3 ECG et douleur thoracique
HISTOIRE CLINIQUE ET EXAMEN
Il existe de nombreuses causes de douleurs thoraciques. Toutes sortes de situations extracardiaques peuvent simuler un infarctus du myocarde, rendant de ce fait l’ECG extrêmement utile au diagnostic. Néanmoins, l’ECG est moins important que l’histoire clinique et l’examen physique, dans la mesure où l’ECG peut être normal dans les toutes premières heures d’un infarctus du myocarde.
Quelques étiologies de douleurs thoraciques sont recensées dans l’encadré 3.1.
L’ECG de la figure 3.1 a été enregistré dans un service d’urgences hospitalières chez un homme de 44 ans souffrant d’une douleur thoracique plutôt vague. Il donnait l’impression d’être atteint d’une affection virale et on pouvait considérer que son ECG était dans les limites de la normale. On l’autorisa à regagner son domicile où il décéda le même jour. L’autopsie décela un infarctus du myocarde ayant débuté probablement quelques heures plus tôt, et justifiant sa consultation aux urgences de l’hôpital.
DOULEUR THORACIQUE AIGUË
Les différents aspects que peut prendre une douleur thoracique en fonction de la cause sont résumés dans l’encadré 3.2.
Encadré 3.2 Les différents caractères de la douleur thoracique.
Dissection aortique
DOULEUR THORACIQUE CHRONIQUE
Le principal diagnostic différentiel de l’angine de poitrine est représenté par les douleurs thoraciques habituelles chez l’homme d’âge moyen, dont le diagnostic est loin d’être évident. Ces douleurs sont parfois appelées « douleurs thoraciques atypiques », mais il s’agit d’une étiquette diagnostique dangereuse, car elle implique l’existence d’un diagnostic (implicitement, ischémie myocardique) mais aussi « l’atypie » des symptômes. Certaines de ces douleurs sont musculosquelettiques. Le syndrome de Tietze, caractérisé par des douleurs des articulations chondrocostales, en est l’exemple le plus typique, mais dans la plupart des cas, l’étiquette diagnostique la plus cohérente est « douleur thoracique de cause inconnue ». Ceci demande une possible réévaluation ultérieure.
Les signes physiques à rechercher sont :
L’ECG PENDANT LA DOULEUR THORACIQUE
ECG ET ISCHÉMIE MYOCARDIQUE
L’angor stable et « la douleur thoracique de cause inconnue » restent des entités diagnostiques à part entière chez les patients admis en milieu hospitalier pour une douleur thoracique, mais chez qui le terme « syndrome coronaire aigu » est inapproprié.
MODIFICATIONS DE L’ECG AU COURS DE L’INFARCTUS DU MYOCARDE AVEC SUS-DÉCALAGE DU SEGMENT ST
INFARCTUS INFERIEUR
Les figures 3.2, 3.3 et 3.4 montrent les tracés enregistrés chez un patient dont l’histoire clinique est typique d’un infarctus du myocarde : lors de l’admission à l’hôpital, 3 h plus tard, 24 h plus tard. Les principales modifications s’observent dans les dérivations DII, DIII et VF. Dans ce cas, le segment ST est d’emblée surélevé, puis les ondes Q apparaissent et les ondes T s’inversent.
INFARCTUS ANTÉRIEUR ET LATÉRAL
Dans l’infarctus antérieur, les modifications s’observent de V2 à V5. V1, qui fait face au ventricule droit, est rarement concerné (figure 3.5).
La paroi latérale du ventricule gauche, tout comme la paroi antérieure, est souvent touchée en même temps, et les dérivations Di, VL et V6 montrent le même aspect d’infarctus. Les figures 3.6 et 3.7 montrent l’enregistrement chez un patient porteur d’un infarctus aigu de siège antérolatéral, avec élévation initiale du segment ST, puis inversion de l’onde T en dérivations latérales. Sur le tracé de la figure 3.7, la déviation axiale gauche apparaît, témoin de la lésion du faisceau antérieur gauche1
La figure 3.8 montre un enregistrement effectué 3 j après un infarctus latéral, avec des ondes Q et des ondes T inversées en DI, VL et V6.
