CHAPITRE 23 Qualité de vision après compensation chirurgicale de la presbytie
De nombreuses méthodes ont été proposées pour compenser chirurgicalement la presbytie en agissant sur le cristallin, la cornée ou la sclère (tableau 23-I) [10–12,14].1
– niveau optique « objectif »;
– niveau sensoriel « subjectif »;
– niveau fonctionnel « relationnel » : efficacité visuelle relationnelle ou aptitude à interagir avec l’environnement, du fait de l’intégration neurosensorielle (par exemple, vestibulaire) et cognitive supérieure de l’information transmise par les deux yeux.
1. la monovision (ou bascule) répartit les tâches visuelles de près et de loin entre les deux yeux : l’œil dominant (ou directeur ou fixateur) est corrigé pour la vision de loin et l’autre œil (non dominant ou dominé) pour la vision de près (à 33 cm) ou la vision intermédiaire (à 50 cm-60 cm);
2. la multifocalité partage la lumière incidente qui pénètre par la pupille entre foyer de près et foyer de loin de façon stricte (bifocalité) ou transitionnelle (multifocalité vraie, permettant une vision intermédiaire utile); cette approche est employée sous deux formes principales:
3. l’effet sténopéique augmente la profondeur de champ en éliminant par exclusion spatiale lors du passage au travers d’une pupille d’entrée étroite les rayons lumineux correspondant à la partie défocalisée de l’image : cette approche est mise en œuvre uniquement dans l’implant intrastromal cornéen KAMRA® (ex-Acufocus®), récemment mis sur le marché français;
4. la « pseudoaccommodation » d’un cristallin artificiel accommodatif chez le sujet pseudophake résulte d’une variation de sa puissance optique apparente du fait de la modification de sa position ou de sa forme au cours de l’accommodation résiduelle du muscle ciliaire, qui s’accompagne d’une « poussée » antérieure du vitré et d’une relaxation capsulaire; en théorie, cette méthode visant à reproduire l’accommodation naturelle préserverait la qualité de vision;
5. la restauration de l’accommodation proprement dite fait l’objet de deux approches distinctes:
– Qu’est-ce que la qualité de vision ?
– Qu’est-ce que la qualité optique de l’œil ?
– Comment évaluer les résultats d’une compensation chirurgicale de la presbytie ?
– Quel est l’impact spécifique de chaque approche chirurgicale de la compensation de la presbytie sur la qualité de vision ?
– Qu’est-ce que la neuroadaptation et quel est son rôle dans la qualité de vision après compensation chirurgicale de la presbytie ?
– Comment améliorer la qualité de vision des patients opérés en cas d’échec ?
Qualité de vision
– le mode « focal », dédié à la reconnaissance des objets, principalement fondé sur les hautes fréquences spatiales, sur la vision centrale (pouvoir séparateur, amplitude accommodative), nécessitant une bonne qualité optique et une bonne attention (intégration corticale ventrale);
– le mode « ambiant », dédié à l’orientation spatiale (posture, locomotion, stabilisation du regard, exploration inconsciente de l’environnement), fondé sur les basses fréquences spatiales, la vision périphérique (binocularité, champ visuel), relativement indépendant de la qualité optique de l’œil et semi-conscient (intégration corticale dorsale).
RÉSOLUTION, POUVOIR SÉPARATEUR DE L’œIL ET ACUITÉ VISUELLE
RÉSOLUTION
– résolution « temporelle » (intervalle minimal de perception);
– résolution « spatiale » (pouvoir séparateur);
– résolution « radiométrique » (niveaux de gris perçus);
– résolution « spectrale » (spectre des longueurs d’onde perçues).
