Chapitre 28
Candidoses
Les Candida sont des levures, micro-organismes endogènes ou exogènes, dont le pouvoir pathogène ne s’exprime qu’en présence de facteurs favorisants locaux ou généraux. Les candidoses peuvent donc être des infections opportunistes dont les causes sont très variées. Le spectre clinique s’étend des formes localisées (cutanées et/ou muqueuses), d’une grande fréquence en médecine générale, aux atteintes invasives rencontrées chez les patients hospitalisés cumulant de nombreux facteurs de risque et dont le pronostic est souvent réservé. La seule présence de ces levures n’est pas synonyme de maladie, car l’isolat responsable de l’infection est le plus souvent celui que le malade héberge spontanément. Les atteintes invasives sont un exemple d’infections nosocomiales, résultant des traitements médico-chirurgicaux de plus en plus spécialisés chez des patients de plus en plus fragiles. Le diagnostic de ces mycoses est difficile et repose sur un faisceau d’arguments cliniques, radiologiques et biologiques.
I Épidémiologie
A Agents pathogènes
Le genreCandida compte un peu moins de 200 espèces et regroupe des levures non pigmentées, non capsulées, à bourgeonnement multilatéral, productrices (par exemple C. albicans) ou non (par exemple C. glabrata) de filaments et donnant des colonies blanches et crémeuses en culture. Il est difficile de donner l’ensemble des particularités des différents Candida. Durant leur adaptation au commensalisme, certaines espèces se sont spécialisées pour certains sites anatomiques. Ainsi, C. albicans, principale levure impliquée en pathologie humaine, est un commensal des muqueuses digestives et génitales, et ne se trouve que rarement sur peau saine. À l’inverse, C. parapsilosis est une levure fréquente de la peau mais pas du tube digestif, et expose au risque de contaminations manuportées. C. glabrata a une écologie proche de celle de C. albicans. De nombreuses espèces vivent dans le milieu extérieur et peuvent se retrouver accidentellement dans le tube digestif suite à leur ingestion (C. krusei) et être exceptionnellement responsables d’une infection, le plus souvent chez des patients immunodéprimés ou ayant bénéficié d’un geste avec effraction des muqueuses. L’émergence du sida a entraîné une augmentation de candidoses oropharyngées et œsophagiennes, dont le nombre a ensuite considérablement chuté avec la généralisation des trithérapies antivirales.
III Clinique
A Candidoses superficielles
1 Candidoses cutanées
Les candidoses cutanées sont très fréquentes.
La candidose anale se traduit par un prurit intense avec sensation de brûlure et un érythème suintant, l’extension pouvant se faire vers les plis. Chez les très jeunes enfants, l’atteinte à point de départ périanal s’installe volontiers sur une dermatite préexistante (dermatite fessière du nourrisson). L’extension se fait aux fesses et aux aires génitales (fig. 28.1 et fig. 28.2).
2 Onychomycoses à Candida
Les onychomycoses à Candida spp. sont beaucoup plus fréquentes aux mains qu’aux pieds (fig. 28.3). Les femmes sont plus fréquemment atteintes car plus souvent exposées aux principaux facteurs de risque locaux que sont les contacts prolongés et répétés avec l’eau et les produits d’entretien, le port de gants de protection, les microtraumatismes et les abus de soins de manucure. La contamination résulte d’une auto-inoculation à partir d’un foyer digestif ou génital et C. albicans est l’espèce la plus souvent incriminée. Classiquement, l’onychomycose à Candida débute par une atteinte des tissus péri-unguéaux (périonyxis). Elle se traduit par une tuméfaction tendue, érythémateuse parfois, douloureuse, entourant la tablette unguéale. La pression de l’œdème fait sourdre une sérosité, voire du pus. L’atteinte de l’ongle est secondaire, par invasion de l’ongle sur le bord proximal qui gagne ensuite le bord libre avec un décollement de la tablette unguéale pouvant intéresser toute l’épaisseur de l’ongle. L’évolution peut aboutir à une onycholyse totale.
B Candidoses muqueuses
1 Candidoses oropharyngées
La forme pseudomembraneuse, ou « muguet », est la plus classique (fig. 28.4). Elle débute par un érythème de la muqueuse. En quelques jours apparaissent des lésions blanchâtres, fermes, qui vont confluer, donnant des membranes blanc jaunâtre sur une muqueuse inflammatoire. Plus ou moins envahissantes, adhérentes aux muqueuses, elles peuvent intéresser toutes les muqueuses orales et envahir le pharynx et l’œsophage chez l’immunodéprimé. Les signes fonctionnels sont une sécheresse, une sensation de goût métallique et de cuisson de la bouche. L’importance des signes fonctionnels chez le sidéen peut conduire à une dysphagie majorant la dénutrition. Il existe aussi des candidoses buccales érythémateuses pures, aussi répandues que le muguet.