Chapitre 3
Affections respiratoires
Ce chapitre est consacré à l’anatomie et la physiologie du système respiratoire. Vous y étudierez les affections courantes et les situations à l’origine des principales plaintes respiratoires. De plus, il vous sera proposé d’appliquer vos connaissances à l’évaluation du patient. En déterminant les pathologies en présence, et en identifiant leurs causes parmi plusieurs diagnostics possibles, vous sélectionnerez, sur la base d’un raisonnement clinique cohérent, le schéma thérapeutique le plus adapté pour votre patient. Vous passerez ensuite en revue plusieurs protocoles de surveillance et de traitement de patients atteints de pathologies respiratoires diverses.
Un abcès où une infection du tissu mou superficiel se propage, créant des collections purulentes de l’espace sous-muqueux voisin des amygdales. Cet abcès et l’inflammation qui l’accompagne provoquent une déviation controlatérale de la luette.
Élément le plus important de l’évaluation du patient. Les éléments de l’anamnèse sont accessibles en utilisant des moyens mnémotechniques comme OPQRST et SAMPLER.
Infection de l’espace cervical antérieur profond juste sous la mandibule. Son nom vient de la sensation d’étouffement et d’asphyxie décrit par la plupart des patients dans cette situation.
angio-œdème (œdème de Quincke)
Affection caractérisée par un œdème d’apparition rapide, siégeant généralement au niveau de la face ou du cou, notamment des lèvres (en particulier de la lèvre inférieure), des lobes des oreilles, de la langue ou de la luette.
Collapsus alvéolaire.
Situé dans l’hémithorax supérieur gauche, le canal thoracique est le vaisseau lymphatique du corps de plus grand diamètre. Il ramène à la veine cave l’excès de liquide des membres inférieurs et de l’abdomen qui n’est pas drainé par les veines.
Situé au niveau du tronc cérébral, ce centre régule l’amplitude de la respiration.
Situé dans le tronc cérébral, ce centre contrôle la fréquence et la boucle respiratoire.
récepteurs chimiques sensibles aux changements de composition du sang et des liquides corporels. Les principaux changements de composition chimique détectés par les chémorécepteurs sont ceux correspondant à la concentration d’hydrogène (H), de gaz carbonique (CO2) et d’oxygène (O2).
Un geste au cours duquel un drain peut être connecté à une valve de Heimlich, valve unidirectionnelle qui permet à l’air de quitter mais non d’entrer dans l’espace pleural.
Processus au cours duquel l’oxygène atmosphérique est capté par les globules rouges et le gaz carbonique est relâché dans l’atmosphère.
C’est une méthode qui utilise les ultrasons à haute fréquence pour mettre en images précises les structures internes du corps.
fraction expiratoire de gaz carbonique (ETCO2) (surveillance de la)
Analyse du CO2 dans les gaz expirés. Il s’agit d’une méthode efficace d’évaluation de la fonction respiratoire du patient.
Maladie dans laquelle les poumons deviennent incapables de réaliser leur tâche essentielle d’échange gazeux entre l’oxygène allant vers le sang et le gaz carbonique vers les alvéoles.
Réaction, au cours de laquelle le glucose est transformé en énergie en présence d’oxygène.
Réaction au cours de laquelle, en l’absence d’oxygène, les cellules peuvent libérer de petites quantités d’énergie au prix de la libération de dérivés secondaires sous forme d’acides en excès, en particulier acides lactique et carbonique.
œdème aigu pulmonaire lésionnel/syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA)
Affection systémique à l’origine d’une défaillance respiratoire.
Geste permettant de retirer du liquide ou de l’air de la cavité pleurale.
Échange entre l’oxygène allant vers le sang et le gaz carbonique vers les alvéoles.
ventilation non invasive (en pression positive) (VNI)
Mode ventilatoire au cours duquel une pression positive est appliquée aux voies aériennes supérieures par l’intermédiaire d’un masque ou d’une autre interface non invasive.
Anatomie de l’appareil respiratoire
L’appareil respiratoire est essentiellement situé dans le thorax, mais il a des effets à distance sur chaque cellule de l’organisme. Cet appareil a deux fonctions de base :
1. Ventilation : mouvement de l’air entrant et sortant du poumon. Le mécanisme de la ventilation est la première étape dans le transport de l’oxygène (O2) vers les cellules et l’extraction du gaz carbonique (CO2) et d’autres produits d’élimination dans la circulation. L’apport d’air propre humidifié aux alvéoles en quantité suffisante pour maintenir une concentration appropriée d’oxygène dans le sang est la fonction de l’oropharynx, du pharynx, de la trachée, des bronches ainsi que des bronchioles.
