3. Asthme de l’enfant

Chapitre 3. Asthme de l’enfant

Nicole Beydon



Asthmede l’enfantL’asthme est une maladie connue depuis l’Antiquité, et dont le nom vient du latin asthma qui signifie oppression, difficultés à respirer, lui-même issu du terme grec σθμα, qui signifie respiration, du verbe souffler, respirer. C’est aussi une maladie fréquente et les célébrités, y compris sportives de haut niveau, qui souffrent ou ont souffert d’asthme sont nombreuses, permettant de démontrer facilement aux patients que l’on peut être asthmatique et avoir une vie extraordinaire et, à défaut, normale.

Ce chapitre traite de l’asthme de l’enfant de plus de 3 ans, l’asthme du nourrisson étant traité au chapitre 2 de cet ouvrage.


Définition


Asthmede l’enfantdéfinitionLa définition de l’asthme est composite, mais c’est l’inflammation des voies aériennes qui est au centre de la physiopathologie, et l’obstruction bronchique réversible qui rend compte des symptômes. L’asthme se définit ainsi dans trois dimensions :




• histologique : il s’agit d’une inflammation dans laquelle prédominent classiquement lymphocytes T, mastocytes, polynucléaires éosinophiles, macrophages et parfois polynucléaires neutrophiles;


• clinique : les sifflements respiratoires et la dyspnée sont les maîtres symptômes; s’y associent très fréquemment une toux, un essoufflement, une sensation d’oppression thoracique. Ces symptômes sont d’apparition spontanée ou déclenchés par diverses circonstances, en particulier l’effort, l’émotion, l’exposition allergénique ou à des polluants, et ils disparaissent spontanément ou sous l’effet de traitements antiasthmatiques;


• fonctionnelle : le trouble ventilatoire obstructif réversible définit le profil fonctionnel de l’asthme chez l’enfant. Parfois, l’exploration fonctionnelle respiratoire (EFR) avec test au bronchodilatateur est normale, mais le test de provocation bronchique révèle une hyperréactivité bronchique.


Épidémiologie


Asthmede l’enfantépidémiologieAprès l’augmentation de la prévalence de l’asthme de la fin du XXe siècle, il semblerait qu’une période de stabilité ait débuté avec le nouveau siècle. Récemment, une enquête en milieu scolaire de Delmas et al. reprise sur le site de l’Institut national de veille sanitaire (InVS) a montré une prévalence de l’asthme de l’ordre de 9 % en fin de primaire et en fin de collège (tableau 3.1). Cette tendance à la stabilisation n’est pas uniquement nationale; elle concerne la plupart des pays pour lesquels des données épidémiologiques récentes sont disponibles.



















































Tableau 3-1 Prévalence de l’asthmeAsthmede l’enfantprévalence et des symptômes évocateurs d’asthme chez l’enfant*.
Source : Institut de veille sanitaire (InVs).
*Enquête décennale santé 2003 (1675 enfants âgés de 11–14 ans, France métropolitaine) et enquêtes 2004–2005 (7104 élèves de classe de CM2) et 2003–2004 (7284 élèves de classe de troisième) du cycle triennal en milieu scolaire (France métropolitaine et DOM).
1Traitement pour crise de sifflements ou d’asthme dans les 12 derniers mois.
2Sifflements dans les 12 derniers mois chez un enfant ayant déjà eu des crises d’asthme, ou traitement pour crise de sifflements ou d’asthme au cours des 12 derniers mois.
Source : Institut de veille sanitaire (InVs).
Symptômes 12 derniers mois Enquête décennale n = 1675 Classe de CM2 n = 7104 Classe de troisième n = 7284
Sifflements 8,3 % 8,5 % 10,1 %
Sifflements à l’effort 9,7 % 9,9 % 10,0 %
Toux sèche nocturne 17,0 % 14,8 % 10,5 %
Asthme

Asthme vie 12,7 % 12,3 % 13,4 %
Traitement 12 derniers mois1 8,0 % 7,7 %
Asthme actuel2 8,7 % 8,6 %

Par ailleurs, si l’asthme est une maladie potentiellement mortelle en cas de traitement inadapté du fait d’un sous-diagnostic ou d’une observance défaillante, son taux de mortalité n’a cessé de baisser en France, d’abord chez l’homme dès les années 1990, ensuite chez la femme depuis les années 2000, comme le montrent les statistiques mise à disposition par l’InVS (fig. 3.1). La mortalité a toujours été faible à l’âge pédiatrique.


