3. Effets secondaires, complications et séquelles de la chirurgie


Effets secondaires, complications et séquelles de la chirurgie


PLAN DU CHAPITRE




Différents types de chirurgie



Types d’exérèse et chirurgie ganglionnaire1


O. Dassonville


La chirurgie garde une place centrale dans le traitement des cancers des VADS, elle concerne le plus souvent la tumeur primitive et les aires ganglionnaires cervicales, et fait souvent appel à des techniques de chirurgie réparatrice plus ou moins complexes.



Chirurgie de la tumeur primitive


La voie d’abord et le geste chirurgical réalisés dépendent de la localisation exacte de la tumeur et de ses extensions.



Voies d’abord chirurgicales

Les voies d’abord les moins mutilantes sont utilisées, en favorisant les voies camouflées.


Leur choix dépend de plusieurs facteurs dont le type d’exérèse à réaliser sur la tumeur primitive, le type de curage ganglionnaire associé, la présence d’une trachéotomie, le moyen de réparation choisi et les antécédents présentés par le patient (radiothérapie, cou déjà opéré, etc.).



Cancers buccopharyngés et palatins

Les voies d’abord sont multiples et peuvent être transorales simples, externes cervicales (Latischevsky et Freund, Sebileau-Carrega, Mac Fee), combinées ou non à une section de lèvre inférieure contournant la houppe du menton pour les tumeurs plus postérieures et/ou plus avancées.


La voie d’abord bimastoïdienne, bien que la plus longue, est la voie privilégiée (même en cas de chirurgie unilatérale) dans la mesure où elle permet une excellente exposition chirurgicale dans la très grande majorité des cas. Elle autorise, par la technique de degloving basilaire, l’abord osseux mandibulaire sans section de lèvre inférieure, elle est également la mieux camouflée au niveau cervical et elle n’obère pas les possibilités de réintervention (récidives, nouvelles localisations tumorales etc.) [1, 2].


Afin de repousser les possibilités d’exérèse par voie transorale, il est possible d’effectuer certaines exérèses oropharyngées (tumeur de la paroi postérieure notamment) par voie endoscopique au laser CO2. C’est dans cette optique que plusieurs équipes évaluent actuellement la chirurgie transorale assistée par robot dans le cadre des tumeurs de l’oropharynx. Les intérêts potentiels de cette technique sont de permettre une meilleure visualisation du site opératoire, de manipuler plus facilement la pièce opératoire grâce aux bras articulés du robot, d’utiliser des instruments de section/coagulation performants et orientables dans les différents plans de l’espace, le tout par voie transorale et donc, sans créer de communication pharyngo-cervicale. La zone d’exérèse est en général laissée en cicatrisation dirigée ou recouverte d’un lambeau local. Dès lors que la reconstruction va nécessiter une ouverture pharyngée pour la mise en place du lambeau, l’intérêt de la chirurgie assistée par robot devient évidemment très limité. Enfin, cette technique reste encore à évaluer plus profondément sur le plan des résultats carcinologiques et fonctionnels, de même que sur le plan médicoéconomique [3, 4].



Cavité buccale

Les tumeurs limitées T1 T2 sont abordées par voie endorale exclusive, en revanche les résections plus étendues pour les tumeurs T3 T4 sont menées selon deux grands types d’abord chirurgical : abord transmandibulaire (fig. 3.1), abord pull-through (fig. 3.2) ; la tumeur primitive linguale est d’abord libérée par voie endobuccale puis elle est tractée vers le cou, en dedans de la mandibule (sans mandibulotomie) pour permettre l’exérèse de sa partie profonde pelvilinguale en continuité avec la pièce de curage ganglionnaire cervical, dans les meilleures conditions d’exposition et de sécurité carcinologique. La conservation d’un pont tissulaire entre tumeur primitive linguale et pièce de curage ganglionnaire réalise l’exérèse dite « en monobloc » optimisant, ainsi, cette sécurité carcinologique [5].






Infrastructure palatine

Concernant la voie d’abord des cancers de l’infrastructure du massif facial, l’abord bivestibulaire avec degloving labio-naso-jugal permet la plupart du temps d’éviter les voies d’abord transfaciales dont les indications sont réservées aux extensions hautes ou postérieures de ces tumeurs (ethmoïde, cavité orbitaire, fosse infratemporale, etc.).



