion de nombreux médiateurs, acquisition de propriétés cytotoxiques et coopération avec les lymphocytes B.
• Modification des fibroblastes en myofibroblastes : acquisition de propriétés contractiles et synthèse des constituants de la matrice extra-cellulaire.
La composition du tissu de granulation varie en fonction du temps (figure 3.4). Les polynucléaires sont le stigmate morphologique de l’inflammation aiguë mais généralement après quelques jours ou semaines d’évolution, le granulome inflammatoire contient plus de cellules inflammatoires mononucléées que de polynucléaires. Il s’agit alors de macrophages et de cellules de la réponse immune (lymphocytes et plasmocytes). Ensuite progressivement, sous l’influence de facteurs de croissance, le tissu de granulation s’enrichit en fibroblastes et en cellules endothéliales formant des néo-vaisseaux. Il est alors également appelé bourgeon charnu. La composition du tissu de granulation varie aussi en fonction de la cause de l’inflammation : un type cellulaire peut prédominer sur un autre.
Rôles du granulome inflammatoire
• Assurer la détersion par les phagocytes (polynucléaires et macrophages).
• Développer une réaction immunitaire lymphocytaire B et/ou T.
• Sécréter de multiples médiateurs intervenant dans le recrutement cellulaire, la phagocytose, la défense immunitaire, et la modification de la matrice conjonctive.
Détersion
Elle succède progressivement à la phase vasculo-exsudative, et est contemporaine de la phase cellulaire.
La détersion s’effectue selon 2 mécanismes : détersion interne et externe.
Détersion externe
• Spontanée : la détersion s’effectue par liquéfaction du matériel nécrosé (pus, caséum) et élimination par fistulisation à la peau ou dans un conduit naturel bronchique, urinaire, ou intestinal.
• Chirurgicale : la détersion s’effectue par parage chirurgical souvent indispensable lorsque les lésions sont trop étendues ou souillées.
Réparation et cicatrisation
La réparation tissulaire suit une détersion complète. Elle aboutit à une cicatrice si le tissu lésé ne peut régénérer (ex : neurones ou cellules musculaires myocardiques) ou lorsque la destruction tissulaire a été très importante et/ou prolongée.
Les étapes de la réparation tissulaire sont les suivantes :
Bourgeon charnu
La réparation passe par la constitution d’un nouveau tissu conjonctif appelé bourgeon charnu qui prend progressivement la place du granulome inflammatoire et va remplacer les tissus détruits au cours de l’inflammation.
Le bourgeon charnu comporte des leucocytes du tissu de granulation, des fibroblastes et myofibroblastes, et des néo-vaisseaux sanguins (figure 3.5). Au début, le bourgeon charnu possède une matrice extra-cellulaire lâche constituée principalement de glycosaminoglycanes, dont l’acide hyaluronique, de collagène de type III et de fibronectine. Le bourgeon charnu s’enrichit ensuite en fibres collagènes de type I, s’appauvrit en fibroblastes, néo-vaisseaux et leucocytes, et diminue de volume grâce à l’action contractile de myofibroblastes. Le bourgeon charnu évolue progressivement soit vers une cicatrice soit vers la reconstitution d’un tissu conjonctif identique au tissu préexistant à l’inflammation.
Constitution d’une cicatrice
La cicatrice est la marque définitive parfois laissée par le foyer inflammatoire après la phase de bourgeon charnu.
Elle est formée d’un tissu conjonctif fibreux (prédominance de collagène) prenant la place des tissus définitivement détruits (figure 3.6). La structure d’une cicatrice se modifie progressivement pendant plusieurs mois.
Régénération épithéliale
• Au niveau d’un revêtement(peau, muqueuses), l’épithélium régénère, depuis la périphérie jusqu’au centre de la perte tissulaire, dès lors que celle-ci est comblée par le bourgeon charnu. Cette régénération peut se faire sur un mode métaplasique (ex : régénération de l’épithélium cylindrique bronchique sous la forme d’un épithélium malpighien) ou un mode atrophique avec disparition de certaines fonctions spécialisées (ex : disparition de cils vibratiles).
• Au niveau d’un parenchyme (foie, glandes exocrines, rein, etc.) : la qualité de la régénération épithéliale dépend d’une part de l’importance de la destruction initiale du tissu (et notamment de l’intensité de la destruction de la trame conjonctive de soutien), d’autre part du pouvoir mitotique des cellules épithéliales.
• dans les hépatites virales aiguës communes, la trame conjonctive de soutien des hépatocytes reste intacte et la régénération hépatocytaire à partir d’hépatocytes non nécrosés, guidée par cette trame conjonctive, aboutit à la formation de nouvelles travées hépatocytaires normales et sans cicatrice ;
• dans les hépatites virales aiguës graves, la destruction hépatocytaire et conjonctive initiale est importante et la régénération hépatocytaire aboutit à des travées hépatiques épaissies et désorganisées, associées à des territoires de cicatrice.
