Chapitre 25. Maladies aiguës – maladies chroniques
MaladieaiguëMaladiechroniqueLes progrès de la médecine de ces trente dernières années ont indiscutablement remanié en profondeur l’approche de ce que l’on considère aujourd’hui comme des maladies chroniques, mais qui, jadis, tenaient beaucoup plus de l’aigu et de l’irrémédiable, voire du létal, que d’une prise en charge au long cours.
«Tomber malade»
«Tomber malade», c’est devoir composer avec un événement dont les premières manifestations sont, paradoxalement, aiguës : ici une polyurie-polydipsie, là une affection bronchique ou encore une asthénie récente par exemple.
Dans ces conditions, poser un diagnostic de maladie chronique, dont le sens rompt de manière radicale avec le sens jusqu’ici conféré à tel ou tel signe clinique d’allure banale, c’est imposer au jeune patient une représentationReprésentationsde la maladie qu’il n’est au départ aucunement en mesure de faire sienne (Raimbault, 1982). Le caractère chronique d’une maladie n’a de sens pour l’enfant et sa famille que rétrospectivement. L’annonce du diagnostic n’a donc, au départ, qu’une résonance abstraite, comme nous le rapporte par exemple cette jeune fille que l’on interroge au décours de la révélation d’un lupus : «j’ai un lupus énigmateux dissimulé». Pour autant, ce moment d’annonce du diagnostic de la maladie reste longtemps gravé dans les mémoires, dans ses moindres détails, tant de l’enfant que de ses parents (voir dans ce chapitre le paragraphe «Consultation d’annonce»).
Ce phénomène tient à plusieurs facteurs, dont :
• la maturation psychoaffective et intellectuelle de l’enfant : plus celui-ci est jeune, plus son fonctionnement mental s’appuie sur le caractère réversible des choses, ainsi que sur le caractère magique de la pensée. C’est ainsi que la chronicité, pas plus que la mort, n’est, au départ, concevable en tant que menaçant la continuité de la santé ou de l’existence;
• la question de l’image du corpsCorpsimage du (Dolto, 1984), qui s’origine dans les toutes premières expériences sensorimotrices et psychoaffectives de la vie, et dont la stabilité se trouve brusquement attaquée par l’expérience des effets, sur et dans le corps, d’une maladie et de son traitement;
• la manière dont l’entourage reçoit les choses et se positionne;
• les soins et à ce qu’ils induisent de par leur lourdeur et leur fréquence. Il s’agit parfois d’une véritable «seconde maladie» qui occulte bien souvent la «première» aux yeux de l’enfant et de sa famille, du moins au début.
Cette discontinuité entre l’avant et l’après diagnostic, entre l’avant traitement et le traitement, entre corps sain et corps malade, est à l’origine de toute la problématique posée par l’apparition d’une maladie chronique.
La notion de gravité ajoute aux problèmes déjà posés par la chronicité. Cette question de la gravité renvoie davantage à celle de la finitude et donc de la mortMort qu’à celle du handicapHandicap en lui-même.
Tomber malade implique un double travail au plan psychique : à la fois le deuil de la santé et, en même temps, l’appropriation de la maladie (Slama, 1987; Zeltzer, 1980). Ici, le deuil, comme la maladie, touche au corps propre. Or le deuil implique habituellement un objet distinct de soi : on fait le deuil de quelque chose ou de quelqu’un, mais pas de soi! Le deuil dont il est question est donc particulièrement complexe à conduire.