Le taux annuel d’hospitalisation pour asthme diminue chez l’adulte ces dernières années, alors qu’il reste plus élevé (3 à 5 fois le taux des adultes) et stable chez l’enfant. Il est à noter qu’un quart des hospitalisations pédiatriques pour asthme aigu grave est le fait de crises inaugurales de la maladie, donc difficiles à prévenir. Les garçons sont plus hospitalisés que les filles (fig. 3.2), contrairement à la tendance adulte dans laquelle ce sont les femmes qui sont plus hospitalisées que les hommes. Cette différence reflète fidèlement le fait que l’asthme touche deux tiers de garçons à l’âge pédiatrique alors qu’il n’y a plus de sex ratio à l’âge adulte. La stabilité du taux d’hospitalisation, voire sa décroissance dans certains pays, montre que l’augmentation de la prévalence de l’asthme détectée à partir des années 1970–1980 a été le fait d’une augmentation du nombre de diagnostic d’asthmes légers ou modérés sans augmentation des formes sévères de la maladie.



Diagnostic


Asthmede l’enfantdiagnosticLe diagnostic est fait à l’occasion de symptômes :




• typiques : crise d’asthme, sifflements et/ou gêne respiratoire survenant dans certaines circonstances (souvent identiques pour un même enfant), et spontanément réversibles ou soulagés par les bronchodilatateurs;


• ou atypiques : foyers pulmonaires récidivants, toux chronique ou bronchites récidivantes, gêne respiratoire isolée à l’effort.

Tous ces symptômes reflètent l’obstruction bronchique causée par les mécanismes suivants :




• contraction du muscle lisse bronchique;


• œdème de la paroi bronchique secondaire à l’inflammation;


• épaississement de la paroi bronchique, aussi appelé «remodelage»; il est la conséquence des modifications de la structure même de la bronche, et peut devenir permanent (non réversible);


• sécrétions intrabronchiques.


Symptômes typiques et crise d’asthme



Symptômes cliniques


Crise d’asthmechez l’enfantsymptômes cliniquesLes symptômes classiques de la crise d’asthme sont la toux sèche, les sibilants, la dyspnée, l’oppression thoracique. Ces symptômes peuvent s’associer différemment entre eux ou même rester isolés au cours d’une crise. Lorsque ces symptômes sont légers et brefs, les patients et leur entourage ne donnent généralement pas le nom de crise à ces épisodes respiratoires, alors que ni la sévérité des symptômes ni leur longue durée ne sont nécessaires au diagnostic de crise.

La crise est souvent précédée de prodromes : rhinorrhée, toux, parfois poussée d’eczéma. Ces prodromes sont volontiers stéréotypés pour chaque enfant, qui peut (ainsi que son entourage) les repérer. La crise peut aussi être rapportée à des événements déclenchants évidents : effort, excitation, infection respiratoire, exposition allergénique, climatique ou toxique (tabagisme). Lorsque la crise perdure plus de 24 h et nécessite un recours aux soins en urgence et/ou un traitement aux corticoïdes par voie générale, il s’agit d’une exacerbation. Lorsque les symptômes sont très sévères d’emblée ou sévères et ne s’amendant pas avec un traitement bien conduit, l’enfant est hospitalisé et on parle d’asthme aigu grave, pouvant parfois aboutir à une insuffisance respiratoire aiguë nécessitant une hospitalisation en unité de soins intensifs.

En dehors de la crise d’asthme, les symptômes typiques d’asthme sont les sifflements, la gêne respiratoire ou l’oppression thoracique, et la toux. Ces symptômes peuvent être de survenue inopinée, mais ils sont souvent déclenchés ou aggravés par l’exposition allergénique (unité de lieu et de temps), les infections virales, l’effort, l’émotion, l’exposition à un irritant extérieur (tabac). Ces symptômes sont améliorés par les bronchodilatateurs.


Particularités sémiologiques de la crise d’asthme en pédiatrie






• Il n’existe pas de bruits auscultatoires anormaux (ni non plus de murmure vésiculaire) lorsque la distension pulmonaire est majeure. Dans ce cas, ce n’est qu’après l’administration de bronchodilatateur que les sibilants apparaissent. Encore faut-il penser au diagnostic et administrer des bronchodilatateurs lorsqu’il s’agit de la première crise. Le terrain (atopie, antécédents d’asthme du nourrisson ou familiaux) et les symptômes d’accompagnement (toux, dyspnée) orientent le diagnostic.


