Chapitre 27 La réalité virtuelle comme adjuvant des thérapies cognitivo-comportementales
Les données disponibles concernant les psychothérapies dans le jeu pathologique indiquent que, pour de nombreux patients, l’abstinence totale au jeu n’est pas un objectif raisonnable et réaliste (Ladouceur et al., 2003). En pratique, il apparaît nécessaire de pouvoir aider le patient à contrôler son comportement et ses pulsions de jeu, notamment en travaillant sur les situations à haut risque d’exposition à la tentation de jouer.
Dans les théories classiques du conditionnement, la « réaction à l’exposition aux stimuli » dépend de facteurs environnementaux, tels que les personnes présentes, les lieux de consommation, les signaux visuels et olfactifs, en rapport avec le comportement addictif. Ces facteurs ont été initialement mis en évidence expérimentalement pour des substances (Childress et al., 1993). Traditionnellement, l’exposition aux stimuli est réalisée par la présentation directe de la substance (Saladin, 2002), par des images ou des vidéos (Childress et al., 1999). Les résultats montrent que l’exposition progressive et répétée à des situations à haut risque de rechute associée aux thérapies cognitivo-comportementales permet d’augmenter la durée de la période d’abstinence et de diminuer le risque de rechute (Monti et al., 1999; Rohsenow et al., 2001).
Dans ce contexte, il est important que les techniques psychothérapeutiques soient apprises, pratiquées et perfectionnées dans des environnements congruents et réalistes, telle qu’une immersion dans une scène virtuelle (Niaura, 2002). Pour reproduire une séquence d’exposition répétée dans le jeu pathologique, des chercheurs ont reproduit en laboratoire de véritables environnements de jeu réalistes, comme une salle de casino expérimentale à taille réelle (Sodano et Wulfert, 2010). Mais l’une des difficultés majeures réside dans le fait qu’il a été montré que les techniques d’exposition progressive ne devraient pas se limiter à un seul environnement et devraient se dérouler dans plusieurs lieux et contextes (Gunther et al., 1998), ce qui rend peu pertinente l’utilisation d’un seul lieu pour l’exposition.
L’exposition virtuelle est utilisée et évaluée avec succès en psychiatrie dans plusieurs troubles anxieux (Emmelkamp et al., 2002; Rothbaum et al., 2002; Rothbaum et al., 2001; Vincelli et al., 2001; Anderson et al., 2005). Les études montrent que ce traitement est alors particulièrement bien accepté, avec un taux de perdu de vue pendant la thérapie très faible et qu’il est au moins aussi efficace dans le traitement des troubles anxieux que les expositions en situation réelle.
Dans le traitement des troubles addictifs comme le jeu pathologique, la réalité virtuelle permettrait de placer les patients en situations immersives standardisées et reproductibles, permettant des expositions répétées avec la possibilité pour le thérapeute d’ajuster les variables d’environnement au fur et à mesure de la thérapie. La réalité virtuelle permet également d’exposer le patient à de nombreuses scènes et dans de nombreux environnements, ce qui semble être un pré-requis à une désensibilisation efficace (Chelonis et al., 1999). Le traitement semble également, de par son côté attractif et innovant, extrêmement bien accepté par les patients dépendants, avec un très faible taux de perdu de vue (Saladin et al., 2006).
Concernant l’exposition aux stimuli en réalité virtuelle, les premières études ont montré la capacité d’un environnement virtuel à provoquer le craving et une réaction à l’exposition aux stimuli, de manière au moins aussi efficace que l’exposition réelle (Kuntze et al., 2001). Les expositions virtuelles induisant du craving et une réponse ont été testées dans les dépendances à l’alcool (Bordnick et al., 2008), à la cocaïne (Saladin et al., 2006), aux amphétamines et au tabac (Bordnick et al., 2005).
Lee et ses collaborateurs (2008) ont montré l’intérêt de l’exposition virtuelle à l’alcool sur le déficit en compétence sociale et le déficit en stratégie de coping. La réalité virtuelle pourrait alors mettre le patient dans une multitude de contextes sociaux et émotionnels qui mimeraient des situations réalistes et lui permettrait dans chaque situation de travailler ses capacités d’adaptation à l’aide des thérapies cognitivo-comportementales.
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