Item 220. Adénomes hypophysaires
• Diagnostiquer un adénome hypophysaire.
Orientation diagnostique et clinique
ITEM 29 Stérilité du couple : conduite de la première consultation.
ITEM 38 Puberté normale et pathologique.
ITEM 40 Sexualité normale et ses troubles.
ITEM 41 Troubles anxieux et troubles de l’adaptation.
ITEM 219 Troubles de l’équilibre acido-basique et désordres hydroélectrolytiques.
ITEM 232 Dermatoses faciales : acné, rosacée, dermatite séborrhéique.
ITEM 241 Goitre et nodule thyroïdien.
ITEM 279 Radiculalgie et syndrome canalaire.
ITEM 285 Trouble de l’humeur. Psychose maniacodépressive.
ITEM 290 Ulcère gastrique et duodénal. Gastrite.
ITEM 296 Aménorrhée.
ITEM 307 Douleur et épanchement articulaire.
ITEM 318 Hépatomégalie et masse abdominale.
ITEM 319 Hypercalcémie (avec le traitement).
ITEM 338 Trouble de l’érection.
Complications
ITEM 56 Ostéoporose.
ITEM 130 Hypertension artérielle de l’adulte.
ITEM 148 Tumeurs du côlon et du rectum.
ITEM 206 Hypoglycémie.
ITEM 233 Diabète sucré de type 1 et 2 de l’enfant et de l’adulte.
ITEM 250 Insuffisance cardiaque de l’adulte.
ITEM 255 Insuffisance surrénale.
ITEM 297 Anémie.
Diagnostic différentiel
ITEM 45 Addiction et conduites dopantes (…).
ITEM 160 Tumeurs du testicule.
ITEM 181 Iatrogénie. Diagnostic et prévention.
ITEM 253 Insuffisance rénale chronique.
ITEM 228 Cirrhose et complications.
ITEM 188 Céphalée aiguë et chronique.
ITEM 242 Hémochromatose.
• 2001 :
Un homme âgé de 35 ans se plaint depuis 3 mois environ de céphalées rebelles, associées à une diplopie. L’interrogatoire retrouve également la notion d’une prise de poids depuis quelques mois et une diminution de la libido. L’acuité visuelle est 10/10 aux deux yeux sans correction. L’examen du champ visuel met en évidence une amputation temporale supérieure bilatérale associée à un élargissement des taches aveugles. L’examen du fond d’œil met en évidence un œdème papillaire bilatéral important. L’étude de l’oculomotricité révèle une parésie du nerf moteur oculaire externe droit (nerf abducens droit). La radiographie du crâne montre une selle turcique élargie dans le sens antéro-postérieur avec amincissement des parois.
1) Savoir caractériser un œdème papillaire.
2) Expliquer anatomiquement les altérations du champ visuel.
3) Caractériser la diplopie et préciser son mécanisme (hypertension intracrânienne versus compression du nerf VI).
4) Préciser le diagnostic. [ Macroadénome.]
• 2002 :
Une patiente de 25 ans consulte pour aménorrhée persistant 4 mois après l’arrêt de la contraception œstroprogestative ; celle-ci a été arrêtée pour désir de grossesse. Les premières règles ont eu lieu à 14 ans, les cycles ont ensuite toujours été irréguliers et la contraception a été prescrite à l’âge de 17 ans pour « régulariser les cycles ». On note dans les antécédents un petit goitre régulier, non évolutif, connu depuis l’adolescence, non traité, des céphalées non explorées, dites migraineuses, nécessitant la prise d’antalgiques une à deux fois par mois. Parfois, la patiente dit présenter des épisodes de nausées qu’elle traite ellemême par antiémétiques.
À l’examen, poids de 52 kg pour une taille de 164 cm, stable depuis au moins 5 ans ; examen général sans particularité, si ce n’est le petit goitre ferme, pouls à 72/minute, pression artérielle 125/75 mm Hg, galactorrhée provoquée bilatérale. Devant cette suspicion d’hyperprolactinémie, un dosage hormonal est effectué et trouve une prolactine à 450 μg/l (normale < 27 μg/l chez la femme adulte).
1) Argument en faveur du prolactinome ?
2) Diagnostics différentiels pour l’étiologie de l’hyperprolactinémie ?
3) Explorations morphologiques et hormonales à réaliser pour évaluer la taille et le retentissement tumoral de l’adénome ?