Être malade
La réalisation de «l’entrée dans la maladie» apparaît à partir du moment où l’enfant ressent l’existence d’un malaise localisé dans son corps mais aussi où on lui dit qu’il est malade (ou lorsqu’il est hospitalisé). Mais il existe une difficulté de reconnaissance de la notion de maladie par l’enfant. «Avoir une maladie» ou «être malade» désigne plus une situation (rester au lit, prendre des médicaments…), une crainte des parents («Tu n’es pas malade au moins?… Qu’est ce que tu me couves?») ou un ensemble d’attitudes parentales que la reconnaissance d’un dysfonctionnement du corps, du somatique, dont il possède une tout autre expérience. Si la souffrance et la douleur peuvent déborder l’enfant, «être malade» n’est pas automatiquement une réalité perceptible (Pédinielli et al., 1996). Par ailleurs, il existe chez l’enfant, au gré de l’âge, des formes spécifiques de méconnaissance de l’intériorité corporelle, de la localisation et de la fonction des organes (Reinhardt, 1990). La reconnaissance précise des dysfonctionnements corporels (localisation, nomination, description) est alors tributaire de l’apprentissage et de la possibilité d’établir une relation entre les termes employés et le référent. Si le passage du déplaisir indifférencié de la douleur à la souffrance de la maladie est difficile pour l’enfant, la reconnaissance de l’organe malade suppose de subtiles modifications de la perception de soi-même : du mot à la visualisation de l’intériorité du corps, de la sensation à la représentation topologique de la souffranceSouffrance (et douleur). De manière inverse, l’existence d’une maladie chronique, apportant nécessairement des connaissances anatomiques, n’est pas sans conséquences sur le développement cognitif et sur la visualisation de certaines parties du corps (Eiser et al., 1984).
L’«entrée en maladie», c’est-à-dire la reconnaissance de l’état de maladie, peut être notablement plus longue que chez l’adulte et procéder avant tout d’une référence aux réalités extérieures : rituels médicaux, examens, personnels rencontrés, blouses blanches, instruments, discours (signifiants nouveaux).
La maladie chronique n’est pas un événement ponctuel, circonscrit dans le temps, événement précis, identifiable, symboliquement représentable, susceptible de marquer d’une empreinte indélébile une trajectoire existentielle désormais infléchie par lui. Il n’y a pas, ici, un avant et un après la maladie, il y a un avant et un pendant la maladie. Le deuil de l’avant-maladie ne peut donc, dans ces conditions, se soutenir de la seule perspective d’un simple après, dans la mesure où la maladie évolue, souvent de manière imprévisible, manière à laquelle il va falloir s’adapter en permanence, à chaque instant.
Il y a ainsi des périodes tranquilles, de trêve; puis des moments difficiles dont la survenue, fréquemment inopinée, dépasse bien souvent les capacités adaptatives non seulement de l’enfant, mais également de son environnement.
Il s’agit alors de vivre dans son corps des événements parfois particulièrement envahissants, en même temps qu’il s’agit de renoncer à certains projets que l’on avait à cœur, et qu’il va pourtant falloir abandonner. Envahissement du corps et renoncement de la psyché œuvrent alors de concert et exposent au double risque d’une soumissionSoumission passive ou d’aménagements défensifs potentiellement dangereux.
Travail de la maladie
Travailde la maladieLa maladie, quelle que soit sa nature, reste toujours pour l’enfant et pour sa famille quelque chose de difficile à penser et à inscrire dans l’ordre du rationnel. Pour lutter contre cet impensable et cet insensé que constitue pour lui cet envahissement pathologique, l’enfant construit une interprétationInterprétation de sa maladie. Donner du sens au non-sens de ce qui lui arrive est sans doute une des caractéristiques universelles du psychisme humain qui lui permet de maintenir une certaine cohérence interne (Ferrari, 1989).