Pharyngolarynx

La voie d’abord bimastoïdienne est classiquement utilisée dans la chirurgie des cancers du pharyngolarynx, elle inclut l’incision de la future trachéotomie provisoire des laryngectomies partielles ou le futur trachéostome des pharyngolaryngectomies totales ou circulaires.



Exérèse tumorale primitive

L’exérèse de la tumeur primitive doit respecter une méthodologie rigoureuse pour permettre un dialogue précis et efficace entre le chirurgien et l’anatomopathologiste. Les nouveaux instruments de section/coagulation basés sur l’ultracision, la thermofusion et la thermocision facilitent grandement l’exérèse tumorale en permettant par une chirurgie exsangue d’améliorer le contrôle des limites d’exérèse des cancers ORL [8].



Langue mobile

Les différentes glossectomies partielles peuvent être classées schématiquement :



Concernant les cancers du plancher buccal, les pelvectomies sont classées ainsi :



Concernant l’exérèse des cancers bucco-pharyngés, le déficit fonctionnel engendré est proportionnel au degré de perte de mobilité linguale, au trouble de l’ouverture buccale, au reflux nasopharyngé et aux troubles masticatoires, les troubles de déglutition avec fausses routes laryngées sont consécutifs aux exérèses basses et postérieures oropharyngées.



Autres localisations

Les cancers de gencives limités font l’objet de gengivectomies plus ou moins élargies en dedans vers le plancher buccal ou vers le massif palatin, en dehors, vers la face interne de joue ou de lèvres. Les cancers de l’infra structure palatine font l’objet de maxillectomies partielles, d’hémi-maxillectomie ou de maxillectomie totale laissant ainsi une communication plus ou moins étendue entre la cavité buccale, le sinus maxillaire et/ou la fosse nasale.


La reconstruction est ici impérative, elle fait appel soit à la mise en place d’une prothèse obturatrice palatine soit à l’utilisation d’un lambeau de fermeture.



Cancers de l’oropharynx

Selon la localisation tumorale, il s’agit du domaine des oropharyngectomies qui peuvent être :



Lorsque la voie d’abord est transmandibulaire, le sacrifice osseux n’est que très rarement nécessaire (< 20 %). L’exérèse de la paroi latérale peut être étendue en avant vers la cavité buccale postérieure, la branche montante mandibulaire, la tubérosité maxillaire, en haut vers le voile du palais, en bas vers le sillon amygdaloglosse et la base de langue, en arrière vers la paroi pharyngée postérieure, en dehors vers la loge masticatrice et la fosse infratemporale. La résection du voile du palais peut être partielle ou totale, elle peut s’étendre aux éléments de voisinage : loge amygdalienne, paroi postérieure ou massif palatin, l’extension au cavum devant être une contre-indication chirurgicale. Le sacrifice vélique engendre un reflux nasopharyngé particulièrement délétère sur le plan fonctionnel et doit faire l’objet d’une chirurgie réparatrice rigoureusement adaptée. Les oropharyngectomies basilinguales peuvent être partielles, le plus souvent sacrifiant une hémibase de langue, elles doivent impérativement respecter un tiers de base de langue controlatérale fonctionnelle. Pour les cancers de base de langue médians étendus aux vallécules parfois dépassées pour atteindre la loge préépiglottique ou le vestibule laryngé supraglottique lui-même, sans extension majeure vers la musculature linguale antérieure (moins de 2 cm d’extension antéropostérieure), la subglossolaryngectomie supraglottique peut être retenue.




Chirurgie ganglionnaire


La lymphophilie importante des cancers ORL impose, dans la très grande majorité des cas, un traitement des aires ganglionnaires cervicales. Lorsque celui-ci est chirurgical, il s’agit du domaine des curages ganglionnaires cervicaux dont il existe de nombreux types correspondant à une variabilité dans l’étendue du geste à réaliser, dans l’importance de certains éléments anatomiques à sacrifier et dont l’indication est particulièrement précise.


Les complications et séquelles des curages varient en fonction de ces différents types (fig. 3.4) [9].



Ils sont classés selon deux critères : le caractère complet ou sélectif de groupes ganglionnaires intéressés (fig. 3.5), et le type d’éléments anatomiques sacrifiés.



