Chapitre 28 Approches médicamenteuses
Introduction
Le jeu pathologique (JP) est actuellement classé parmi les troubles du contrôle des impulsions dans le Manuel Diagnostique et Statistique des troubles Mentaux (DSM-IV-TR) (APA, 2000). En raison d’un certain nombre de similitudes avec les troubles addictifs, une reclassification parmi les troubles addictifs est prévue dans la prochaine version du DSM (Bowden-Jones et Clark, 2011). La prévalence sur la vie entière de ce trouble est estimée à 1 %, avec une comorbidité psychiatrique importante et un risque suicidaire accru (Bondolfi et al., 2008). Une approche médicamenteuse de ce trouble commence à voir le jour. Bien qu’il n’existe à ce jour pas de pharmacothérapie validée du JP, une trentaine de publications dans la dernière décennie ont rapporté les résultats des essais portant sur l’efficacité des différentes classes pharmacologiques dans ce trouble (Achab et Khazaal, 2011).
Approches médicamenteuses du JP
Le spectre de la comorbidité psychiatrique
Antidépresseurs
Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) ont démontré leur efficacité dans les troubles psychiatriques tels que la dépression, le trouble obsessionnel-compulsif et les troubles anxieux (Vaswani et al., 2003). L’hypothèse soutenant l’usage des ISRS dans le traitement du JP est celle d’une dysfonction sérotoninergique dans ce trouble (Blanco et al., 1996; DeCaria et al., 1996). Trois essais utilisant le citalopram (Zimmerman et al., 2002) et l’escitalopram (Grant et Potenza, 2006; Black et al., 2007a) ont montré une efficacité sur le JP avec une comorbidité anxiodépressive. Cette efficacité n’a pas été retrouvée dans quatre essais thérapeutiques contrôlés, réalisés toutefois sur de petits échantillons. En effet, la supériorité de la paroxétine (Kim et al., 2002; Grant et al., 2003a), de la fluvoxamine (Blanco et al., 2002), et de la sertraline (Saiz-Ruiz et al., 2005) par rapport au placebo dans le traitement du JP, n’a pas été mise en évidence.
Stabilisateurs de l’humeur
L’impulsivité, les fluctuations de l’humeur et le sentiment de toute-puissance, sont des signes communs entre le JP et le trouble bipolaire de l’humeur (TBH), ce qui a constitué un rationnel pour l’essai des thymorégulateurs pour traiter le JP. La carbamazépine a montré une efficacité sur le JP sans TBH dans un essai non contrôlé sur un petit échantillon (n = 8) (Black et al., 2008). Le valproate de sodium et le lithium ont démontré une efficacité comparativement au placebo chez des joueurs pathologiques en l’absence de TBH (Pallanti et al., 2002) et le lithium une supériorité en présence de TBH ou de cyclothymie dans deux autres essais contrôlés (Hollander et al., 2005; Hollander et al., 2008).
Le spectre de l’addiction
Antagonistes des récepteurs aux opiacés
L’implication du système opioïde-mu dans le système de récompense a laissé penser à une possible efficacité des antagonistes des récepteurs aux opiacés (Grant et al., 2003b), comme la naltrexone et le nalméfène. Le premier traitement a montré une efficacité sur le JP dans deux essais (Kim et Grant, 2001; Lahti et al., 2010) et une supériorité indépendante du sexe des sujets traités et de la dose reçue par rapport au placebo dans deux essais, en l’absence de thérapie cognitive et comportementale (TCC) concomitante (Toneatto et al., 2009; Kim et al., 2001; Grant et al., 2008). Le traitement par le nalméfène à la dose de 100 mg/j a entraîné des effets indésirables source d’abandon de traitement et a conduit, à faible dose (25 mg/j), à un résultat supérieur au placebo dans un essai sur les deux (Grant et al., 2010; Grant et al., 2006).
Agents glutamatergiques
La N-acétylcystéine (NAC) réduirait la recherche de récompense par son action sur les voies glutamatergiques du nucleus accumbens, ainsi que le craving dans les addictions (Baker et al., 2003). Elle a montré une supériorité contre placebo dans le traitement d’un petit échantillon de sujets souffrants de JP et de comorbidités anxio-dépressives ou d’autres troubles du contrôle des impulsions (Grant et al., 2007). En tant qu’antagoniste des récepteurs NMDA du striatum, l’efficacité de la mémantine dans les troubles addictifs et le JP semble attestée par la réduction des symptômes de JP dans un essai thérapeutique non contrôlé sur un faible (Ma et al., 2009; Krystal et al., 2003).