2. Respiration : mécanisme d’échange gazeux au cours duquel l’oxygène atmosphérique est capté par les globules rouges circulants et le gaz carbonique de la circulation sanguine est libéré dans l’atmosphère.
Voies aériennes supérieures
L’arbre respiratoire ouvre à l’extérieur du corps à travers les cavités nasale et orale. D’un point de vue respiratoire, chaque voie sert une fonction différente. L’air passant à travers la bouche vers le pharynx postérieur ne devient pas aussi humide que l’air passant à travers les cavités nasales, mais il contribue tout de même à la ventilation. Tout d’abord, voyons de plus près les fosses nasales.
Cavités nasales: Les cavités nasales sont composées des structures suivantes :
les fosses nasales, contenant les cornets (plaques osseuses incurvées s’étendant à partir de la paroi latérale des fosses nasales) ;
Pharynx et cavité buccale: Bien qu’elles ne soient pas dédiées à la ventilation, les structures de la bouche – les lèvres, les dents, les gencives, la langue et les glandes salivaires – participent à la mastication et à la création de la parole.
L’air inspiré traversant la cavité buccale atteint le pharynx puis l’hypopharynx, situé juste derrière la base de la langue (figure 3-1). Dans cet espace sont également logées les amygdales, tissu lymphatique contribuant à la lutte contre les infections. Directement sous l’hypopharynx se trouve l’épiglotte, clapet cartilagineux recouvrant la trachée lors de la déglutition. Ce clapet, qui reste ouvert habituellement, protège les voies aériennes de l’inhalation en se fermant involontairement en avalant quand une quantité de liquide ou d’aliments passe par-dessus. Chez les patients inconscients, ce réflexe est souvent absent, les mettant en grand danger d’inhalation de vomissements. Une telle inhalation peut mettre la vie en danger en raison du volume et de l’acidité du contenu de l’estomac.
Figure 3-1 Anatomie des voies aériennes. Les structures supraglottiques composent les voies aériennes supérieures ; celles infraglottiques, les voies aériennes basses. Les structures des voies aériennes basses comprennent trachée, arbre bronchique, alvéoles et poumons. (Modifié d’après Herlihy B : The human body in health and illness, ed 3, Philadelphia, 2007, Saunders.)
Sous l’épiglotte se trouvent trois structures de la glotte :
le cartilage thyroïde qui entoure le tout ;
les cartilages aryténoïdes, qui aident au maintien des cordes vocales ;
les bandes ventriculaires et les cordes vocales. Structures mobiles recouvrant partiellement la glotte, elles bougent d’arrière en avant pour créer les sons de base qui sont modulés par l’oropharynx et le nasopharynx. Les bandes ventriculaires sont constituées de tissu fibreux conjonctif et sont accolées aux cordes vocales. Les cordes vocales sont constituées de fin tissu ligamentaire. L’espace entre les cordes vocales, où l’air passe pour la respiration vers les voies respiratoires sous-jacentes, s’appelle la glotte.
Voies respiratoires inférieures
Quand l’air pénètre dans les voies respiratoires inférieures (figure 3-2), il passe de la trachée et des bronches vers les poumons, où il balaye les bronchioles pour atteindre finalement les alvéoles, les minuscules poches dans lesquelles les échanges gazeux ont lieu.
Figure 3-2 Structures des voies aériennes basses. (Source : Thibodeau GA, Patton KT : Structure and function of the body, ed 12, St Louis, 2004, Mosby.)
Trachée: Après avoir traversé la glotte, l’air circule ensuite dans la trachée. Celle-ci est un tube membraneux armé par des anneaux cartilagineux incomplets en forme de C. Le premier d’entre eux est le cartilage cricoïde, le seul anneau cartilagineux de forme circonférentielle. Sous le cricoïde se trouvent des anneaux reliés en arrière par de petits muscles régulant le diamètre du cartilage lorsqu’ils se relâchent et se contractent. Cette structure empêche la trachée de s’aplatir lors de la toux énergique ou de la bronchoconstriction.