Les curages complets intéressent l’ensemble des groupes ganglionnaires d’un côté du cou, étendu aux secteurs IA et IB (type A) ou non (type B).


Les curages sélectifs intéressent une sélection précise de groupes ganglionnaires cervicaux susceptibles de présenter des métastases ganglionnaires occultes sur les cous dits « N0 », leur choix dépend du site et des extensions du site tumoral primitif (curages prophylactiques). Un curage cervical unilatéral du côté de la tumeur est réalisé pour les lésions bien latéralisées mais il doit être bilatéral pour les lésions situées à proximité ou dépassant la ligne médiane.


Afin d’éviter un curage systématique, la technique du ganglion sentinelle est en cours d’évaluation chez les patients présentant une tumeur limitée N0. Les intérêts potentiels de cette technique sont de diminuer la morbidité liée au curage et de permettre une analyse histologique plus complète et plus fine du ou des ganglions repérés. Il apparaît des quelques études publiées qu’il s’agit d’une technique fiable et reproductible, que le statut histologique du ganglion sentinelle est un facteur pronostique indépendant et que lorsque le ganglion sentinelle est négatif, le risque de récidive ganglionnaire est très faible et comparable à celui observé après un curage cervical prophylactique. Néanmoins, la validité à long terme de cette technique par rapport au curage prophylactique sur les plans carcinologique, fonctionnel et médicoéconomique reste à confirmer [1012].


En fonction de l’importance de l’envahissement ganglionnaire, c’est-à-dire du nombre, de la taille et surtout de l’adhérence des adénopathies aux structures nobles du cou, on peut être amené à sacrifier certains éléments musculaires ou vasculo-nerveux et réaliser alors un curage cervical traditionnel : muscle sterno-cléido-mastoïdien, veine jugulaire interne et nerf spinal.


Si l’on peut préserver l’un ou plusieurs de ces éléments, il s’agit alors d’un curage modifié (fig. 3.6), qui peut être modifié type 1 (préservation d’un de ces éléments anatomiques), type 2 (préservation de deux de ces éléments) ou modifié type 3 (« fonctionnel », préservation de ces trois éléments).



Dans certaines situations, le curage peut être étendu à la peau (cas des adénopathies adhérentes voire fistulisées à la peau) ou à d’autres éléments anatomiques et principalement nerveux (nerfs X ou XII) ou à la glande parotide : curage cervicoparotidien (fig. 3.7 et 3.8).




L’épargne vasculaire est un concept important à retenir lors de la réalisation des évidements cervicaux, tenant bien évidemment compte des impératifs carcinologiques, en vue d’une potentielle indication de lambeau libre chez des patients à risque de récidive tumorale ou de nouvelles localisations tumorales métachrones.



Chirurgie réparatrice2


B. Baujat



Introduction


La chirurgie réparatrice fait suite à l’exérèse tumorale. Elle a pour objectif de limiter les séquelles liées à la perte de substance résultant de cette exérèse. Elle fait appel à quatre niveaux de technicité : la fermeture par suture simple ou la fermeture par lambeau local sont les procédés les plus simples. La fermeture par lambeau pédiculé ou par lambeau libre est plus lourde. On parle alors de chirurgie reconstructrice puisqu’il s’agit de remplacer une grande perte de substance en apportant un tissu vascularisé provenant d’une partie du corps distante du site d’exérèse. La chirurgie carcinologique cervico-faciale est particulièrement pourvoyeuse de séquelles compte tenu de la complexité anatomique du massif facial et du tractus aérodigestif. La reconstruction doit répondre à des enjeux fonctionnels mais aussi cosmétiques. Au handicap fonctionnel s’ajoute pour les patients le handicap social qui en résulte. Les techniques permettant de limiter ce handicap existent. Il est de notre devoir de les proposer aux patients ou à défaut de les adresser dans les centres qui les pratiquent.