Il s’agit bien pour l’enfant malade chronique d’effectuer une élaboration psychique de l’atteinte organique, de réaliser un véritable «travail de la maladie» (Pédinielli, 1987; Pédinielli et al, 1996) ou, comme le dit Gutton (auquel revient la paternité de cette notion), un «travail de la souffrance» (Gutton, 1979). Ce concept met avant tout l’accent, non sur l’«origine» de la maladie, mais sur les processus psychiques en jeu chez le malade. Cette «production de représentation du corps» constitue une forme d’élaboration de la souffrance, un travail psychique de la maladie, une clinique du «texte de la maladie», un récit subjectif qui ne rend pas compte de la maladie elle-même mais de son vécu. Il s’agit d’un texte qui fait vivre la maladie, et parfois raconte une histoire lorsque les représentations et les constructions visent à faire prendre sens à la maladie, dans et par l’histoireHistoirede l’enfant personnelle. Dans ce travail de la maladie, de nombreux discours sont repérables (travail de renoncement, travail de deuil, travail du manque…) et participent à cette recherche de «théories étiologiques» de la maladie et à l’intégration de la maladie dans l’histoire. Ce travail psychique procède d’une tentative de liaison entre affect et représentation.
Le travail psychique participe d’une démarche semblable à celle de la fonction auto-diagnostique du rêve (Pédinielli, 1987). Elle recoupe la question de la production d’un discours qui fait accéder à la parole les atteintes narcissiquesNarcissisme, la souffrance et l’organe. Cette particularité du travail de la maladie comporte une double face :
• il est naturellement «représentation imagée» du corps («langage du corps»);
• il procède aussi à la production d’objets («objectalisation de la maladie»), tentative de transformation de la perte narcissique en perte objectale. La mise en scène réalisée par ces théories corporelles correspond à une tentative pour constituer un autre espace, sur le mode du rêve.
La présence chez certains enfants de «théoriesThéoriesmédicales infantilesMaladiethéories de la de la maladie» (Kipman, 1981; Raimbault, 1973; Raimbault & Zygouris, 1976) peut être interprétée comme une tentative de faire prendre sens à la maladie grâce à l’histoire personnelle ou à l’inscription dans une lignée, lorsqu’il s’agit de théories prenant en compte l’hérédité.
«La manière dont on acquiert, dans les affections douloureuses, une nouvelle connaissance de ses organes est peut être exemplaire de la manière dont, d’une façon générale, on arrive à se représenter son propre corps» (Freud, 1923). Ces théories médicales infantiles tentent d’établir une relation entre ce que l’enfant ressent, ce qu’il observe des attitudes de l’entourage, et un ensemble de significations dotées d’un sens et visant à assurer une origine à cette expérience. Leur contenu est bien sûr fonction de l’âge et de l’évolution de la maladie. Parmi les principales théories (Pédinielli et al., 1996), citons :
• conception du chaos : production peu élaborée dessinant un univers où tout est menaçant. Position régressive défensive correspondant à la réactivation des angoisses les plus archaïques (morcellement, vidage, destruction…);
• théories anthropocentriquesThéoriesanthropocentriques : mode de pensée magique où c’est l’autre qui est responsable. L’autre a décidé que l’enfant devait souffrir et les soins sont un alourdissement de sa peine. Le mal, la maladie, la souffrance sont des objets imposés de l’extérieur et il faut les supporter avec passivité et les éliminer. La question de l’origine de la faute et du masochisme est posée;
• théories traumatiquesThéoriestraumatiques : les plus fréquentes et les plus organisées. L’enfant attribue sa maladie à une origine extérieure. Ces théories opèrent à la fois une externalisation de la cause de la maladie et une insertion biographique de celle-ci. La cause de la souffrance est située dans le temps et prend place dans la biographie de l’enfant;
• théories du plaisir puni : La responsabilité n’est plus seulement celle des autres mais aussi celle de l’enfant lui-même, coupable d’être malade. La question de la faute engage l’enfant sur la voie d’un questionnement sur le plaisir coupable dont la sanction serait à l’origine de la maladie. La maladie prend alors place dans le contexte de la satisfaction secrète, interdite et honteuse;
• théories de la transmission familiale : où la maladie est mise en lien avec un ou plusieurs membres de la famille, considérés comme pouvant être à l’origine de l’affection. L’enfant établit alors une relation d’identité, de causalité et de filiation avec l’autre, selon différentes formes d’identificationIdentification. Ce type de roman familial est structuré par la mégalomanie infantile (Slama, 1987);
• théories médicales, qui reprennent strictement le langage et la position des médecins à l’égard de la maladie. Ces théories explicatives, bien que répondant à une tentative de mise en mot des interrogations sur la maladie, s’apparentent plutôt à un échec du travail de la maladie, dans la mesure où elles opèrent par un déniDéni de la souffrance et une répression de l’affect et de l’élaboration fantasmatique, comme s’il existait une impossibilité à aborder le vécu de la maladie. L’éducation thérapeutiqueÉducation thérapeutique et le recours répété à Internet peuvent parfois renforcer la mise en place de ce mode de défense.
