Chapitre 29 Maladie de Behçet
La maladie de Behçet est une affection inflammatoire systémique idiopathique caractérisée par une inflammation intraoculaire, des ulcérations orales et génitales, des lésions cutanées ainsi que de nombreuses autres atteintes viscérales [1]. Elle peut concerner quasiment tous les organes et est actuellement classée au sein des vascularites primitives non nécrosantes [2, 3]. En effet, la quasitotalité de ses manifestations résultent d’un processus inflammatoire vasculaire, dont l’évolution est chronique, alternant des phases d’exacerbation et des phases de quiescence spontanées, et pouvant compromettre sévèrement le pronostic fonctionnel et vital.
Cette affection aurait été décrite pour la première fois par Hippocrate (460-377 av. J.-C.) [4]. Elle a été redécouverte de par ses différentes manifestations cardinales indépendamment par plusieurs médecins dans les années trente (Gilbert en 1920, Planner en 1922, Shigeta en 1924, Adamantiades en 1931, Dascoupoulos en 1932, Whitwell en 1934 et Behçet en 1937). Elle doit finalement sa dénomination la plus communément usitée au dermatologue turc Hulusi Behçet à partir d’une description précise et consensuelle en 1937 à Istanbul [5]. La description princeps comportait la triade : aphtes buccaux, ulcères génitaux et uvéite à hypopion.
Épidémiologie
PRÉVALENCE
La maladie de Behçet a une répartition quasiment ubiquitaire avec, toutefois, une distribution géographique singulière, sa prévalence étant maximale dans les pays du bassin méditerranéen et l’Asie, notamment le long de l’ancienne route de la soie allant du bassin méditerranéen à l’Extrême-Orient, incluant notamment l’Irak, le Japon et, surtout, la Turquie, où la prévalence est estimée entre un pour 10 000 et un pour 1 000 habitants (tableau 29-I) [6–8].
Géographie | Prévalence de la maladie (pour 100 000 habitants) | |
---|---|---|
Turquie | 200 à 420 | |
Japon | 100 | |
Asie | 13,5 à 30 | |
États-Unis | 0,12 à 0,33 | |
Allemagne | Population native allemande | 0,42 à 0,55 |
Population turque vivant en Allemagne | 21 | |
Grande-Bretagne | 0,64 | |
Espagne | 7,5 | |
Suisse | 0,46 | |
France | (Enfant de moins de 15 ans) | 1/600 000 |
En Europe, la maladie de Behçet touche surtout les populations vivant entre 30° et 45° de latitude nord, avec un gradient croissant nord-sud, la prévalence allant de 0,5 à 7,5 pour 100 000 habitants respectivement au Royaume-Uni et en Espagne [9, 10].
L’étude de la prévalence de la maladie dans les populations migrantes montre le rôle interactif des facteurs environnementaux et génétiques — risque de maladie de Behçet plus faible chez les populations turques ayant émigré en Allemagne qu’en Turquie ; prévalence moindre dans la population japonaise vivant aux États-Unis et à Hawaï par rapport au Japon [11, 12]. Pour Kotter et al., il n’y aurait pas d’influence ethnique sur l’expression de la maladie de Behçet malgré la présence de 12 % d’antécédents familiaux dans les cas non caucasiens [13]. Cette expression semble varier selon le contexte géographique environnemental, les Turcs vivant en Allemagne présentant plus d’atteintes ophtalmiques et un sex-ratio homme/femme plus élevé que ceux vivant en Turquie.
RÔLE DES FACTEURS INDIVIDUELS
La maladie de Behçet concerne typiquement l’adulte jeune entre la deuxième et la quatrième décennie avec par ailleurs une prépondérance et une plus grande sévérité masculine observées dans le pourtour méditerranéen. Elle est plus rare chez les enfants, où l’atteinte oculaire apparaît moins fréquemment et où un antécédent familial de maladie de Behçet est plus souvent retrouvé [14]. Sa manifestation inaugurale est exceptionnelle après cinquante ans et doit faire considérer les diagnostics différentiels.
La maladie de Behçet est deux fois plus fréquente chez l’homme que chez la femme sur l’ancienne route de la soie dans sa région à forte prévalence [15]. Ailleurs, notamment en Europe occidentale et aux États-Unis, ce rapport est inversé (prépondérance féminine de la maladie) [16].
Les formes cliniques varient également en fonction du sexe avec, chez les femmes, une plus grande fréquence des ulcères génitaux et de l’érythème noueux, et à l’inverse, chez les hommes, une plus grande fréquence des formes sévères, avec notamment des atteintes ophtalmiques, anévrysmales, thrombophlébitiques ou neurologiques [17]. De plus, la maladie de Behçet semble être plus agressive et sévère chez l’homme jeune en Turquie, au Japon, en Extrême-Orient et au Moyen-Orient.
Les formes familiales sont plus fréquemment observées dans les populations non européennes (jusqu’à 15 % en Corée du Sud) que dans les populations européennes (0 % à 4,5 %) [10]. De rares formes néonatales transitoires de maladie de Behçet ont également été décrites lorsque les mères en étaient atteintes [18].