Fermeture par suture simple ou cicatrisation dirigée


Les indications de ces procédés sont les petites tumeurs. La fermeture doit se faire par larges points séparés de fil résorbable, sans tension. Il peut être préférable de laisser en cicatrisation dirigée une zone d’exérèse, notamment au niveau du pharynx ou de la langue, plutôt que de chercher à fermer à tout prix au prix d’une limitation de la mobilité. Lorsque l’enjeu des sutures est l’étanchéité entre les voies aérodigestives et le cou, il est nécessaire de couvrir les sutures par un second plan : points de capitonnage par les muscles extrinsèques du larynx, couverture des sutures du pharynx après laryngectomie totale par suture des constricteurs du pharynx, etc. Lorsque la couverture de l’os mandibulaire est en jeu, la suture simple est en règle insuffisante. L’usage d’un lambeau, même locorégional, est recommandé.



Réparation par lambeau local ou locorégional


Ce type de réparation est essentiellement utilisable pour couvrir de petites pertes de substance de la cavité orale ou de l’oropharynx. Les lambeaux de buccinateur ou le lambeau FAMM (Facial Artery MusculoMucosal flap) rendent alors de grands services [13]. Le corps adipeux de la joue (ou « boule de Bichat ») peut aussi parfois être tracté vers la cavité buccale pour recouvrir une petite perte de substance notamment sur l’angle mandibulaire. La rançon cicatricielle est nulle et les séquelles fonctionnelles très modérées. Lorsque le patient a subi par le passé une radiothérapie cervico-faciale, la capacité de cicatrisation est amoindrie. Il est préférable d’apporter un tissu de couverture sain, prélevé hors champs de radiothérapie.



Réparation par lambeau pédiculé


Lorsque la perte de substance est trop importante pour être fermée en première intention ou lorsque cette fermeture exposerait le patient à une déformation sévère ou au risque de désunion et d’exposition des vaisseaux cervicaux, la montée d’un lambeau pédiculé est nécessaire. Ariyan a le premier décrit l’utilisation du lambeau musculocutané de grand pectoral (pectoralis major) dans les pertes de substances cervico-faciales [14]. Cette technique s’est rapidement imposée en remplacement des lambeaux deltopectoraux [15]. La montée d’un lambeau musculocutané permet de diminuer considérablement le risque de rupture carotidienne dans les suites de la chirurgie de l’oropharynx. L’usage du grand pectoral musculaire pur en couverture des sutures pharyngées diminue très significativement le taux de pharyngostome dans les (pharyngo)laryngectomies réalisées en terrain irradié [16]. Le muscle grand dorsal (latissimus dorsi) est l’autre principale source de tissu vascularisé susceptible d’être basculée autour de l’axe de rotation de son pédicule thoracodorsal vers la région cervico-faciale. Il est utilisé dans ces indications depuis la fin des années soixante-dix [17]. Cependant, la rançon cicatricielle est plus faible et la fiabilité est plus grande lorsqu’il est utilisé comme un lambeau libre.



Réparation par lambeaux libres


Le développement des lambeaux libres a permis la reconstruction de pertes de substance de plus en plus complexes en apportant des quantités importantes d’os, de muscle ou de peau vascularisées. La microchirurgie permet de raccorder le pédicule du lambeau aux vaisseaux cervicaux, supprimant ainsi les brides cervicales liées à la rétraction musculaire des lambeaux pédiculés. Le lambeau antébrachial, appelé communément lambeau chinois, du pays d’où la technique a été rapportée dans les années soixante-dix, a été l’un des premiers lambeaux libres utilisés pour des pertes de substances cervico-faciales. Il est utilisé en routine pour sa souplesse, sa maniabilité, sa fiabilité et la longueur de son pédicule. Décrit dans les années soixante-dix, utilisé pour la première fois en reconstruction mandibulaire 15 ans plus tard [18], le lambeau de fibula est rapidement devenu le gold standard de cette indication. Les lambeaux composites prélevés à partir du creux axillaire [1921] offrent des possibilités immenses puisque jusqu’à 6 unités tissulaires osseuses, fasciocutanées, fasciomusculaires, musculocutanées indépendantes spatialement et éventuellement réinnervables peuvent être prélevées séparément ou conjointement à partir du même pédicule sous-scapulaire. La multiplicité des sites donneurs potentiels permet d’apporter le tissu le plus anatomiquement proche possible de la perte de substance (lambeau libre d’anthélix pour reconstruire une aile narinaire, pointe de scapula pour une infrastructure palatine [fig. 3.9], etc.). La technicité de ces interventions fait que la marge de progression des chirurgiens est grande. L’amélioration des résultats passe par une pratique régulière, gage de plus grande fiabilité. Le premier objectif est de limiter le taux d’échec des lambeaux à son minimum, autour de 5 % dans la plupart des grandes séries. Le taux de complications médicales et chirurgicales est élevé dans toutes les séries : l’environnement hospitalier doit permettre la gestion de ces complications et leur prévention (nutrition du patient, prévention des syndromes de sevrage, etc.).




