Chapitre 3 Échocardiographie transœsophagienne
Introduction
L’idée de passer une sonde d’échographie dans l’œsophage remonte à presque 30 ans. Depuis, les rapides et nombreux progrès technologiques ont permis :
• l’introduction des sondes d’ETO multiplan en pratique courante ;
• la miniaturisation des sondes d’ETO dont l’embout ne dépasse pas 10 mm ;
• l’utilisation large des capteurs à fréquence variable (de 3,5 à 7 MHz) ;
• le couplage de différentes modalités Doppler lors de l’ETO (Doppler pulsé, continu et couleur) ;
• le développement des sondes œsophagiennes matricielles tridimensionnelles (ETO 3D temps réel).
Les avantages de l’ETO sont indéniables :
• l’absence d’arrêt des ultrasons par les structures thoraciques et pulmonaires ;
• une meilleure visualisation des structures cardiaques profondes difficilement accessibles (par exemple aorte, auricule gauche), peu échogènes (par exemple thrombus), ou de petite taille (par exemple végétations) ;
• une meilleure sensibilité du mode Doppler, en particulier couleur.
Les inconvénients de l’ETO sont dus :
• au caractère semi-invasif de l’examen ;
• au risque « hypothétique » d’infection lors de l’intubation œsophagienne (bactérienne, HIV) ;
• à une nécessité d’anesthésie générale de courte durée dans certains cas.
Méthodologie
• la demande d’examen est justifiée sur le plan de l’utilité diagnostique et thérapeutique ;
• l’état général du patient permet d’effectuer ce type d’examen ;
• le patient est coopérant ; il est capable d’avaler la sonde d’ETO et de tolérer sa présence dans l’œsophage ;
• les précautions nécessaires avant l’examen sont correctement entreprises ;
• les contre-indications à l’examen sont strictement respectées.
Logistique de l’ETO
La sonde d’ETO
La sonde d’ETO utilisée est un fibroscope digestif débarrassé du système optique et d’aspiration, mais conservant le dispositif d’orientation (molettes). Sa longueur varie de 60 à 110 cm. À l’extrémité distale du fibroscope est monté un capteur ultrasonore à haute fréquence d’émission (5 MHz, voire plus) (figure 3.1).
La sonde peut être orientée dans deux plans orthogonaux grâce à deux molettes (figure 3.2) permettant :
• une anté ou rétroflexion de 90° (grande molette) ;
• une angulation latérale de 70° (petite molette).
• Il existe trois types de sondes d’ETO : monoplan, biplan et multiplan, générant une imagerie uni (TM), bidimensionnelle (2D) et le Doppler (spectral et couleur). La sonde tridimensionnelle (3D) intègre une nouvelle technique très sophistiquée.
Sonde multiplan
Cette sonde appelée également omniplan ou à plan orientable s’impose en pratique cardiologique. Un seul capteur ultrasonore rotatif est capable de pivoter de façon continue de 0 à 180°, par rapport à l’horizontal dans le sens horaire ou anti-horaire. Cette rotation est commandée par un dispositif (bouton ou poussoir) fixé au niveau de la poignée de la sonde (figure 3.2).
Deux molettes, comme sur les sondes monoplan ou biplan, commandent les mouvements de flexion de l’extrémité distale de la sonde.
Les accessoires d’ETO
L’ETO nécessite un équipement approprié de la salle d’examen, à savoir :
• un système de surveillance d’ECG et de la tension artérielle ;
• un nécessaire pour perfusion intraveineuse ;
• du matériel d’intubation trachéale, de ventilation et d’aspiration ;
• les médicaments habituels de réanimation et de prémédication (Xylocaïne® : gel, spray ; Hypnovel®, Valium®, Primpéran®…) ;
Un chariot d’urgence doit être à proximité et rapidement disponible (défibrillateur…).
Conditions d’examen
Les conditions d’examen d’ETO sont :
• l’absence de contre-indications à l’ETO ;
• une sonde d’ETO nettoyée, désinfectée et vérifiée avant l’utilisation ;
• un patient à jeun depuis au moins quatre heures avant l’examen ;
• un patient rassuré, prévenu du déroulement de l’examen, allongé en décubitus latéral gauche, dos légèrement surélevé, la tête tournée vers l’opérateur ;
• des prothèses dentaires et des lunettes retirées avant l’examen ;
• une anesthésie locale de l’oropharynx par un gel et/ou un spray de Xylocaïne® ;
• une prémédication facultative par midazolam (Hypnovel®) 0,05 mg/kg/IV (confort pour le patient et l’opérateur, amnésie de l’examen).
Les contre-indications à l’examen d’ETO sont :
Introduction de la sonde
Pour l’introduction de la sonde, le patient est installé classiquement en décubitus latéral gauche, tête fléchie, bouche ouverte (figure 3.3).