Le sexe et l’âge sont des facteurs de risque indépendants de la maladie de Behçet.
Les mécanismes physiopathogéniques de la maladie et le rôle du HLA-B51 demeurent non élucidés.
Le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments cliniques.
L’uvéite n’est une manifestation inaugurale de la maladie que dans 10 % à 20 % des cas.
La présentation de l’uvéite est non granulomateuse.
Un traitement systémique comportant un immunosuppresseur est indiqué en cas d’uvéite postérieure.
Dans les formes les plus sévères, les anti-TNF peuvent être utilisés.
Physiopathologie et étiopathogénie
L’étiologie de la maladie de Behçet reste à ce jour inconnue. Il s’agit d’un processus inflammatoire très probablement multifactoriel associant des facteurs immunogénétiques et environnementaux, au vu de ses caractéristiques épidémiologiques (tableau 29-II) [19].
Génétique | Gènes HLA Classe I : HLA-B51, HLA-B5101, HLA-B5102, HLA-B5108, HLA-B5109, HLA-B51-DR5-DQw3, HLA-B5701 (UK) Gènes TNFα Gènes MICA ICAM-1 Facteur de coagulation V eNOS |
Agents Infectieux | Agents incriminés : parvovirus B19, Streptococcus sp. (S. sanguis, S. fecalis, S. pyogenes, S. salivaris), Helicobacter pylori, Borrelia burgdorferi, HHV-6, hépatites A, B, C, E Protéines de réponse au choc thermique : HSP60, HSP65 αβ-crystallin |
Autoantigènes | Antigène S rétinien |
Système immunitaire | Réaction cellulaire (lymphocytes Th1/Th2, adénosine déaminase) Réaction humorale |
Neutrophiles, monocytes, complément | Polynucléaires neutrophiles : myéloperoxydase (MPO), Advanced Oxidation Protein Products (AOPP) Monocytes Complément : C3, C4, C5 |
Cellules endothéliales et NO | Cellules endothéliales Oxyde nitrique (NO) Stress oxydatif : O2−, H2O2 |
Coagulation, fibrinolyse | Facteur V Leiden Prothrombine Activité hémostatique : complexe thrombine/antithrombine III, complexe plasmine/α2-antiplasmine, thrombomoduline, prothrombine fragment 1+2 Homocystéine Endothéline 1 (ET-1) |
TNFα, Tumor Necrosis Factor α ; MICA, Major histocopatibility complex [MHC] class I Chain-related gene A ; ICAM-1, Intercellular Adhesion Molecule 1 ; eNOS, Endothelial Nitric Oxide Synthase ; HSP, Heat Shock Protein.
Les mécanismes physiopathologiques évoqués dans cette pathologie sont complexes et font intervenir plusieurs facteurs probablement intriqués : prédispositions génétiques [20, 21], agents infectieux [22, 23], dérégulation du système immunitaire et des médiateurs de l’inflammation [12, 24, 25], protéines de réponse au choc thermique (HSP, Heat Shock Proteins) [26], stress oxydatif [27], lipides de peroxydation (LPO) [28], autres facteurs environnementaux.
D’autres facteurs pathogéniques secondaires, incriminés plus directement en rapport avec l’activation des processus immuno-inflammatoires, sont les complexes immuns circulants, le complément sérique, les protéines de la phase active de l’inflammation, la chimiotaxie lymphocytaire et la stimulation excessive de lymphocytes B [22–24].
FACTEURS GÉNÉTIQUES
HLA-B51, « BEHÇETGÈNE » HYPOTHETIQUE
La notion de prédisposition génétique à la maladie de Behçet est confortée par l’association, maintenant bien établie pour tous les groupes ethniques, avec le polymorphisme du gène du système HLA de classe I, le HLA-B5, notamment ses sous-classes B51. Ce gène est situé sur le chromosome 6 (en 6p21). Les données récentes de la biologie moléculaire ont permis d’identifier vingt et un allèles de l’HLA-B51 : B*5101, B*5102, etc. Plusieurs études ont montré que le risque relatif de maladie de Behçet est le plus élevé avec l’allèle HLA-B5101 (sous-type majoritaire) et un peu moins avec HLA-B5102, comme l’haplotype B51-DR5-DQw3. Les autres allèles fortement impliqués sont les HLA-B5108 et HLA-B5109 [29]. Le sous-type B52 de l’HLA-B5, bien que ne différant que par deux acides aminés du HLA-B51, n’est pas associé à la maladie.
La question est de savoir si HLA-B51 est un marqueur de susceptibilité de la maladie ou plutôt un marqueur de sévérité ? Il semble s’agir essentiellement d’un marqueur de sévérité car, en effet, une plus forte association de HLA-B51 est retrouvée avec les uvéites postérieures et les atteintes du système nerveux central [9].
