3: Affections respiratoires

Chapitre 3


Affections respiratoires





Mots clés


abcès (périamygdalien)


Un abcès où une infection du tissu mou superficiel se propage, créant des collections purulentes de l’espace sous-muqueux voisin des amygdales. Cet abcès et l’inflammation qui l’accompagne provoquent une déviation controlatérale de la luette.


anamnèse


Élément le plus important de l’évaluation du patient. Les éléments de l’anamnèse sont accessibles en utilisant des moyens mnémotechniques comme OPQRST et SAMPLER.


angine de Ludwig


Infection de l’espace cervical antérieur profond juste sous la mandibule. Son nom vient de la sensation d’étouffement et d’asphyxie décrit par la plupart des patients dans cette situation.


angio-œdème (œdème de Quincke)


Affection caractérisée par un œdème d’apparition rapide, siégeant généralement au niveau de la face ou du cou, notamment des lèvres (en particulier de la lèvre inférieure), des lobes des oreilles, de la langue ou de la luette.


atélectasie


Collapsus alvéolaire.


canal thoracique


Situé dans l’hémithorax supérieur gauche, le canal thoracique est le vaisseau lymphatique du corps de plus grand diamètre. Il ramène à la veine cave l’excès de liquide des membres inférieurs et de l’abdomen qui n’est pas drainé par les veines.


centre apneustique


Situé au niveau du tronc cérébral, ce centre régule l’amplitude de la respiration.


centre pneumotaxique


Situé dans le tronc cérébral, ce centre contrôle la fréquence et la boucle respiratoire.


chémorécepteurs


récepteurs chimiques sensibles aux changements de composition du sang et des liquides corporels. Les principaux changements de composition chimique détectés par les chémorécepteurs sont ceux correspondant à la concentration d’hydrogène (H), de gaz carbonique (CO2) et d’oxygène (O2).


drainage pleural


Un geste au cours duquel un drain peut être connecté à une valve de Heimlich, valve unidirectionnelle qui permet à l’air de quitter mais non d’entrer dans l’espace pleural.


échanges gazeux


Processus au cours duquel l’oxygène atmosphérique est capté par les globules rouges et le gaz carbonique est relâché dans l’atmosphère.


échographie


C’est une méthode qui utilise les ultrasons à haute fréquence pour mettre en images précises les structures internes du corps.


fraction expiratoire de gaz carbonique (ETCO2) (surveillance de la)


Analyse du CO2 dans les gaz expirés. Il s’agit d’une méthode efficace d’évaluation de la fonction respiratoire du patient.


insuffisance respiratoire


Maladie dans laquelle les poumons deviennent incapables de réaliser leur tâche essentielle d’échange gazeux entre l’oxygène allant vers le sang et le gaz carbonique vers les alvéoles.


métabolisme aérobie


Réaction, au cours de laquelle le glucose est transformé en énergie en présence d’oxygène.


métabolisme anaérobie


Réaction au cours de laquelle, en l’absence d’oxygène, les cellules peuvent libérer de petites quantités d’énergie au prix de la libération de dérivés secondaires sous forme d’acides en excès, en particulier acides lactique et carbonique.


œdème aigu pulmonaire lésionnel/syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA)


Affection systémique à l’origine d’une défaillance respiratoire.


ponction pleurale


Geste permettant de retirer du liquide ou de l’air de la cavité pleurale.


respiration


Échange entre l’oxygène allant vers le sang et le gaz carbonique vers les alvéoles.


ventilation non invasive (en pression positive) (VNI)


Mode ventilatoire au cours duquel une pression positive est appliquée aux voies aériennes supérieures par l’intermédiaire d’un masque ou d’une autre interface non invasive.






De Byron à Billy Ray Cyrus, le cœur battant, palpitant, souffrant symbolise l’amour. De même, la respiration est devenue expressément synonyme de liberté et de la vie elle-même. Peut-être parce que nous pouvons entendre, sentir et même voir notre respiration, la nécessité pratique de respirer tend souvent vers l’idéal poétique. Dans ce chapitre, nous limiterons la discussion à la pratique, laissant la poésie au royaume de la musique, de l’art et de la littérature.



image Anatomie de l’appareil respiratoire


L’appareil respiratoire est essentiellement situé dans le thorax, mais il a des effets à distance sur chaque cellule de l’organisme. Cet appareil a deux fonctions de base :



L’appareil respiratoire est divisé en voies aériennes supérieures et inférieures. Les voies aériennes supérieures comprennent toutes les structures au-dessus des cordes vocales, et les voies aériennes inférieures comprennent les structures situées sous ce niveau anatomique. La plus grande partie de l’appareil respiratoire se situe dans le thorax, où il partage l’espace avec les appareils cardiovasculaire et digestif. Le patient se plaignant de douleur thoracique, toux, souffle court ou de sensation d’étouffement est susceptible d’avoir une pathologie issue de chacun de ces trois appareils intrathoraciques.