• Les formes d’emblée sécrétantes sont plutôt l’apanage du jeune enfant, particulièrement sujet aux infections respiratoires. Il n’est pas toujours aisé de faire la part de ce qui revient à l’encombrement bronchique ou au bronchospasme dans le bruit expiratoire perçu. L’administration de bronchodilatateur peut aider à éclaircir la sémiologie.


• La polypnée est d’autant plus importante que l’enfant est jeune, et ce contrairement à ce que l’on retrouve chez l’adolescent dont la crise se rapproche de celle de l’adulte, avec la bradypnée expiratoire.


• Le tirage est volontiers à la fois bas situé (sous-costal, intercostal) et haut situé (sus-sternal et sus-claviculaire) du fait de la compliance élevée de la cage thoracique de l’enfant jeune comparativement à celle du grand enfant et de l’adolescent. Le tirage haut n’est pas synonyme d’obstacle extrarespiratoire, bien qu’une authentique laryngite aiguë puisse s’accompagner d’une crise d’asthme; mais dans ce cas, généralement, la laryngite précède la crise d’asthme.

Le tableau 3.2 donne les informations anamnestiques de sévérité de la crise d’asthme.



























Tableau 3-2 Critères anamnestiques de sévérité d’une crise d’asthme chez l’enfantCrise d’asthmechez l’enfantcritères anamnestiques de sévérité d’une.

Traitement de fond prescrit et correctement pris Crise sévère antérieure Mauvaise perception, obstruction, difficultés psychosociales Nombreuses décompensations récentes, augmentation consommation β-mimétiques Crise actuelle < 24 h Traitement entrepris efficace
Pas de facteurs de sévérité Oui Non Non Non Oui Oui
Facteurs de sévérité Non Oui (récente, en réanimation) Oui Oui Non Non

Le tableau 3.3 reprend les paramètres cliniques à rechercher devant une crise d’asthme de l’enfant pour en évaluer la sévérité.
























































Tableau 3-3 Critères cliniques de sévérité d’une crise d’asthme chez l’enfantCrise d’asthmechez l’enfantcritères cliniques de sévérité d’une.
Crise Légère Modérée Sévère
Comportement Normal Ne court pas, se fatigue à la marche. Peut dire des phrases Fatigué, reste assis, ne veut pas s’allonger. Ne peut dire que des mots. Ne mange pas
Dyspnée Pas de dyspnée au repos Dyspnée modérée, accentuée par le moindre effort Dyspnée de repos intense. Toux entravée par la dyspnée
Tirage Aucun ou minime après effort Au repos, s’accentuant au moindre effort Au repos, intense. Parfois cyanose
Fréquence respiratoire Normale


Augmentée


> 40/min si 2–5 ans; > 30/min si > 5 ans
Sibilants Discrets, en fin d’expiration Francs, durant toute l’expiration Au deux temps de la respiration, diminués voire absents
Fréquence cardiaque Normale > 130/min si 2–5 ans; > 120/min si > 5 ans
Débit expiratoire de pointe > 80 % du meilleur connu 50–80 % du meilleur connu < 50 % meilleur connu, impossibilité à réaliser
SpO2 ≥ 95 % 91–94 % < 91 %
Gazométrie Inutile


PaO2 < 60 mmHg


PaCO2 > 45 mmHg
Réponse aux β-mimétiques Bonne, prolongée Bonne, brève Partielle

La crise très sévère se traduit par un enfant assis, pâle ou cyanosé, qui ne peut pas parler ni boire. Il y a un silence auscultatoire et un balancement thoracoabdominal qui peut diminuer avec la fatigue extrême, un battement des ailes du nez, un creusement sus-sternal. Les pauses respiratoires ainsi que la bradycardie font craindre un arrêt cardiorespiratoire imminent. Il faut appeler un service d’urgences mobiles médicalisées en même temps que débuter le traitement.


Examens complémentaires


Crise d’asthmechez l’enfantexamens complémentairesEn ambulatoire, il est rare d’avoir recours à des examens complémentaires du fait de symptômes aigus d’asthme.