POUVOIR SÉPARATEUR, ACUITÉ VISUELLE
La densité des récepteurs rétiniens est en effet la base anatomique de la discrimination de deux points très proches par échantillonnage. La projection d’un optotype « E » de Snellen à 10/10 (donc sous un angle de 5 minutes d’arc environ) occupe sur la rétine une matrice d’environ 10 × 20 cônes photorécepteurs. Selon le théorème de Nyquist, l’acuité maximale théorique serait dans ce cas d’environ 20 à 40/10 (fig. 23-1); en pratique, cette acuité maximale théorique est limitée par les phénomènes de diffraction à pupille étroite et de façon croissante par les aberrations optiques d’ordre supérieur quand le diamètre pupillaire augmente (fig. 23-1).
SENSIBILITÉ AU CONTRASTE OPTIQUE ET NEURALE
La vision humaine repose avant tout sur la perception des contrastes, c’est-à-dire la différenciation du niveau d’intensité lumineuse de deux plages adjacentes. L’agencement particulier des cellules photoréceptrices et de l’intégration intrarétinienne ou dans les voies visuelles favorise l’analyse des plages d’intensités lumineuses différentes alternées (réseaux sinusoïdaux), dont l’espacement (période) détermine la fréquence spatiale de l’objet observé, tandis que la différence d’intensité lumineuse (amplitude) forme le contraste (fig. 23-2).

Fig. 23-2 Sensibilité aux contrastes.
a. Mesure complète. b. Acuité (logMAR) à 90 % et 10 % de contraste.
Par analogie avec les sons, l’œil humain peut percevoir environ dix « octaves », correspondant au doublement de la fréquence spatiale. Tout objet ou toute scène peuvent être décomposés en une « somme » de réseaux sinusoïdaux de contraste « superposés » dans l’espace observé. Ce mécanisme intervient par exemple dans la reconnaissance rapide des expressions du visage — une aptitude neurophysiologique importante dans l’espèce humaine, qui serait perturbée dans la schizophrénie [89].
AMPLITUDE ACCOMMODATIVE
Il est donc nécessaire pour chaque sujet de mesurer directement la courbe de défocalisation décrivant l’amplitude accommodative. Cette fonction permet également de comparer efficacement le bénéfice des chirurgies de compensation de la presbytie (cf. infra, fig. 23-22).

Fig. 23-22 Courbes de défocalisation pour différentes méthodes de compensation chirurgicale de la presbytie.
L’effet de Mandelbaum décrit la tendance à accommoder de près dans des conditions de mauvaise visibilité (myopisation liée au pare-brise sale, au mauvais temps, au brouillard, etc.). Cette focalisation spontanée à une distance d’environ 0,9 mètre, variable selon les sujets, est liée à la relaxation ciliaire du fait de l’absence de stimulus précis de focalisation (« dark focus » ou focalisation sur « champ vide »). Ce problème est majoré par l’effet sténopéique d’une pupille étroite. Ses conséquences visuelles sont variables selon les individus mais peuvent entraîner des conséquences sérieuses, comme par exemple la désorientation spatiale des pilotes aériens (retenue comme la cause probable de l’accident fatal de J.F. Kennedy Jr en 1999 [150]).
Les anomalies de l’amplitude d’accommodation et de sa relation avec les vergences (rapport AC/A et CA/A) sortent du cadre de ce chapitre mais elles jouent un rôle important dans les problèmes de confort et de fatigabilité visuelle [119].
AUTRES APTITUDES VISUELLES PLUS SPÉCIFIQUES
De très nombreuses fonctions visuelles peuvent être isolées plus spécifiquement.
– vision spatiale et binoculaire:
– résistance à l’éblouissement [6, 9]:
– vision nocturne et en conditions limites de contrastes:
– vision relationnelle pour l’accomplissement des tâches complexes:
– vision posturale : efficacité visuelle et retentissement postural et moteur, statique ou dynamique, de l’information visuelle [32, 59, 151].
ACUITÉ STÉRÉOSCOPIQUE
L’acuité stéréoscopique peut être mesurée par les tests à disparité fixe (Titmus, Randot) ou à seuil de disparité (Howard-Dolman), ce dernier semblant plus précis [55].