image Voies aériennes supérieures


L’arbre respiratoire ouvre à l’extérieur du corps à travers les cavités nasale et orale. D’un point de vue respiratoire, chaque voie sert une fonction différente. L’air passant à travers la bouche vers le pharynx postérieur ne devient pas aussi humide que l’air passant à travers les cavités nasales, mais il contribue tout de même à la ventilation. Tout d’abord, voyons de plus près les fosses nasales.




Pharynx et cavité buccale: Bien qu’elles ne soient pas dédiées à la ventilation, les structures de la bouche – les lèvres, les dents, les gencives, la langue et les glandes salivaires – participent à la mastication et à la création de la parole.


L’air inspiré traversant la cavité buccale atteint le pharynx puis l’hypopharynx, situé juste derrière la base de la langue (figure 3-1). Dans cet espace sont également logées les amygdales, tissu lymphatique contribuant à la lutte contre les infections. Directement sous l’hypopharynx se trouve l’épiglotte, clapet cartilagineux recouvrant la trachée lors de la déglutition. Ce clapet, qui reste ouvert habituellement, protège les voies aériennes de l’inhalation en se fermant involontairement en avalant quand une quantité de liquide ou d’aliments passe par-dessus. Chez les patients inconscients, ce réflexe est souvent absent, les mettant en grand danger d’inhalation de vomissements. Une telle inhalation peut mettre la vie en danger en raison du volume et de l’acidité du contenu de l’estomac.



Sous l’épiglotte se trouvent trois structures de la glotte :




image Voies respiratoires inférieures


Quand l’air pénètre dans les voies respiratoires inférieures (figure 3-2), il passe de la trachée et des bronches vers les poumons, où il balaye les bronchioles pour atteindre finalement les alvéoles, les minuscules poches dans lesquelles les échanges gazeux ont lieu.




Trachée: Après avoir traversé la glotte, l’air circule ensuite dans la trachée. Celle-ci est un tube membraneux armé par des anneaux cartilagineux incomplets en forme de C. Le premier d’entre eux est le cartilage cricoïde, le seul anneau cartilagineux de forme circonférentielle. Sous le cricoïde se trouvent des anneaux reliés en arrière par de petits muscles régulant le diamètre du cartilage lorsqu’ils se relâchent et se contractent. Cette structure empêche la trachée de s’aplatir lors de la toux énergique ou de la bronchoconstriction.


La trachée est recouverte d’un tissu appelé épithélium pseudostratifié cilié, produisant du mucus, une substance visqueuse aidant à piéger des particules étrangères. Des cils microscopiques permettent le déplacement du mucus et des particules captées vers le haut des voies respiratoires dans le but de les éliminer par la toux et l’expectoration.



Bronches et poumons: Descendant le long de la trachée, les anneaux cartilagineux en forme de C continuent jusqu’à l’endroit où la trachée se divise en deux bronches souches gauche et droite. Les bronches représentent la seule source de ventilation pour les poumons. La bronche souche droite est plus verticale et de diamètre plus large que la gauche, ce qui l’expose davantage au risque d’inhalation et d’intubation sélective. Ces bronches souches sont aussi composées d’anneaux en forme de C reliés en arrière par un petit muscle. Le revêtement épithélial pseudostratifié cilié s’étend aussi dans ces bronches et les humidifie tout en y sécrétant du mucus protecteur protégeant le tractus respiratoire sous-jacent de particules nocives.


Les poumons droit et gauche sont les structures suivantes rencontrées au passage de l’air inspiré. Les poumons sont enveloppés par une membrane à double couche nommée la plèvre. La plèvre viscérale adhère au poumon, alors que la plèvre pariétale recouvre la surface interne de la cage thoracique et du médiastin. Entre ces deux plèvres, un espace étanche à l’air contient une fine couche de liquide lubrifiant leur permettant de glisser l’une sur l’autre, du moins en l’absence de situation pathologique.


Bien que leurs fonctions soient identiques, les deux poumons sont des structures sensiblement différentes. Le poumon droit à trois lobes : supérieur, moyen et inférieur. Le poumon gauche partage son côté de l’espace intrathoracique avec le cœur, et n’a donc que deux lobes : supérieur et inférieur.



