Item 255. Insuffisance surrénale
• Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge.
Orientation diagnostique et clinique
ITEM 195 Douleurs abdominales et lombaires aiguës chez l’enfant et chez l’adulte.
ITEM 199 État confusionnel et trouble de conscience.
ITEM 230 Coma non traumatique.
ITEM 233 Diabète sucré de type 1 et 2 de l’enfant et de l’adulte.
ITEM 246 Hyperthyroïdie.
ITEM 295 Amaigrissement.
ITEM 296 Aménorrhée.
ITEM 345 Vomissements du nourrisson, de l’enfant et de l’adulte (avec le traitement).
Étiologie
ITEM 157 Tumeurs du poumon, primitives et secondaires.
ITEM 296 Aménorrhée.
ITEM 220 Adénome hypophysaire.
ITEM 242 Hémochromatose.
• 2005 :
Un homme, d’origine lorraine, âgé de 64 ans est admis aux urgences la veille de Noël, pour deux malaises successifs, de type lipothymique, avec la notion que les malaises ne sont pas récents mais qu’ils seraient de plus en plus rapprochés. À l’admission, ce patient signale être épuisé. Il est d’ailleurs en arrêt de travail depuis 1 mois et avait même renoncé à partir en vacances l’été précédent. Il a maigri de 8 kg dans les 6 derniers mois. Il ne prend aucun médicament. Son épouse précise qu’il se plaint de douleurs abdominales depuis plusieurs semaines. Il dit qu’il n’a pas d’appétit depuis plusieurs jours et qu’il présente des vomissements alimentaires depuis 48 heures.
Examen clinique du patient [voir photographies] ; la température est à 38 °C, la pression artérielle est mesurée à 90/70 mmHg, la fréquence cardiaque est régulière à 100 par minute. L’auscultation pulmonaire ne révèle rien de particulier, de même que l’examen neurologique. L’abdomen est souple et non douloureux à la palpation. La glycémie capillaire est de 2,2 mmol/l [0,4 g/l]. Le bilan initial effectué en urgence est le suivant :
– glycémie : 2,3 mmol/l [0,42 g/l] (normale : 0,7–1,00 g/l) ;
– natrémie : 120 mmol/l (normale : 135–145 mmol/l) ;
– kaliémie : 5,2 mmol/l (normale : 3,8–5 mmol/l) ;
– créatininémie : 140 μmol/l (normale : 45–120 μmol/l) ;
– GB : 6 500/mm 3 ; Hb : 10,5 g/dl ; plaquettes : 222 000/mm 3 ;
– ALAT : 20 UI/l (normale : < 35) ; ASAT : 22 UI/l (normale : < 35) ;
– phosphatases alcalines 60 UI/l (normale : < 90) ; bilirubine : 6 μmol/l (normale : < 11 μmol/l) ; gamma-GT : 40 (normale : < 60) ; TP : 100 % ;
– alcoolémie : 0 g/l ; recherche de toxiques : négative.
1) Devant ce tableau, quels sont les diagnostics étiologiques possibles ? Classez-les par ordre de probabilité chez ce patient en fonction des données dont vous disposez dans l’observation. Pour chaque étiologie, indiquez les éléments en faveur ou en défaveur. Finalement un seul diagnostic doit être retenu chez ce patient. Lequel ?
2) Quels sont les mécanismes physiopathologiques les plus probables de l’hypoglycémie et des troubles ioniques chez ce patient ?
3) Quels examens biologiques demandez-vous pour confirmer le diagnostic étiologique indiqué comme plus probable ? Argumentez votre réponse.
4) Un cliché de l’abdomen sans préparation, en position debout, a été fait devant les douleurs abdominales. [Cliché de l’abdomen.]
Que vous apporte-t-il ?
5) Quel(s) traitement(s) prescrivez-vous en urgence ? Planifiez la surveillance.
6) Quel sera le traitement à distance ? Indiquez les consignes « pratiques » que vous allez remettre à ce patient ?
L’employeur du patient vous téléphone pour avoir des nouvelles de son employé et pour vous demander quand il pourra retravailler afin de savoir s’il doit éventuellement faire appel à un intérimaire.
7) Que lui répondez-vous ?
• Aucune conférence de consensus n’existe à ce jour sur ce thème.
▪ La corticosurrénale est constituée de trois couches :
– fasciculée : synthétisant le cortisol, hormone vitale (sécrétion maximale à 8 h et minimale à minuit) ;
– réticulée : synthétisant les androgènes.
▪ La fig. 255-1 résume les principales étapes de la synthèse des stéroïdes surrénaliens. Elle permet de mieux comprendre le rationnel des dosages hormonaux à réaliser.
Fig. 255-1 |
▪ Les signes cliniques de l’insuffisance surrénale primitive chronique sont en rapport, principalement, avec :
– le déficit cortisolique ;
– le déficit minéralocorticoïde.
