Chapitre 24. Pédiatrie générale
Spécificités en fonction du lieu et de l’organisation
Pédiatrie généraleLa spécificité de la pédiatrie générale, c’est de ne pas en avoir et d’accueillir tous les enfants, du plus petit (nourrisson de quelques jours) au plus grand (adolescent de presque 18 ans), et souffrant de pathologies les plus diverses. La cohabitation n’est pas toujours facile, mais chacun trouve sa place. Le pédiatre responsable du service de pédiatrie général est lui-même généraliste et s’adresse à tous les enfants. Outre ses fonctions d’accueil et de soins, il s’assure de la croissance et de l’éveil de l’enfant; il contrôle les vaccins.
Plus qu’un lieu de soin
Différentes pathologies sont soignées et prises en charge dans un service de pédiatrie générale, et ce qui préoccupe quotidiennement les équipes soignantes, c’est le bien-être de l’enfant hospitalisé. Cette dimension de bien-être prend ici une place toute particulière : tout est fait pour rendre le séjour le meilleur et le plus court possible. Ainsi, durant le séjour, de nombreuses activités sont organisées pour faire oublier douleurs et maladies.
Dans ces lieux, de nombreux soignants interviennent, sur la demande du pédiatre responsable. Ainsi, pédiatres spécialisés et chirurgiens pédiatres sont régulièrement sollicités, au cas par cas. Et, selon la sensibilité du pédiatre chef de service et l’histoire du service, c’est parfois le pédopsychiatre ou le psychologue qui sont invités. Alors, pédiatre et pédopsychiatre en viennent à partager des préoccupations autour de patients communs. Il existe de nombreuses et étroites intrications entre le somatique et le psychique, que ce soit dans les domaines de la maladie aiguëMaladieaiguë ou chroniqueMaladiechronique, dans les problématiques de maltraitanceMaltraitance, dans la douleurDouleur, les troubles alimentaires ou du sommeil. Il n’y a pas de maladies chroniques ou sévères qui ne s’accompagnent pas d’un retentissement psychique et affectif. Le pédopsychiatre (ou le psychologue) de liaison va donc de plus en plus à la rencontre des enfants et des adolescents malades qui interpellent les équipes de par leurs attitudes inhabituelles ou anormales.
Au-delà de sa fonction de soins, le service de pédiatrie générale est aussi un lieu de rencontre; un lieu d’observation, de dépistage, de préventionPrévention…
Un lieu d’observation
L’équipe pédiatrique est responsable des enfants hospitalisés et se doit une surveillance jour et nuit. Qu’il s’agisse de pathologies graves nécessitant une surveillance très rapprochée (scope, perfusions, pompe…) ou de maladies plus bénignes, des tours de surveillance réguliers, plusieurs fois par jour, sont effectués dans toutes les chambres des enfants, pour veiller non seulement à l’évolution de la maladie, mais aussi à l’état général du patient. Tout est noté (heures du coucher, les repas…) et transmis aux équipes suivantes. La lecture des pages du dossier infirmier est une source très riche d’informations et permet de rendre compte du quotidien de l’enfant et de l’adolescent hospitalisé. Le pédopsychiatre (ou psychologue) de liaison trouve ici une mine d’informations très importante pour mieux connaître et comprendre le comportement d’un jeune.
Dans certains services de pédiatrie générale, outre l’observation médicale et la surveillance somatique, les équipes soignantes ont développé des lieux de détentes (salle de jeuxJeux (salle de)) de rencontres et de soins (ateliers spécifiques) qui permettent à la fois d’améliorer le quotidien mais aussi d’observer le comportement de l’enfant. Ces observations sont elles aussi très riches d’enseignement sur ce que vit l’enfant.
Un lieu d’aide et de soutien
En règle générale, l’hospitalisation n’est jamais un bon moment. L’équipe pédiatrique doit d’ailleurs s’inquiéter lorsqu’un enfant se plaît à l’hôpital ou revient régulièrement en hospitalisation.
Durant l’hospitalisation, l’enfant peut exprimer un mal-être, soit en lien direct avec la maladie, soit secondaire à des angoisses de séparation, des problèmes d’adaptation, ou bien encore lié à des moments d’ennui et de solitude. Pour éviter au mieux ces situations, les services de pédiatrie se sont dotés de personnel spécialisé : éducatrices de jeunes enfants ou spécialisées pour les adolescents, clowns, animateurs, bénévoles… Sont ainsi proposés de nombreuses animations, des activités variées, des spectacles et parfois mêmes des sorties. Les initiatives sont multiples et témoignent de l’inventivité de ces professionnels.
De même, une assistante sociale est bien souvent attachée au service de pédiatrie générale et est sollicitée dès que la situation d’un enfant ou d’une famille le nécessite. Dans d’autres circonstances, c’est la nutritionniste qui est sollicitée… L’école à l’hôpitalÉcole (à l’hôpital) offre des cours de tous niveaux pour les enfants hospitalisés longtemps.