Bronchioles et alvéoles: En entrant dans les poumons, les bronches souches se divisent en bronchioles de plus en plus petites, primaires, secondaires et tertiaires. Ces conduits de diamètre décroissant distribuent l’air inhalé à toutes les différentes zones du poumon pour une ventilation efficiente. Les revêtements des bronches tertiaires et plus petites sécrètent de moins en moins de mucus. Ce dernier est d’autant plus difficile à déplacer vers le haut puis hors des voies aériennes au fur et à mesure que les bronchioles sont bas situées dans l’arbre respiratoire. Notez toutefois que si toutes ces structures jouent un rôle pour conduire l’air dans les poumons, elles ne sont pas toutes impliquées dans le fait de respirer.


Les bronchioles aboutissent dans les alvéoles, petits sacs dont les parois n’ont que l’épaisseur d’une cellule, permettant ainsi aux échanges gazeux (respiration) de se produire. Des millions d’alvéoles existent dans un poumon sain, formant des amas en grappes. Les échanges gazeux s’effectuent à travers les rares couches de cellules séparant les alvéoles des capillaires pulmonaires. Le passage réciproque d’oxygène dans le sang et de gaz carbonique dans les alvéoles se nomme la respiration. Alors qu’il quitte les alvéoles, le gaz traverse la couche cellulaire unique constituant la paroi alvéolaire à travers une fine couche de tissu interstitiel et, finalement, à travers la couche unique de cellules endothéliales constituant la paroi capillaire. Toute augmentation d’épaisseur de cette couche cellulaire peut gravement compromettre la respiration.


Les alvéoles sont maintenues ouvertes et en place par le tissu conjonctif dans le tissu interstitiel qui les entoure. Une substance appelée surfactant tapisse les parois intérieures des alvéoles, aidant à maintenir ouverts ces petits sacs. Le surfactant est une substance agissant plutôt comme du savon, réduisant la force tensioactive de surface et fournissant une interface hydrolipidique afin que les alvéoles ne se collabent pas à l’expiration. Les prématurés peuvent présenter un déficit en surfactant qui conduit à des difficultés respiratoires sévères. Mais quel que soit l’âge du patient, même des quantités normales de surfactant et un soutien adéquat par le tissu conjonctif ne peuvent empêcher le collapsus alvéolaire. Des atélectasies se produisent secondairement à des infections, des traumatismes ou à l’inflammation. L’atélectasie s’accompagne d’un risque majeur de pneumonie.



image Contribution musculosquelettique à la respiration


Les os, les muscles et les tissus conjonctifs réalisent une fonction essentielle de la ventilation. Sans la contribution de ces structures, une ventilation efficace serait impossible. L’apport structurel va de la trachée cartilagineuse à la voûte osseuse du thorax, qui maintient la pression indispensable à la ventilation.


Le muscle ventilatoire principal est le diaphragme, muscle fin séparant le thorax de l’abdomen. Le diaphragme répond au contrôle volontaire comme involontaire. Le nerf phrénique, qui commande au diaphragme de se contracter et relâcher, a pour origine le tronc cérébral et quitte la moelle épinière cervicale en C3, C4 et C5. Ces niveaux sont importants, particulièrement lors d’un traumatisme, car une lésion médullaire cervicale à ces niveaux peut conduire à une apnée fatale.


La cage thoracique est l’enveloppe qui soutient et abrite les structures dans la cavité thoracique, y compris les poumons. Son architecture favorise les changements de pression intrathoracique indispensables à la ventilation. Les côtes, le sternum et la colonne thoracique forment une charpente protectrice (figure 3-3). En plus d’être un bouclier pour les organes intrathoraciques, les côtes aident à générer la pression nécessaire pour l’inspiration et l’expiration.



Les muscles intercostaux sont considérés comme des muscles accessoires de la respiration. Cela signifie qu’ils sont insuffisants pour être les muscles principaux de la respiration, mais qu’ils peuvent aider le diaphragme à produire les variations de pressions nécessaires à la ventilation. Il y a d’autres muscles accessoires, notamment les muscles abdominaux et du cou. Si vous observez qu’un patient doit utiliser ses muscles accessoires pour respirer, une altération respiratoire ou une insuffisance respiratoire imminente doivent être sur votre liste de points à surveiller.


Juste derrière la trachée s’étend l’œsophage, qui s’aplatit facilement sous l’effet d’une quelconque pression négative, car il s’agit d’un conduit musculaire. Le mur musculaire postérieur de la trachée s’étend à proximité de l’œsophage antérieur. En avalant de grandes quantités de nourriture, l’œsophage s’adapte au bol alimentaire alors que la trachée garde sa forme. Des sténoses et lésions œsophagiennes peuvent résulter en une sensation de brûlure ou d’oppression dans le thorax en raison de cette élasticité.



image Rapports intrathoraciques des structures cardiaque et vasculaire


Les structures anatomiques impliquées dans la ventilation et la respiration partagent l’espace intrathoracique avec plusieurs autres structures importantes comprenant le cœur, les veines caves, l’aorte, le tronc artériel pulmonaire et le canal thoracique. Ces structures vasculaires conduisent le sang oxygéné aux tissus et ramènent le sang désaturé en oxygène aux poumons pour un échange plasmatique et l’élimination de déchets comme le gaz carbonique.