La distribution de la maladie dans le monde correspond également aux zones géographiques pour lesquelles la fréquence de l’antigène HLA-B51 est la plus élevée. Ainsi, l’épidémiologie de la maladie pourrait être surtout liée aux mouvements ancestraux de population en Eurasie, et non pas vraiment à ceux, plus récents, des commerçants de l’ancienne route de la soie. En tout état de cause, la fréquence de la maladie de Behçet dans une population suit celle du HLA-B51 ; l’association entre fréquence du HLA-B51 et maladie de Behçet est plus forte dans les populations d’origine turque (77 %) ou japonaise (57 %) que dans celle d’origine européenne (13 % à 59 % selon les pays) [30].
Le fragment peptidique dont la liaison à l’HLA-B51 déclencherait la maladie reste à identifier.
Cependant, le HLA-B51 ne peut être la cause unique de la maladie, car environ un tiers des patients atteints ne sont pas porteurs de cet antigène. Par ailleurs, le HLA-B51 est associé à un risque relatif variable de 3,8 à 12,4 selon l’origine ethnique du patient (tableau 29-III). Ce risque relatif serait maximal dans la population japonaise. Par contraste, la prévalence de l’antigène B51 parmi des patients irlandais atteints de maladie de Behçet n’était que de 25 %. Toutefois, dans cette population, la présence de l’HLA-B51 reste associée à un risque relatif de 6,3 pour la maladie. Les formes familiales de la maladie de Behçet sont cependant rares, bien qu’en Turquie, le risque d’observer la maladie dans la fratrie d’un patient est onze à cinquante-trois fois plus élevé que dans la population générale. Par ailleurs, dans une étude nationale japonaise, trente-cinq cas familiaux (dix-sept fratries) étaient identifiés, dont la majorité (60,9 %) étaient porteurs de l’allèle HLA-B51 [30].
Géographie | Risque relatif |
---|---|
Turquie | 13,3 |
Japon | 6,7 |
États-Unis | 1,3 |
AUTRES
Parmi les multiples autres facteurs immunogénétiques potentiellement impliqués dans la pathogénie de cette affection, les candidats les plus crédibles sont certains polymorphismes de gènes intervenant soit dans la présentation antigénique, soit dans la modulation des fonctions des lymphocytes et aboutissant à l’hyperactivation des lymphocytes Tγδ et NK. Il s’agit essentiellement du gène MICA (MHC class I Chain-related gene A ; allèle MICA006), du gène du Tap (Transporter associated with antigen processing, codant des protéines qui régulent le trafic intracellulaire des antigènes aux molécules du MHC ; absence de l’allèle Tap1C) et du gène du TNFα (Tumor Necrosis Factor) dont les produits interfèrent avec la fonction des cellules Tγδ et NK, pour lesquelles la fonction cytotoxique est augmentée au cours de la maladie de Behçet [31–35]. MICA006 serait un facteur de risque supplémentaire de HLA-B51 [36] ; toutefois, l’existence d’une corrélation entre les différents allèles du HLA-B et du MICA et leur proximité sur le chromosome 6 (gènes contigus) font discuter de la réelle indépendance de leur influence dans la maladie de Behçet.
L’intrication de différents facteurs de prédisposition à la maladie est probable.
AGENTS INFECTIEUX
L’effet déclenchant d’un agent infectieux a été évoqué de longue date, nourrissant de nombreuses spéculations [37]. Cette hypothèse infectieuse tire sa première légitimité des singularités épidémiologiques, puis se fonde sur les caractéristiques immunologiques connues de la maladie de Behçet.
Les agents incriminés sont cependant nombreux : parvovirus B19, Streptococcus sp. (S. sanguis, S. fecalis, S. pyogenes, S. salivarius), Helicobacter pylori, Borrelia burgdorferi, HHV-6 et hépatites A, B, C et E. Aucun agent n’a finalement pu être isolé de manière reproductible et fiable [38].
L’infection par l’herpes simplex virus de type 1 présente de nombreuses similarités cliniques (ulcères génitaux, lésions cutanées et ophtalmiques) avec la maladie de Behçet, mais la fréquence du virus y est comparable au groupe témoin. De plus, l’effet d’un traitement antiherpétique est strictement sans effet sur une maladie de Behçet.
La famille des Streptococcus spp. est évoquée comme facteur déclenchant majeur. En effet, le point de départ clinique, la muqueuse buccale avec une modification de la flore bactérienne, est consensuel dans cette maladie. Chez les patients, les réactions cutanées et les réponses des cellules mononucléées périphériques à certains antigènes streptococciques sont augmentées en comparaison aux témoins. Par ailleurs, certains auteurs décrivent une amélioration clinique sur les symptômes articulaires et mucocutanés lors de l’association de la colchicine à une antibiothérapie à base de pénicilline [39].