Conclusion


Le plan cancer 2 met l’accent sur la prévention et le traitement des séquelles en cancérologie. La chirurgie reconstructrice permet à la fois d’envisager des chirurgies d’exérèse plus larges en territoire irradié et de limiter au maximum les conséquences fonctionnelles et cosmétiques de ces chirurgies délabrantes. L’intégration de chirurgiens formés à cette chirurgie dans les équipes pratiquant la chirurgie carcinologique cervico-faciale est donc une priorité.



Complications de la chirurgie



Complications infectieuses en fonction du type de chirurgie et du terrain3


P. Schultz


Les complications infectieuses après chirurgie carcinologique ORL incluent les infections du site opératoire (ISO) et les infections à distance de la région opérée, celles-ci étant favorisées par de nombreux facteurs pouvant être indépendants du site anatomique et de l’acte pratiqué. Les pathologies des voies aérodigestives dominant le sujet et afin de centrer le propos, il ne sera abordé que les ISO après chirurgie cervico-faciale.



Définition


Une ISO est considérée comme nosocomiale quand elle n’est ni présente ni en incubation à l’entrée du patient et si elle survient dans les 30 jours suivant l’intervention ou dans l’année s’il y a eu pose d’un matériel prothétique. Il existe deux niveaux d’infection :




Épidémiologie en carcinologie ORL



Fréquence

Le Réseau d’alerte, d’investigation et de surveillance des infections nosocomiales (RAISIN) recense entre 2007 et 2011 un taux d’ISO de 3,8 % pour les interventions de carcinologie cervico-faciale et de 0,3 % pour les interventions ORL n’impliquant pas de lésion maligne [23]. Ces chiffres sont certainement sous-estimés puisque la littérature internationale rapporte selon les études des taux d’ISO de 10 à 45 % pour la chirurgie carcinologique ORL [24].


La relation entre taille de l’inoculum et risque infectieux est définie par le score d’Altemeïer. Il classe en quatre catégories les types d’interventions (propre, propre-contaminée, contaminée, sale ou infectée) avec des taux d’ISO respectivement inférieurs à 2 %, de 5 à 10 %, de 15 à 30 %, et supérieurs à 30 %. Les interventions de carcinologie ORL sans ouverture du tractus digestif ou respiratoire sont considérées comme propres, les interventions ouvrant le tractus digestif ou respiratoire comme propres-contaminées et celles responsables d’une contamination massive par le contenu digestif ou avec rupture importante de l’asepsie comme contaminées.



Micro-organismes

Les micro-organismes impliqués dans les ISO ORL incluent le plus fréquemment des bactéries Gram positif aérobies (staphylocoque doré méthicilline sensible ou résistant, staphylocoque épidermidis, streptocoques, Corynebacterium) et des bactéries Gram négatif (Haemophilus influenzae, les groupes Neisseria et Moraxella, Enterobacter aerogenes, Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae et Pseudomonas aeruginosa). Les bactéries anaérobies isolées le plus fréquemment sont Bacteroides, Fusobacterium et Peptostreptococcus [25].




Facteurs de risque des infections postopératoires


Les facteurs de risques peuvent être classés en préopératoires, peropératoires et postopératoires.



Préopératoire


Facteurs liés au terrain du patient

Le volume et la localisation tumorale associée aux mauvaises habitudes alimentaires (alcool, carences vitaminiques et protéiques) sont responsables d’une dénutrition. La perte de poids supérieure à 10 %, l’indice de masse corporelle inférieur à 20 kg/m2 et la chute du taux d’albumine inférieur à 35 g/L favorisent le développement des infections postopératoires [27].