Le cœur est la pompe principale du système circulatoire et son bon fonctionnement est essentiel à la perfusion du sang à l’ensemble du corps. Le sang désaturé en oxygène revient au cœur par les veines caves supérieure et inférieure. La veine cave supérieure ramène le sang de la tête, des bras et des épaules (c’est-à-dire des parties au-dessus du cœur), et la veine cave inférieure ramène le sang de la partie inférieure du corps (c’est-à-dire des parties sous le cœur). Le sang veineux passe des veines caves dans l’oreillette droite, d’où il est éjecté dans le ventricule droit, puis dans le tronc artériel pulmonaire. Le tronc artériel pulmonaire s’embranche en deux artères pulmonaires droite et gauche qui irriguent les poumons. Le sang oxygéné retourne au cœur et à l’oreillette gauche par les veines pulmonaires. C’est le seul endroit du corps où du sang désaturé en oxygène coule dans des artères et du sang oxygéné circule dans des veines.


Depuis l’oreillette gauche, le sang est admis dans le ventricule gauche, la chambre d’éjection la plus puissante du cœur. Le ventricule gauche est assez vigoureux pour contrer la force de la pression aortique de façon à éjecter le sang dans l’aorte. Le sang est ensuite réparti dans le corps par des artères plus petites puis des artérioles.


Le canal artériel situé dans l’hémithorax gauche supérieur est le plus grand canal lymphatique du corps. Le canal thoracique ramène aux veines caves tout excédent de liquide des membres inférieurs et de l’abdomen non collecté par les veines. La quantité de liquide lymphatique ramené est faible par rapport au volume sanguin circulant dans les veines, mais ce drainage a son importance, sinon le liquide stagnerait dans les membres inférieurs.



image Physiologie de l’appareil respiratoire


L’appareil respiratoire est régulé par un ensemble complexe de mécanismes physiologiques, comprenant l’activation de la réponse immunitaire, la régulation de la respiration et de la ventilation et celle de l’équilibre acidobasique. Passons brièvement en revue chacun d’eux.




image Activation de la réponse immunitaire


Quand de l’air ambiant pénètre dans les voies respiratoires, le risque infectieux est toujours présent. Mais l’organisme est assez compétent pour répondre à ce risque. L’appareil respiratoire développe diverses stratégies pour empêcher des micro-organismes pouvant générer des maladies (pathogènes) de rentrer par les voies aériennes supérieures et d’atteindre les alvéoles.


Si un pathogène évite la peau et rentre dans le corps par les voies respiratoires, le revêtement de cellules épithéliales de la trachée agit comme barrière secondaire contre l’infection. L’épithélium est constitué de cellules caliciformes sécrétant du mucus. Le mucus collant intercepte les « envahisseurs potentiels ». D’autres cellules portent des « poils microscopiques », des cils, qui aident à déplacer le mucus vers les voies aériennes supérieures où il peut être expectoré en toussant.


Le mucus contient aussi des anticorps immuns appelés immunoglobulines A (IgA). Les IgA sont sécrétées dans les liquides corporels et se fixent sur les organismes pathogènes permettant aux globules blancs de les reconnaître et de les détruire.


Dans les voies respiratoires inférieures, les globules blancs peuvent littéralement rentrer dans les alvéoles et les bronchioles, en se glissant entre les limites des cellules. Les globules blancs attaquent les pathogènes et englobent chaque petite particule que le mucus des voies supérieures n’aurait pas emportée. Ces globules blancs sont souvent expectorés dans le mucus qu’ils colorent en jaune-vert chez les patients ayant certaines infections respiratoires.



image Neurorégulation de la respiration et de la ventilation


Trois mécanismes majeurs contrôlent la ventilation :




Système nerveux central: Le SNC contrôle la ventilation depuis plusieurs centres dans le cerveau et la moelle épinière. La moelle et le pont constituant le tronc cérébral sont tous deux impliqués dans ce contrôle central. La moelle module le rythme de base de la ventilation et déclenche un groupe ventral quand une fréquence respiratoire rapide est nécessaire. Le pont réduit le risque d’inhalation et déclenche l’expiration par le centre pneumotaxique, qui contrôle généralement la fréquence et la forme de la respiration. Le centre apneustique, situé lui aussi dans le pont, régule la profondeur de la respiration.