Bronches et poumons: Descendant le long de la trachée, les anneaux cartilagineux en forme de C continuent jusqu’à l’endroit où la trachée se divise en deux bronches souches gauche et droite. Les bronches représentent la seule source de ventilation pour les poumons. La bronche souche droite est plus verticale et de diamètre plus large que la gauche, ce qui l’expose davantage au risque d’inhalation et d’intubation sélective. Ces bronches souches sont aussi composées d’anneaux en forme de C reliés en arrière par un petit muscle. Le revêtement épithélial pseudostratifié cilié s’étend aussi dans ces bronches et les humidifie tout en y sécrétant du mucus protecteur protégeant le tractus respiratoire sous-jacent de particules nocives.
Bronchioles et alvéoles: En entrant dans les poumons, les bronches souches se divisent en bronchioles de plus en plus petites, primaires, secondaires et tertiaires. Ces conduits de diamètre décroissant distribuent l’air inhalé à toutes les différentes zones du poumon pour une ventilation efficiente. Les revêtements des bronches tertiaires et plus petites sécrètent de moins en moins de mucus. Ce dernier est d’autant plus difficile à déplacer vers le haut puis hors des voies aériennes au fur et à mesure que les bronchioles sont bas situées dans l’arbre respiratoire. Notez toutefois que si toutes ces structures jouent un rôle pour conduire l’air dans les poumons, elles ne sont pas toutes impliquées dans le fait de respirer.
Les alvéoles sont maintenues ouvertes et en place par le tissu conjonctif dans le tissu interstitiel qui les entoure. Une substance appelée surfactant tapisse les parois intérieures des alvéoles, aidant à maintenir ouverts ces petits sacs. Le surfactant est une substance agissant plutôt comme du savon, réduisant la force tensioactive de surface et fournissant une interface hydrolipidique afin que les alvéoles ne se collabent pas à l’expiration. Les prématurés peuvent présenter un déficit en surfactant qui conduit à des difficultés respiratoires sévères. Mais quel que soit l’âge du patient, même des quantités normales de surfactant et un soutien adéquat par le tissu conjonctif ne peuvent empêcher le collapsus alvéolaire. Des atélectasies se produisent secondairement à des infections, des traumatismes ou à l’inflammation. L’atélectasie s’accompagne d’un risque majeur de pneumonie.
Contribution musculosquelettique à la respiration
Les os, les muscles et les tissus conjonctifs réalisent une fonction essentielle de la ventilation. Sans la contribution de ces structures, une ventilation efficace serait impossible. L’apport structurel va de la trachée cartilagineuse à la voûte osseuse du thorax, qui maintient la pression indispensable à la ventilation.
La cage thoracique est l’enveloppe qui soutient et abrite les structures dans la cavité thoracique, y compris les poumons. Son architecture favorise les changements de pression intrathoracique indispensables à la ventilation. Les côtes, le sternum et la colonne thoracique forment une charpente protectrice (figure 3-3). En plus d’être un bouclier pour les organes intrathoraciques, les côtes aident à générer la pression nécessaire pour l’inspiration et l’expiration.
Figure 3-3 Cage thoracique. Les côtes sont par paires, 12 de chaque côté du thorax, et sont numérotées à partir de la côte la plus haute, en commençant par 1. Les sept paires supérieures sont directement attachées au sternum par une bande cartilagineuse et nommées côtes vraies. Les cinq paires restantes sont appelées fausses côtes car elles ne sont pas reliées directement au sternum. Les deux dernières paires de fausses côtes, appelées côtes flottantes, ne sont rattachées qu’au plan postérieur. (Source : Leonard PC : Building a medical vocabulary : with Spanish translations, ed 7, St Louis, 2008, Saunders.)
Les muscles intercostaux sont considérés comme des muscles accessoires de la respiration. Cela signifie qu’ils sont insuffisants pour être les muscles principaux de la respiration, mais qu’ils peuvent aider le diaphragme à produire les variations de pressions nécessaires à la ventilation. Il y a d’autres muscles accessoires, notamment les muscles abdominaux et du cou. Si vous observez qu’un patient doit utiliser ses muscles accessoires pour respirer, une altération respiratoire ou une insuffisance respiratoire imminente doivent être sur votre liste de points à surveiller.
