3: Imagerie post-thérapeutique des carcinomes épidermoïdes du larynx et de l’hypopharynx

Chapitre 3


Imagerie post-thérapeutique des carcinomes épidermoïdes du larynx et de l’hypopharynx




Imagerie postopératoire


Les tumeurs du larynx de stade I et II, ne présentant pas d’atteinte du plan sous-glottique, peuvent bénéficier d’une chirurgie partielle, permettant de préserver la fonctionnalité laryngée. Les tumeurs laryngées plus étendues, ainsi que les tumeurs de l’hypopharynx, nécessitent une chirurgie totale ou un protocole de préservation laryngée.


La surveillance des patients opérés, basée sur la clinique et la laryngoscopie indirecte, est indispensable afin de détecter précocement une éventuelle récidive tumorale potentiellement curable notamment après chirurgie partielle. Une lésion tumorale ayant fréquemment un développement sous-muqueux, une récidive tumorale locale après laryngectomie partielle peut de ce fait être difficile à détecter en laryngoscopie indirecte. L’étude postopératoire par tomodensitométrie permet de détecter ce type de récurrence. Il est donc important de savoir reconnaître les principaux types de chirurgie, partielle ou totale, employés et leur aspect caractéristique en TDM afin de savoir différencier un aspect postopératoire normal d’une récidive tumorale.



Aspects postopératoires en TDM après laryngectomie partielle


La laryngectomie partielle a pour but de préserver les fonctions physiologiques du larynx tout en réalisant une résection tumorale complète.


Afin de pouvoir reconnaître et distinguer les principales techniques de laryngectomie partielle et les différents types de reconstruction, trois plans de coupe de référence en TDM sont utiles à analyser :



Une coupe sagittale médiane est également utile pour distinguer les différentes reconstructions chirurgicales effectuées ainsi que pour apprécier la qualité de la pexie.



Étage glottique


Les quatre types de chirurgie partielle les plus fréquents à l’étage glottique sont la cordectomie par voie endoscopique (laser), la laryngectomie frontolatérale, la laryngectomie frontale antérieure avec épiglottoplastie (intervention de Tücker) et la laryngectomie supracricoïdienne avec cricohyoïdoépiglottopexie (CHEP) [1, 2]. L’étude du plan de coupe intermédiaire passant par le ou les cartilages aryténoïdes est particulièrement utile pour différencier ces 4 techniques de laryngectomie partielle réalisées pour des lésions de l’étage glottique.




Laryngectomie frontolatérale

Cette intervention s’adresse aux tumeurs des deux tiers antérieurs du pli vocal arrivant au voisinage de la commissure antérieure sans l’envahir. Seule la partie médiale et antérieure du cartilage thyroïde est réséquée. Les ailes thyroïdiennes sont ensuite rapprochées en avant après fixation antérieure du pied de l’épiglotte. Sur le plan glottique, un seul pli vocal est enlevé dans sa totalité et seul le tiers antérieur du pli vocal controlatéral est réséqué, ainsi que la commissure antérieure (fig. 3.2). Ces éléments constituent les principales différences permettant de distinguer un larynx opéré par laryngectomie frontolatérale d’un larynx opéré par laryngectomie frontale antérieure avec épiglottoplastie, le plan de coupe intermédiaire étant le plan le plus utile pour différencier ces deux aspects postopératoires.



Il se constitue fréquemment une synéchie en regard de la commissure antérieure ou de la sous-glotte après laryngectomie frontolatérale, qu’il ne faut pas confondre avec une récidive tumorale sous réserve de la confrontation à l’examen clinique et à la réalisation éventuelle de biopsies.