Ainsi, l’enfant n’échappe pas à la recherche d’une vérité sur sa maladie, une vérité qui serait sienne. Ici, la question de la vérité ne recoupe pas celle de la réalité; elle correspond au contraire à une tentative de donner un sens à cette expérience et de réintégrer la maladie dans son univers.
La notion de «travail de la maladie» ne permet aucunement d’affirmer que la maladie ait un sens mais bien, qu’il existe chez les sujets malades une tentative de lui faire prendre sens; tentative qui ne peut nullement être ramenée au «vécu» de la maladie. Au «trop de sens» de la maladie, l’enfant produit un «travail de la maladie» qui vient opposer une «production/représentationReprésentationsde la maladie» de la souffrance et de la maladie. Cela permet une élaboration qui ne rejoint pas toujours le discours médical…
Le savoir médical, fondé sur la mise en objectivité de la maladie, a pour caractéristique d’occulter l’histoire personnelle du sujet en lui proposant une autre lecture de la maladie. Ce discours médical est plus sous-tendu par l’exactitude que par la vérité. Le travail de la maladie ne repose pas sur la réalité objective de la maladie, mais sur la vérité subjective et sur l’histoire singulière d’un sujet.
Enfin, précisons que ce travail de la maladie chez l’enfant se retrouve chez ses parents, selon des modalités qui leur sont propres et qui ne sont pas sans effet, en retour, sur l’enfant.
Habiter un corps malade
CorpsL’enfant malade, quel que soit son âge, interroge, en même temps que son plus proche parent, les yeux du médecin pour savoir si les paroles prononcées correspondent à la fois à ce qui est pensé et à ce qui est espéré. L’espoir consiste bien sûr à récupérer, et retrouver un corps en bon état. Un corps se compare, se mesure, se dévalue, se critique dans son rapport à la représentation d’un autre corps idéalisé, imaginé comme unifié. Comme une maison, un corps peut s’habiter (Brun, 2007).
Habiter son corps, c’est s’habituer à ses changements, en attendre des améliorations, supporter les maux médicaux et les mots que les médecins transmettent à partir de leur savoir. C’est supporter la dissociation entre le ressenti, le surgissement des affects et le poids des mots (Brun, 2007). C’est faire avec «l’inquiétante étrangetéÉtrangeté (inquiétante)» (Freud).
Le vécu de l’enfant malade passe par la représentation des modifications et des changements que connaît son corps. C’est ce qui lui permet de garder un espace où pouvoir dire «Moi, je» (Nancy, 2000). Il s’agit d’une construction à maintenir aux différents âges de la vie dans la mesure où, du fait de ses transformations, le corps échappe le plus souvent à la maîtrise. Dans un corps, où on aime se sentir chez soi, on peut parfois avoir l’impression d’y être un étranger à demeure, de ne rien comprendre aux processus qui l’animent de l’intérieur, de ne plus savoir ce qui se joue.
Habiter son corps, ce n’est pas seulement panser le corps, mais aussi le penser, y penser, anticiper sa forme ultérieure, sa forme réparée, différente (Brun, 2007).