La radiographie de thorax n’est pas indispensable à chaque récidive de la symptomatologie asthmatique. Elle est cependant indiquée :




• lors de la première crise d’asthme ou lors de symptômes respiratoires atypiques chez un enfant sans antécédent, pour éliminer un diagnostic autre;


• en cas d’asymétrie auscultatoire franche et/ou de douleur latéralisée ou rétrosternale majorée par les mouvements respiratoires faisant suspecter un pneumothorax et/ou un pneumomédiastinPneumomédiastin qui imposeraient une hospitalisation (fig. 3.3);



• en cas de perception d’un emphysème sous-cutané, en général axillaire, sus-claviculaire et/ou cervical antérieur, qui peut accompagner un épanchement aérique intrathoracique. Dans tous les cas, la présence d’un emphysème sous-cutané impose l’hospitalisation pour surveillance;


• de symptômes faisant suspecter une infection pulmonaire : fièvre élevée persistante, foyer auscultatoire, herpès labial;


• de symptômes d’asthme récidivants inhabituels chez un enfant asthmatique connu bien équilibré jusqu’alors. Un enfant asthmatique peut développer une autre pathologie (fig. 3.4), ou inhaler un corps étranger, et ce d’autant plus que les enfants asthmatiquestoussent souvent, y compris lorsqu’ils ont quelque chose en bouche, favorisant ainsi la pénétration bronchique du contenu buccal (fig. 3.5);




• de crise sévère nécessitant une hospitalisation.

En l’absence de complications, on peut voir la distension thoracique avec aplatissement des côtes et du diaphragme, de courbure parfois même inversée, l’augmentation du nombre d’arcs costaux antérieurs visibles de face (≥7) et l’hyperclarté rétrocardiaque de profil. Une atélectasie peut être visualisée dont le traitement se confond avec celui de la crise. Le contrôle de sa disparition est cependant nécessaire. Les épanchements gazeux sont recherchés comme des lignes claires péripulmonaires (pneumothorax), péricardiaques etpérimédiastinales (pneumomédiastinPneumomédiastin), dans les tissus mous axillaires, cervicaux. Une pneumopathie franche lobaire aiguë est rare, une pneumopathie atypique plus fréquente (voir chapitre 6).

Les examens motivés par des symptômes typiques non aigus d’asthme sont détaillés dans le paragraphe «Démarche diagnostique et bilan initial».


Symptômes non typiques d’asthme



Symptômes cliniques



Foyers pulmonaires récidivants


Asthmede l’enfantsymptômesLes foyers doivent être objectivés par un cliché thoracique, l’auscultation pulmonaire étant parfois imprécise en pédiatrie. La radiographie thoracique est le plus souvent demandée devant une fièvre avec toux persistante chez un enfant n’ayant pas d’autres points d’appel infectieux, si ce n’est une rhinite. Le lobe moyen est le plus fréquemment touché, mais les foyers peuvent se situer dans tous les territoires pulmonaires. Si les foyers sont toujours localisés au même territoire, il faut se méfier d’un obstacle bronchique, et en premier lieu d’un corps étranger, en recherchant unsyndrome de pénétration et des signes radiologiques compatibles (fig. 3.5). Au moindre doute, une endoscopie bronchique est demandée, en sachant que le scanner thoracique, qui peut montrer les corps étrangers radiotransparents, pourrait devenir dans un futur proche l’examen de première intention dans cette indication (voir fig. 9.24).

Lorsque les foyers pulmonaires ne s’accompagnent d’aucune autre pathologie (voir fig. 6.3), en particulier immunitaire, on peut entreprendre la recherche d’un asthme (voir plus bas), d’autant plus vraisemblable qu’existe une atopie familiale ou personnelle. Si un asthme est retrouvé, le traitement adapté prévient les récidives infectieuses.


Foyer du lobe moyen


Foyerdu lobe moyenPneumopathieFoyerdu lobe moyenLe lobe moyen est desservi par une bronche de petit diamètre dont l’orientation assez perpendiculaire par rapport à la bronche mère, associée à l’inflammation et au bronchospasme, favorise l’obstruction. S’ensuivent des surinfections fréquentes ajoutant hypersécrétion et inflammation à celles déjà existantes (fig. 3.6).


Les étiologies les plus fréquentes de cette localisation de foyer chronique sont le reflux gastro-œsophagien chez le nourrisson et l’asthme chez l’enfant plus grand, après avoir éliminé une compression endo- (corps étranger) ou extrabronchique (encadré 3.1).