Parfois, le mal-être est si présent que le recours à un psychologue voire un pédopsychiatre est nécessaire. Il permet ainsi à l’enfant et à sa famille la possibilité d’une expression, d’une écoute et d’un échange.
Éducatrice, assistante sociale, nutritionniste, enseignant, psychologue… dans certains services de pédiatrie générale, l’équipe soignante et paramédicale occupe une place «maternelle» et tout est fait pour que rien ne manque et pour que l’enfant soit entouré et assisté. Pour que le quotidien à l’hôpital soit comparable à la vie de tous les jours et que l’injustice de la maladie ne soit pas trop lourde à porter.
La pédiatrie peut ainsi offrir un regard tiers, un regard «généraliste» qui dépasse les motifs médicaux pour lesquels l’enfant est hospitalisé. Un regard autre qui permet d’ouvrir et de s’extraire pour un temps de ce lieu source d’angoisse et de douleur. Aide et soutien participent au regard bienveillant des équipes pédiatriques pour l’enfant malade.
Un lieu de vie?
Peut-on parler de la pédiatrie en terme de lieu de vie?
Tout semble fait de façon à ce que le jeune patient se sente le mieux possible et vive au mieux son hospitalisation. C’est ainsi que dans certains services de pédiatrie générale, des salles de jeux ont été créées et sont dotées d’ordinateurs, consoles, instruments de musique, télévisions… mis à la disposition des enfants et des adolescents.
De même, dans certains services, les enfants sont dans une chambre personnelle (à un lit), partagent une salle à manger commune, des espaces de vie ou le groupe d’enfants ou d’adolescents se retrouve. La configuration de certains services s’apparente à un foyer de jeunes voire à une maison de vacances. La majorité des enfants ou adolescents hospitalisés n’ont pas cette qualité et cette richesse matérielle à leur domicile.
De plus, le personnel pédiatrique offre une écoute particulière et une attention souvent maternante et réconfortante. Et pour certains jeunes malades, qu’il s’agisse de maladies aiguës ou chroniques, la sortie d’une hospitalisation est parfois difficile : il faut quitter un endroit où l’on s’est senti bien, contre toute attente… C’est fréquemment le cas de jeunes admis dans le service de pédiatrie générale suite à une crise d’agitationAgitation en lien avec des conflits familiaux ou le cas de jeunes hospitalisés pour une mucoviscidose et qui vient dans le service tous les 3 mois depuis le plus jeune âge. Des attaches se créent, des repères se font, des liens se tissent. L’hospitalisation apparaît comme un moment «hors temps» protecteur; la sortie est parfois un difficile retour à la réalité, à un dehors menaçant.
La sortie définitive peut être vécue comme une séparation douloureuse, voire un abandon, une perte de vue et de repères. Le jeune va devoir reprendre le cours de sa vie, après cette parenthèse.
Spécificités de la demande
Enjeux de séparation
DemandeSéparationhospitalisation etL’hôpital pédiatrique prend en charge l’enfant et sa famille, le plus souvent l’enfant et sa mère. Les parents ont maintenant la possibilité d’être présents auprès de leur enfant jour et nuit, ce qui permet d’éviter, surtout pour les plus petits, des ruptures affectives trop brutales et traumatisantes. Il est des âges de la vie où la séparation de la mère et de l’enfant est particulièrement angoissante. C’est le cas des bébés et nourrissons qui peuvent, privés de leurs parents pour des raisons de soins, développer des angoisses de séparation voire, dans les cas les plus graves, un détachement relationnel et affectif (hospitalismeHospitalisme).
Pour l’adolescent, la séparation d’avec son environnement familial peut au contraire être source d’apaisement et lui permettre d’échapper pour un temps à une emprise parentale.
Le service de pédiatrie générale s’adapte ainsi aux besoins de chacun en fonction de son âge, de sa pathologie mais aussi de son histoire.
Malgré tout, la gravité de certaines maladies focalise logiquement l’attention des soignants. De même, la chronicité de certaines pathologies favorise l’installation d’une routine. Ces situations peuvent faire passer au second plan la qualité des relations entre l’enfant et ses parents. Les demandes sont rares d’évaluer ce qu’il en est des enjeux de la séparation. Une des principales missions du pédopsychiatre de liaison est d’essayer de maintenir une continuité de liens et de pensées, tant pour les bébés que pour les adolescents. Il importe d’aller au-devant des demandes et de ne pas laisser s’installer des situations de séparation dangereuses sur le plan psychique.
Des plaintes fonctionnelles
PlainteLes troubles les plus fréquemment rencontrés en pédiatrie générale touchent l’alimentation et le sommeil. En effet, ces deux grandes fonctions sont les témoins d’un bon développement physiologique et psychoaffectif et renseignent sur le bien-être de l’enfant.