4) Résultat attendu des explorations hormonales ? [ Insuffisance antéhypophysaire ou sécrétion mixte G H et prolactine.]
Présence d’une quadranospie bitemporale et d’une diplopie dans le regard latéral vers la gauche.
1) Explication anatomique concernant le retentissement visuel ?
• 2008 :
Une femme âgée de 40 ans vous consulte pour une asthénie ressentie depuis environ six mois ; la patiente s’exprime difficilement, répond de manière partielle aux questions, succinctement, en quelques mots ; elle vous signale ne plus être réglée depuis 6 mois, ce qui semble coïncider avec sa fatigue. Elle a cessé de travailler depuis le début de la semaine. Elle a déjà consulté à plusieurs reprises dans le dernier trimestre. Dans les antécédents, on relève : une tentative de suicide il y a deux mois, survenue dans le contexte d’une séparation conjugale. La patiente vit à présent seule ; elle n’a pas eu d’enfants. Les dernières consultations ont mis en évidence des troubles du sommeil, avec un réveil vers 4 h du matin ayant conduit à une prescription de clomipramine (Anafranil®) qu’elle n’a que très peu pris. Elle a cependant gardé les médicaments : « ça pourrait servir » nous dit-elle. Enfin, la patiente se plaint d’une légère prise de poids, particulièrement au niveau du visage, qui s’est arrondi, ainsi qu’au niveau du cou. Elle a depuis peu un duvet sur les joues et une discrète pilosité au-dessus de la lèvre supérieure. À l’entretien, ce jour, elle exprime sa difficulté à vivre seule, dit qu’elle n’a plus de but dans la vie. Elle délaisse ses amies, ne ressent plus de plaisir à participer aux activités qu’elle faisait par le passé avec elles. Elle dit qu’elle « se sent nulle », « laide avec cette moustache qui la défigure ». Elle délaisse son appartement, se lamente sur l’absence d’avenir depuis sa séparation, ressent un grand vide dans sa vie surtout parce qu’elle « n’a pas su avoir une vie de couple enrichissante et n’a pas d’enfants ». Elle pense à la mort, surtout le matin au réveil. Elle a arrêté de travailler, du fait de la fatigue mais également parce qu’elle se sent inutile. Elle n’a pas de consommation alcoolique.
1) Diagnostic psychiatrique ? Arguments ? Facteur de risque suicidaire ?
2) Diagnostic du syndrome organique associé ? [ Syndrome de Cushing.] Arguments ? Lien avec la pathologie psychiatrique ?
3) Examens pour confirmer le diagnostic ? [ Diagnostic positif : cortisol libre urinaire des 24 heures, test de freinage minute, cortisol à minuit. Diagnostic étiologique : ACTH.]
4) Lien entre aménorrhée et syndrome de Cushing ? Diagnostics différentiels d’aménorrhée ?
5) Effets secondaires de l’Anafranil® ?
• Protocole national de diagnostic et de soins, ALD n° 31 – Syndrome de Cushing, HAS, septembre 2008. http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2008-12/pnds_syndrome_de_cushing_version_web_051208.pdf
▪ Les adénomes hypophysaires sont des tumeurs bénignes développées aux dépens de l’hypophyse.
▪ Par définition, on parle de :
– microadénomes, pour des adénomes ≤ 10 mm ;
– macroadénomes, pour des adénomes ≥ 10 mm.
▪ Les macroadénomes hypophysaires sont associés à des risques :
– d’insuffisance antéhypophysaire ;
– de retentissement visuel ;
– d’envahissement des structures de voisinage.
▪ Le diagnostic d’adénome hypophysaire implique trois questions :
– Est-il responsable d’une hypersécrétion hormonale unique (prolactine, FSH, LH, ACTH, GH) ou mixte (prolactine + GH) ?
– S’il s’agit d’un macroadénome, a-t-il un retentissement sur les structures de voisinage ?
Est-il responsable d’insuffisance de sécrétion hormonale ?
▪ Il existe deux types de tests hormonaux :
– les tests de freinage, permettant de faire le diagnostic des hypersécrétions hormonales ;
– les tests de stimulation, permettant de faire le diagnostic des insuffisances de sécrétion hormonale.
▪ Les adénomes hypophysaires peuvent être diagnostiqués dans trois circonstances principales :
– un syndrome tumoral (céphalées, troubles visuels) ;
– des signes d’hypersécrétion ou d’insuffisance hormonale ;
– fortuitement, sur une imagerie cérébrale (TDM ou IRM) réalisée pour une autre raison.