La consultation d’annonce
L’annonce d’une maladie constitue souvent un véritable traumatismeTraumatisme (psychique) pour la famille tout entière. Cette annonce reste longtemps gravée dans l’imaginaire de l’enfant et des parents. Entre incrédulité et révolte, elle bouleverse les relations et provoque des difficultés psychologiques souvent masquées par les enjeux thérapeutiques somatiques placés au premier plan des préoccupations de chacun, enfant, parents et soignants. L’annonce produit parfois une véritable sidérationSidération de l’enfant et des parents, avec un double effet :
• effet traumatique direct (souffrance, culpabilité, angoisse, dépression…) qui interfère avec le développement de l’enfant du fait non seulement de la maladie elle-même, mais aussi de son impact sur les relations entre l’enfant et ses parents (séparation, conflits…);
• effet traumatique indirect s’inscrivant dans l’après-coup et qui, des années plus tard, reste toujours aussi présent, à l’image d’une cicatrice douloureuse.
L’annonce d’une gravité particulière, d’un risque létal ou d’un handicap majore l’angoisse parentale. C’est un moment de rupture, un temps qui doit parfois être accompagné. Ainsi, depuis plusieurs années, il existe une prise de conscience et de considération des effets de l’annonce diagnostiqueDiagnosticannonce diagnostique d’une maladie grave. Certains services (génétique) et certaines disciplines (cancérologie) se sont dotés de protocoles d’annonce et de soutien des familles grâce au recrutement de psychologues (Aubert-Godard, 2008).
Différents types de maladie
Les effets de la maladie vont bien sûr différer selon l’âge de l’enfant, son entourage, son rang dans la fratrie, son fonctionnement psychique antérieur et le type de maladie (Ferrari & Epelbaum, 1993). Nous étudierons dans le chapitre suivant les principales pathologies rencontrées et certains de leurs effets spécifiques.
Maladies aiguës – interventions chirurgicales
MaladieaiguëBien que le plus souvent passagère, la maladie aiguë n’est parfois pas sans effet sur le développement physique et psychique de l’enfant ainsi que sur liens intrafamiliaux, voire sociaux. La maladie aiguë peut en effet sidérer les défenses de l’enfant et de sa famille et produire un véritable choc :
• choc direct, sous la forme d’une souffrance physique ou psychique, notamment du fait de la séparation que la maladie aiguë génère en cas d’hospitalisation;
• choc indirect, lié à la nature de la maladie (par exemple un traumatisme crânien grave susceptible d’interférer avec le développement psychoaffectif et intellectuel de l’enfant) et lié à un après-coup souvent transgénérationnel, par la réactualisation d’un événement traumatique passé, qui peut avoir un lien direct avec la maladie (maladie identique ou autre maladie, aiguë ou chronique, chez un autre membre de la famille ou de l’environnement) ou être de nature plus éloignée (actualisation d’un secret de famille, d’un deuil non fait, d’une culpabilité refoulée). Pour Epelbaum et Ferrari, «cet effet dans l’après-coup est sans doute le plus pathogène, et il doit être mis à plat pour que la famille puisse réenvisager la situation de l’enfant malade dans un présent plus objectif».