Le diagnostic de déficit cortisolique repose, dans ce cas, sur des dosages hormonaux simples : cortisolémie à 8 h et après test au Synacthène immédiat® (ACTH de synthèse). L’ACTH élevée affirme l’origine primitive.
Le risque principal de l’insuffisance surrénale chronique est l’insuffisance surrénale aiguë, engageant le pronostic vital, survenant en cas de stress et en rapport avec le déficit cortisolique.
Les principales causes d’insuffisance surrénale chronique sont :
– l’insuffisance surrénale auto-immune ;
– les métastases surrénaliennes ;
– les infections (tuberculose surrénalienne).
La principale cause est la prise de corticothérapie au long cours et à fortes doses.
Le simple dosage du cortisol et/ou le test au Synacthène immédiat® peuvent parfois méconnaître le diagnostic de déficit cortisolique, qui repose alors sur des tests de stimulation plus lourds à réaliser. L’ACTH est normale ou basse, dans ce cas.
I. PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE
▪ La surrénale est constituée de deux parties :
– la médullaire, qui synthétise les catécholamines ;
– la corticale, constituée de trois couches :
• fasciculée : synthétisant le cortisol ;
• glomérulée : synthétisant l’aldostérone ;
• réticulée : synthétisant les androgènes.
▪ L’insuffisance surrénale primaire est responsable d’un déficit de sécrétion corticosurrénalienne en :
– cortisol (avec ACTH élevée) ;
– aldostérone ;
– androgènes surrénaliens.
▪ L’insuffisance corticotrope est responsable d’un déficit en :
– cortisol (avec ACTH normale donc inadaptée, ou basse) ;
– androgènes surrénaliens (plus anecdotique).
▪ Cortisol :
– c’est une hormone indispensable à la vie, qui joue un rôle majeur en cas de stress ;
– la sécrétion de cortisol est :
• maximale à 8 h ;
• minimale à minuit ;
– le cortisol circule dans le sang lié à une protéine porteuse, la CBG ( cortisol binding globulin). La concentration de CBG augmente dans plusieurs situations, notamment en cas d’hyperœstrogénie (grossesse, pilule œstroprogestative) :
• le taux de cortisol plasmatique est faussement normal ou élevé dans toutes ces situations où la CBG augmente ;
• chez la femme enceinte ou sous pilule œstroprogestative, le taux de cortisol plasmatique n’est donc pas interprétable.
▪ ACTH :
– l’ACTH joue un rôle trophique sur les surrénales ;
– en cas de déficit corticotrope complet et prolongé :
• les surrénales s’atrophient ;
• l’injection d’ACTH (comme dans le test au Synacthène immédiat®) ne stimule plus la production surrénalienne de cortisol ;
• les surrénales ne sont pas encore ou pas complètement atrophiées ;
• l’injection d’une forte dose d’ACTH (comme dans le test au Synacthène immédiat®) permet de stimuler la production surrénalienne de cortisol.
▪ Aldostérone :
– la sécrétion d’aldostérone est régulée par le système rénine-angiotensine (fig. 255-3) ;
Fig. 255-3 |
– le déficit en aldostérone est responsable :
• d’une perte urinaire de sodium ;
• avec tendance à la déshydratation extracellulaire et à l’hyperhydratation intracellulaire ;
▪ Le déficit en androgènes surrénaliens a peu de conséquence.
II. INSUFFISANCE SURRÉNALE PRIMITIVE
A. Circonstances diagnostiques
1. Clinique
▪ Le tableau clinique est d’installation progressive.
▪ Le diagnostic peut parfois être fait lors d’une insuffisance surrénale aiguë.
▪ Les signes non spécifiques devant faire évoquer le diagnostic sont :
– une asthénie :
• physique, augmentant au cours de la journée et au fil des semaines ;
• psychique, avec tendance dépressive ;
• sexuelle, avec baisse de la libido et trouble de l’érection ;
– une anorexie avec amaigrissement ITEM 295 ;
– une pression artérielle :
• basse ;
• avec tendance à l’hypotension orthostatique ;
• et, parfois, un goût pour le sel ;
– ± une dépilation axillaire et pubienne (chez la femme) ;
– ± des douleurs articulaires et musculaires diffuses ;
– ± des signes digestifs :
• annonciateurs d’une décompensation aiguë le plus souvent ;
• à type de douleurs abdominales ITEM 195 et nausées.
▪ Un seul signe est spécifique de l’origine primitive de l’insuffisance surrénale, la mélanodermie (fig. 255-4) :
Fig. 255-4 |
• d’une accentuation du bronzage naturel, un peu hétérogène ;
• de taches ardoisées au niveau des muqueuses buccales et gingivales ;
– elle prédomine sur :
• les zones exposées ;
• les zones pigmentées : aréoles mammaires, organes génitaux externes ;
• les cicatrices ;
• les zones de frottement : coudes, genoux, ceinture ;
• les plis de flexion : palmaire et des articulations interphalangiennes.