Laryngectomie frontale antérieure avec épiglottoplastie (intervention de Tücker)

Cette technique chirurgicale [35] s’applique aux cancers glottiques unilatéraux mobiles atteignant la commissure antérieure ainsi que les cancers glottiques bilatéraux superficiels. Les deux principales différences avec la technique de laryngectomie frontolatérale sont l’importance de la résection du pli vocal controlatéral, comprenant les deux tiers du pli vocal, et celle du cartilage thyroïde qui concerne la partie antérieure et les parties antérolatérales. Ces différences sont bien visibles sur la coupe intermédiaire passant par les aryténoïdes dans le plan axial (fig. 3.3). Pour ce qui est de la reconstruction, le pied de l’épiglotte est abaissé pour être suturé en bas au bord supérieur du cricoïde et latéralement aux ailes thyroïdiennes restantes. La coupe axiale intermédiaire permet de confirmer la présence de l’épiglotte entre les ailes thyroïdiennes (fig. 3.4A). La coupe sagittale médiane est utile pour illustrer le rapprochement du pied de l’épiglotte au cartilage cricoïde (fig. 3.4B).





Laryngectomie horizontale avec cricohyoïdoépiglottopexie

Cette intervention [3, 6] s’adresse aux cancers glottiques étendus à tout le pli vocal, avec diminution de sa mobilité mais sans fixation de l’aryténoïde. L’exérèse comprend le cartilage thyroïde en partie, la partie infra-hyoïdienne de l’épiglotte, l’espace paraglottique, les deux plis vocaux, les deux plis vestibulaires et l’aryténoïde du côté atteint. La loge préépiglottique est laissée en place. La coupe TDM intermédiaire passant dans le plan axial par les aryténoïdes permet d’une part de constater l’absence de plis vocaux et, d’autre part, d’illustrer l’étendue de la résection du cartilage thyroïde. En effet, seule la partie postérieure est laissée en place (fig. 3.5), contrairement aux techniques de laryngectomie frontolatérale ou de Tücker. Seules les cornes thyroïdiennes inférieures sont laissées en place en cas de laryngectomie horizontale avec CHEP afin de ne pas léser les nerfs laryngés inférieurs (fig. 3.6) [1, 6, 7].




La coupe supérieure est essentielle pour différencier une technique de laryngectomie horizontale avec CHEP d’une laryngectomie horizontale avec cricohyoïdopexie (CHP). La différence principale entre ces deux techniques réside dans le fait que la loge préépiglottique ainsi que la portion supra-hyoïdienne de l’épiglotte sont laissées en place en cas de CHEP alors qu’elles sont réséquées en cas de CHP. La coupe axiale TDM supérieure permet de visualiser la partie de l’épiglotte laissée en place en cas de CHEP (fig. 3.7).



La distance séparant le bord inférieur de l’os hyoïde et le bord supérieur du cartilage cricoïde mesurée sur la coupe sagittale médiane permet d’évaluer la qualité de la pexie. La figure 3.8 montre la comparaison entre la situation pré et postopératoire de cette mesure, illustrant le rapprochement du bord inférieur de l’os hyoïde au bord supérieur du cartilage cricoïde après CHEP. Cette distance doit être la plus courte possible. Il est admis qu’un écart supérieur à 30 mm entre ces deux structures est considéré comme un échec de la pexie cricohyoïdienne et constitue donc un facteur de risque de troubles postopératoires de la déglutition [7].




Étage supraglottique



Laryngectomie horizontale supracricoïdienne avec cricohyoïdopexie

Cette intervention [3, 8, 9] s’adresse aux tumeurs supraglottiques avec atteinte de la glotte, du ventricule, de la commissure antérieure et/ou de la loge préépiglottique mais uniquement dans sa moitié inférieure. L’exérèse comprend le cartilage thyroïde, l’épiglotte dans sa totalité, la loge préépiglottique, les deux plis vocaux, les deux plis vestibulaires et un cartilage aryténoïde. Sont laissés en place le cricoïde, au moins un cartilage aryténoïde et l’os hyoïde. La reconstruction consiste à rapprocher et à aligner médialement le bord inférieur de l’os hyoïde au bord supérieur du cartilage cricoïde.


