Item 297 Anémies
Objectifs
• Devant une anémie, argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents.
Liens transversaux
ITEM 110 Besoins nutritionnels et apports alimentaires de l’adulte. Évaluation de l’état nutritionnel. Dénutrition.
Sujets tombés au concours de l’Internat et aux ECN : 1998, 2001, 2006, 2007, 2009, 2010
• 1998 : Femme de 27 ans. À l’examen : asthénie, épisodes de lipothymie, pâleur, ictère, splénomégalie. Biologie : Hb, 7,5 g/dl ; VGM, 105 ; myélémie ; bilirubine, 2 N ; LDH, 1,5 N
3) En fonction des données cliniques et biologiques, quelle hypothèse physiopathologique proposez-vous pour expliquer la formule leucocytaire ?
• 2001 : Femme de 70 ans, hospitalisée pour douleurs angineuses. Ses principaux antécédents sont un infarctus du myocarde et une hystérectomie pour fibrome. À l’examen : pâleur, tachycardie 110/minute régulière, tension artérielle 130–70 mmHg, ECG : signes de nécrose postérolatérale ancienne, pas de changement par rapport aux ECG antérieurs, transaminases normales. NFS : GR, 1,38 1012/l ; Hb, 6 g/dl ; Hte, 18,1 % ; volume globulaire moyen, 115 μm3 ; réticulocytes, 3 % ; GB, 3 600/mm3 ; PN, 30 % ; PE, 5 % ; lymphocytes, 60 % ; monocytes, 5 % ; plaquettes, 110 000/mm3 ; VS, 35–60 mm.
2) Devant ce Table clinicobiologique, quels sont les examens biologiques non redondants que vous demandez pour confirmer votre diagnostic ?
3) La fibroscopie gastrique montre une muqueuse atrophique, atrophie confirmée par la biopsie. Parmi les examens supplémentaires, lequel ou lesquels vous parai(ssen)t nécessaire(s) en vue de confirmer le diagnostic de maladie de Biermer ?
4) L’interne des urgences veut transfuser cette patiente. Que pensez-vous de cette perfusion ? Justifiez votre réponse.
• 2006 : Femme de 26 ans. Arthralgies inflammatoires depuis un mois, purpura, fièvre. Hb, 10,7 g/dl ; VGM, 86,7 fl ; TCA, 74 s (témoin 29 s) ; plaquettes, 29 000/mm3 ; GB, 6 600/mm3.
• 2007 : Femme de 58 ans. Asthénie, dyspnée d’effort récente. Ménopausée. Tabagisme actif, 40 paquets-années. Examen cardiovasculaire et pulmonaire normal. Touchers pelviens normaux. Échographie cardiaque et radiographie thoracique normales. Ionogramme, bilan hépatique normaux. NFS : GB, 8 000/mm3 (73 % PNN, 20 % lymphocytes, 5 % monocytes, 2 % éosinophiles) ; Hb, 9 g/dl ; VGM, 72 fl ; réticulocytes, 70 000/mm3. CRP, 5 mg/l.
3) Devant ce type d’anémie, quels sont les signes ou symptômes que vous cherchez à l’interrogatoire à visée étiologique ?
• 2009 : Femme de 26 ans d’origine italienne, qui consulte pour une asthénie d’apparition progressive depuis six mois associée à une dyspnée d’effort. L’examen clinique met en évidence une pâleur cutanéomuqueuse sans ictère. L’auscultation cardiaque est normale mise à part une fréquence cardiaque à 90/min. Les examens de laboratoire montrent :
– hémogramme : GR : 3,5 téra/l ; hématocrite, 24 % ; Hb, 7,1 g/dl ; réticulocytes, 2 % ; VGM, 68 μm3 ; CCMH, 28,6 % ; TCMH, 20,3 pg ;
– leucocytes : 8,5 giga/l ; polynucléaires neutrophiles, 68 % ; polynucléaires éosinophiles, 2 % ; lymphocytes, 25 % ; monocytes, 5 % ;
– hémostase : TCA, TP normaux ; fibrinogène, 2,5 g/l.