2. Biologie
▪ Le ionogramme sanguin montre fréquemment :
– une hyponatrémie :
• liée à l’hypoaldostéronisme ;
• liée au déficit en cortisol responsable d’une hyponatrémie de dilution par sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (le cortisol freine normalement la sécrétion d’ADH) ;
– une hyperkaliémie :
• liée à l’hypoaldostéronisme ;
• essentiellement lors de décompensation aiguë ;
– une glycémie :
• à jeun, basse ;
• les hypoglycémies sont possibles lors des décompensations aiguës.
Toujours évoquer le diagnostic d’insuffisance surrénale aiguë devant l’association hyponatrémie et hyperkaliémie.
▪ La NFS-plaquettes montre :
– une anémie modérée, normocytaire ;
– une hyperéosinophilie ;
– une leuconeutropénie.
B. Diagnostic positif
1. Affirmer le déficit en glucocorticoïdes
Le diagnostic du déficit en cortisol repose sur :
▪ le dosage du cortisol sanguin à 8 h :
– une cortisolémie < 3 μg/dl (30 ng/ml soit 84 nmol/l) affirme le déficit (le test au Synacthène immédiat® est inutile dans ce cas) ;
– une cortisolémie > 20 μg/dl (200 ng/ml soit 560 nmol/l) exclut un déficit ;
▪ ou le test au Synacthène immédiat® :
– qui repose sur :
• le dosage du cortisol et de l’ACTH sanguin de base, à 8 h ;
• puis le dosage du cortisol une heure après l’injection d’une ampoule de 250 μg de Synacthène® (ACTH 1-24 de synthèse, constituée par les 24 premiers acides aminés de l’ACTH) ;
– le test est pathologique si le cortisol reste inférieur à 20 μg/dl (200 ng/ml soit 560 nmol/l).
Toutefois, il ne faut pas attendre les résultats des dosages hormonaux pour débuter la substitution hormonale lorsqu’on suspecte une insuffisance surrénale.
2. Affirmer l’origine primitive
La confirmation de l’origine primitive de l’insuffisance surrénale repose sur le dosage d’ACTH, qui est toujours élevé dans ce cas.
Remarque : Un taux d’ACTH élevé dans un contexte clinique évocateur d’insuffisance surrénale primaire signe le déficit en cortisol.
La démonstration d’un déficit minéralocorticoïde associé est également un témoin de l’origine primitive de l’insuffisance surrénale. Le diagnostic de déficit minéralocorticoïde repose sur :
▪ le dosage d’aldostérone :
– basse en position couchée ;
– non stimulable à l’orthostatisme ;
▪ et le dosage de la rénine (ou la mesure de l’activité rénine plasmatique) : élevée en position couchée.
C. Diagnostic étiologique
1. Insuffisance surrénale auto-immune
▪ Terrain :
– elle est plus fréquente chez la femme ;
– les antécédents familiaux de maladie auto-immune sont classiques.
▪ Elle peut survenir de façon :
– isolée ;
– ou associée à d’autres pathologies auto-immunes, parfois dans le cadre de polyendocrinopathies auto-immunes :
• de type 2 : diabète de type 1 ITEM 233, maladie de Basedow ITEM 246, maladie de Biermer ;
• de type 1 : candidose chronique, hypoparathyroïdie primaire, hypogonadisme primaire ITEM 296.
▪ Le diagnostic étiologique repose sur :
– le scanner surrénalien, montrant deux surrénales atrophiques ;
– le dosage des anticorps antisurrénaliens (anticorps anti-21-hydroxylase) : positifs dans 80 % à 90 % des cas lors du diagnostic.
2. Causes infectieuses
a). Tuberculose surrénalienne
▪ Elle accompagne souvent une tuberculose urogénitale.
▪ Elle survient des années après la primo-infection.
▪ Terrain :
– elle touche des sujets immunodéprimés ou originaires de pays en voie de développement ;
– un antécédent personnel de tuberculose est parfois retrouvé à l’interrogatoire.
▪ Le diagnostic étiologique repose sur :
– le scanner surrénalien montrant :
• une augmentation de taille des surrénales à la phase initiale puis une atrophie surrénalienne ;
• parfois, un aspect nodulaire des surrénales (correspondant à des tuberculomes, où siège le bacille de Koch) ;
• avec ou sans calcifications ;
– la mise en évidence du bacille de Koch dans les bronches, les urines.
b). Autres infections
▪ VIH/sida.
▪ Histoplasmose.
3. Métastases bilatérales des surrénales
▪ Les cancers le plus souvent en cause sont :