Variétés morphologiques des inflammations aiguës et chroniques
Variétés d’inflammations aiguës
Inflammation congestive et œdémateuse
Elle est caractérisée par une vasodilatation intense et un exsudat particulièrement abondant.
• réaction allergique au niveau de la muqueuse nasale ou du larynx (hypersensibilité de type I anaphylactique) ;
• œdème aigu du poumon au cours d’une infection virale (figure 3.7).
La gravité est fonction de l’organe touché. L’évolution est habituellement résolutive sans séquelle.
Inflammation hémorragique
Extravasation de globules rouges (érythrodiapédèse) par augmentation exagérée de la perméabilité capillaire et altération des cellules endothéliales ou bien ulcérations d’une muqueuse et de ses vaisseaux.
• infections virales (pneumonies, encéphalite, etc.) ;
• purpura d’une septicémie à méningocoque ;
• poussée aiguë d’une rectocolite ulcéro-hémorragique (figure 3.8).
Inflammation fibrineuse
Elle est caractérisée par un exsudat très riche en fibrinogène qui se coagule en un réseau de fibrine. L’aspect macroscopique est celui de filaments blanchâtres, très fins ou épais (appelés aussi « fausses membranes »), souvent déposés à la surface d’une séreuse (figures 3.9, 3.10). Dans le poumon, les dépôts de fibrine forment les « membranes hyalines » tapissant l’intérieur des parois alvéolaires dans diverses pneumonies aiguës.
L’évolution se fait soit avec une lyse complète de la fibrine par les enzymes des polynucléaires et une guérison sans séquelle, soit avec une détersion incomplète de la fibrine. Dans ce cas, un tissu fibreux va progressivement remplacer la fibrine. Ce phénomène appelé « organisation » conduit à des adhérences fibreuses focales des séreuses, les brides, ou à une adhérence diffuse des feuillets séreux appelée symphyse pleurale ou péricardique (figure 3.11). Dans les poumons, l’organisation fibreuse de membranes hyalines peut conduire à un épaississement fibreux des parois alvéolaires (fibrose systématisée) ou à un comblement fibreux des alvéoles (fibrose mutilante).
Inflammation thrombosante
Des caillots sanguins oblitérant les petites veines et artères sont possibles dans tout foyer inflammatoire et tout particulièrement quand il existe une lésion directe des parois vasculaires ou de l’endocarde.
• vascularite systémique : atteinte vasculaire des rejets aigus de greffe rénale ;
• endocardites infectieuses : les valves cardiaques sont ulcérées et recouvertes de thrombus friables et septiques (appelés végétations) (figure 3.12).
Inflammation purulente ou suppurée
Elle est caractérisée par la présence massive de pyocytes (polynucléaires altérés).
L’inflammation suppurée est le plus souvent secondaire à une infection par des bactéries dites pyogènes (staphylocoque, streptocoque, pneumocoque, etc.) (figure 3.13). Elle peut être aseptique, après arrivée massive de polynucléaires dans un site inflammatoire et la libération massive de leurs enzymes.
Figure 3.13 Méningite suppurée à pneumocoque ; dépôt d’un liquide verdâtre prédominant sur le tronc cérébral.
• Pustule : accumulation de pus dans l’épaisseur de l’épiderme ou sous l’épiderme décollé.
• Abcès : inflammation suppurée localisée creusant une cavité dans un organe plein (cf. complément en ligne En savoir plus 3.2 : « Morphologie et évolution d’un abcès »).
• Phlegmon : suppuration diffuse non circonscrite, s’étendant le long des gaines tendineuses, ou dans le tissu conjonctif entre les aponévroses et entre les faisceaux musculaires des membres.
En savoir plus 3.2
Morphologie et évolution d’un abcès
Les enzymes protéolytiques de très nombreux polynucléaires (dont des élastases et collagénases) sont responsables d’une nécrose de liquéfaction qui creuse une cavité dans un tissu. Le pus est un mélange de pyocytes, de fibrine et de nécrose tissulaire qui est collecté au centre de l’abcès (e.Figure 3.1) ; en périphérie se forme un tissu de granulation inflammatoire appelé « membrane pyogénique » circonscrivant le pus (e.Figure 3.2). L’évolution spontanée d’un abcès est variable. Si la détersion est complète, un bourgeon charnu comble progressivement la cavité puis laisse une cicatrice. Le plus souvent la détersion spontanée est incomplète : l’abcès s’entoure d’une coque fibreuse épaisse et devient chronique : c’est l’abcès enkysté. La nécrose tissulaire peut s’étendre, ulcérer la peau ou s’ouvrir dans un conduit naturel (bronches, cavité pyélo-calicielle, etc.) : c’est l’abcès fistulisé.