Le cortex cérébral permet la commande volontaire de la ventilation, surpassant les mécanismes automatiques contrôlés par la moelle et le pont. C’est d’importance quand on souhaite tousser, rire ou chanter. Des affections du SNC peuvent ainsi entraîner une défaillance respiratoire.




Récepteurs chimiques et mécaniques: Dans le corps, les récepteurs mécaniques sont situés de façon centrale dans le cerveau et le liquide céphalorachidien (LCR), et en périphérie dans la crosse aortique, les reins et les poumons. Les récepteurs mécaniques, ou mécanorécepteurs, détectent la présence de substances irritantes ou la survenue d’un étirement musculaire trop important. Quand les récepteurs à l’étirement sont stimulés par le pic d’inspiration, les muscles se rétractent afin qu’une hyperventilation ne lèse pas les poumons. Ce réflexe est aussi impliqué quand la toux est déclenchée par un corps étranger ou des particules dans les voies respiratoires.


Des récepteurs chimiques, ou chémorécepteurs, détectent des changements de composition du sang et des liquides corporels. Les premières modifications chimiques enregistrées par les chémorécepteurs sont celles concernant les concentrations d’hydrogène (H), de gaz carbonique (CO2) et d’oxygène (O2).



image H+ : les chémorécepteurs détectent l’augmentation de la concentration en hydrogène du liquide intercellulaire de la moelle et stimulent l’augmentation de la fréquence respiratoire. L’inverse se produit quand la concentration d’H diminue. Ce changement peut être décelé dans la circulation sanguine par la mesure du pH. Le pH normal dans le corps humain est entre 7,35 et 7,45.


image CO2 : la concentration sanguine du CO2 augmente quand la respiration est trop lente ou faible, avec une rétention de CO2, ou quand le sang devient trop acide. L’excès de CO2 passe dans le LCR, provoquant une augmentation des ions H+, et déclenche en retour une augmentation de la fréquence respiratoire. Cette concentration peut être mesurée dans le sang par analyse de la pression partielle artérielle en CO2 (PaCO2). La PaCO2 normale est entre 35 et 45 mmHg. La concentration en CO2 est la régulation principale de la respiration.


image O2 : quand les chémorécepteurs périphériques détectent une baisse excessive de concentration en oxygène, la fréquence respiratoire augmente. La PaO2 normale est entre 80 et 100 mmHg.


La respiration normale est pilotée par l’hypercapnie (concentration en CO2 élevée) ; ainsi, la respiration augmente parallèlement à l’augmentation de CO2. Les chémorécepteurs subissent une modification lors des affections pulmonaires chroniques s’accompagnant d’une élévation permanente de la concentration de CO2. On dit que le patient passe à un contrôle par l’hypoxie, où il devient dépendant d’une concentration en oxygène basse pour le déclenchement d’une augmentation de la fréquence ou de l’amplitude de la respiration. Cela permet d’expliquer la raison pour laquelle il convient de ne pas donner à long terme des concentrations et débits élevés en oxygène aux patients souffrant d’affections pulmonaires chroniques.



image Maintien de l’équilibre acidobasique


Respiration et ventilation sont contrôlées par une interaction complexe de nerfs, de récepteurs et d’hormones. La concentration en gaz carbonique dans le corps est le régulateur principal de la respiration. Le CO2 est le produit de dégradation numéro un du métabolisme. Le métabolisme est le mécanisme de transformation des sucres (dextrose, ou glucose) en énergie utilisable par les cellules de l’organisme. Une concentration en CO2 élevée altère l’appareil cellulaire impliqué dans ce métabolisme. Le métabolisme aérobie, au cours duquel le glucose est transformé en énergie en présence d’oxygène, est le cycle de base de la vie. Ce mécanisme est particulièrement efficace mais repose sur un apport constant, tant en oxygène qu’en glucose, les cellules n’ayant aucune possibilité de les stocker temporairement.


Quand les cellules sont privées d’oxygène, elles font appel au métabolisme anaérobie ; il leur permet de produire de petites quantités d’énergie, mais libère en excès des métabolites dont des acides, et en particulier des acides lactique et carbonique. Cet excédent d’acides doit être évacué par la circulation, sinon l’excès de CO2 produit aboutirait à une acidose. Souvent, cependant, le problème qui contrarie la libération d’oxygène compromet aussi la circulation, et la production d’acides n’est pas évacuée, entraînant lésion cellulaire ou nécrose tissulaire.