ACUITÉ VISUELLE DYNAMIQUE
L’acuité visuelle dynamique (sur test mobile ou avec observateur en mouvement) semble présenter un intérêt clinique particulier. L’acuité visuelle dynamique horizontale, verticale ou circulaire décroît en fonction de divers paramètres (vélocité angulaire du test, basse luminance du test …). L’acuité visuelle dynamique est notamment réduite par le myosis et améliorée par l’augmentation de la taille pupillaire [149].
De tous les tests visuels pratiqués en recherche clinique, l’acuité visuelle dynamique semble la mesure la mieux corré-lée aux performances individuelles dans la réalisation de tâches complexes (conduite, pilotage, chasse). Il existe par exemple une corrélation rétrospective très poussée entre l’acuité visuelle dynamique et l’historique d’accidents de la route chez les conducteurs privés ou professionnels [31]. L’acuité visuelle dynamique des athlètes de haut niveau est également supérieure à la moyenne, alors que l’acuité statique n’est pas significativement différente [165].
Dans une autre étude portant sur des jeunes pilotes automobiles, l’acuité statique, la stabilisation du regard et l’acuité visuelle dynamique n’étaient pas statistiquement différents mais le temps de perception d’ un test (PTT) était significativement meilleur [139].
PERTE D’ACUITÉ DIRECTIONNELLE
La perte d’acuité visuelle sous déviation angulaire ou « acuité directionnelle », décrite sous le terme d’effet Campbell [27], traduit l’effet du décentrement d’une pupille d’entrée étroite artificielle par rapport à la pupille naturelle. Cette perte de pouvoir séparateur de l’œil dans les fréquences spatiales basses et intermédiaires pour les rayons excentrés (d’un facteur 3 à 8) semble être la conséquence d’une combinaison d’aberrations transverses chromatiques et monochromatiques [7]. D’un intérêt purement théorique jusqu’ici, l’effet Campbell devrait retrouver une certaine importance clinique avec la mise en œuvre de méthodes réfractives fondées sur une partition spatiale de la pupille (photoablation multifocale excentrée, implant intrastromal sténopéique, implant pseudophake avec addition bifocale asphérique excentrée).
EFFETS VISUELS INDÉSIRABLES
La qualité de vision ne se caractérise pas seulement par la somme des aptitudes visuelles d’un patient mais également par l’absence subjective d’effets visuels indésirables. La « transparence de l’œil » [118] exprime l’idée simple et élégante qu’un œil sain doté d’une bonne qualité de vision n’entre tout simplement pas dans le champ de conscience habituel de l’individu.
Le vocabulaire très varié des plaintes subjectives (halos, éblouissement, double image, images fantômes, image « baveuse », fluctuations visuelles diurnes et nocturnes, etc.) peut donc être le plus souvent traduit sous forme d’un diagnostic précis (tableau 23-II).
Tableau 23-II Plaintes subjectives, analyse subjective et objective, causes des symptômes rapportés après compensation de la presbytie.
Responsabilité des praticiens : une exigence légitime mais élusive
• le travail intensif ou prolongé sur écran induit un stress visuel qui contribue à une variété de symptômes (vision brouillée, latence accommodative de refocalisation, asthénopie, sécheresse oculaire, prurit palpébral, sensation de vertige, céphalées, cervicalgies, douleurs dorsales, dépression, anxiété), qui peuvent souvent être rattachés à un mode de correction visuelle inadéquat : l’amélioration du compromis de compensation de la presbytie permet fréquemment de soulager ces symptômes;
• la conduite de nuit sollicite également la coordination de tâches visuelles et motrices complexes (vision de loin, de près et intermédiaire, adaptation à l’obscurité, résistance à l’éblouissement, champ visuel, stratégie dynamique du regard, tolérance au « dark focus », tolérance à la répétition prolongée des saccades optocinétiques, dégradation de la transparence du pare-brise ou des verres correcteurs), qui sensibilise de façon importante la perception subjective de qualité de vision (cf. infra, fig. 23-8).
– des propriétés optiques de l’œil;
– de la capacité sensorielle rétinienne;
– de l’intégration du message visuel par les voies optiques et le cortex occipital;
– de la réponse corticale complexe (cognitive, posturale, vestibulaire, motrice ou émotionnelle) à ce message visuel.