Le pédopsychiatre de liaison peut être interpellé lorsqu’un enfant ou un adolescent ne s’alimente plus ou lorsqu’il présente des difficultés d’endormissement ou des insomnies. Le vécu de la maladie et de l’hospitalisation peut être à l’origine de la perte d’appétit ou du trouble du sommeil. Le pédopsychiatre (ou psychologue) de liaison devient alors, pour le pédiatre, un collaborateur essentiel pour comprendre le mal-être vécu par l’enfant. «Les professionnels doivent connaître et reconnaître leurs compétences et champs d’action respectifs pour donner le meilleur d’eux-mêmes» (Doudin, 2001). Ces situations sont l’occasion de croiser les regards, de partager une clinique.
Douleurs et souffrances
Douleuret souffranceLa douleur a longtemps été négligée, mais la culture des soignants a beaucoup évolué sur cette question. Aujourd’hui, toute douleur doit être éradiquée, quel que soit l’âge, et de plus en plus d’équipes sont spécifiquement formées à la prise en charge de la douleur.
La douleur a toujours une part subjective; elle ne se repère pas au scanner ni dans le bilan biologique. Parfois insaisissable, elle est source de stress pour les équipes de soins. Des protocoles de soins spécifiques à chaque enfant souffrant «au-delà du raisonnable» sont établis. Des traitements sont mis au point.
Douleur réelle, douleur subjective, douleur cruelle, douleur imaginaire… Certaines douleurs se cotent grâce à des échelles; d’autres sont plus silencieuses. Au côté des douleurs physiques, il s’agit de repérer certaines souffrances, d’un autre ordre. Le corps ne parle pas; il est le lieu même du langage. Et il nous faut l’entendre (cf.chapitre 26).
L’équipe de pédopsychiatrie de liaison est souvent interpellée pour ces situations.
Temporalités
Les services de pédiatrie se sont particulièrement attachés à raccourcir les temps d’hospitalisation des enfants en regroupant des examens et en mettant en œuvre des traitements à domicile. Cette réduction drastique de la durée moyenne de séjour (DMS) ne répond pas seulement à des impératifs de rentabilité de «l’hôpital entreprise» (Mille, 2001); elle traduit surtout la satisfaction que procure une progression vers un idéal de fonctionnement. Cette DMS raccourcie apparaît en effet comme un indicateur d’efficacité et de qualité de soins. Cette conviction peut d’ailleurs trouver sa justification dans les travaux de Spitz et de Bowlby. Dans ce contexte, les séjours prolongés deviennent difficiles à tolérer.
Certains enfants sont hospitalisés en pédiatrie générale pour des raisons psychologiques, voire psychiatriques. Et parfois, la demande adressée au pédopsychiatre de liaison n’est plus celle d’une préoccupation diagnostique mais d’une demande de sortie. Pour des raisons diverses (agitation, comportement difficile…), l’enfant devient «dérangeant» et le séjour dans le service de pédiatrie a «assez duré». La priorité du pédiatre est de «faire de la place» pour des enfants susceptibles d’être admis pour des pathologies somatiques, des «vraies maladies» relevant spécifiquement des compétences du service. Le pédopsychiatre est donc sommé de faire sortir l’enfant.
«À un certain infléchissement possible de la culture pédiatrique, championne des hospitalisations courtes, correspond le souci des partenaires psychiatres et psychologues de forger des arguments recevables pour défendre dans un tel contexte, des “indications” de séjours prolongés» (Mille, 2001). Les durées d’hospitalisation constituent des pierres d’achoppement et ce d’autant que l’écart se creuse entre la durée de séjour des enfants admis pour des problèmes somatiques et celle des jeunes accueillis pour des difficultés psychiques et relationnelles. C’est à la faveur d’échanges et de discussions interdisciplinaires que peuvent s’ébaucher, se confirmer ou s’infléchir des projets thérapeutiques. Ces réunions ne doivent cependant pas se résumer à des négociations portant sur la sortie voire l’éviction d’un jeune mais à des réflexions cliniques partagées.
Les zones d’accord sur le déroulement temporel du travail thérapeutique impliquant le champ de la pédopsychiatrie se sont incontestablement élargies. Ces avancées sont pourtant fragiles : elles restent dépendantes de la relation interpersonnelle des médecins et des efforts consentis pour cette acculturation réciproque; elles sont également soumises à de possibles régressions à chaque fois que se présentent des situations propres à susciter l’intolérance de l’équipe soignante. La cadre infirmière a d’ailleurs ici un rôle fondamental.
Spécificités de la réponse
Rétablir une continuité
Le sentiment de continuité d’existence et la sécurité affective de chacun sont primordiaux. Lorsque des séparations longues ou brutales surviennent, la rupture peut déstabiliser cette sécurité psychique et ce qui était établi jusqu’à présent devient incertain. Le pédopsychiatre (ou le psychologue) de liaison est là pour rétablir ces liens de pensées, en rencontrant l’enfant et ses parents régulièrement, en créant des espaces transitionnelsTransitionnelle (aire), en proposant des temps d’échanges avec les équipes pour trouver ensemble des moyens de réduire ces angoisses de séparation : décorer la chambre avec des objets personnels, apporter des photos, laisser la mère s’occuper dès que c’est possible des temps privilégiés comme le bain, le biberon… Les visites des membres de la famille voire des amis sont autorisées pendant la journée.

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