1) Vous évoquez une carence martiale. Quels sont les éléments évocateurs dans la numération ? Quel examen complémentaire prescrivez-vous afin d’en apporter la preuve ?
3) Quels sont les éléments à rechercher à l’interrogatoire, qui justifieraient la prescription d’une endoscopie digestive.
• 2010 : Femme de 70 ans, adressée pour une dyspnée d’apparition progressive depuis quatre semaines. Antécédents : mère de neuf enfants, tabagisme à 10 paquets-années, cholécystectomie et hystérectomie avec annexectomie, HTA (sous Fludex®), intolérance au glucose et léger surpoids (sous Glucophage®, metformine), allergie à la pénicilline, douleurs de cervicarthrose automédiquées par Aspirine 1 à 2 g par jour.
– Hb, 5,7 g/dl ; VGM, 67 μm3 ; TCMH, 26 pg/cellule ; plaquettes, 458 G/l ; leucocytes, 10,4 G/l ; polynucléaires neutrophiles ; 74 % ;
• 2010 : Femme de 28 ans, enceinte à 35 semaines d’aménorrhée (SA), hospitalisée en urgence le 2 février pour « dyspnée d’apparition rapide ». HTA sous Aldomet® et protéinurie suivis depuis 31 SA.
– Dans le sang : Na+, 136 mmol/l ; K+, 3,9 mmol/l, Cl−, 98 mmol/l, bicarbonates, 28 mmol/l ; glucose, 4,5 mmol/l ; créatinine, 80 μmol/l ; protides, 64 g/l ; Ca2+, 2,25 mmol/l ; acide urique, 360 μmol/l.
– Hémogramme : Hb, 10,5 g/l ; GR, 4,67 téra/l ; Ht, 36 % ; réticulocytes, 80 giga/l ; GB, 12,5 giga/l ; plaquettes, 110 giga/l.
Globule rouge (GR), ou hématie: cellule anucléée produite dans la moelle à partir de progéniteurs myéloïdes (érythropoïèse) et contenant de l’hémoglobine. Sa durée de vie est de 120 jours au-delà desquels il est détruit (hémolyse physiologique) dans la moelle et accessoirement dans la rate. Son rôle est le transport d’oxygène aux tissus. Les paramètres qui le caractérisent sont :
Synchronisation de maturation nucléoplasmique : les différentes étapes de l’érythropoïèse ont pour objectif de transformer une cellule nucléée en une cellule anucléée et riche en Hb. Au cours de ces étapes, les divisions cellulaires (et donc la réplication d’ADN) et la synthèse d’hémoglobine se coordonnent et s’influencent. L’expulsion du noyau (et l’arrêt des divisions) est déclenchée lorsque l’hémoglobine a atteint son seuil critique :
– tant que ce seuil n’est pas atteint, la cellule continue de se diviser et diminue de taille : microcytose ;
Réticulocyte : cellule anucléée qui se transforme en globules rouges en 48 heures. Le nombre normal dans le sang est de 20 000 à 80 000/mm3 et reflète la capacité de production médullaire pour renouveler les stocks de globules rouges.
Érythropoïétine : hormone synthétisée par les cellules glomérulaires rénales en réponse à une hypoxie. Son augmentation stimule l’érythropoïèse.