• Empyème : suppuration collectée dans une cavité naturelle préexistante.
Par exemple : cavités séreuses (figure 3.14), articulations (arthrite), sinus (sinusite), trompe (pyo-salpinx), vésicule biliaire (pyo-cholécyste), appendice (pyo-appendicite) (figure 3.15), espace limité par les méninges (empyème sous-dural).
Inflammation gangréneuse
La gangrène est caractérisée par une nécrose tissulaire extensive due à des bactéries anaérobies (libération de toxines, de collagénases) et/ou à des thromboses dans le foyer inflammatoire (source de nécrose ischémique), les deux mécanismes étant souvent étroitement intriqués. Généralement, l’altération de l’état général est sévère.
• cholécystite gangréneuse (figure 3.16) ou appendicite gangréneuse, avec un risque important de perforation de ces organes et de péritonite ;
Variétés d’inflammations chroniques
Dans les inflammations de longue durée évoluent simultanément une inflammation active, des destructions tissulaires et une tentative de réparation.
Caractères morphologiques communs aux inflammations chroniques
• Peu ou pas de phénomènes exsudatifs, sauf en cas de poussée inflammatoire aiguë émaillant une évolution chronique (ex : la synovite de la polyarthrite rhumatoïde présente, lors des poussées actives de la maladie, un abondant exsudat fibrineux intra-articulaire, des ulcérations du revêtement synovial et un afflux de polynucléaires).
• Le granulome inflammatoire contient peu ou pas de polynucléaires neutrophiles et est constitué principalement de cellules mononucléées : lymphocytes, plasmocytes, monocytes-macrophages, fibroblastes, parfois avec des polynucléaires éosinophiles ou basophiles et des mastocytes. La proportion de ces différentes cellules est variable selon l’étiologie de l’inflammation : prédominance de lymphocytes et plasmocytes dans certaines maladies auto-immunes (ex : thyroïdite lymphocytaire) ou dans des pathologies virales (ex : hépatite chronique liée au virus C) ; prédominance de monocytes-macrophages dans certaines infections chroniques et dans les réactions à corps étrangers. Les monocytes-macrophages peuvent prendre des aspects morphologiques particuliers :
Variétés pathologiques de la réparation/cicatrisation
• Plaie atone : le tissu de granulation inflammatoire est déficient, entraînant un bourgeon charnu atrophique pauvre en capillaires sanguins. La cicatrisation est alors impossible. Exemple fréquent : diabète avec neuropathie et troubles de la micro-circulation locale.
• Bourgeon charnu hyperplasique (synonyme : pseudo botryomycome) : développement excessif d’un bourgeon charnu hypervascularisé, lié à des facteurs locaux irritatifs ou infectieux.
• Hyperplasie épithéliale au pourtour d’un foyer inflammatoire : cette hyperplasie de l’épiderme ou d’un revêtement muqueux peut parfois simuler une tumeur, cliniquement et microscopiquement (hyperplasie pseudo-épithéliomateuse) (figure 3.18).
• Cicatrice hypertrophique : excès de tissu conjonctif collagène par excès d’activité des myofibroblastes. Cette cicatrice hypertrophique a tendance à s’atténuer au cours du temps, à la différence de la chéloïde qui persiste ou augmente de volume au cours du temps.
• Chéloïde : il s’agit d’une lésion hypertrophique du tissu conjonctif du derme survenant après une plaie ou spontanément (figure 3.19). Elle est constituée de gros trousseaux anormaux de collagène (collagène dit « hyalin » très dense aux colorants) (figure 3.20) et résulte d’une dérégulation de la synthèse de la matrice extra-cellulaire sur un terrain génétiquement prédisposé (prédominance dans la race noire). Une chéloïde peut récidiver après une exérèse chirurgicale.
• Cicatrice rétractile : exagération du processus normal de contraction du tissu fibreux cicatriciel. Elle survient le plus souvent après des traumatismes sévères (brûlures profondes) au niveau des plantes et des paumes ou du thorax, et peut gêner la mobilité articulaire.
Fibroses
Définition
La fibrose est une lésion élémentaire du tissu conjonctif définie par l’augmentation des constituants fibrillaires de la matrice extra-cellulaire dans un tissu ou un organe. Elle est une composante fréquente des processus inflammatoires mais peut aussi survenir dans d’autres conditions pathologiques (pathologies vasculaires, métaboliques, tumorales).