Certains antigènes bactériens montrent des séquences communes avec les protéines de réponse au choc thermique (HSP, Heat Shock Proteins) exprimées en situation de stress ou de stimulation microbienne. Ainsi, la production d’anticorps anti-HSP à l’encontre des antigènes microbiens montre une réaction croisée avec les antigènes HSP humains dans la maladie de Behçet, qui recouvrirait alors un caractère de maladie auto-immune [40]. L’implication des HSP est par ailleurs démontrée par l’existence d’une réaction cellulaire B et T contre les HSP bactériennes et humaines observée dans les différents groupes ethniques dans la maladie de Behçet [23]. Les HSP jouent un rôle notamment dans les atteintes oculaires et mucocutanées sur les arguments suivants : existence d’une homologie moléculaire entre la HSP65 des streptocoques et la HSP60 rétinienne ; existence d’une prolifération de lymphocytes T périphériques contre les antigènes rétiniens ; présence de HSP60 et de lymphocytes TCRγδ6+ T4 dans les lésions cutanées ; présence de HSP65 dans les lésions cutanées d’érythème noueux ; la forte expression d’HSP stimulant l’expression du gène MICA ; déclenchement d’uvéite par injection sous-cutanée de peptide HSP en modélisation expérimentale animale.
AUTOANTIGÈNES
L’αβ-crystallin est un antigène immunodominant lié au stress similaire aux HSP. On retrouve volontiers des anticorps anti-αβ-crystallin (IgG) dans le sérum et le liquide cérébrospinal de patients atteints de neuro-Behçet [41].
L’antigène S rétinien est localisé au niveau des photorécepteurs de la rétine. Il s’agit de l’autoantigène uvéitique le plus important. Il est couramment utilisé pour l’induction de modèles animaux expérimentaux d’uvéites. Le facteur déclenchant reste néanmoins inconnu. Le nombre des lymphocytes circulants serait prédictif de l’atteinte ophtalmique dans la maladie de Behçet [42].
RÔLE DE L’IMMUNITÉ CELLULAIRE ET HUMORALE
Les mécanismes impliqués seraient une augmentation des cytokines et de certains types lymphocytaires avec un déséquilibre de la voie Th1/Th2. Il est en effet observé une augmentation des populations lymphocytaires T activés (CD4+CD16+, CD4+CD56+, CD8+ αβ+ et CD8+CD11b+) : l’invasion de la chambre antérieure par ces types lymphocytaires est un argument pour leur rôle pathogène dans la maladie de Behçet oculaire [43, 44].
L’augmentation des populations lymphocytaires Th1 est responsable d’une production accrue de cytokines essentiellement pro-inflammatoires, notamment les interleukines IL-2, IL-6, IL-8, IL-12, IL-18, le TNFα et l’interféron γ dans la maladie de Behçet. La diminution de leur taux est observée après l’instauration d’un traitement de la maladie [15].
Par ailleurs, l’adénosine déaminase (ADA) — qui est une enzyme nécessaire à la prolifération, la maturation et la différenciation des lymphocytes, tout particulièrement des lymphocytes T — montre un taux augmenté dans la maladie de Behçet comme dans toute maladie inflammatoire médiée par les lymphocytes T [45].
Certains auteurs considèrent la maladie de Behçet comme une maladie auto-immune à médiation humorale possiblement prédominante, du fait de la présence d’un taux élevé de complexes immuns circulants chez 60 % des patients atteints de maladie de Behçet [46–48].
RÔLE DES CELLULES ENDOTHÉLIALES
La maladie de Behçet est caractérisée par une vascularite et une dysfonction des cellules endothéliales, dont l’agression est reflétée par un excès de production d’oxyde nitrique (NO) observé dans le sang, le liquide synovial mais également dans l’humeur aqueuse des patients, associé à l’activité de la maladie [49]. Par ailleurs, il est observé une association de la maladie de Behçet avec le polymorphisme Glu-Asp298 du gène codant la NO-synthase endothéliale (gène de susceptibilité). Le taux sérique du VEGF, médiateur de l’hyperproduction du NO, est également augmenté dans la maladie de Behçet et est notamment corrélé à l’atteinte ophtalmique [30].
RÔLE DES SYSTÈMES DE LA COAGULATION ET DE LA FIBRINOLYSE
Les phénomènes thrombotiques artériels et veineux sont une particularité de la maladie de Behçet, comme en témoignent les études retrouvant une activation du système de la coagulation associée à une activation compensatrice du processus de fibrinolyse (taux de complexe thrombine/antithrombine III, complexe plasmine/α2-anti-plasmine, thrombomoduline). Mais il semble évident que le primum movens de cette thrombophilie se rapporte surtout au contenant et non au contenu : l’activation des cellules endothéliales avec exposition de nombreux antigènes à la faveur du processus de vascularite constitue le lit d’une activation de la coagulation. La superposition des autres facteurs plus classiques de thrombophilie, tels que la mutation du facteur V Leiden ou l’hyperhomocystéinémie, est particulièrement rapportée comme facteur de surmorbidité thromboembolique au cours de la maladie de Behçet [50].
Par ailleurs et plus spécifiquement, l’endothéline 1 (ET-1) circulante, peptide vasoconstricteur impliqué dans l’ischémie rétinienne et les occlusions capillaires, aurait un rôle dans la survenue des occlusions veineuses rétiniennes avec manifestation ischémique. Le taux d’ET-1 et celui de l’homocystéine seraient corrélés à la sévérité de l’atteinte ophtalmique dans la maladie de Behçet [50, 51].