Démarche diagnostique devant une anémie
I Examen clinique
Signes cliniques d’anémie : ils témoignent de l’hypoxie tissulaire principalement au niveau :
– cardiaque : dyspnée, tachycardie, souffle valvulaire fonctionnel, palpitations, angor, infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque (à débit élevé) ;
Tolérance de l’anémie :
– en fonction du terrain : décompensation de fonctions d’organes déjà fragilisés (femme enceinte, insuffisant cardiaque, insuffisant respiratoire, sujet âgé…) ;
– en fonction de la rapidité d’installation :
• anémie aiguë : les symptômes sont sévères et brutaux, car les mécanismes adaptatifs n’ont pas eu le temps de se mettre en place (par exemple, insuffisance cardiaque aiguë avec œdème aigu du poumon) ;
II Examens complémentaires
La démarche doit être hiérarchisée, en répondant à plusieurs questions.
B Anémie microcytaire ou macrocytaire ?
La réponse est fournie par le volume globulaire moyen (VGM), inclus dans la NFS ou calculable : VGM = Ht/Nombre de GR [1012/l].
1 Si l’anémie est microcytaire*
Les principales causes et examens, à faire dans l’ordre prioritaire, sont listés dans le tableau 297-I.
La ferritine pouvant être augmentée en cas d’inflammation, il faut associer ce dosage à un bilan inflammatoire.
Hypothèses diagnostiques | Examens complémentaires | |
---|---|---|
1re intention | Carence en fer | |
Inflammation chronique | Bilan inflammatoire : VS, CRP, fibrinogène | |
2e intention | Thalassémie | Électrophorèse de l’hémoglobine |
Anémie sidéroblastique | Myélogramme | |
Saturnisme | Plombémie, plomburie, ALA urinaire, protoporphyrine sanguine | |
Hyperthyroïdie | TSHus, T4L | |
Carence en B1, B6 | Dosage vitamines B1, B6 | |
3e intention | Atransferrinémie congénitale | Bilan martial |
On peut demander en cas de difficulté diagnostique un dosage du récepteur soluble de la transferrine (RST) : il est augmenté spécifiquement en cas de carence en fer.
Carence martiale (RMO 53, 2003)
Il n’y a pas lieu, pour dépister une carence martiale, de prescrire simultanément un dosage de fer sérique et la ferritinémie(1).
Il n’y a pas lieu de demander en première intention, devant une anémie microcytaire(2)
(2) L’anémie microcytaire est définie par :
– un abaissement de l’hémoglobine (< 130 g/l chez l’homme, < 100 g/l chez la femme non enceinte, < 110 g/l chez la femme enceinte ; chez l’enfant : < 135 g/l à la naissance, < 110 g/l jusqu’à 6 ans, < 120 g/l entre 6 et 14 ans) ;
– une diminution de volume globulaire moyen (VGM) (< 70 μm3 avant 2 ans, < 73 μm3 entre 2 et 6 ans, < 80 μm3 entre 6 et 14 ans et chez l’adulte).
, une électrophorèse de l’hémoglobine à la recherche d’une thalassémie hétérozygote sans s’être assuré de l’absence de carence martiale.
C Anémie régénérative ou non ?
La réponse est apportée par le dosage des réticulocytes :
les réticulocytes < 150 000/mm3 signent une anémie arégénérative, dite aussi centrale : il s’agit d’un défaut de production médullaire (quantitatif ou qualitatif) ;
1 Anémie normocytaire ou macrocytaire régénérative
Les causes et examens complémentaires, à demander dans l’ordre des priorités si aucune orientation n’est donnée par la clinique, font l’objet du tableau 297-III.
En cas de difficulté diagnostique, l’étude de la durée de vie des hématies permet d’affirmer l’hémolyse, son siège et son mécanisme.
Une régénération importante peut entraîner une macrocytose car les réticulocytes en nombre important sont comptés par les automates comme des hématies.