Les réactions sont multiples, parmi lesquelles :
• l’anxiété. Elle peut revêtir différentes formes, allant d’épisodes anxieux aigus classiques à des aspects plus confusionnels, voire délirants. La symptomatologie comportementale (agitation, cris, pleurs…) occupe parfois le devant de la scène, en particulier chez le jeune enfant;
• la régressionRégression. Elle est fréquente, marquée par une réduction des intérêts ainsi que par un égocentrisme exclusif dont la tyrannie n’est pas sans générer parfois d’importants bouleversements au sein de la structure familiale, notamment entre l’enfant malade et sa fratrie. Ce phénomène régressif est à considérer comme une tentative d’adaptation de l’enfant à la blessure narcissique infligée par la maladie. Tout se passe donc comme si, en régressant, l’enfant cherchait à tirer bénéfice de la frustration à laquelle il est confronté, en instrumentalisant notamment son environnement, qui d’une certaine manière se met à fonctionner parfois «à ses ordres». L’on retrouve ici le lien avec le fonctionnement magique de la pensée, fonctionnement actuel s’il s’agit d’un enfant jeune, fonctionnement retrouvé s’il s’agit d’un enfant plus âgé. Si ce phénomène régressif apparaît banal, il importe d’en vérifier les limites en termes d’intensité et de durée, afin qu’il n’obère pas la suite du développement de l’enfant;
• l’inhibitionInhibition. Elle est plus rare, mais sa présence ne doit pas faire conclure à une adaptabilité et une compliance en lien avec la «maturité» de l’enfant. Bien au contraire, tout comportement d’allure passive doit alerter sur la possibilité d’une souffrance psychique, mais également physique;
• la dépressionDépression. Elle est assez rare, et le plus souvent observée dans le cadre de maladies aiguës à récupération secondaire lente (asthénie prolongée, déficit neurologique prolongé, douleur prolongée).
C’est à partir des préoccupations de l’environnement médical et/ou familial qu’une demande d’évaluation pédopsychiatrique peut intervenir. Cette évaluation vise à faire la part des choses entre les aspects «purement» réactionnels à la survenue de la maladie et des aspects inhérents davantage à d’éventuels dysfonctionnements familiaux ou à d’éventuels troubles psychodynamiques et structuraux (liés au fonctionnement psychique habituel de l’enfant).
Une consultation simple et unique est le souvent suffisante. Dans les autres cas de figure, un travail plus élaboré, individuel ou familial peut s’avérer utile, et nécessite alors souvent un relais des soins hospitaliers vers une consultation spécialisée régulière.
Maladies chroniques
MaladiechroniqueLa maladie chronique imprime son empreinte sur toute l’histoire de l’enfant puis de l’adolescent et enfin de l’adulte. À l’entrée dans la maladie, la vie bascule et l’enfant doit se créer de nouveaux repères. Le diagnostic de maladie grave (leucémie…) provoque chez lui une intense quête du pourquoi : «Pourquoi moi?». Sentiment de catastrophe, sidération transitoire, inhibition, accompagnent ce questionnement. Certains enfants s’opposent, d’autres subissent passivement, d’autres enfin s’inscrivent dans des comportements de dépendance… Un temps est nécessaire pour s’adapter à cette expérience nouvelle, pour intégrer la maladie. Au cours du déroulement de la maladie et au fil du temps, les mécanismes de défense inconscients se développent, et l’enfant tente de retrouver une maîtrise de son corps et un contrôle de la maladie en développant une hypervigilance; il paraît faussement hypermature (Bouquinet, 2008).
Parmi les maladies chroniques, nous pouvons distinguer deux modalités particulières :
• les maladies à rechutesMaladieà rechutes : elles viennent, de manière répétée, laminer les processus de développement et, telle une épée de Damoclès, empêcher de se projeter sereinement sur l’avenir. Chaque arrêt de traitement est source d’angoisse d’une récidive. Difficile alors de quitter le statut de malade, de s’estimer guéri, quand à tout moment la rechute peut survenir. L’enfant reste dans une situation précaire et instable, et la répétition des rechutes peut venir majorer l’angoisse. Ces rechutes favorisent alors les régressions dans la toute-puissance infantile (déniDéni, dépendance) ou au contraire la dépressionDépression, témoignant de la difficulté de l’enfant à dépasser une maladie qui régulièrement fait retour. L’espoir de guérisonGuérison, longtemps espéré, disparaît, et chaque nouvelle rechute fait violence, toujours un peu plus. Au découragement, à la fatigue et aux douleurs, s’ajoute parfois la dépression. Et les troubles psychiques vont alors venir au-devant de la scène d’une maladie qui, pour autant, n’est pas des plus graves. Il n’y a pas de parallélisme entre la gravité de la maladie somatique et les effets psychiques qu’elle induit;

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