Rapports intrathoraciques des structures cardiaque et vasculaire
Le canal artériel situé dans l’hémithorax gauche supérieur est le plus grand canal lymphatique du corps. Le canal thoracique ramène aux veines caves tout excédent de liquide des membres inférieurs et de l’abdomen non collecté par les veines. La quantité de liquide lymphatique ramené est faible par rapport au volume sanguin circulant dans les veines, mais ce drainage a son importance, sinon le liquide stagnerait dans les membres inférieurs.
Physiologie de l’appareil respiratoire
L’appareil respiratoire est régulé par un ensemble complexe de mécanismes physiologiques, comprenant l’activation de la réponse immunitaire, la régulation de la respiration et de la ventilation et celle de l’équilibre acidobasique. Passons brièvement en revue chacun d’eux.
Neurorégulation de la respiration et de la ventilation
Trois mécanismes majeurs contrôlent la ventilation :
1. Le système nerveux central (SNC)
2. Le système nerveux périphérique et les muscles de la ventilation
Système nerveux central: Le SNC contrôle la ventilation depuis plusieurs centres dans le cerveau et la moelle épinière. La moelle et le pont constituant le tronc cérébral sont tous deux impliqués dans ce contrôle central. La moelle module le rythme de base de la ventilation et déclenche un groupe ventral quand une fréquence respiratoire rapide est nécessaire. Le pont réduit le risque d’inhalation et déclenche l’expiration par le centre pneumotaxique, qui contrôle généralement la fréquence et la forme de la respiration. Le centre apneustique, situé lui aussi dans le pont, régule la profondeur de la respiration.
Système nerveux périphérique: Le système nerveux périphérique et les muscles de la respiration doivent fonctionner de façon coordonnée. Lors de l’inspiration, la contraction du diaphragme lui impose de se déplacer vers le bas alors que la contraction des muscles intercostaux fait monter et horizontalise les côtes. Ces actions augmentent le volume intrathoracique, ce qui diminue alors la pression dans le thorax. Cette diminution, ou pression négative, permet à l’air ambiant de s’engouffrer dans les poumons.
Récepteurs chimiques et mécaniques: Dans le corps, les récepteurs mécaniques sont situés de façon centrale dans le cerveau et le liquide céphalorachidien (LCR), et en périphérie dans la crosse aortique, les reins et les poumons. Les récepteurs mécaniques, ou mécanorécepteurs, détectent la présence de substances irritantes ou la survenue d’un étirement musculaire trop important. Quand les récepteurs à l’étirement sont stimulés par le pic d’inspiration, les muscles se rétractent afin qu’une hyperventilation ne lèse pas les poumons. Ce réflexe est aussi impliqué quand la toux est déclenchée par un corps étranger ou des particules dans les voies respiratoires.
Des récepteurs chimiques, ou chémorécepteurs, détectent des changements de composition du sang et des liquides corporels. Les premières modifications chimiques enregistrées par les chémorécepteurs sont celles concernant les concentrations d’hydrogène (H), de gaz carbonique (CO2) et d’oxygène (O2).
H+ : les chémorécepteurs détectent l’augmentation de la concentration en hydrogène du liquide intercellulaire de la moelle et stimulent l’augmentation de la fréquence respiratoire. L’inverse se produit quand la concentration d’H diminue. Ce changement peut être décelé dans la circulation sanguine par la mesure du pH. Le pH normal dans le corps humain est entre 7,35 et 7,45.
CO2 : la concentration sanguine du CO2 augmente quand la respiration est trop lente ou faible, avec une rétention de CO2, ou quand le sang devient trop acide. L’excès de CO2 passe dans le LCR, provoquant une augmentation des ions H+, et déclenche en retour une augmentation de la fréquence respiratoire. Cette concentration peut être mesurée dans le sang par analyse de la pression partielle artérielle en CO2 (PaCO2). La PaCO2 normale est entre 35 et 45 mmHg. La concentration en CO2 est la régulation principale de la respiration.
O2 : quand les chémorécepteurs périphériques détectent une baisse excessive de concentration en oxygène, la fréquence respiratoire augmente. La PaO2 normale est entre 80 et 100 mmHg.
Maintien de l’équilibre acidobasique
Respiration et ventilation sont contrôlées par une interaction complexe de nerfs, de récepteurs et d’hormones. La concentration en gaz carbonique dans le corps est le régulateur principal de la respiration. Le CO2 est le produit de dégradation numéro un du métabolisme. Le métabolisme est le mécanisme de transformation des sucres (dextrose, ou glucose) en énergie utilisable par les cellules de l’organisme. Une concentration en CO2 élevée altère l’appareil cellulaire impliqué dans ce métabolisme. Le métabolisme aérobie, au cours duquel le glucose est transformé en énergie en présence d’oxygène, est le cycle de base de la vie. Ce mécanisme est particulièrement efficace mais repose sur un apport constant, tant en oxygène qu’en glucose, les cellules n’ayant aucune possibilité de les stocker temporairement.