Système tampon du sang: L’organisme neutralise le pH grâce à trois systèmes : le sang, l’appareil respiratoire et les reins. Le sang est capable de tamponner une partie de l’acidité en excès avec la réaction acide carbonique–bicarbonate ; elle est décrite dans l’équation acide carbonique–bicarbonate. Cette équation présente la fonction d’équilibration mise en œuvre de façon quasi immédiate par le sang afin de maintenir un pH normal. Le CO2 en excès réagit avec l’eau pour être transformé en de l’acide carbonique (H2O + CO2 = H2CO3). Cet acide carbonique temporaire est rapidement séparé en ions hydrogène (acides) et image (H+ et image). Notez que les flèches dans l’équation vont dans les deux sens, indiquant que ces éléments clés passent d’un côté à l’autre en fonction des concentrations de chaque substrat :


image




Reins: Le troisième système contribuant au maintien de l’équilibre acidobasique est le rein. Quand une acidose persiste au-delà de 6 heures environ, les reins commencent à garder les ions HCO3 et à éliminer les ions H+, principalement sous forme d’ammonium (NH4+). C’est un mécanisme lent, prenant des jours pour éliminer suffisamment de H+ pour retrouver l’équilibre acidobasique.


Les reins peuvent détecter une baisse de la concentration en oxygène dans le sang. Les récepteurs des artères rénales observent l’hypoxémie et libèrent de l’érythropoïétine, une hormone stimulant la synthèse de globules rouges. Lorsque les récepteurs enregistrent chroniquement des concentrations en O2 basses, de plus en plus de globules rouges sont produits. Les patients souffrant de bronchite chronique, par exemple, ont souvent une numération de globules rouges élevée, un état nommé polyglobulie. Cette anomalie augmente le risque de formation de caillots sanguins. L’érythropoïétine a été synthétisée par génie génétique et est utilisée comme traitement injectable chez des patients sous chimiothérapie, pour pousser l’organisme à former des globules rouges.



image Mesure des volumes de ventilation


L’analyse du volume d’air impliqué dans la ventilation peut nous aider à comprendre la pathologie de nombreuses maladies respiratoires et à évaluer la qualité de la réponse d’un patient au traitement (figure 3-4).









Épreuves fonctionnelles respiratoires: Les épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) sont des examens respiratoires fréquemment prescrits par les pneumologues chez des patients présentant des difficultés respiratoires pour mieux cerner la nature et la gravité de la maladie. Les EFR mesurent aussi bien les capacités et volumes susmentionnés que le volume expiré maximum par seconde (VEMS) et d’autres valeurs calculées.


Le VEMS normal est issu d’un calcul fondé sur la taille et le poids du patient et se situe entre 400 ml/s et 600 ml/s environ. Le VEMS est un test d’effort, et des patients incapables d’effort ou non coopérants peuvent, dès lors, fausser le test, avec des valeurs artificiellement basses.


Dans le cadre des urgences, la mesure du débit de pointe (peak flow) est accessible pour des patients en bronchospasme. Cette valeur est une mesure de débit d’air maximal expiré et est comparée à une valeur normale attendue pour l’âge, la taille et le sexe ou à l’état basal du patient.



CONSIDÉRATIONS PARTICULIÈRES



image Âge avancé


Les patients âgés subissent de multiples changements de la fonction respiratoire, qui finissent tous par altérer la capacité de l’organisme d’oxygéner le sang. Un grand nombre de changements peuvent survenir aussi bien au niveau des voies respiratoires que des structures assurant la ventilation. Un résumé des variations physiologiques liées à l’âge avancé est présenté dans l’encadré 3-1.



Comme ces variations s’instaurent progressivement, souvent sur des années, voire des dizaines d’années, l’organisme a le temps de s’adapter à une diminution conséquente de cette fonction. Si les mêmes changements se produisaient sur une période réduite en jours ou semaines, la perte brutale de fonction pourrait être fatale. Un bon exemple en est la baisse de la surface d’échange respiratoire apparaissant avec l’âge. La concentration sanguine en oxygène (appelée pression partielle) avoisine normalement 95 mmHg chez un adulte jeune. Chez la personne âgée, une valeur aussi basse que 60 mmHg n’a rien d’exceptionnel. Observer une pression partielle de 60 mmHg chez un patient jeune, d’apparence saine, vous préoccuperait très certainement.