Chez les patients intubés et ventilés, l’introduction œsophagienne de la sonde d’ETO réalisée en décubitus dorsal est habituellement facile (pas de réflexe nauséeux). Parfois elle demande l’usage du laryngoscope ou le retrait de la sonde gastrique. La durée de l’ETO est d’environ 15 minutes.
Complications de l’ETO
Elles sont rares (0,57–1,1 %) et le plus souvent bénignes, à savoir :
• intolérance de la sonde (réflexes nauséeux, spasme œsophagien, réflexes de toux…) ;
• troubles transitoires du rythme et de la conduction ;
• malaise vagal, troubles tensionnels ;
Imagerie d’ETO
L’ETO permet l’étude du cœur et de l’aorte. Elle apporte :
• les images des structures cardiaques en mouvement (coupes échographiques 2D ou imagerie 3D selon la technique utilisée) ;
• les renseignements hémodynamiques sur les flux intracardiaques (étude en mode Doppler).
Coupes échographiques
La sonde d’ETO multiplan utilisée de préférence permet la multiplication des plans de coupe 2D à l’infini. En pivotant le capteur de 0 à 180°, tous les plans de coupes intermédiaires peuvent être obtenus (figure 3.4).
Une certaine systématisation des plans de coupes essentiels peut être proposée, en fonction des quatre positions de la sonde dans l’œsophage (à la partie haute, moyenne et basse de l’œsophage et en transgastrique) (figure 3.5). La première acquisition quel que soit le niveau de coupe est réalisée à 0° (plan tranversal), (encadré 3.1) (figure 3.6).
Encadré 3.1
Systématisation des plans de coupes en ETO multiplan
1. Coupes réalisées à la partie haute de l’œsophage (15–25 cm des arcades dentaires) selon l’angle de :
2. Coupes réalisées à la partie moyenne de l’œsophage (25–35 cm des arcades dentaires)
Coupes centrées sur l’orifice aortique selon l’angle de (figure 3.7) :
Coupes des quatre et deux cavités gauches selon l’angle de :
3. Coupes réalisées à la partie basse de l’œsophage (35–40 cm des arcades dentaires)
Coupes centrées sur le septum interauriculaire (SIA), les oreillettes et les veines caves inférieure (VCI) et supérieure (VCS) (à 100–130°) (figure 3.10)
4. Coupes transgastriques (à 40 cm environ des arcades dentaires)
L’ETO multiplan permet également une exploration de l’aorte thoracique grâce au contact immédiat de l’œsophage avec l’aorte descendante sur toute la hauteur de son trajet thoracique. La rotation de la sonde permet de visualiser l’aorte en coupe transverse et longitudinale (figure 3.12). Des incidences transœsophagiennes appropriées permettent d’explorer la crosse de l’aorte dans sa quasi-totalité en mode multiplan.
Figure 3.7 ETO multiplan, coupes de l’aorte initiale.
Source : Ch. Klimczak, Échographie cardiaque du sujet âgé, Acanthe/Masson 2000.
Étude Doppler
L’étude anatomique des structures cardiaques par l’ETO peut être complétée par l’étude Doppler (pulsé, continu et couleur). En effet, le Doppler transœsophagien permet l’exploration des flux sanguins suivants :
• valvulaires (mitral, aortique, tricuspidien, pulmonaire (figure 3.13) ;
• des veines pulmonaires (figure 3.14) ;
• de l’auricule gauche (figure 3.14) ;
Figure 3.13 Enregistrements en Doppler couleur et pulsé du flux mitral (en haut) et du flux aortique (en bas) à l’ETO.
Source : Ch. Klimczak, op. cit.
Intérêt clinique de l’ETO
Les indications discutées dans ce chapitre concernent l’ETO 2D en mode multiplan en particulier.
Dissection aortique
• le diagnostic positif de dissection : visualisation du flap intimal et de l’orifice d’entrée de la dissection ;
• l’identification du vrai et du faux chenal ;
• la précision du siège et de l’extension de la dissection ;
• la détection du contraste spontané et/ou de la thrombose du faux chenal ;
• le diagnostic et la quantification de l’insuffisance aortique associée ;
• la recherche et l’évaluation de l’abondance d’un épanchement péricardique associé ;
• la surveillance de l’évolution de la dissection ;
• le contrôle du geste chirurgical de la dissection per et post-opératoire.
Critères de dissection
En effet, le vrai chenal présente habituellement une expansion systolique avec un flux systolique. Le faux chenal est souvent plus grand, avec un flux diminué, voire absent ou retardé (figure 3.15).
Figure 3.15 Dissection aortique en ETO (vue transversale).
Visualisation du voile intimal disséquant, séparant deux chenaux : vrai et faux (B).
Source : Ch. Klimczak, 120 Pièges en échocardiographie, Elsevier Masson, 2009.
Autres signes de dissection
D’autres signes de dissection sont souvent retrouvés à l’ETO dans les dissections aortiques :
Porte d’entrée
La localisation de la porte d’entrée est un élément indispensable pour le chirurgien conditionnant la technique opératoire.