Quand les cellules sont privées d’oxygène, elles font appel au métabolisme anaérobie ; il leur permet de produire de petites quantités d’énergie, mais libère en excès des métabolites dont des acides, et en particulier des acides lactique et carbonique. Cet excédent d’acides doit être évacué par la circulation, sinon l’excès de CO2 produit aboutirait à une acidose. Souvent, cependant, le problème qui contrarie la libération d’oxygène compromet aussi la circulation, et la production d’acides n’est pas évacuée, entraînant lésion cellulaire ou nécrose tissulaire.
Système tampon du sang: L’organisme neutralise le pH grâce à trois systèmes : le sang, l’appareil respiratoire et les reins. Le sang est capable de tamponner une partie de l’acidité en excès avec la réaction acide carbonique–bicarbonate ; elle est décrite dans l’équation acide carbonique–bicarbonate. Cette équation présente la fonction d’équilibration mise en œuvre de façon quasi immédiate par le sang afin de maintenir un pH normal. Le CO2 en excès réagit avec l’eau pour être transformé en de l’acide carbonique (H2O + CO2 = H2CO3). Cet acide carbonique temporaire est rapidement séparé en ions hydrogène (acides) et (H+ et ). Notez que les flèches dans l’équation vont dans les deux sens, indiquant que ces éléments clés passent d’un côté à l’autre en fonction des concentrations de chaque substrat :
Appareil respiratoire: En complément du système tampon qui est continuellement impliqué dans la neutralisation du pH, l’appareil respiratoire peut lui-même réaliser certains ajustements de l’équilibre acidobasique. Dès que les récepteurs détectent une augmentation de la concentration en CO2, l’appareil respiratoire amplifie la respiration pour ventiler l’excès de CO2 lors de l’expiration. À l’inverse, quand la concentration de CO2 est trop basse, l’appareil réduit la fréquence de la respiration.
Reins: Le troisième système contribuant au maintien de l’équilibre acidobasique est le rein. Quand une acidose persiste au-delà de 6 heures environ, les reins commencent à garder les ions HCO3– et à éliminer les ions H+, principalement sous forme d’ammonium (NH4+). C’est un mécanisme lent, prenant des jours pour éliminer suffisamment de H+ pour retrouver l’équilibre acidobasique.
Mesure des volumes de ventilation
L’analyse du volume d’air impliqué dans la ventilation peut nous aider à comprendre la pathologie de nombreuses maladies respiratoires et à évaluer la qualité de la réponse d’un patient au traitement (figure 3-4).
Figure 3-4 Spirométrie – volumes pulmonaires. Le tracé le plus à gauche (A) montre une boucle de respiration typique de sujet normal, comprenant les changements de volumes pulmonaires associés à l’inspiration maximale (jusqu’à la capacité pulmonaire totale [CPT]), suivie d’une expiration maximale jusqu’au volume résiduel (VR). En utilisant les techniques décrites dans le texte, les mesures de volumes pulmonaires peuvent permettre un calcul précis du VR, de la CPT et d’autres composantes des volumes du poumon, dont la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF), la capacité inspiratoire (CI) et le volume de réserve expiratoire (VRE). Des profils de volumes pulmonaires typiques sont aussi montrés, comme celui d’un patient avec asthme sévère, hyperinflation et rétention gazeuse (B) et celui d’un patient en insuffisance pulmonaire restrictive causant une réduction sévère des volumes pulmonaires (C). (Source : Walsh D, et al : Palliative medicine, Philadelphia, 2009, Saunders.)
Volume courant: Le volume courant est le volume d’air normal inspiré par respiration au repos. Le volume précis peut être modifié par de nombreuses variables, comme les affections pulmonaires, la taille, l’exercice physique et des facteurs moins évidents comme l’altitude au-dessus du niveau de la mer. Le volume courant normal pour un adulte et d’environ 500 ml. Le volume minute est le produit du volume courant par le nombre de respirations par minute (fréquence respiratoire). Ce calcul donne la quantité d’air inspirée en 60 secondes.