La sclérose est l’induration des tissus liée à la fibrose. Il s’agit donc d’un terme macroscopique mais souvent employé comme synonyme de fibrose.
Circonstances étiologiques des fibroses
Fibrose au cours des réactions inflammatoires
La fibrose est constante au cours des inflammations chroniques.
• les hépatites chroniques (d’origine virale, auto-immune ou médicamenteuse) présentent au cours de leur évolution l’élaboration d’une fibrose élargissant d’abord les espaces portes puis formant des ponts fibreux (septa) réunissant des espaces portes entre eux ou à des veines centro-lobulaires (figure 3.21) ;
• dans certaines maladies inflammatoires chroniques de cause inconnue, une fibrose mutilante est au premier plan de la maladie et entraîne d’importantes destructions. C’est le cas de la fibrose rétropéritonéale où une fibrose inflammatoire remplace le tissu adipeux rétropéritonéal et comprime la veine cave et les uretères ou bien de la thyroïdite chronique de Riedel où la fibrose détruit la glande thyroïde et s’étend aux tissus mous cervicaux (figure 3.22).
Figure 3.21 Hépatite virale chronique active : un pont (septum) arciforme fibro-inflammatoire entre deux espaces portes.
Fibrose dystrophique remplaçant un tissu fonctionnel altéré
• Fibrose atrophique par déficit hormonal (ex : fibrose des ovaires après la ménopause).
• Pathologie métabolique et génétique (ex : développement d’une fibrose hépatique au cours de l’hémochromatose génétique ou d’une fibrose remplaçant les fibres musculaires détruites dans les myopathies congénitales).
• Sénescence (ex : fibrose élastosique du derme ; fibrose intimale de l’artériosclérose).
Morphologie macroscopique et microscopique des fibroses
Macroscopie
• sténose cicatricielle fibreuse de la paroi œsophagienne après ingestion de caustiques ou œsophagite radique ;
• sténose fibreuse de l’intestin grêle après radiothérapie ;
• rein déformé et atrophique après des infections urinaires répétées ayant détruit des secteurs du parenchyme rénal (pyélonéphrite chronique) ;
• sténose de la dernière anse iléale atteinte par une maladie de Crohn (maladie chronique intestinale associant inflammation et fibrose pan-pariétale) (figure 3.23).
Microscopie
Les aspects microscopiques des fibroses sont variables.
Selon l’ancienneté de la fibrose
• Fibrose récente en voie de constitution (figure 3.24) : fibrose « lâche » riche en MEC non fibrillaire (prédominance de mucopolysaccharides), fibres de collagène peu épaisses et peu condensées (surtout de type III et IV), nombreux fibroblastes et myofibroblastes, présence de leucocytes de la réaction inflammatoire.
• Fibrose ancienne (figure 3.25) : fibrose dense, riche en fibres collagènes épaisses et condensées (surtout de type I) avec peu de cellules et moins de substance fondamentale hydrosoluble.
Selon sa composition biochimique
• Fibrose riche en fibres élastiques : certaines fibroses pulmonaires (figure 3.26), élastose du derme au cours de la sénescence et sur les zones cutanées exposées aux rayons ultraviolets (figure 3.27) et stroma élastosique de certains cancers du sein.
• Fibrose « réticulinique » (figure 3.28) colorée par les sels d’argent, riche en collagène de type III dans la moelle osseuse ou les ganglions lymphatiques.
• Fibrose « hyaline » : collagène dense, d’aspect microscopique homogène et vitreux, prenant fortement les colorants, dans des fibroses anciennes ou les chéloïdes.
Selon sa topographie
• Fibrose systématisée : la fibrose reste limitée à la charpente conjonctive normale du tissu ; cette charpente conjonctive apparaît donc épaissie mais l’architecture du tissu reste reconnaissable. Exemple : dans le poumon, fibrose épaississant les cloisons interlobulaires et les cloisons alvéolaires (figure 3.29). Quand elle est étendue à l’ensemble du tissu pulmonaire, cette fibrose conduit à l’insuffisance respiratoire par perturbation des échanges gazeux.
• Fibrose mutilante : remplace le tissu normal et donc détruit son architecture. Elle peut être localisée (ex : cicatrice d’un infarctus, socle d’un ulcère gastrique chronique ou enkystement d’un abcès) ou diffuse à tout un organe (ex : pancréatite chronique). Elle peut s’élaborer d’emblée en cas de destruction tissulaire abondante ou être l’évolution terminale d’une fibrose systématisée.
Pour plus d’informations, voir le complément en ligne En savoir plus 3.3 : « Un exemple de fibrose mutilante : la cirrhose hépatique ».
En savoir plus 3.3 Un exemple de fibrose mutilante
la cirrhose hépatique