IMMUNO-HISTOPATHOLOGIE
La lésion de base correspond à une vascularite ou périvascularite occlusive, nécrotique, non granulomateuse, portant autant sur les artérioles que les veinules, cette dualité étant caractéristique de la maladie. L’inflammation vasculaire est constituée d’une infiltration chronique par des lymphocytes T et des polynucléaires neutrophiles [52].
Plusieurs anomalies sont observées sur les polynucléaires neutrophiles des patients atteints de maladie de Behçet : augmentation du chimiotactisme, de la production de superoxyde et de médiateurs chimiques de l’inflammation avec une expression accrue de molécules d’adhérence [53]. Ainsi, les taux de TNFα, d’IL-1β et d’IL-8 locaux sont très significativement augmentés, avec pour corollaire une activation polyclonale des lymphocytes B et la formation de complexes immuns [54]. Cependant, l’aspect histopathologique de ces lésions varie avec l’évolution ; à la phase aiguë, l’infiltration est essentiellement leucocytoclasique, plus ou moins associée à une nécrose fibrinoïde ; au contraire, en période de chronicité ou de rémission, l’infiltrat devient presque purement lymphocytaire ; au stade ultime survient finalement une prolifération de collagène.
Les rôles de l’hyperactivité et du « homing » particulier des polynucléaires neutrophiles dans les lésions de la maladie de Behçet sont à souligner comme déterminants dans la pathogénie de cette maladie. Il s’agit d’un phénomène quasiment unique, bien compris notamment dans le processus uvéitique et qui explique la constitution de l’hypopion. Par ce rôle capital de l’activation des polynucléaires neutrophiles, un parallèle peut être dressé entre la maladie de Behçet et la fièvre méditerranéenne familiale, comme l’atteste l’utilisation commune de colchicine (antigranulocyte), celle-ci montrant une efficacité sur l’uvéite antérieure dans la maladie de Behçet ainsi que sur certaines de ses autres manifestations non ophtalmiques [55].
Présentations cliniques
MANIFESTATIONS OCULAIRES
L’inflammation intraoculaire peut être antérieure, postérieure ou totale, généralement bilatérale (tableau 29-IV).
Chez les enfants et les hommes jeunes, l’atteinte ophtalmique est statistiquement plus sévère, avec un taux plus important d’atteinte maculaire et de décollement de rétine [56]. L’atteinte ophtalmique est par ailleurs plus fréquente au Japon et en Turquie [16].
L’atteinte initiale est plutôt antérieure et unilatérale, tandis que l’atteinte chronique est plutôt postérieure et bilatérale — d’où l’intérêt de la classification du SUN (cf. chapitre 5) distinguant les atteintes des différents segments oculaires (antérieur et/ou postérieur) dans l’optique d’une orientation des indications thérapeutiques et pronostiques [57].
UVÉITE ANTÉRIEURE
Elle se manifeste par une rougeur douloureuse de l’œil, parfois soulignée par un hypopion qui est une caractéristique singulière de la maladie. Cet hypopion aseptique est retrouvé dans 35 % des cas mais est souvent fugace et peut être très minime et alors uniquement détecté en gonioscopie (fig. 29-1) [15]. Il serait par ailleurs plus fréquent chez les femmes que chez les hommes. Le tableau clinique réalisé est souvent frappant par l’inadéquation entre l’intensité des autres signes inflammatoires et l’hypopion.
Cette inflammation antérieure peut être mesurée et quantifiée par le laser flare-cell meter.
Les patients atteints d’une uvéite liée à une maladie de Behçet présentent souvent une rupture chronique de la barrière hématoaqueuse responsable d’une inflammation chronique [58].
UVÉITE POSTÉRIEURE
L’uvéite postérieure est la manifestation inflammatoire la plus fréquente et la plus grave, menaçant le pronostic visuel car elle réalise souvent une uvéopapillite avec périphlébite rétinienne occlusive (tableau 29-V). Une hyalite d’importance variée et des plages parfois multiples de rétinites hémorragiques peuvent s’y associer (fig. 29-2). De même, des vascularites artérielles relativement fréquentes, avec engainements inflammatoires, rétrécissements du calibre artériel et occlusions artérielles alourdissent le pronostic fonctionnel visuel. Le corollaire en est le développement de plages d’ischémie rétiniennes qui peuvent se compliquer de néovascularisation rétinienne avec risque d’hémorragie intravitréenne récidivante ou de glaucome néovasculaire (dans 6 % des cas) [59]. Par ailleurs, un œdème papillaire peut s’y associer, procédant d’un mécanisme inflammatoire ou ischémique (NOIAA), dont le caractère bilatéral pour ce dernier est lié à une hypertension intracrânienne elle-même secondaire à une thrombophlébite des sinus veineux du crâne [60, 61].