Toux récidivante


Toux chronique de l’enfantrécidivanteCe symptôme est traité dans le chapitre 4. Lorsque la toux est isolée et la radiographie thoracique normale, on effectuera le bilan à la recherche d’un asthme. Lorsque la toux s’accompagne d’un encombrement bronchique, il s’agit alors de bronchites à répétition dont il faut bien vérifier si elles sont «sifflantes» ou «asthmatiformes» car, dans ce cas, le diagnostic d’asthme est posé. Lorsque les bronchites répétées sont non sifflantes, sans terrain allergique, souvent associées à des infections ORL et avec un syndrome bronchique à la radiographie thoracique, on doit effectuer un bilan de débrouillage. Ainsi, la recherche d’un asthme n’est entreprise qu’après avoir éliminé un déficit immunitaire, une mucoviscidose, voire une dyskinésie ciliaire, et après avoir constaté la rechute ou l’absence d’amélioration de la symptomatologie après 15 jours d’antibiotique type amoxycilline + acide clavulanique.


Gêne respiratoire isolée d’effort


Gêne respiratoire à l’effortisoléeLe chapitre 5 reprend la démarche diagnostique devant une gêne respiratoire d’effort isolée. La démarche diagnostique vise : 1) à éliminer des causes extrarespiratoires (cardiopathie, anémie, etc.) ou respiratoires spécifiques (pathologie interstitielle, compression trachéobronchique, etc.); 2) à essayer de mettre en évidence de façon simple un mécanisme d’asthme soit par la mise en évidence de symptômes typiques en dehors de l’effort, soit par l’efficacité incontestable des bronchodilatateurs dans la prévention de la gêne à l’effort, soit, enfin, par la mise en évidence d’une obstruction bronchique réversible dans le cadre du test au bronchodilatateur lors des EFR. Ce n’est qu’en cas de négativité de ce bilan qu’une épreuve d’effort cardiopulmonaire d’effort recherchera à reproduire les symptômes pour en faire le diagnostic précis. L’asthme induit par l’effort ne représente que 10 % des causes de gênes respiratoires d’effort isolées chez l’enfant.

Pour rattacher ces symptômes atypiques à un asthme, on insistera sur la recherche d’éléments d’orientation qui sont :




• le terrain atopique familial et surtout personnel;


• d’autres symptômes évocateurs mais banalisés par l’enfant et/ou sa famille : sifflements respiratoires (ou toux, en particulier nocturne prolongée) lors des viroses, à certaines saisons, lors des jeux avec excitation ou lors des pleurs;


• l’association entre eux des symptômes atypiques dont aucun n’est spécifique en soi.


Examens complémentaires


Asthmede l’enfantexamens complémentairesAu minimum, le bilan initial développé dans le paragraphe suivant est nécessaire devant des symptômes respiratoires atypiques, mais aussi des examens orientés par l’interrogatoire et l’examen clinique (voir chapitre 12).


Démarche diagnostique et bilan initial


Asthmede l’enfantdémarche diagnostiqueAsthmede l’enfantbilan initial




• Symptômes typiques : le diagnostic est clinique; le bilan initial vise à rechercher l’étiologie de la maladie, à évaluer l’environnement de l’enfant et la gravité de la maladie de façon à déterminer la conduite thérapeutique environnementale etmédicamenteuse et d’éducation thérapeutique (ETP). Le bilan initial est montrétableau 3.4.














Tableau 3-4 Bilan initial devant des symptômes typiques d’asthmeAsthmede l’enfantbilan initial.
Évaluation clinique Radiographie thoracique Bilan allergologique Exploration fonctionnelle respiratoire



Niveau de gravité de la maladie (voir fig. 3.9)


Facteurs environnementaux d’aggravation


Acceptation de la maladie


Diagnostic éducatif
Face inspiration expiration : possible distension pulmonaire diffuse, syndrome bronchique, foyer chronique (lobe moyen) Tests cutanés aux allergènes courants + autres allergènes selon contexte (circonstances déclenchantes) Mesures de base + test aux bronchodilatateurs : distension, réversibilité inconstante car pathologie fluctuante


• Symptômes non typiques : éliminer un diagnostic autre en fonction des symptômes présentés par l’enfant (voir tableau 3.5 et chapitre 12). Le bilan minimal en l’absence de facteurs cliniques évocateurs d’une autre pathologie que la pathologie asthmatique comporte une numération formule sanguine, une électrophorèse des protides avec dosage pondéral des immunoglobulines, une radiographie de thorax face en inspiration et expiration, une EFR avec test de réversibilité, un test de la sueur pour les bronchites ou foyers à répétition, un bilan allergologique.



















































