Chapitre 25 Technique d’implantation d’une prothèse totale de genou dans le cas d’une arthrose fémoro-tibiale interne
Planification préopératoire
Elle comprend l’examen clinique lors de la consultation et la veille de l’intervention ainsi que le bilan radiographique préopératoire.
L’objectif de cette planification est d’établir le mode opératoire, de choisir le type d’implant adapté et d’anticiper les difficultés éventuelles.
Bilan radiologique
Voir le chapitre « Indication chirurgicale dans l’arthrose du genou » (fig. 25.1 et 25.2).
Pour une AFTI sur genu varum, le cliché en valgus forcé permet de quantifier la réductibilité de la déformation (fig. 25.3). Une réduction insuffisante de la déformation traduit une rétraction des formations capsulo-ligamentaires de la concavité. Des gestes de libération ligamentaire seront prévisibles en cours d’intervention. Mais ces gestes de libération dépendront tout autant d’éventuelles asymétries de coupe. Nous traçons les perpendiculaires aux axes mécaniques pour apprécier les résections osseuses et l’asymétrie d’espaces attendue (ceci correspond à l’évaluation de ce que C. Vielpeau appelle les flèches sur un cliché en réduction) (fig. 25.4).
Bien que nous réalisons des clichés en varus forcé, l’évaluation de la laxité dans la convexité reste difficile à apprécier (fig. 25.5). En fait, il s’agit souvent d’une pseudo-décoaptation externe liée à la bascule du condyle interne dans la cupule tibiale.
Technique chirurgicale
Voie d’abord
L’incision cutanée paramédiane interne débute 5 à 6 cm au-dessus de la rotule et rejoint le bord médial de la tubérosité tibiale antérieure. Aucun décollement sous-cutané ne doit être entrepris sans avoir ouvert l’aponévrose superficielle. Celle-ci est toujours fine mais facilement individualisable dans l’épaisseur du tissu graisseux sous-cutané. Lorsque le plan sous-aponévrotique est atteint, la dissection peut être poursuivie sans risque. Elle dégage la face antérieure de la rotule mais ne s’étend pas plus au-delà que le bord latéral de la rotule. On repère, en haut, le tendon quadricipital et, en bas, le bord médial du tendon rotulien.
Par tradition et souci pédagogique, des champs de bordure sont cousus aux berges de l’incision afin d’isoler l’articulation du reste du champ opératoire.
L’arthrotomie antéro-interne est réalisée à la lame de 23. Elle débute par l’ouverture longitudinale du tendon quadricipital à son bord médial en laissant une fine bande tendineuse de 2 mm insérée sur le vaste médiale qui facilitera une fermeture solide. La rotule est contournée, puis l’arthrotomie se poursuit en longeant le tendon rotulien jusqu’à son insertion au bord supéro-interne de la tubérosité tibiale antérieure. Le ménisque interne est sectionné en appuyant le bistouri sur le bord antérieur du plateau tibial interne. La capsule interne est ensuite désinsérée au ras de l’os sur la face antéro-médiale du plateau tibial (fig. 25.6). C’est la désinsertion en triangle du tissu capsulo-méniscal antéro-interne. Les fibres profondes du LLI sont libérées en passant une rugine de Trillat au bord supérieur du plateau à cheval sur l’interligne. Une résection intramurale du ménisque interne complète l’exposition interne.
Le genou est placé en extension et l’appareil extenseur est luxé en dehors en éversant la rotule à l’aide d’une griffe. Le genou est replacé en flexion en maintenant la rotule luxée. Cette opération est délicate et il faut veiller à ne pas fragiliser l’insertion du tendon rotulien.
En haut, la synoviale accolée à la face antérieure du fémur est largement réséquée pour exposer la région sus-trochléenne. En bas le ligament adipeux de Hoffa peut lui aussi être réséqué en continuité avec la corne antérieure du ménisque externe, le ligament interméniscal et le pied du LCA. L’échancrure est nettoyée prudemment. L’émondage des ostéophytes les plus encombrants est sommairement réalisé. Le tibia peut ensuite être luxé en avant. Le bord postérieur des plateaux tibiaux est exposé par la mise en place de deux écarteurs contre-coudés, l’un contre la surface rétrospinale et l’autre au bord latéral du plateau tibial externe.
Difficultés particulières
Il faut surveiller l’insertion du tendon rotulien lors de la manipulation du genou au cours des deux gestes suivants :
Dans certains cas, la luxation est difficile (rotule basse, arthrose sur laxité antérieure chronique). Il peut alors être nécessaire de sécuriser l’insertion du tendon rotulien par une broche (Gérard Deschamps). Elle est alors dirigée vers le bord latéral du plateau externe recourbée et raccourcie pour ne pas gêner les temps ultérieurs (fig. 25.7).
Coupe tibiale première
Le point d’entrée de la tige centro-médullaire est réalisé au ciseau gouge au pied du LCA réséqué (fig. 25.8). La tige centro-médullaire garantit un bon centrage dans le plan sagittal mais elle est trop imprécise pour le réglage dans le plan frontal. Elle est le meilleur garant d’une coupe à 90° dans le plan sagittal (nous utilisons un implant qui comporte une pente de 4° dans l’insert en polyéthylène).