L’ensemble conditionne l’efficacité pratique des fonctions visuelles:
– pouvoir séparateur de l’œil;
– sensibilité au contraste spatial;
– aptitudes visuelles spécifiques;
Qualité optique de l’œil
CONTRASTES ET FONCTIONS DE TRANSFERT DE MODULATION
La qualité optique d’un système, en particulier du système oculaire, traduit sa capacité à transmettre le contraste des objets observés. La relation entre le pourcentage de transmission du contraste et la fréquence spatiale de l’objet observé définit les « fonctions de transfert de modulation » (MTF, Modulation Transfer Functions) (fig. 23-3). Les MTF expriment donc le ratio entre le contraste de l’image rétinienne et le contraste original de l’objet observé et suffisent en pratique à caractériser la performance optique du système (un œil humain, un télescope ou un microscope optique, par exemple).
DIFFRACTION ET ABERRATIONS OPTIQUES
Les imperfections optiques de l’œil dégradent sa performance du fait de phénomènes de diffraction, à pupille étroite, ainsi que d’aberrations optiques d’ordre inférieur (amétropie) ou supérieur (aberration sphérique et coma, notamment) lorsque la pupille devient plus large [13].
Ces imperfections entraînent une perte de focalisation des rayons lumineux pénétrant par la pupille d’entrée optique — projection virtuelle de la pupille anatomique « vue », c’est-à-dire grandie, par le dioptre cornéen. Certains de ces « rayons » ou, en tout cas, une proportion de l’énergie lumineuse incidente ne parviennent pas à la fovéa et l’image perçue est partiellement défocalisée (fig. 23-4).

Fig. 23-4 Diffraction et aberrations en fonction de la taille de la pupille.
(Documents de A. Roorda.)
EFFET DE STILES-CRAWFORDT
L’effet de Stiles-Crawfordt stipule que:
– tous les rayons lumineux passant par la pupille d’entrée contribuent à la formation de l’image fovéolaire;
– les rayons périphériques ont cependant une efficacité réduite (seulement 20 % pour ceux passant par le diamètre 8 mm).
Les phénomènes de diffraction sont liés à l’interférence de la propagation du front d’onde avec les bords de la pupille d’entrée lorsque celle-ci devient trop étroite (inférieure à 1 mm pour l’œil humain, f:22 pour un objectif photographique). Ce phénomène peut être assimilé aux modifications de direction et d’amplitude subies par la houle (train de vagues) à l’entrée d’un port. La fonction de dispersion (ou d’étalement) d’un point (PSF) montre dans ce cas une disposition concentrique caractéristique (disque d’Airy), qui donne une idée de la gêne visuelle subie par les patients traités par myotiques (fig. 23-4).
FRONT D’ONDE
Les aberrations optiques de l’œil peuvent être appréhendées par l’analyse des distorsions du front d’onde. Le front d’onde (wavefront) matérialise la direction des rayons lumineux formant l’image d’un objet comme étant la surface virtuelle réunissant les surfaces « élémentaires » individuelles perpendiculaires à chacun de ces rayons lumineux. Pour un objet situé à l’infini, les rayons lumineux pénétrant la pupille d’entrée sont parallèles entre eux. L’union des surfaces perpendiculaires à chacun de ces rayons lumineux est une surface plane, perpendiculaire à la direction de propagation des rayons parallèles entre eux. Ce front d’onde plan traduit l’absence d’aberration optique dans le milieu de propagation (l’air) (fig. 23-5). En cas d’aberrations optiques, les rayons lumineux ne sont plus parallèles et le front d’onde présente des distorsions caractéristiques du système optique traversé.

Fig. 23-5 Principe de l’aberrométrie du front d’onde.
PSF, Point Spread Function (fonction de dispersion d’un point, tri- ou bidimensionnelle).