La coupe supérieure est donc fondamentale pour l’analyse de ce type d’intervention. Elle met en évidence l’absence de visualisation de la loge préépiglottique et de l’épiglotte, contrairement à une intervention de type laryngectomie horizontale avec CHEP. On visualise en arrière de l’os hyoïde, à la place de l’épiglotte et de la vallécule, un tissu correspondant à la base de la langue. Sur cette coupe, du fait de la pexie, on visualise également les aryténoïdes, le cartilage cricoïde et l’os hyoïde (fig. 3.9A et 3.9B). Les coupes intermédiaire et inférieure ont un aspect identique à celui observé en cas de laryngectomie horizontale avec CHEP. Tout comme en cas de laryngectomie supracricoïdienne avec CHEP, la qualité de la reconstruction s’apprécie par la mesure sur une coupe sagittale médiane de la distance entre le bord inférieur de l’os hyoïde et le bord supérieur du cartilage cricoïde.




Laryngectomie horizontale supraglottique

Elle s’adresse aux tumeurs de la face laryngée de l’épiglotte ou du complexe pied de l’épiglotte — pli vestibulaire, nommé complexe pied – bande dans l’ancienne nomenclature, terme encore largement utilisé actuellement. Le pli vestibulaire ne doit pas être envahi sur plus de sa moitié antérieure, les deux aryténoïdes étant libres et mobiles de même que les plis vocaux [3]. Cette technique chirurgicale consiste à réséquer le tiers supérieur du cartilage thyroïde, la loge préépiglottique, l’épiglotte, les replis aryépiglottiques et le pli vestibulaire. L’os hyoïde est le plus souvent réséqué [10] même si son exérèse n’est pas indispensable d’un point de vue carcinologique [11]. Le plan de coupe supérieur montre l’absence de l’épiglotte et de la loge préépiglottique, ainsi que de l’os hyoïde dans la majorité des cas (fig. 3.10A). Cette particularité est également bien illustrée sur une coupe sagittale médiane (fig. 3.10B). La coupe intermédiaire et la coupe inférieure ne présentent pas de modifications par rapport à une imagerie laryngée normale.




Hémilaryngopharyngectomie



Hémipharyngolaryngectomie supraglottique

D’indication fréquente, cette intervention [12, 13] s’adresse aux tumeurs situées dans l’angle antérieur du sinus piriforme, dans le carrefour des trois replis et par extension au niveau de la margelle laryngée latérale et antérieure. Dans tous les cas, la mobilité glottique doit être préservée, le plan situé sous les ventricules devant être intact.


Cette intervention consiste en l’exérèse d’un hémipharynx et d’un hémilarynx. Les principales différences par rapport aux autres techniques sont visibles sur les coupes supracricoïdiennes. Sur la coupe axiale passant par l’os hyoïde, il manque la moitié de l’épiglotte, de la loge préépiglottique et de l’os hyoïde homolatérale à la lésion (fig. 3.11A). Sur la coupe passant par la région des trois replis, on observe qu’il manque la région des trois replis homolatérale à la lésion (fig. 3.11B). Le plan passant par les plis vocaux est intact, cette intervention conservant le plan glottique à la différence de l’hémipharyngolaryngectomie supracricoïdienne. L’étage sous-glottique est par conséquent non modifié.




Hémipharyngolaryngectomie supracricoïdienne

Cette technique chirurgicale est de réalisation moins fréquente [12, 13]. Elle s’adresse aux tumeurs siégeant sur la margelle latérale ou postérieure, les parois médiales ou latérales et l’angle antérieur du sinus piriforme membraneux. Les modifications observées en TDM après ce type de chirurgie ne diffèrent pas de celles observées après hémipharyngolaryngectomie supraglottique, à l’exception du plan de coupe passant par les plis vocaux. En effet, cette technique chirurgicale ne conservant pas le pli vocal homolatéral à la lésion, on observe de ce fait une asymétrie de l’étage glottique (fig. 3.12A). Il est possible d’observer une hypertrophie compensatrice du pli vocal controlatéral restant (fig. 3.12B), à confronter à l’examen clinique et à la réalisation éventuelle de biopsies. Tout comme en cas d’hémipharyngolaryngectomie supraglottique, le plan de coupe passant par l’os hyoïde illustre la résection de la moitié de l’os hyoïde et de l’épiglotte du côté lésionnel. Le plan passant par le cartilage cricoïde ne montre pas de modification.