La probabilité de variations pathologiques de l’appareil respiratoire et des structures associées augmente quand le patient vieillit. Certaines pathologies de la plèvre altèrent la capacité des poumons d’inspirer et d’expirer de l’air. D’autres empêchent la diffusion de l’oxygène dans le sang et du gaz carbonique en dehors du sang. De plus, des tumeurs peuvent occuper l’espace pulmonaire, diminuant les zones disponibles pour la ventilation. Le tabagisme chronique peut détruire les alvéoles, aplatir les bronches, les obstruer de mucus, et remplacer des alvéoles fonctionnelles par de grandes zones bulleuses ou des cavernes. Des modifications circulatoires peuvent entraîner des modifications de distribution de sang, plus dilué ou en moindre quantité dans les capillaires pulmonaires, altérant l’oxygénation. Une diminution de la concentration en hémoglobine peut réduire la capacité de transport en oxygène des globules rouges.


Toutes ces modifications peuvent se combiner pour rendre encore plus difficile la réalisation des gestes de la vie courante chez les personnes âgées. Chez celles-ci, une infection respiratoire relativement modeste peut engager le pronostic vital. Une pneumonie, chez un patient âgé déjà très légèrement hypoxique, le rendra très hypoxique, et le recours à une assistance respiratoire et à la ventilation mécanique deviendra nécessaire.



image Situation bariatrique


Une augmentation de la masse corporelle peut gêner ou altérer de nombreuses fonctions de l’appareil respiratoire des façons suivantes.



Les poumons peuvent s’étendre quelque peu en réponse à une demande accrue, mais leur taille est limitée par l’abdomen et son contenu. Le thorax peut augmenter de diamètre, une réponse fréquemment observée chez des patients tabagiques chroniques (c’est un indice de bronchopneumopathie chronique obstructive), mais la taille de la cage thoracique est également limitée. Le cœur peut devenir plus efficace, pompant plus vite et plus fort, mais ces adaptations peuvent générer des effets secondaires à long terme allant jusqu’à l’insuffisance cardiaque.



image Évaluation


La dyspnée est à la fois un signe et un symptôme. Un des signes indirects de dyspnée est, par exemple, l’usage des muscles accessoires. Le patient peut se plaindre de manque de souffle ou exprimer une sensation désagréable d’avoir des difficultés à respirer, dans des termes comme « souffle court » ou « oppression dans la poitrine ».




image Intervention et prise de conscience de la situation


Lors d’une intervention en urgence, la plainte essentielle d’un patient en difficulté respiratoire (parfois exprimée par des accompagnateurs quand le patient est incapable de parler) va du souffle court évident à un état de faiblesse ou des troubles de la conscience. Le régulateur peut avoir obtenu des informations complémentaires de l’appelant, ou bien vous vous souviendrez être déjà intervenu précédemment au domicile de ce patient, ce qui vous mettra sur la voie d’une affection chronique.



Évaluation sur les lieux: Évaluer les dangers de la situation est une étape clé de la progression de l’évaluation AMLS (voir chapitre 1). Des patients en détresse respiratoire posent rarement des pièges aux sauveteurs, mais des précautions doivent être prises dans la prise en charge d’évaluation un patient hypoxique agité. Vous devez aussi tenir compte de la violence latente chez les membres de la famille ou les témoins qui trouvent angoissant de voir un patient, auquel ils tiennent particulièrement, lutter pour respirer. Une grande frustration de leur part associée au peu de moyens d’amélioration dont ils disposent est une source d’agressivité. Maîtriser la situation avec tact et empathie peut poser les bases de soins adaptés pour le patient.


Précaution utile dans des situations où une overdose de drogue a pu se produire : dans une zone où la criminalité est plus élevée, une protection policière doit être habituellement sollicitée assez tôt au cours d’une intervention. Soyez vigilant quand le ton monte ou que d’autres signes montrent un danger imminent.


La présence d’équipement médical dans l’environnement du patient doit éveiller des questions de votre part dès l’entrée dans le domicile. Certains patients insuffisants respiratoires chroniques ont besoin d’une assistance des voies aériennes et de la respiration 24 heures/24 et 7 jours/7, allant de simples bouteilles à oxygène jusqu’à des respirateurs sophistiqués. Quand une complication survient, les services d’urgences sont sollicités pour aider à résoudre le problème aigu.



Substances dangereuses: Quand des patients présentent à l’évidence des signes d’irritation des muqueuses et une respiration ample, en particulier s’agissant de groupes de victimes isolées, des précautions particulières sont nécessaires pour garantir la sécurité des lieux. Des équipements de protection individuelle (EPI) et des équipes de sapeurs-pompiers spécialisées doivent être déployés avant votre entrée en scène.