Fonction de dispersion d’un point
La fonction de dispersion d’un point (PSF, Point Spread Function) est l’« image » virtuelle d’un point lumineux vu à l’infini dégradée par l’œil du sujet, extrapolée à partir des données du front d’onde (fig. 23-5).
En trois dimensions, la PSF se présente sous forme d’un pic dont l’élargissement de la base (augmentation des aberrations optiques) et la réduction de la hauteur (réduction de l’amplitude de l’intensité lumineuse) quantifient de même l’importance de la perte de qualité optique de l’œil.
Coefficients de Zernike
Les coefficients de Zernike (en micromètres) permettent de mesurer les parts respectives et les directions des différentes aberrations optiques élémentaires d’ordre inférieur (tilt, myopie, astigmatisme, hypermétropie) ou d’ordre supérieur (aberration sphérique positive ou négative, coma, trefoil …) (fig. 23-6c). La décomposition polynomiale de Zernike consiste schématiquement à représenter toute déformation complexe du front d’onde par la « somme » de soixante-quatre déformations (aberrations) élémentaires, classées par « ordres » et par types de symétries (fig. 23-6d).

Fig. 23-6 Décomposition polynomiale de Zernike du front d’onde.
b. Décomposition polynomiale et coefficients de Zernike. c. Formes élémentaires de Zernike.
Aberrations optiques d’ordre supérieur
Les aberrations optiques d’ordre supérieur les plus importantes en pratique pour l’œil humain sont:
– l’aberration sphérique, qui induit une déformation du front d’onde en « sombrero », caractérise la différence de puissance optique réfractive entre le centre et la périphérie du système (fig. 23-7):
– la coma, qui induit une déformation asymétrique du front d’onde en doubles cupules inversées adjacentes, caractérise le décentrement optique du système; elle est responsable d’une dégradation de la fonction de dispersion d’un point en « queue de comète » (cf. infra, fig. 23-12, e à g); dans certaines conditions, la coma permet d’induire un certain degré de bifocalité, afin de compenser la presbytie.
Autres
Les caractéristiques du front d’onde permettent également de calculer d’autres paramètres:
– les fonctions de transfert de modulation (MTF);
– les images simulées d’optotype ou d’objets plus complexes « vues » par le sujet, par une technique mathématique de convolution d’image (produit de la FDP par les coordonnées de l’objet);
– l’acuité visuelle potentielle sous fort ou faible contraste (cf. infra, fig. 23-13).
DISPERSION ANTÉROGRADE DE LA LUMIÈRE ET ÉBLOUISSEMENT
L’éblouissement (glare) est la perte de contraste ou d’acuité résultant de cette dispersion antérograde de la lumière (fig. 23-8).
QUALITÉ OPTIQUE DE L’œIL EN PRATIQUE CLINIQUE
TOPOGRAPHIE CORNÉENNE
Les modèles les plus récents de topographes cornéens d’élévation se sont affranchis du système vidéokératoscopique de Placido, trop dépendant de la qualité du film lacrymal et de la symétrie rotationnelle « normale » de la cornée, et restituent une modélisation géométrique plus fidèle des faces antérieure et postérieure de la cornée, dont peuvent être inférées les cartes topographiques de puissance réfractive antérieure, postérieure et globale (cf. infra, fig. 23-12a), ainsi que des indices numériques ou cartographiques de « qualité optique » [13].
RAY-TRACING
Ces modèles, disponibles commercialement (par exemple, logiciel Zemax®), sont adaptés à l’analyse prédictive des interactions optiques complexes de l’œil, notamment pour l’optimisation des profils ablatifs [86, 112] et le dessin des implants intraoculaires utilisés en chirurgie de la presbytie [74].
PUPILLOMÉTRIE
– la pupille photopique subit en effet une partition spatiale afin de répartir l’énergie lumineuse entre les foyers de loin et de près : cette distribution est d’autant plus efficace que la pupille disponible est plus large; certaines modalités thérapeutiques, implant ajustable à la lumière avec addition asphérique centrée (LAL®-CNA) par exemple, sont contre-indiquées en cas de pupille photopique inférieure à 3,0 mm;
– la pupille mésopique détermine le niveau de fluctuation visuelle diurne lié à la différence de réfraction en fonction de la variation du diamètre pupillaire du fait de l’asphéricité cornéenne et de l’aberration sphérique négative induite.