Tableau 3-5 Orientation vers d’autres diagnostics que celui d’asthmeAsthmede l’enfantorientation vers d’autres diagnostics que celui d’ en fonction de la présentation cliniqueAsthmede l’enfantdiagnostic différentielDysplasiebronchopulmonaireORL.
ECG : électrocardiogramme; Ig : immunoglobuline; NO : monoxyde d’azote; OSM : otite séromuqueuse; TDM : tomodensitométrie; TOGD : transit œso-gastro-duodénal.
Symptômes d’orientation Examens complémentaires Diagnostics différentiels
Rhinites ou rhinosinusites chroniques ou subintrantes IgG, IgA, IgM ± sous-classes d’IgG, consultation ORL, bilan allergologique Déficit immunitaire humoral patent ou simple retard d’acquisition, rhinite allergique
Toux aboyante, bruit aux deux temps lors des épisodes de détresse respiratoire Radiographie, endoscopie trachéobronchique ± TDM thoracique Trachéo(broncho)malacie ± compression extrinsèque par anomalies des gros vaisseaux, malformations comprimant l’arbre trachéobronchique (kystes, tumeurs, etc.)
Rhinosinusite surinfectée chronique, polypose nasosinusienne, otorrhée fréquente et/ou OSM > 6 mois après l’âge de 5 ans


Mesure du NO nasal


Étude en microscopie optique voire électronique des cils respiratoires
Dyskinésie ciliaire primitive
Infections multiples répétées (ORL, bronchopulmonaires, digestives, cutanées, osseuses) Dosage IgG, IgA, IgM ± sous-classes d’IgG, complément sérique, sous-populations lymphocytaires, test fonctionnel du polynucléaire Déficit immunitaire humoral ou du complément ou cellulaire
Stagnation staturopondérale, selles pâteuses, nombreuses, décolorées, toux productive, polypose nasosinusienne Test de la sueur Mucoviscidose
Antécédents de prématurité avec oxygénodépendance > 28 jours Radiographie ± TDM thoracique, enregistrement SpO2 nocturne, échographie cardiaque Dysplasie bronchopulmonaire
Souffle cardiaque, cyanose en dehors d’une détresse respiratoire, syncope ECG, échographie cardiaque Malformation cardiaque
Vomissements faciles, pyrosis, douleurs abdominales pH-métrie Reflux gastro-œsophagien
Troubles de la déglutition, fausses routes Radiocinéma de la déglutition, TOGD, endoscopie ORL Immaturité du carrefour pharyngé, troubles neurologiques
Altération de l’état général, fièvre vespérale, contage, population à risque Radiographie de thorax, Tubertest® ± endoscopie bronchique, TDM thoracique Tuberculose

Parfois, il n’y a pas de symptômes évoquant un autre diagnostic et il faut garder en tête des diagnostics alternatifs :




• l’obstruction des voies aériennes supérieures : la gêne respiratoire est essentiellement inspiratoire; l’allure de la courbe débits-volume oriente et pousse à la réalisation de l’endoscopie;


• le syndrome d’hyperventilation : des signes respiratoires autres sont fréquents (raclement de gorge, reniflements, difficulté à prendre une inspiration, soupirs, bâillements) associés à des plaintes extrarespiratoires (anxiété, difficulté d’endormissement, fatigue générale, maux de ventre, douleurs articulaires). L’hypocapnie est la règle, persistante au cours de l’effort qui est souvent mal toléré;


• le dysfonctionnement des cordes vocales, avec abduction des cordes vocales en particulier lors d’efforts s’accompagnant d’une forte émotion;


• les corps étrangers inhalés : il n’est pas rare que le syndrome de pénétration ne soit pas retrouvé à l’interrogatoire et ce diagnostic, une fois suspecté, doit faire mener les explorations jusqu’à leur terme;


• la bronchite chronique obstructive par séquelle de virose : l’épisode initial sévère n’est pas toujours identifiable; c’est l’aspect de la tomodensitométrie (TDM) thoracique (aspect en mosaïque avec atteinte bronchiolaire et vasculaire) et des EFR (obstruction non réversible) qui pose le diagnostic;


• plus rarement, le syndrome restrictif, la défaillance cardiaque.