L’évaluation des lieux, quels qu’ils soient, local professionnel ou privé, doit faire appel à tous vos sens. Vous ne devez pas voir de particules en suspension dans l’air et vous ne devez pas pénétrer dans une zone dont l’air est enfumé, brumeux ou poussiéreux. Si votre patient est dans une telle zone, des complications respiratoires sont à craindre. Vérifiez les armoires chimiques dans des installations industrielles. Obtenez un EPI et des moyens de lutte contre les produits dangereux afin de pénétrer en sécurité de tels lieux. Assurez-vous d’avoir bien senti l’air. Des odeurs chimiques peuvent vous rendre attentif à la présence de produits chimiques invisibles dans l’air. Si vous détectez ce danger, des équipements et moyens identiques sont requis. Sur des sites industriels, des bruits inhabituels doivent vous alerter de dangers comme des fuites de gaz ou du risque de situations dangereuses.





image Évaluation initiale ou primaire


Connaître l’anatomie, la physiologie et la physiopathologie concernant la respiration est un préalable. Cela permet de réaliser un examen physique complet et de recueillir une anamnèse adaptée du patient, pour déterminer la cause de la plainte. Le chapitre 1 montre comment élaborer un jugement clinique. Un paragraphe est consacré à l’évaluation des voies aériennes. Le traitement des atteintes des voies aériennes est abordé dans l’Appendice D de ce manuel.




Première évaluation des voies aériennes et prise en charge des risques vitaux: Aux urgences, en zone d’orientation, ou dans un environnement préhospitalier, vous pouvez évaluer l’effort de respiration et la conscience de loin ; mais évaluez toujours les voies aériennes auprès du patient. Observez l’effort de respiration. Une respiration normale, au repos, se doit d’être paisible et légère. Si la respiration se remarque de loin, le patient fait probablement appel aux muscles respiratoires accessoires pour respirer. Une respiration laborieuse indique une instabilité probable du patient. Les voies aériennes doivent être examinées avec précaution.


Ouvrez immédiatement la bouche avec vos mains gantées, en poussant la mâchoire inférieure ou en inclinant la tête en arrière et en remontant le menton. Cherchez des signes d’obstruction des voies aériennes, tels que des sécrétions ou du sang dans la bouche. Écoutez les bruits des voies aériennes. Y a-t-il des bruits inhabituels indiquant un obstacle sur les voies aériennes, même si la tête et la mâchoire sont en position adéquate ? Une aspiration devrait toujours être à votre disposition lors de cet examen initial.


Si vous avez à prendre en charge manuellement les voies aériennes, l’introduction de techniques invasives doit être préparée ou initiée. La préoxygénation/ventilation est toujours la première phase de cette procédure. Vous préparez, dans le même temps, des moyens de prendre en charge les voies aériennes sur la base de vos ressources, du diagnostic différentiel, de votre situation et de l’anatomie du patient.


Si le patient a déjà un contrôle artificiel des voies aériennes, évaluez l’efficacité du dispositif et sa tolérance par le patient. Vérifiez son bon positionnement avant de passer à l’évaluation de la respiration.



Évaluation de la respiration: L’évaluation de la respiration débute auprès du patient. Regardez, écoutez et palpez. Observez le mouvement symétrique de la paroi thoracique du patient. Écoutez les bruits pulmonaires. Palpez à la recherche d’une zone sensible ou des vibrations vocales. Les vibrations tactiles (ou vocales) sont des vibrations palpables quand une personne parle. Une pneumonie les augmente alors qu’un épanchement pleural gazeux ou liquide les diminue. Écoutez la voix du patient. Est-elle rauque ou le patient se plaint-il d’une dysphagie ? Combien de mots la personne utilise-t-elle dans une phrase avant de reprendre son souffle ? La possibilité d’utiliser des phrases de six à sept mots plutôt que de deux à trois en dit long sur la façon dont le patient respire.


Si le patient ne fait pas d’effort pour respirer et vous tend la main pour serrer la vôtre quand vous vous présentez, le plus gros de l’examen initial est terminé. Vous pouvez être assuré que le patient est relativement stable et à l’abri de risques vitaux immédiats.



Faire la distinction entre détresse respiratoire et insuffisance respiratoire: Quand un patient fait état de dyspnée ou présente une augmentation de l’effort respiratoire, vous devez marquer une pause en vous posant une question : le patient est-il en détresse respiratoire ou a-t-il les signes d’une insuffisance respiratoire ? Si l’état du patient s’améliore par de simples gestes de réanimation, la réponse est : détresse respiratoire. Si, en revanche, l’état du patient ne s’améliore pas avec des gestes de base, ou si un patient en détresse respiratoire a des signes de fatigue intellectuelle ou d’altération de l’état neurologique, une insuffisance respiratoire est imminente. L’encadré 3-2 passe en revue quelques indicateurs d’une insuffisance respiratoire imminente. Des mesures immédiates doivent être mises en œuvre pour maintenir les voies aériennes et la ventilation.


Jun 3, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 3: Affections respiratoires

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