Auteurs | Pays | Fréquence parmi les uvéites postérieures |
---|---|---|
Chajek, 1975 [66] | États-Unis | 0,2 %-0,4 % |
Tugal-Tutkun, 2004 [16] | États-Unis | 0,7 % (uvéites de l’enfant de moins de 16 ans) |
Binisti, 1999 [67] | France | 5 % |
Levecq, 1999 [68] | Belgique | 5,5 % |
Islam, 2002 [69] | Arabie Saoudite | 6,5 % |
Shimizu, 1974 [1] | Japon | 20 % |
Ouazzani, 1995 [65] | Maroc | 24 % |
Barra, 1991 [70] | Brésil | 2 % toutes uvéites |
Yang, 2005 [71] | Chine | 16,5 % (panuvéites) |
MANIFESTATIONS EXTRAOCULAIRES
Les manifestations extraoculaires de la maladie de Behçet sont résumées dans les tableaux 29-VI et 29-VII.
Aphtes buccaux | Fréquemment la première manifestation universelle de la maladie, récurrente, au moins 3 poussées par an Ne peuvent être distingués cliniquement d’ulcération aphteuse Unique ou multiples, très douloureux Tendance à grossir, pseudomembrane blanc grisâtre, fibrine centrale jaunâtre (nécrotique) Localisation antérieure la plus fréquente (muqueuse buccale, vestibule, gencives, langue, lèvres), postérieure moins fréquente (palais dur, palais mou, amygdale, uvule, pharynx postérieur) Aphte mineur : le plus commun, 1 à 5 en nombre, petit (< 1 cm), superficiel, modérément douloureux, guérit spontanément en 4 à 14 jours sans cicatrice Aphte majeur : moins commun, 1 à 10 en nombre, large (> 1 cm), profond, très douloureux, invalidant, guérit en 2 à 6 semaines en laissant des cicatrices Ulcère herpétiforme : le moins commun, récurrence de nombreux petits ulcères douloureux, 2 à 3 mm, plus ou moins coalescents |
Lésions cutanées | Érythème noueux : atteinte cutanée la plus fréquente chez la femme (2 cas sur 3), surtout sur la face antérieure des jambes, cheville, sur la face, bras et les fesses, apparaissant comme un nodule rouge avec induration sous-cutanée et sensibilité, pouvant s’ulcérer, tendant à involuer en 10 à 14 jours sans cicatrice mais laissant une hyperpigmentation Pseudo-folliculites disséminées et récurrentes, éruptions papulo-vésiculo-pustules, éruptions acnéiformes (non lié à la corticothérapie), lésion de pseudo-érythème multiforme, thrombophlébite, vasculite nécrosante bulleuse, parfois purpura palpable ou lésion de pseudo-pyoderma gangrosum |
Ulcères génitaux | Sur le scrotum et le pénis chez l’homme, sur les petites et grandes lèvres, sur la vulve, le vagin et le col chez la femme, pouvant entraîner une dyspareunie (souvent prémenstruelle) Ulcères anaux et sur l’aine pouvant exister dans les deux sexes Les ulcères génitaux sont plus larges, plus profonds, plus à l’emporte-pièce que les ulcères buccaux mais entraînent moins de récidive, typiquement 2 à 3 poussées par an Souvent douloureux, rarement asymptomatiques, guérissant avec une cicatrice blanche ou pigmentée |
Manifestations articulaires | Épanchement synovial avec chaleur et rougeur, dans 50 % à 90 % des cas résolutif en 2 à 4 semaines Monoarthrite ou oligoarthrite, rarement polyarthrite, transitoire, courte, séronégative, épisodique, non destructrice et non migrante, caractérisée par une inflammation non spécifique Touche les grosses articulations essentiellement, comme genou, cheville, poignet, épaule, IPP et MCP Les atteintes axiales sont rares, pas d’atteinte destructrice et les arthrites érosives sont rares Symptômes et signes : arthralgie, sensibilité, gonflement, rougeur, impotence fonctionnelle, chaleur, dérouillage matinal |
Atteinte audiovestibulaire | Atteinte de l’oreille interne, cochléaire, périphérie « vestibulaire », surdité, acouphène, vertige, hypoacousie uni- ou bilatérale (perte à l’audiogramme dans les fréquences basses et élevées), trouble de l’équilibre orthostatique |
Atteinte thoracique | Anévrysme de l’aorte et des artères pulmonaires, infarctus et hémorragie, épanchement pleural, embolie pulmonaire, ulcères trachéobronchiques, pneumonie, médiastinite, fibrose pulmonaire, fistule artériobronchique, lymphadénopathies hilaires, médiastinales et atélectasies Symptômes : hémoptysie, toux, dyspnée, douleur pleurale |
Atteintes gastrointestinales | Lésions ulcérées (iléon terminal, cæcum) dans 50 % des cas, parfois œsophagite et gastrite Symptômes : anorexie, dysphagie, dyspepsie, vomissements, aérophagie, inconfort abdominal, distension et douleur abdominale, trouble du transit, constipation, diarrhées (parfois diarrhées sanglantes, méléna) Perforation pouvant survenir et malabsorption fréquente [à différencier des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin et de la maladie de Whipple] |
Atteintes vasculaires | Thrombophlébite oblitérante superficielle et profonde des extrémités, varices, embolies, infarctus et hémorragie Atteintes veineuses plus fréquentes qu’artérielles Possibilité de thrombose des vaisseaux de gros calibres : veine cave supérieure et inférieure ; parfois, anévrysme de l’aorte, carotide, poplitée, occlusion de l’artère radiale, thrombose des veines hépatiques (syndrome de BuddChiari), mésentérique, pulmonaire, iliaque, rénale |
