3. Dispositifs

Chapitre 3. Dispositifs


À l’échelon international, il y a peu d’unités de psychiatrie de liaison dévolues à la seule pédiatrie (Garralda, 2004; Woodgate & Garralda, 2006). En France, il n’existe aucun texte législatif spécifique régissant la psychiatrie de liaison (d’adultes et d’enfants), mais son existence et ses spécificités sont souvent évoquées à propos de la création de structures psychiatriques à l’hôpital général, ou bien encore de la prise en charge des urgences psychiatriques dans les centres hospitaliers généraux. La circulaire du 14 mars 1972 et celle du 14 mars 1990 insistent sur «la nécessaire présence, permanente, de soignants psychiatriques à l’hôpital général ainsi que sur le développement des soins psychiatriques dans ces hôpitaux». Le rapport Massé (1992) insiste sur «la nécessité de développer la psychiatrie de liaison»; il en précise d’autre part les spécificités. La circulaire 70 du 11 décembre 1992, relative aux orientations de la politique de santé mentale en faveur des enfants et des adolescents, prévoit la pédopsychiatrie de liaison à l’hôpital général. Cette présence à l’hôpital général, et en particulier en pédiatrie, permet d’améliorer l’image de la psychiatrie (par le jeu de son intégration) et d’élargir le champ de ses interventions.



«Médecine du sujet et de la relation, progressivement affranchie du souci d’objectiver à tout prix sinon de réifier la maladie mentale, la psychiatrie peut enfin reconnaître l’importance d’une approche intégrée, aussi bien face à une affection organique qu’à un trouble mental, et cela sans renier son identité.»


Depuis 1999, tous les centres hospitalo-universitaires sont pourvus d’un service de psychiatrie, et la psychiatrie de liaison a atteint sa majorité et son indépendance. Cependant, dans certains centres hospitaliers généraux, tel n’est pas toujours le cas, et certaines créations d’unité de pédopsychiatrie de liaison sont très récentes (Rascle et al., 1997).

Actuellement en France, presque tous les services de pédiatrie travaillent donc en lien avec des unités de pédopsychiatrie; la pédopsychiatrie de liaison est devenue une discipline indispensable et complémentaire des disciplines somatiques, tant sur le plan clinique et thérapeutique que sur le plan de la recherche. Pour autant, comme R. Zumbrunnen le précise, l’avenir de la psychiatrie de liaison en tant que spécialité n’est pas assuré : «son domaine, l’interface entre la médecine somatique et la psychiatrie, risque sans cesse d’être revendiqué par l’une des deux branches à l’exclusion de l’autre, alors que la vocation de la psychiatrie de liaison est au contraire d’offrir un point de rencontre entre ces deux points de vue» (Zumbrunnen, 1992). Cela confirme ce que D.W. Winnicott laissait présager en 1969: «Laissons au temps le soin de résoudre le problème de la double discipline, et considérons les deux types d’approche : l’une somatique, l’autre psychologique, pour essayer d’assimiler ce que chacune d’elle peut apporter à la pédiatrie.» Quarante ans plus tard, nous pensons que la pédopsychiatrie de liaison démontre sa capacité à se diversifier, à s’adapter, à offrir des voies et des stratégies thérapeutiques nouvelles.

En 2010, l’organisation de la pédopsychiatrie de liaison est donc loin d’être homogène en France. Les dispositifs d’intervention sont très variables selon les hôpitaux, en fonction des expériences locales et de l’histoire de la collaboration entre psychiatres et somaticiens au sein des services de pédiatrie. Ainsi, tous les intermédiaires existent entre :




• des modèles «éclatés» qui reposent sur l’existence de vacations de spécialistes «attachés» à des services de pédiatrie, dans le fonctionnement desquels ils sont intégrés;


• des modèles «centralisés», où un service, un département ou une unité de psychiatrie de liaison regroupe l’ensemble des moyens d’intervention psychiatrique et psychologique d’un hôpital général (Consoli, 1995).

Le modèle centralisé paraît être le plus intéressant, puisqu’il permet l’identification d’un dispositif stable et d’une équipe de pédopsychiatrie de liaison homogène. Il semble en effet souhaitable que l’activité de pédopsychiatrie de liaison soit effectuée par une équipe pluridisciplinaire et ne repose pas sur un pédopsychiatre isolé. Cette équipe de liaison peut, dans l’idéal, être composée de pédopsychiatres, mais aussi de psychologues cliniciens et d’infirmières psychiatriques. Elle peut être coordonnée par le pédopsychiatre responsable de l’unité de pédopsychiatrie de liaison.

C. Mille et A. Mutombes (2005) confirment l’importance de «conditions institutionnelles préalables» qui assurent l’ancrage du travail de pédopsychiatrie de liaison. Pour que le pédopsychiatre de liaison ait sa place au sein de l’hôpital général, il est nécessaire que son dispositif d’intervention bénéficie d’une reconnaissance officielle et qu’il soit validé par les chefs de services et de pôles des différentes unités de pédiatrie.

Ainsi, nul ne conteste aujourd’hui la présence d’équipes de pédopsychiatrie à l’hôpital général… Mais cette présence de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent ne doit pas instituer une psychiatrie à deux vitesses, et notamment un désengagement de la prise en charge des malades psychiatriques «lourds». En effet, le risque serait qu’il y ait une pédopsychiatrie active et noble à l’hôpital pédiatrique et une pédopsychiatrie passive, lourde et chronique dans les secteurs de l’hôpital psychiatrique. Le danger est grand, et cette dérive doit être évitée – d’autant que la question des moyens pour la discipline est sous-jacente, toujours vive et problématique en 2010… et que ce qui constitue le véritable plateau technique de la pédopsychiatrie, c’est son personnel. Or, il y a de moins en moins de psychiatres tandis que le nombre de missions augmente (Vermelen, 2003).


Références


Consoli, S-M., Psychiatrie de liaison, In: (Editors: Senon, J.-L.; Sechter, D.; Richard, D.) Thérapeutique psychiatrique (1995) Hermann, Paris, pp. 955979.

Garralda, M.E., The interface between physical and mental health problems and medical help seeking in children and adolescent : A research perspective, Child and adolescent mental health 9 (4) (2004) 146155.

Massé, G., La Psychiatrie ouverte : Une dynamique nouvelle en santé mentale : Rapport au ministre de la Santé et de l’Action humanitaire. (1992) ENSP, Rennes.

Mille, Ch.; Mutombo, A., Travail institutionnel en pédopsychiatrie de liaison, In: (Editor: Bailly, D.) Pédopsychiatrie de liaison : Vers une collaboration entre pédiatres et psychiatres (2005) Doin, coll, Paris, pp. 1523; «Progrès en pédiatrie».

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Apr 22, 2017 | Posted by in PÉDIATRIE | Comments Off on 3. Dispositifs

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