Volume résiduel: Le volume résiduel est la quantité d’air restant dans les poumons après une expiration maximale. Cet air maintient les poumons partiellement gonflés.
Espace mort: Toutes les zones tissulaires où des échanges gazeux n’ont pas lieu sont définies comme étant l’espace mort. La taille de l’espace mort peut augmenter quand une évolution pathologique, comme les atélectasies, survient (voir plus loin dans ce chapitre « Pathologies des voies aériennes inférieures »).
Volumes de réserve: Il y a deux types de volumes de réserve : expiratoire et inspiratoire. Le volume de réserve expiratoire est la différence entre une expiration normale et l’expiration de l’air restant dans les poumons. On peut mettre en évidence ce concept en réalisant l’expiration forcée de tout l’air restant dans les poumons après une expiration normale – ce volume d’air est le volume de réserve expiratoire. De même, inspirer aussi profondément que possible après une inspiration normale permet de prendre un volume d’air supplémentaire, le volume de réserve inspiratoire. Le volume résiduel inspiratoire aide à garder les alvéoles gonflées. Il est fréquemment expiré au cours du bâillement.
Capacité vitale et capacité pulmonaire totale: La capacité vitale est la quantité totale d’air échangé au cours d’une inspiration forcée suivie d’une expiration forcée. La capacité pulmonaire totale est obtenue par la somme de la capacité vitale et de l’espace mort. Bien que dépendante de nombreux facteurs, la capacité pulmonaire totale est la capacité maximale des poumons incluant tous les espaces morts.
Épreuves fonctionnelles respiratoires: Les épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) sont des examens respiratoires fréquemment prescrits par les pneumologues chez des patients présentant des difficultés respiratoires pour mieux cerner la nature et la gravité de la maladie. Les EFR mesurent aussi bien les capacités et volumes susmentionnés que le volume expiré maximum par seconde (VEMS) et d’autres valeurs calculées.
CONSIDÉRATIONS PARTICULIÈRES
Les patients âgés subissent de multiples changements de la fonction respiratoire, qui finissent tous par altérer la capacité de l’organisme d’oxygéner le sang. Un grand nombre de changements peuvent survenir aussi bien au niveau des voies respiratoires que des structures assurant la ventilation. Un résumé des variations physiologiques liées à l’âge avancé est présenté dans l’encadré 3-1.
Situation bariatrique
Une augmentation de la masse corporelle peut gêner ou altérer de nombreuses fonctions de l’appareil respiratoire des façons suivantes.
La plus grande masse corporelle augmente le besoin énergétique pour les activités courantes, avec pour conséquence une augmentation des besoins en libération d’oxygène et élimination de gaz carbonique et autres métabolites.
La masse du corps, au sens purement physique du terme, limite l’amplitude de mouvement de la cage thoracique, réduisant la contraction du diaphragme et par conséquent l’expansion pulmonaire.
En décubitus dorsal (couché sur le dos), l’excès de poids de la partie antérieure de l’abdomen peut basculer en partie supérieure, limitant l’expansion thoracique et pouvant diminuer le volume courant.
Évaluation
La dyspnée est à la fois un signe et un symptôme. Un des signes indirects de dyspnée est, par exemple, l’usage des muscles accessoires. Le patient peut se plaindre de manque de souffle ou exprimer une sensation désagréable d’avoir des difficultés à respirer, dans des termes comme « souffle court » ou « oppression dans la poitrine ».
Intervention et prise de conscience de la situation
Évaluation sur les lieux: Évaluer les dangers de la situation est une étape clé de la progression de l’évaluation AMLS (voir chapitre 1). Des patients en détresse respiratoire posent rarement des pièges aux sauveteurs, mais des précautions doivent être prises dans la prise en charge d’évaluation un patient hypoxique agité. Vous devez aussi tenir compte de la violence latente chez les membres de la famille ou les témoins qui trouvent angoissant de voir un patient, auquel ils tiennent particulièrement, lutter pour respirer. Une grande frustration de leur part associée au peu de moyens d’amélioration dont ils disposent est une source d’agressivité. Maîtriser la situation avec tact et empathie peut poser les bases de soins adaptés pour le patient.