Atteintes cardiaques | Atteintes des artères coronaires, infarctus du myocarde, endocardite, myocardite, péricardite, aortite, valvulopathie (insuffisance aortique, mitrale), thrombose intracardiaque, fibrose endomyocardique, troubles du rythme |
Atteintes rénales | Hématurie microscopique, protéinurie (microalbuminurie) avec fonction rénale conservée ou vasculite à ANCA rapidement progressive, glomérulonéphrite proliférante (focale, segmentaire ou sclérosante, diffuse ou mésangiale), néphrite à IgA, thrombose de la veine rénale, amylose, syndrome néphrotique, insuffisance rénale |
Atteintes génito-urinaires | Inflammation des testicules, épididymite, orchyépidimite (rare), urétrite (très rare), cystite, trouble de l’érection |
Atteintes du système nerveux central | 5 % à 10 % des patients Atteintes parenchymateuses focales ou multifocales, atteinte du système nerveux central et périphérique (douleur, picotements, engourdissement dans les pieds et mains), manifestations motrices et sensitives, céphalées (le plus fréquent), hémiparésie, trouble du comportement, raideur de la nuque, signes pyramidaux et extrapyramidaux, ataxie cérébelleuse, thrombose veineuse cérébrale, thrombose du sinus veineux, paralysie des paires crâniennes, neuropathie périphérique, perte de connaissance, hypertension intracrânienne bénigne, lésions de la moelle épinière, méningite stérile, méningoencéphalite chronique, pseudo-sclérose en plaques, syndrome confusionnel, myélite aiguë, anévrysme, accident vasculaire cérébral, pseudo-tumeur cérébrale |
Atteintes psychiatriques | Trouble du caractère, agressivité, anxiété, dépression, démence, déficit cognitif, trouble de la mémoire, trouble de l’acquisition, trouble de la personnalité, trouble de l’attention, désordre bipolaire et chorée |
Angio-Behçet | Thrombophlébites sus-hépatiques (syndrome de Budd-Chiari), caves inférieures ou supérieures, ou des sinus duraux, rares mais de mauvais pronostic Atteintes artérielles à type de thromboses ou de pseudoanévrysmes (aphtes artériels) aux membres inférieurs, sur l’aorte et sur le réseau pulmonaire Association fréquente de thromboses artérielles et veineuses et, parfois, d’anévrysmes artériels multiples (syndrome de Hughes-Stovin) Atteintes cardiaques exceptionnelles pouvant toucher les trois tuniques, le réseau coronaire, endocardite et fibrose endomyocardique |
Neuro-Behçet | Céphalées chroniques (correspondant parfois à des réactions méningées a minima isolées et sans caractère de gravité) Atteintes parenchymateuses possibles sur l’ensemble du névraxe avec une prédilection pour le tronc cérébral Thrombophlébites cérébrales avec hypertension intracrânienne Angéites cérébrales, exceptionnelles, réalisant un tableau d’accident vasculaire cérébral |
Entéro-Behçet | Lésions aphteuses peuvent concerner l’ensemble du tube digestif Différenciation parfois difficile avec une maladie de Crohn : diarrhées glairo-sanguinolentes, ulcérations aphtoïdes, lésions segmentaires érythémato-inflammatoires transmurales avec possible fistule iléo-cæcale |
APHTES BUCCAUX
Les aphtes peuvent concerner l’ensemble de la cavité buccale et sont le seul critère majeur pour la classification de 1990, pour laquelle leur présence est indispensable. Ils sont souvent le signe inaugural de la maladie et peuvent précéder les autres symptômes de plusieurs années. Les aphtes buccaux siègent généralement à la muqueuse labiale, gingivale, à la langue, à la face interne des joues et, plus rarement, au palais, aux amygdales et à l’oropharynx. La lésion élémentaire est représentée par une ulcération douloureuse à fond purulent jaunâtre, entouré d’un halo d’érythème, dont la taille varie de quelques millimètres à 1 cm de diamètre (fig. 29-4). Ces aphtes cicatrisent sans séquelles. On peut, en théorie, les différencier des aphtes communs par leur localisation, leur nombre, leur récurrence et leur aspect. En pratique clinique, en l’absence d’une expertise stomatologique et en dehors du critère de fréquence exigé par la dite classification, ils n’ont aucune caractéristique distinctive de taille, de nombre ni de siège et guérissent généralement sans laisser de cicatrice en sept à quinze jours [19]. Ces aphtes peuvent être tellement douloureux et fréquents qu’ils entraînent une importante dysphagie. Par ailleurs, leur survenue peut être favorisée par certains aliments, revêtir un caractère partiellement cataménial ou se confondre avec un herpès buccal récurrent dans sa forme pseudo-herpétiforme. Les fumeurs exacerbent le nombre d’aphtes lors du sevrage, d’où l’utilisation de patch à base de nicotine lors du sevrage tabagique dans la maladie de Behçet [72].