En l’absence d’autre étiologie, et compte tenu des intrications asthme–allergie–hyperréactivité bronchique (encadré 3.2), une maladie asthmatique sera suspectée devant des symptômes atypiques si :





• l’enfant a de l’eczéma, une rhinite ou une rhinoconjonctivite printanière, ou lors de l’exposition à des allergènes précis (animaux ++), une allergie cutanée à au moins un pneumallergène, des parents ou une fratrie allergiques et/ou asthmatiques;


• la radiographie de thorax est normale ou montre une distension bilatérale ± un syndrome bronchique ± un ou des foyers persistants ou récidivants;


• la fonction respiratoire montre une réversibilité (voir chapitre 11). L’examen de choix est la spirométrie qui montre, après administration de bronchodilatateur, une augmentation>12 % par rapport à la base (et de 200 ml chez le grand enfant) du volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) et/ou de la capacité vitale forcée (CVF). Cette réversibilité peut être mise en évidence alors qu’il existe ou non une obstruction sur la mesure de base, et ce d’autant plus que les normes utilisées sont anciennes. De façon un peu moins fiable, la surveillance quotidienne du débit expiratoire de pointe (DEP) peut montrer une variabilité sur une semaine > 20 % entre la valeur la plus basse et la valeur la plus haute, signe d’une trop grande variabilité de taille des voies aériennes. Enfin, en cas de test aux bronchodilatateurs négatif dans les formes atypiques, un test de provocation bronchique pharmacologique (foyers pulmonaires, toux) ou d’effort (dyspnée d’effort) positif démontre une hyperréactivité bronchique.


Radiographie de thorax


Radiographie du thorax/pulmonaireasthme de l’enfant etLes indications sont les suivantes :




• éliminer un diagnostic différentiel lors des premiers symptômes ou lors de l’aggravation inexpliquée des symptômes;


• diagnostiquer une complication de la crise d’asthme en cas de symptômes sévères (voir plus haut).

En dehors de la crise, la radiographie thoracique fait partie du bilan initial de la maladie pour éliminer un diagnostic différentiel (compression de l’arbre trachéobronchique par une masse médiastinale, dilatations bronchiques, séquelles de bronchodysplasie) (fig. 3.7). On peut retrouver les signes radiologiques décrits en cas de crise chez un enfant peu symptomatique car la symptomatologie clinique n’est pas parfaitement corrélée aux anomalies radiologiques constatées.



Exploration fonctionnelle respiratoire (EFR)


Exploration fonctionnelle respiratoireasthme de l’enfant etEFR Exploration fonctionnelle respiratoireL’EFR peut être pratiquée à tout âge. Dès l’âge de 3 ans, il est possible d’effectuer facilement des EFR non invasives dans le cadre de la maladie asthmatique. Le détail des techniques et des résultats est donné dans le chapitre 11.

Les résultats des EFR du bilan initial à partir de l’âge de 3 ans sont montrés au tableau 3.6 (voir aussi chapitre 11).

























Tableau 3-6 Explorations fonctionnelles respiratoiresExploration fonctionnelle respiratoireasthme de l’enfant etExploration fonctionnelle respiratoireinterprétation lors du bilan initial.
*Le test de provocation bronchique ne peut pas être réalisé le même jour que le test au bronchodilatateur; en particulier, la mesure postbronchodilatateur faite au décours d’un test de provocation bronchique ne peut pas être comparée à la mesure de base et interprétée comme un test au bronchodilatateur. CPT : capacité pulmonaire totale; CRF : capacité résiduelle fonctionnelle; CVF : capacité vitale forcée; VEMS : volume expiratoire maximal par seconde; VR : volume résiduel.
Base Test aux bronchodilatateurs Test de provocation bronchique*
Normal Fait si premier examen (des valeurs de base normales n’excluent pas une réversibilité) Réalisé si pas de réversibilité et symptômes atypiques
Distension pulmonaire (volumes) Normalisée (VR/CPT < 30) et/ou critère de réversibilité (–15 % CRF)
Obstruction bronchique (résistance ou expiration forcée) Normalisée avec critère de réversibilité (+12 % et 200 ml VEMS et/ou CVF; –35 à –45 % résistance) Réalisé si pas de réversibilité après test aux corticoïdes et doute diagnostique (avis spécialisé)