Le tabac pré et postopératoire ralentit la cicatrisation et augmente les ISO. Lorsqu’une infection se produit, le diabète notamment s’il est déséquilibré favorise son extension mais ne semble pas être à l’origine de l’infection initiale [25]. D’autres facteurs sont retrouvés dans la littérature comme la mauvaise hygiène buccale responsable d’une contamination bactérienne du champ opératoire en cas d’ouverture pharyngée. Une hospitalisation antérieure à l’acte chirurgical semble modifier la flore du patient et l’émergence de bactéries résistantes à l’antibiothérapie probabiliste prophylactique préopératoire. L’altération de l’état général (ASA 3 [American Society of Anesthesiologists]), l’âge supérieur à 70 ans et le sexe masculin sont également des facteurs favorisant les complications infectieuses [28, 29].



Facteurs liés à la tumeur

Les patients présentant une tumeur de stade avancé (stades III et IV de l’UICC) et dont la localisation est responsable de troubles de la déglutition sont plus sujets aux complications infectieuses [27], de même que les tumeurs malignes par rapport aux tumeurs bénignes [29].



Traitements préopératoires

La chimiothérapie est un facteur de risque infectieux aussi important que la radiothérapie [28]. Les fistules cutanéomuqueuses sont particulièrement fréquentes en cas d’antécédent de radiothérapie et d’évolution plus longue en raison de l’altération de la vascularisation tissulaire. La trachéotomie préopératoire est un facteur de risque très significatif [29].



Peropératoire

La qualité de l’acte chirurgical va largement influer sur les complications infectieuses. Les principaux facteurs sont : les défauts d’asepsie, les défauts de sutures muqueuses (tension et placement des points), l’absence de drainage efficace et de lavage du site opératoire. D’autres facteurs impliquent la lourdeur du geste chirurgical comme le temps opératoire (> 6 heures), les pertes sanguines imposant une transfusion, la nécessité de réaliser un lambeau pédiculé ou libre. Enfin le taux d’infection variera selon le score d’Altemeïer [24, 28].



Postopératoire

L’absence de correction des facteurs nutritionnels et l’apparition de fistules salivaires sont les principales causes d’infections postopératoires. Elles sont conditionnées par les facteurs de risques pré et peropératoires [25].



Prévention



Désinfection

Quels que soient l’acte chirurgical et le site opératoire, les modalités de la préparation cutanéomuqueuse devront être réalisées selon les recommandations des Comités de lutte contre les infections nosocomiales [30].



Antibioprophylaxie


Indications

Le choix d’une antibioprophylaxie est dicté par le risque infectieux de l’intervention réalisée. En cas de chirurgie propre (pas d’ouverture des muqueuses, pas de défaut d’asepsie), aucune antibioprophylaxie n’est recommandée [25, 31]. Cependant en cas d’association de plusieurs facteurs de risque (cas fréquents en carcinologie ORL), une antibioprophylaxie peut être discutée, des études ayant montré une réduction significative du risque infectieux [25]. Lorsqu’il existe une ouverture des muqueuses (propre contaminée) une antibioprophylaxie est obligatoire. En cas de chirurgie contaminée en raison d’exérèses tumorales larges imposant un contact prolongé des tissus à la salive et/ou par défaut d’asepsie, une antibiothérapie curative est recommandée, la durée étant à définir.



Choix des antibiotiques et durée du traitement

Les infections postopératoires après chirurgie carcinologique de la tête et du cou sont souvent plurimicrobiennes. Les antibiotiques doivent donc être de large spectre et couvrir des bactéries aérobies anaérobies, Gram positif et négatif. Les antibiotiques utilisés varient en fonction des pays et des établissements. Dans un même service il convient de choisir distinctement les molécules utilisées en antibioprophylaxie et en antibiothérapie curative. Les antibiotiques, les doses, les intervalles sont prescrits selon les recommandations de la Société française d’anesthésie et de réanimation [32]. La durée d’une antibioprophylaxie est de 24 heures et ne peut excéder 48 heures. En pratique en cas de chirurgie carcinologique lourde avec ouverture des muqueuses, une antibiothérapie systématique de 7 jours est souvent administrée. Ces pratiques sont souvent contraires aux recommandations et aux études réalisées mais s’inscrivent dans un contexte où prévention et traitement curatif sont difficiles à définir car le terrain des patients est souvent à haut risque d’infection.

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May 5, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 3. Effets secondaires, complications et séquelles de la chirurgie

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