En général, les aphtes précèdent le début des atteintes ophtalmiques, du système nerveux central et des autres organes.
APHTES GÉNITAUX
Il s’agit de la deuxième manifestation la plus fréquente. Ils sont rapportés dans 72 % à 94 % des cas, siégeant préférentiellement chez les hommes sur les bourses, rarement sur la verge [18]. La possibilité d’une atteinte urétrale dans la maladie de Behçet est discutée et serait, le cas échéant, très rare. Chez la femme, ils siègent sur la vulve, la muqueuse vaginale ou cervicale, pouvant être soit responsable de dyspareunie entravant fortement la qualité de vie, constituant alors fréquemment un motif de consultation, soit au contraire quasiment indolore. Ils sont habituellement plus larges et plus profonds que les aphtes buccaux. Ils guérissent en laissant souvent des lésions cicatricielles constituant un élément capital du diagnostic rétrospectif quand leur fréquence est faible.
MANIFESTATIONS CUTANÉES
On retrouve des lésions cutanées dans 80 % des maladies de Behçet. Elles comprennent : la pseudofolliculite, dont la lésion élémentaire correspond à une pustule non centrée par un poil (à la différence de la folliculite qui correspond à l’infection d’un follicule pileux) généralement située sur le tronc, à la poitrine et aux cuisses (fig. 29-5) ; les lésions papulopustuleuses acnéiformes (non différenciable de l’acné commune mais survenant en dehors de la période pubertaire ou de toute prise de corticoïdes) ; l’érythème noueux. Des aphtes cutanés accompagnant les aphtes génitaux sont parfois observés dans les plis inguinaux, le périnée ou dans la région péri-anale. Enfin, le pyoderma gangrosum est, bien que rarement, rapporté comme manifestation de la maladie de Behçet.
MANIFESTATIONS ARTICULAIRES
Les manifestations articulaires sont fréquentes, rapportées dans à peu près deux tiers des cas, et constituent parfois le signe inaugural de la maladie. Il s’agit dans la grande majorité des cas d’arthralgies, parfois d’oligoarthrites asymétriques des grosses articulations (genoux, chevilles et poignets), typiquement non érosives et non déformantes [18]. Une controverse persiste quant à l’appartenance des manifestations sacro-iliaques à la maladie de Behçet ; celles-ci doivent le cas échéant faire rechercher une authentique spondylarthrite ankylosante dont l’association à la maladie de Behçet chez des sujets HLA-B27 est discutée, ces deux entités partageant les mêmes zones géographiques de forte prévalence [73]. Des myalgies proximales et des myosites vraies sont rarement décrites, celles-ci pouvant au contraire rendre le diagnostic plus difficile.
MANIFESTATIONS ARTÉRIOVEINEUSES ET CARDIAQUES
Les thrombophlébites superficielles et profondes sont particulièrement communes et prédominent aux membres inférieurs ; leur caractéristique est d’être volontiers extensives mais très peu emboligènes du fait d’une forte adhérence pariétale vasculaire, la vascularite locale en étant l’élément étiologique essentiel [19].
Les atteintes cardiaques peuvent concerner les trois tuniques mais aussi le réseau coronaire (infarctus myocardique), mais elles restent exceptionnelles. L’endocardite persistante peut être responsable d’une fibrose endomyocardique et souvent de thrombose endocavitaire [19].
MANIFESTATIONS NEUROLOGIQUES
Mises à part les céphalées, assez fréquentes, parfois associées à des réactions méningées bénignes, les atteintes neurologiques concernent 5 % à 10 % des patients et sont décrites sous le nom de neuro-Behçet [74]. Elles sont réputées être de mauvais pronostic et montrent une évolution par aggravation progressive ou par récidives en l’absence de traitement adapté. Elles procèdent par des mécanismes vasculaires artériels (paralysies oculomotrices et accident vasculaire ischémique), inflammatoires parenchymateux, possibles sur l’ensemble du névraxe mais avec une nette prédilection pour le tronc cérébral (rhombencéphalite, méningoencéphalite, myélite…), ou hypertensifs par thrombose veineuse (hypertension intracrânienne, céphalées chroniques, troubles de la personnalité, troubles anxiodépressifs…) [19].
AUTRES MANIFESTATIONS
Une orchite, associée ou non à une épididymite, n’est pas rare et évolue souvent par poussées [18]. L’atteinte rénale (néphropathies vasculaires et interstitielles chroniques, néphropathies amyloïdes) et les neuropathies périphériques sont exceptionnelles dans la maladie de Behçet ; leur présence dans un contexte de maladie systémique doit faire privilégier la recherche d’autres vascularites, notamment celles à ANCA qui, il faut le rappeler, sont aussi pourvoyeuses d’uvéites, d’aphtoses buccales et d’arthralgies. Une atteinte cochléovestibulaire est également possible.