Fig. 25.8 Positionnement des écarteurs lorsque le tibia est luxé et préparation du point d’entrée de la tige centromédullaire tibiale.
Une tige extramédullaire permet d’affiner le varus-valgus en visant le premier espace intermétatarsien. Le niveau de coupe est fixé par rapport au plateau sain. Pour une AFTI, on coupe 9 mm sous le plateau tibial externe.
Le joker de coupe est fixé par quatre broches (fig. 25.9). La tige centromédullaire est retirée et la coupe est réalisée à la lame oscillante. Après ablation du massif des plateaux, la coupe peut être reprise par une recoupe sur broche. Ceci est très utile lorsque la lame a tendance à balayer vers le haut, notamment en cas d’os sous-chondral scléreux. Pendant tous les temps de coupe, la scie est tenue à deux mains. La lame de scie s’appuie en permanence sur deux broches et s’oriente dans les différentes directions sans jamais déroger à cette règle. Lorsque la coupe est complète, le plateau est relevé à l’aide d’un ciseau à os qui prend appui sur les broches afin de ne pas enfoncer la surface tibiale (fig. 25.10).
Il est parfois nécessaire de reprendre la coupe dans les zones difficiles d’accès, notamment le bord du plateau externe, en prenant soin de ne pas léser le tendon du poplité en arrière et le tendon rotulien en avant. La lame de scie doit rester appliquée sur les deux broches les plus latérales (fig. 25.11).
Une exposition insuffisante du bord latéral du plateau externe dans la zone du Gerdy peut conduire à positionner la pièce tibiale en varus ou à la médialiser.
Après réalisation de la coupe, la taille du plateau est évaluée à l’aide de gabarits d’essai de tailles différentes.
Particularités techniques
Toutes les coupes osseuses sont réalisées à l’aide d’une scie oscillante sous couvert d’une protection plastique stérilisable (produit original développé avec Tornier®). Elle protège l’opérateur ainsi que les aides des projections potentiellement contaminées qui sont inévitables dans ce type de chirurgie (fig. 25.12).
Coupe fémorale postérieure
Le genou est placé à 90° de flexion. Le point d’entrée fémoral est réalisé au ciseau gouge, au-dessus de l’échancrure légèrement décalé en dedans. Un ancillaire spécifique permet d’optimiser la position de ce point d’entrée en fonction de la taille prévisible du carter fémoral. Un point d’entrée trop postérieur (proche de l’échancrure) conduira à un mauvais positionnement en flexum du composant fémoral. Un point d’entée trop antérieur risque d’entraîner un recurvatum dans les coupes fémorales avec une effraction de la corticale antérieure. L’important est donc d’obtenir un alignement correct dans le plan sagittal entre le fût fémoral et la tige intramédullaire du guide de coupe.
Le viseur que nous utilisons prend appui sur les condyles postérieurs et un palpeur de corticale antérieur permet d’évaluer la taille du carter fémoral (fig. 25.14).
La taille obtenue est reportée sur le gabarit de centrage du point d’entrée (fig. 25.15 et 25.16). Une petite mèche permet d’amorcer le trou d’entrée qui sera ensuite agrandi après avoir retiré le centreur. Le canal fémoral est ensuite cathétérisé à l’aide d’une mèche motorisée (fig. 25.17). Afin de minimiser le risque d’embolie graisseuse, ce geste est réalisé en deux temps en aspirant le contenu du fût fémoral entre chaque temps.

Fig. 25.16 Détermination du point d’entrée. Taille évaluée (flèche du haut) reportée sur le gabarit de centrage (flèche du bas).
La détermination préopératoire de l’angle HKS, entre l’axe mécanique et l’axe anatomique du fémur, est peu fiable et non reproductible. Sauf configuration anatomique particulière, nous réglons toujours le guide fémoral avec un valgus de 7° pour une AFTI (nos arguments sont repris dans le paragraphe « Rotation du composant fémoral »).
Le bloc fémoral guidé par une quille intramédullaire est positionné contre la face distale des condyles, les patins postérieurs doivent être tous les deux en appui sur les condyles postérieurs (fig. 25.18 et 25.19).
C’est une étape très importante car les choix faits et déterminent le bon positionnement du carter fémoral :
• évaluation de la taille antéro-postérieure de l’implant : à l’aide d’un palpeur appliqué sur la corticale antérieure ;
• choix de la rotation (cf. paragraphe « Rotation du composant fémoral »).
La coupe postérieure est réalisée puis le bloc de coupe est retiré.
Équilibrage ligamentaire en flexion
La coupe tibiale première et la coupe fémorale postérieure première créent un espace en flexion qui peut être évalué par un espaceur (« spacer ») qui simule l’encombrement de la future prothèse. Le ligament croisé postérieur (LCP) est réséqué à la lame de 11 mm en faisant le tour de l’échancrure (fig. 25.20). Pour ne pas prendre de risque vasculaire, la lame doit rester au contact de l’os en arrière, en prenant appui sur le tibia en bas ou sur l’échancrure en haut.
En cas de rétraction de la concavité ou de laxité de résection liée à une coupe tibiale asymétrique, l’espace de face a une forme trapézoïdale. Une libération est alors nécessaire, modifiant idéalement la forme de l’espace pour réaliser un rectangle (cf. paragraphe « Gestes de libération interne »).
L’équilibrage en flexion assure une stabilité sagittale et une mobilité articulaire satisfaisante sans raideur.

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