Étiologie | Examens complémentaires | |
---|---|---|
1re intention | « Crise réticulocytaire » dans une anémie carentielle (fer, folates ou B12) substituée | |
Hémorragie aiguë | ||
Hémolyse | ||
Microangiopathie thrombotique | Frottis sanguin : schizocytes | |
CIVD | TP, TCA, fibrinogène, D-dimères | |
Test de Coombs direct | ||
Autoagglutination | Agglutinine froide | |
Frottis sanguin : schizocytes | ||
Électrophorèse de l’hémoglobine | ||
Saturnisme et autre toxique | ||
Déficit en G6PD | Dosage G6PD | |
Minkowski-Chauffard | Ektacytométrie | |
Hémoglobinurie paroxystique nocturne |
CIVD, coagulation intravasculaire disséminée.
2 Anémie macrocytaire arégénérative
La macrocytose peut être modérée (100 à 110 fl) ou importante (> 120 fl) ; dans ce dernier cas, on parle de mégaloblastose.
Dans l’aplasie médullaire, le myélogramme est pauvre et impose la réalisation d’une biopsie ostéomédullaire pour poser le diagnostic.
Une macrocytose modérée peut être observée sans anémie dans :
– les médicaments : hydroxyurée, certains antirétroviraux (AZT, gancyclovir) barbituriques, sulfamides, hydantoïnes ;
Les causes et examens complémentaires à demander dans l’ordre des priorités font l’objet du tableau 297-IV.
Étiologie | Examens complémentaires | |
---|---|---|
1re intention | Médicaments : metformine, méthotrexate, cotrimoxazole (Bactrim®), colchicine, néomycine | |
Hypothyroïdie | TSHus, T4L | |
Bilan hépatique complet | ||
Carence vitamine B12, B9 | ||
2e intention | Myélodysplasie | Myélogramme |
Myélogramme | ||
Aplasie médullaire | Myélogramme puis biopsie ostéomédullaire |
3 Anémie normocytaire arégénérative
Les causes et examens complémentaires à demander dans l’ordre des priorités font l’objet du tableau 297-V.
Étiologie | Examens complémentaires | |
---|---|---|
1re intention | Carence martiale débutante | Bilan martial |
Hémorragie ou hémolyse aiguë au stade précoce | Bilan d’hémolyse | |
Insuffisance rénale dès que clairance de la créatinine < 50 ml/min | Créatinine sanguine | |
Hypothyroïdie | TSHus, T4L | |
Insuffisance antéhypophysaire | GH, androgènes | |
Hépathopathies, cirrhose | Bilan hépatique complet | |
2e intention | Myélogramme | |
Myélogramme | ||
Myélodysplasie | Myélogramme | |
Fibrose médullaire | Biopsie ostéomédullaire | |
Aplasie médullaire | Biopsie ostéomédullaire |
GH, hormone de croissance.
Anémie ferriprive
I Physiologie
A Métabolisme normal du fer
Les apports en fer proviennent :
– du recyclage de l’hémoglobine au décours de l’hémolyse physiologique des globules rouges sénescents ;
– des apports alimentaires (viande rouge, poisson, jaune d’œuf, vin rouge, fruits secs, céréales) contenant 10 à 25 mg de fer par jour pour une alimentation européenne normale ; 10 % à 20 % du fer alimentaire est absorbé (dans le grêle proximal : duodénum et jéjunum proximal).
B Adaptations physiologiques en cas de carence martiale
En cas de carence martiale, le fer est puisé dans les réserves de l’organisme : la ferritine. Elle est le premier paramètre à baisser.
Par rétrocontrôle, la carence martiale stimule l’augmentation du transporteur : la transferrine augmente, donc aussi la CTF.
Le fer n’étant plus disponible pour la synthèse d’hémoglobine, on assiste à un asynchronisme de maturation nucléoplasmique : apparition de microcytes.
III Diagnostic*
B Diagnostic biologique
Le diagnostic positif est apporté par le bilan martial, au choix :
– fer sérique bas (< 10 μmol/l) et CTF augmentée (> 70 μmol/l) ± CST basse (< 20 %) : à préférer (+++) ;
IV Étiologie
A Pertes de fer par saignements chroniques
Étiologie | Conduite à tenir |
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Autres causes :
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