Laryngectomie totale


La laryngectomie totale s’adresse aux tumeurs laryngées étendues aux cartilages laryngés et à l’étage sous-glottique (atteinte du cricoïde) ou aux récidives de tumeur laryngée après chirurgie partielle ou radiothérapie.


L’exérèse comprend les cartilages cricoïde et thyroïde ainsi que l’os hyoïde, la loge préépiglottique, les muscles constricteurs, le larynx et les sinus piriformes (fig. 3.13). Le néopharynx, étendu de la base de la langue à l’œsophage cervical, est constitué d’une musculature constrictrice inférieure et de la muqueuse hypopharyngée ; il présente une forme ovoïde (fig. 3.14). Les patients opérés d’une laryngectomie totale sont porteurs d’une trachéostomie définitive (fig. 3.15).






Pharyngolaryngectomie


La pharyngolaryngectomie totale consiste en une laryngectomie totale associée à une pharyngectomie partielle (fig. 3.16). Une portion suffisante de muqueuse hypopharyngée est préservée pour assurer une alimentation correcte à l’issue de l’intervention.



Les indications sont les tumeurs du sinus piriforme sans atteinte de la bouche de l’œsophage mais avec atteinte du mur pharyngolaryngé.


La pharyngolaryngectomie totale circulaire, d’indication plus rare, consiste en une laryngectomie totale associée à une pharyngectomie totale. La totalité de la muqueuse pharyngée est alors sacrifiée. Cette technique concerne les lésions des deux sinus piriformes et/ou de la région rétro-crico-aryténoïdienne et les lésions du sinus piriforme avec extension importante à la paroi pharyngée postérieure ou à la bouche de l’œsophage.


La reconstruction du pharynx se fait à l’aide d’un greffon digestif de type jéjunum, de peau (lambeau antébrachial), d’une ascension digestive (estomac tubulisé) ou d’un lambeau musculocutané (grand pectoral) (fig. 3.17).




Curage ganglionnaire cervical


Les laryngectomies totales et les pharyngolaryngectomies sont toujours associées à un curage cervical. La plupart des chirurgies partielles effectuées par voie cervicale sont également associées à un évidement cervical uni ou bilatéral.


Le curage radical comprend l’exérèse des groupes ganglionnaires I à V avec sacrifice du nerf XI, du muscle sterno-cléido-mastoïdien, de la veine jugulaire interne et de la glande submandibulaire. Le curage radical modifié préserve le nerf XI et/ou le muscle sterno-cléido-mastoïdien et/ou la veine jugulaire interne.


Le curage sélectif comprend le curage de certains groupes ganglionnaires. Le curage cervical pour les tumeurs du larynx et de l’hypopharynx est dit jugulaire, comprenant les groupes II, III et IV.



Récidives tumorales


La surveillance après traitement par imagerie est utile afin d’étayer le diagnostic d’une récidive tumorale suspectée cliniquement. Après traitement chirurgical, la récidive apparaît le plus souvent sous forme d’une prise de contraste nodulaire. Après laryngectomie partielle, la destruction du cartilage restant peut être observée.


Une récidive précoce peut être difficile à différencier d’un aspect post-thérapeutique [14, 15]. Une TDM de référence doit être réalisée entre 3 et 6 mois après la fin du traitement, idéalement vers 3–4 mois. La comparaison des explorations ultérieures à cet examen de référence permettra de distinguer plus facilement une récidive tumorale d’une modification ou d’une complication post-thérapeutique.


Les récidives tumorales peuvent être locales : pli vocal controlatéral (fig. 3.18), repli aryépiglottique (fig. 3.19), sous-glotte (fig. 3.20 et 3.21), ganglionnaire (fig. 3.22) ou à distance, notamment pulmonaire. On peut également déceler au cours de la surveillance une deuxième, voire une troisième localisation primitive : une 2e localisation primitive dans le sinus piriforme est illustrée par la figure 3.23.




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Apr 24, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on 3: Imagerie post-thérapeutique des carcinomes épidermoïdes du larynx et de l’hypopharynx

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