Les techniques binoculaires ou non occultantes sont plus fiables, car elles évitent la mydriase réactionnelle à l’occlusion de l’œil adelphe [138].
La pupillométrie permet notamment de:
– référencer la réfraction et l’aberrométrie du front d’onde en fonction d’un diamètre pupillaire donné;
– détecter les patients à pupille photopique large (bons candidats à une technique multifocale) ou étroite (bons candidats à la monovision);
– détecter les patients à pupille mésopique large, présentant un risque majoré de fluctuation visuelle, de halos et d’éblouis-sement au décours d’une chirurgie multifocale ou induisant une forte asphéricité cornéenne du fait d’une correction importante;
– réaliser l’enregistrement d’une référence irienne pour la reconnaissance du patient, de l’œil opéré, de l’axe visuel, afin d’améliorer la sécurité des traitements et l’alignement des profils ablatifs ou des implantations.
ABERROMÉTRIE DU FRONT D’ONDE
L’aberrométrie du front d’onde de l’œil consiste à mesurer la déviation des rayons lumineux induite par leur passage dans les milieux oculaires (cf. supra, fig. 23-5). Il existe de nombreux aber-romètres disponibles en clinique, dont les performances ont été comparées [131].
L’utilisation clinique de l’aberrométrie permet d’établir une correspondance objective relativement fiable avec les plaintes subjectives des patients, selon l’aspect du front d’onde et la quantification des aberrations optiques d’ordre supérieur (tableau 23-II). Il est très important de noter que le résultat de l’aberrométrie du front d’onde dépend du diamètre pupillaire de mesure : tous les aberromètres intègrent donc des fonctions de pupillométrie plus ou moins sophistiquées.
Types d’aberromètres
MÉTHODE MANUELLE
Une méthode manuelle, dite psychophysique (fondée sur les réponses du sujet examiné), très peu utilisée, consiste à mesurer la déviation angulaire de l’image d’un point source entrant par différents points de la pupille en réalignant cette image avec celle d’une croix de fixation passant par un point fixe de la pupille. Cette méthode permet notamment de mesurer les variations du front d’onde au cours de l’accommodation [71].
ABERROMÈTRE DE HARTMANN-SHACK
Dans l’aberromètre de Hartmann-Shack (« out-going optics »), le plus couramment utilisé en ophtalmologie, une grille de rayons monochromatiques parallèles entre eux est projetée sur la rétine au moyen d’une grille composée de quelques dizaines de lenticules (fig. 23-9a).
ABERROMÈTRE DE TSCHERNING
Dans l’aberromètre de Tscherning, un rayon monochromatique balaie l’aire maculaire en reproduisant une grille. Un capteur synchrone de ce balayage analyse directement en temps réel la position du reflet rétinien de ce rayon entrant (« in-going optics ») (fig. 23-9b). Ce système présente quelques avantages, notamment l’augmentation de la plage dynamique d’analyse — indépendante de la réfraction ou de l’importance des aberrations, car les cen-troïdes trop « proches » ne risquent pas d’être confondus — et la possibilité d’une analyse en temps réel permettant de faire varier l’accommodation du sujet au moyen d’un stimulus réfractif ou visuel, plus adaptée à l’examen du presbyte.
ABERROMÈTRE OQAS®
L’aberromètre OQAS® (« dual-pass optics ») (Visiometrics) utilise un capteur particulièrement sensible pour analyser directement l’image du reflet rétinien d’un faisceau monochromatique infrarouge projeté sur la fovéa et calculer la distorsion spatiale du point lumineux projeté (fonction de dispersion d’un point, PSF), qui intègre sa dégradation « à l’aller » et « au retour » au travers des milieux intraoculaires (fig. 23-9c).

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