L’ECG de la figure 3.9 a été enregistré plusieurs semaines après un infarctus du myocarde antérolatéral. Bien que les modifications en DI et VL semblent « anciennes », avec un segment ST isoélectrique, il persiste un sus-décalage du segment ST de V3 à V5. Si le patient avait été admis à l’hôpital avec le seul diagnostic de douleur thoracique, ces modifications électriques auraient été interprétées comme celles d’un infarctus, mais ce patient avait déjà ressenti une douleur identique un peu plus de 1 mois auparavant. La persistance d’un sus-décalage du segment ST est très courante après un infarctus antérieur : ce phénomène est parfois le témoin de la présence d’un anévrisme du ventricule gauche, mais ce n’est pas un signe de grande fiabilité.
Un infarctus antérieur ancien peut souvent n’être responsable que de ce que l’on appelle « progression paresseuse de l’onde R ». La figure 3.10 montre l’enregistrement chez un patient qui avait pour antécédent un infarctus antérieur survenu quelques années plus tôt. Un ECG normal montrerait l’augmentation progressive de taille de l’onde R de V1 à V5 ou V6. Dans ce cas, l’onde R reste très petite en V3 et V4, mais sa taille redevient normale en V5. Ce défaut de progression est en faveur d’un infarctus ancien.
INFARCTUS POSTÉRIEUR
Un infarctus de la paroi postérieure du ventricule gauche peut, néanmoins, être détecté à partir d’un ECG 12 dérivations ordinaire, car cet infarctus est à l’origine d’une onde R prédominante en V1. Normalement, le ventricule gauche dont la masse myocardique est plus importante que celle du ventricule droit exerce une influence plus grande sur l’ECG. C’est pourquoi, normalement, le complexe QRS est orienté vers le bas en V1. Dans l’infarctus postérieur, les forces électriques dirigées d’avant en arrière disparaissent, avec pour conséquence le fait que l’électrode située en V1 « regarde » la dépolarisation du ventricule droit, laquelle s’effectue vers l’avant et sans opposition. L’électrode en V1 enregistre donc un complexe QRS à prédominance positive, dirigé par conséquent vers le haut.
La figure 3.11 montre le premier enregistrement effectué chez un patient souffrant d’une douleur thoracique aiguë. Il existe une onde R prédominante en V1, et un sous-décalage ischémique du segment ST (voir page 189) de V2 à V4. Les électrodes thoraciques on été ensuite déplacées en V7 et V9 : toutes dans le même plan horizontal que V5, avec V7 sur la ligne axillaire postérieure, V9 au bord de la colonne vertébrale, et V8 à mi-chemin entre les deux, sur la ligne médioscapulaire. L’enregistrement ECG a montré par la suite un sus-décalage du segment ST, avec des ondes Q typiques d’un infarctus aigu.
INFARCTUS DU VENTRICULE DROIT
L’infarctus inférieur est quelquefois associé à un infarctus du ventricule droit. Cliniquement, on suspecte cette association chez un patient porteur d’un infarctus inférieur, en l’absence de retentissement pulmonaire, alors que la pression veineuse jugulaire est élevée. L’ECG va montrer dans ce cas un sus-décalage du segment ST dans les dérivations enregistrant l’activité électrique de la partie droite du cœur. La position des électrodes correspond à celles du côté gauche de la manière suivante : V1R correspond au V2 normal ; V2R correspond au V1 normal ; V3R est situé à droite, à l’endroit correspondant à V3 du côté gauche, etc. La figure 3.12 provient d’un patient porteur d’un infarctus aigu du ventricule droit.
INFARCTUS MULTIPLES
Les infarctus touchant plus d’une région du ventricule gauche provoquent des lésions simultanées de différents territoires ECG. Ceci implique habituellement une atteinte de plus d’une des artères coronaires de gros calibre. L’ECG de la figure 3.13 montre un infarctus myocardique inférieur aigu ainsi qu’un sous-décalage notable du segment ST de territoire antérieur. L’angiographie coronaire effectuée par la suite a montré une sténose significative du tronc de l’artère coronaire gauche.
La figure 3.14 montre l’enregistrement ECG d’un patient ayant un infarctus myocardique aigu de territoire inférieur. Une onde R augmentant faiblement d’amplitude de V2 à V4 témoigne d’un infarctus antérieur ancien.
L’ECG de la figure 3.15 montre un infarctus inférieur aigu et une inversion de l’onde T de territoire antérieur due à un infarctus avec susdécalage de ST (voir page 165).
L’ECG de la figure 3.16 montre un infarctus du myocarde aigu de territoire antérieur. De profondes ondes Q en DIII et VF témoignent d’un infarctus inférieur ancien.