Bilan allergologique


Allergologique, bilanasthme de l’enfant etEnviron 80 % des enfants asthmatiques sont allergiques. Parfois, les symptômes précèdent la mise en évidence d’une sensibilisation, soit parce qu’elle n’existe pas encore, particulièrement à l’âge préscolaire (< 6 ans) – et les symptômes sont ceux de l’hyperréactivité bronchique, déclenchés par des infections, l’effort, l’émotion –, soit parce qu’il existe une hyporéactivité cutanée, et il faut savoir réitérer le bilan allergologique après quelques années en cas de persistance des symptômes. Ce bilan est essentiel car l’intensité des symptômes d’asthme est corrélée à l’intensité de l’exposition en cas d’allergie. Il est recommandé par la conférence d’experts de la Société de pneumologie de langue française en 2007, et par un consensus d’experts internationaux de l’asthme du jeune enfant, d’effectuer un bilan allergologique chez tout enfant asthmatique âgé de plus de 3 ans.

Les pneumallergènes sont testés en priorité dans le bilan d’asthme de l’enfant.




• Il n’y a pas d’âge minimal, mais l’on doit renouveler les tests négatifs à plusieurs mois ou années d’intervalle en cas de persistance des symptômes ou d’évolution défavorable de la maladie.


• Il faut tester au minimum : acariens Dermatophagoides pteronyssinus et acariens Dermatophagoides farinae, chat, chien, pollens de graminées, blattes.


• Dans certaines circonstances, il faut tester d’autres allergènes :




– exposition retrouvée à l’interrogatoire (cheval, rongeurs, moisissures, etc.);


– en cas de crise sévère, tester l’Alternaria;


– en cas de symptômes respiratoires postprandiaux parfois associés à d’autres symptômes, en particulier cutanés, penser à l’allergie alimentaire qui est responsable de 5 % des asthmes;


– penser aussi à l’anaphylaxie induite par l’effort et tester les allergènes alimentaires ingérés avant la survenue des symptômes.

Les techniques utilisées sont les suivantes.




• En première intention, on pratique des tests cutanés (prick testsPrick testsasthme de l’enfant et), car plusieurs allergènes peuvent être testés simultanément. Leur réalisation est facile, la réponse est rapide, la sensibilité bonne et le coût bas (fig. 3.8). Une réponse positive se traduit par l’apparition de la triade «papule + érythème + prurit» centrée sur le prick. Il est nécessaire d’obtenir :





– une réponse positive au témoin positif (codéine ou histamine); sinon, il s’agit d’une hyporéactivité cutanée (plus fréquente chez l’enfant jeune ou avec eczéma);


– une absence de réactivité au témoin négatif (solvant des extraits allergéniques); sinon, l’enfant a un dermographisme qui rendra tous les tests faussement positifs.


• Les tests cutanés sont réalisés sur les avant-bras ou sur le dos :




– après arrêt des antihistaminiques depuis au moins 48 h ou plus selon leur demi-vie biologique;


– après arrêt de la corticothérapie locale sur la zone cutanée où l’on réalise les tests, et à distance d’une poussée d’eczéma local;


– sans application d’émollients sur la zone testée le jour des tests.


• Un dosage sanguin est réalisé :




– si les tests cutanés sont négatifs, ou s’il existe une hyporéactivité cutanée aux témoins positifs ou un dermographisme; un test multiallergénique positif, type Phadiatop®, peut orienter vers une allergie respiratoire;


– si les tests cutanés sont douteux ou discordants pour un ou plusieurs allergènes alors qu’une exposition existe, le dosage des immunoglobulines E (IgE) spécifiques correspondantes aide au diagnostic allergologique;


– si l’arrêt des antihistaminiques pour quelques jours est impossible, les dosages sanguins d’IgE sont, eux, toujours réalisables.

La mise en évidence d’une sensibilisation allergénique permet de donner des conseils d’éviction. Par ailleurs, en cas de sensibilisation à un ou quelques allergènes chez un enfant ayant un asthme permanent nécessitant un traitement de fond ne pouvant être arrêté ou une symptomatologie saisonnière sévère qui s’aggrave d’année en année, une désensibilisationDésensibilisation à l’allergène responsable peut être proposée lorsque l’asthme est équilibré (encadré 3.3).

Apr 22, 2017 | Posted by in PÉDIATRIE | Comments Off on 3. Asthme de l’enfant

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