Substances dangereuses: Quand des patients présentent à l’évidence des signes d’irritation des muqueuses et une respiration ample, en particulier s’agissant de groupes de victimes isolées, des précautions particulières sont nécessaires pour garantir la sécurité des lieux. Des équipements de protection individuelle (EPI) et des équipes de sapeurs-pompiers spécialisées doivent être déployés avant votre entrée en scène.
Précautions de base: Toute association clinique de plainte respiratoire et d’histoire avérée de fièvre doit entraîner la protection de vos muqueuses respiratoires, en particulier lors des manœuvres d’aspiration ou sur les voies aériennes. Mettre un masque semble si simple, mais c’est une protection facile à oublier à la vue d’un patient très malade à l’autre bout de la pièce.
Facteurs environnementaux de stress: Des facteurs de stress social, psychologique et physiologique agressent les défenses immunitaires de l’organisme, créant un environnement propice aux affections respiratoires. L’hypothermie, par exemple, conduit à des atteintes et insuffisances respiratoires. La combinaison de la chaleur et de l’humidité avec la pollution environnementale est aussi un danger pour les patients insuffisants respiratoires chroniques. Le tabagisme passif pollue l’air de tous à proximité. Mais il déclenche, pour ceux qui présentent de l’asthme ou une bronchopneumopathie chronique obstructive, une hyperréactivité des voies aériennes.
Évaluation initiale ou primaire
Connaître l’anatomie, la physiologie et la physiopathologie concernant la respiration est un préalable. Cela permet de réaliser un examen physique complet et de recueillir une anamnèse adaptée du patient, pour déterminer la cause de la plainte. Le chapitre 1 montre comment élaborer un jugement clinique. Un paragraphe est consacré à l’évaluation des voies aériennes. Le traitement des atteintes des voies aériennes est abordé dans l’Appendice D de ce manuel.
Observation: Votre observation initiale est importante, quelles que soient les modalités de rencontre du patient. Dans certains cas, la famille va conduire un patient ayant des difficultés respiratoires aux urgences sans demander l’aide du service d’aide médicale urgente. Parfois, des soins d’urgence sont dispensés en clinique. Peu importe la situation, évaluez globalement la conscience et la respiration, et contrôlez l’état circulatoire. Vous pouvez le faire en aidant le patient dès la sortie d’une voiture et même sur un brancard.
Première évaluation des voies aériennes et prise en charge des risques vitaux: Aux urgences, en zone d’orientation, ou dans un environnement préhospitalier, vous pouvez évaluer l’effort de respiration et la conscience de loin ; mais évaluez toujours les voies aériennes auprès du patient. Observez l’effort de respiration. Une respiration normale, au repos, se doit d’être paisible et légère. Si la respiration se remarque de loin, le patient fait probablement appel aux muscles respiratoires accessoires pour respirer. Une respiration laborieuse indique une instabilité probable du patient. Les voies aériennes doivent être examinées avec précaution.
Évaluation de la respiration: L’évaluation de la respiration débute auprès du patient. Regardez, écoutez et palpez. Observez le mouvement symétrique de la paroi thoracique du patient. Écoutez les bruits pulmonaires. Palpez à la recherche d’une zone sensible ou des vibrations vocales. Les vibrations tactiles (ou vocales) sont des vibrations palpables quand une personne parle. Une pneumonie les augmente alors qu’un épanchement pleural gazeux ou liquide les diminue. Écoutez la voix du patient. Est-elle rauque ou le patient se plaint-il d’une dysphagie ? Combien de mots la personne utilise-t-elle dans une phrase avant de reprendre son souffle ? La possibilité d’utiliser des phrases de six à sept mots plutôt que de deux à trois en dit long sur la façon dont le patient respire.
Faire la distinction entre détresse respiratoire et insuffisance respiratoire: Quand un patient fait état de dyspnée ou présente une augmentation de l’effort respiratoire, vous devez marquer une pause en vous posant une question : le patient est-il en détresse respiratoire ou a-t-il les signes d’une insuffisance respiratoire ? Si l’état du patient s’améliore par de simples gestes de réanimation, la réponse est : détresse respiratoire. Si, en revanche, l’état du patient ne s’améliore pas avec des gestes de base, ou si un patient en détresse respiratoire a des signes de fatigue intellectuelle ou d’altération de l’état neurologique, une insuffisance respiratoire est imminente. L’encadré 3-2 passe en revue quelques indicateurs d’une insuffisance respiratoire imminente. Des mesures immédiates doivent être mises en œuvre pour maintenir les voies aériennes et la ventilation.