26: Thérapies comportementales et cognitives

Chapitre 26 Thérapies comportementales et cognitives




Intérêt des thérapies comportementales et cognitives


Différentes études expérimentales (avec et sans groupe contrôle) rapportent l’intérêt des techniques cognitivo-comportementales (TCC) dans le traitement du jeu pathologique, et plus particulièrement des résultats positifs quant au maintien de l’abstinence et de la diminution de la fréquence du jeu (Ladouceur et al., 2001; Ladouceur et al., 2003; Hodgins et al., 2004). De plus, la bonne structuration et l’organisation de ces programmes facilitent l’adhésion et l’assiduité des joueurs. Cependant, la limite de ces observations réside dans l’absence de groupe contrôle de manière systématique et dans le manque d’études longitudinales (au-delà de 18 mois). Plus récemment, une méta-analyse portant sur 25 études (dont 12 avec groupe contrôle) a étudié l’impact des TCC (Gooding et Tarrier, 2009). Malgré des différences entre les études concernant les critères d’inclusion, les instruments d’évaluation, les techniques employées (TCC, entretien motivationnel et les durées de suivi), les auteurs rapportent un effet bénéfique des TCC, persistant à 6 mois et plus, sans différence entre les traitements individuels ou en groupe. Cet impact positif est aussi retrouvé dans les études utilisant les TCC, l’entretien motivationnel, ou la combinaison des deux techniques.


Deux autres études confirment ces résultats en comparant TCC et « groupe de joueurs anonymes » (Toneatto et Dragonetti, 2008) et TCC et approches motivationnelles (Carlbring et al., 2010). Plusieurs programmes individuels ont déjà été publiés, avec des manuels codifiant le déroulement de la thérapie (Blaszczynski, 1998; Ladouceur et al., 2000a ; Fernandez-Montalvo et Echeburua, 1987).



Un exemple de TCC (annexe 26.1)


Nous décrirons ici un exemple d’approche individuelle, en précisant qu’elle trouve sa place le plus souvent dans une prise en charge intégrative (Romo et al., 2003).


Annexe 26.1 Échelles des cognitions liées au Jeu (Gambling Related Cognitions Scale).
Pour les questions 1 à 23, merci de noircir le cercle approprié pour décrire à quel point vous êtes d’accord avec la proposition indiquée à chaque ligne.
NB : par jeu, on entend les jeux de hasard et d’argent, tels que les jeux de cartes, de dés, les machines à sous, ou tous les types de jeux pour lesquels vous misez de l’argent ou faites des paris.
Vous ne devez choisir qu’une seule réponse et vous avez le choix entre les propositions suivantes.


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À un entretien anamnestique et d’analyse fonctionnelle du comportement de jeu, succède un entretien d’information et d’évaluation, dont l’objectif est d’instaurer une alliance thérapeutique forte et de favoriser la motivation au changement. Le protocole de cette séance est composé de questions concernant la perception subjective du patient sur la sévérité de son comportement, ses motivations à l’arrêt, les situations perçues comme à risque. Il s’agit d’un moment privilégié pour expliquer le modèle thérapeutique cognitivo-comportemental, l’importance des exercices à réaliser au domicile et les exercices d’auto-notation sur des registres. Est également recherchée l’existence de pensées erronées à propos du jeu, qui facilitent le comportement, ainsi qu’évoqués la nécessité de réévaluer l’accessibilité des moyens de paiement et le budget. Le joueur est invité à informer éventuellement l’entourage pour sortir de l’isolement et bénéficier de soutien, et à faire une liste d’activités agréables qui seront à mettre en place pour compenser le temps passé habituellement à jouer. À la fin de cette séance des questionnaires sont remis au patient afin d’évaluer différentes dimensions psychologiques. Les questionnaires concernent généralement le comportement de jeu : SOGS (Lesieur, Blume, 1987), Indice Canadien du Jeu Excessif (ICJE) (Ferris et Wynne, 2001), Deba-Jeu (Détection du besoin d’Aide Jeux de hasard et d’argent) (Ménard et al., 2003), critères du DSM IV-TR (APA, 2004). Sont aussi mesurées les distorsions cognitives au travers des catégories de pensées et croyances erronées (Ladouceur et al, 2000b), du questionnaire de Labrador, Mañoso et ses collaborateurs, (2004), et ses collaborateurs du GRCS (Raylu et Oei, 2004 ; Grall-Bronnec et al., 2012) (la version validée en français est présentée en annexe 26.1) et du GABS (Breen et Zuckerman, 1994).


Enfin, des dimensions psychologiques plus générales sont évaluées, telles que l’estime de soi, l’impulsivité, l’affirmation de soi, les stratégies de coping, l’anxiété et la dépression, le tempérament et le caractère, enfin la motivation au changement.


Après le recueil et la transmission de ces informations, le programme de thérapie proprement dit débute, composé de 6 séances avec un suivi à 1, 3 et 6 mois. Les séances suivent le schéma classique des TCC, avec une reprise de la séance précédente au début et un temps dédié à la fin pour des questions ou commentaires et pour faire un résumé de la séance. Au cours de la séance 1, on s’assure que la définition du jeu pathologique est claire pour le patient, on réévalue la gravité du problème, on commence à travailler sur les registres « situation / émotions / pensées / somme jouée /pertes /gains / comportement ». On revoit avec le patient la liste des motivations au changement. On travaille sur le contrôle des stimuli et sur l’annonce à l’entourage. La séance 2 est consacrée à la lecture des carnets de détection des pensées automatiques (on utilise pour ce faire la technique de la flèche descendante) et on aborde les situations à risque. La séance 3 vise à mettre en évidence les croyances erronées autour du jeu ; on réalise une exposition en imagination en utilisant les situations à risque évoquées lors de la séance précédente. La séance 4 vise à travailler sur les croyances erronées. On apprend au patient les techniques de résolution de problèmes et on propose comme exercice à domicile l’exposition à une situation à risque. La séance 5 aborde les techniques de relaxation et d’affirmation de soi. Enfin, la séance 6 est consacrée à la lecture des registres, à la prévention de la rechute avec élaboration d’un plan d’urgence et la mise en place d’activités agréables.


Il est à noter que ce programme est décrit à titre indicatif et qu’il s’adapte en fonction de chaque patient.


Au-delà du traitement individuel psychothérapique, agissant sur le comportement et les cognitions du joueur, différentes techniques de groupe existent, qui peuvent s’intégrer dans une prise en charge multimodale. Elles interviennent non seulement sur le patient, mais aussi sur sa famille et les proches, qui peuvent alors devenir de vrais « co-thérapeutes ». Nous présenterons ici trois types de prise en charge de groupe : les programmes de soins avec pour exemple celui de « Ladouceur », les groupes d’entraide de joueurs et enfin les approches systémiques.

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May 23, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 26: Thérapies comportementales et cognitives

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