▪ Quelles que soient les circonstances de découverte, il faut mener un triple bilan :
– morphologique : réalisation d’une IRM hypothalamo-hypophysaire en coupe frontale, sagittale et coronale, avec des séquences T1, T2 et T1 + gadolinium ;
– visuel, en cas de macroadénome arrivant au contact du chiasma optique : acuité visuelle, champ visuel de Goldman, fond d’œil ;
– hormonal : recherche d’hypersécrétion et d’insuffisance.
I. ANATOMIE ET PHYSIOPATHOLOGIE
A. Anatomie de la région hypothalamo-hypophysaire
▪ Il faut connaître l’anatomie de la région hypothalamo-hypophysaire (fig. 220-1).
Fig. 220-1 D’après Endocrinologie, diabétologie et maladies métaboliques. CEEDMM, Masson, 2007 : p. 48. |
▪ Les figures 220-2 et 220-3 montrent une hypophyse saine en séquence T1 et T1 + gadolinium.
Fig. 220-2 Source : Cliché du Pr. Chanson, service d’endocrinologie, hôpital Bicêtre. |
Fig. 220-3 Source : Cliché du Pr. Chanson, service d’endocrinologie, hôpital Bicêtre. |
▪ L’aspect en IRM d’une hypophyse saine est résumé dans le tableau 220-I.
Séquence T1 | Séquence T2 | Séquence T1 + Gadolinium | |
---|---|---|---|
Antéhypophyse | Isosignal | Isosignal | Rehaussement homogène |
Posthypophyse | Hypersignal |
▪ Pour comprendre le retentissement visuel des adénomes hypophysaires, il faut connaître l’anatomie des voies optiques (fig. 220-4) :
Fig. 220-4 |
– les volumineux adénomes hypophysaires à développement supra sellaire peuvent arriver au contact du chiasma optique, voire le comprimer et entraîner une amputation bilatérale du champ visuel ;
– les fibres optiques inférieures et internes desservant le champ visuel supérieur et temporal sont atteintes en premier, car elles sont les plus proches de la loge hypothalamo-hypophysaire. L’atteinte visuelle la plus précoce est donc une quadranopsie bitemporale supérieure ;
– par la suite, survient une hémianopsie bitemporale ;
– les bandelettes optiques, voire les nerfs optiques, peuvent également être comprimés par de volumineux adénomes négligés.
▪ Pour comprendre les manifestations cliniques liées à un envahissement du sinus caverneux par un macroadénome, il faut retenir que ce sinus contient :
– l’artère carotide ;
– les nerfs oculomoteurs III, IV et VI ;
– les branches V1 ophtalmique et V2 maxillaire supérieure du nerf trijumeau (rarement touchés).
B. Rôle de l’hypothalamus et de l’hypophyse
▪ Les sécrétions hormonales hypothalamo-hypophysaires et leur action principale sur les organes cibles sont résumées dans la figure 220-5.
Fig. 220-5 |
▪ Les adénomes sont le plus souvent classés selon les sécrétions hormonales dont ils sont responsables. L’étude immunohistochimique de la pièce opératoire (si l’adénome est opéré) utilise des anticorps spécifiques dirigés contre les différentes hormones hypophysaires.
▪ On distingue ainsi les adénomes :
– lactotropes, ou prolactinomes (prolactine +) ;
– gonadotropes (FSH + et/ou LH +), considérés souvent comme non sécrétants cliniquement ;
– corticotropes (ACTH +) ;
– somatotropes (GH +) ou mixtes (GH + et prolactine +) ;
– thyréotropes (TSH +).
II. ÉPIDÉMIOLOGIE
▪ Les adénomes hypophysaires représentent 10 % des tumeurs du système nerveux central.
▪ Les adénomes les plus fréquents sont :
– les adénomes à prolactine et les adénomes non sécrétants ;
– enfin, les adénomes thyréotropes sont très rares.
▪ Ils s’observent :
– de façon sporadique, le plus souvent ;
– dans le cadre d’une néoplasie endocrinienne multiple de type 1 (NEM1) : pathologie autosomique dominante associant hyperparathyroïdie primaire ITEM 319 , tumeurs endocriniennes pancréatiques (insulinome ITEM 206 , gastrinome) et adénome hypophysaire.
▪ Ils peuvent être diagnostiqués à tout âge chez l’adulte.
III. CIRCONSTANCES DE DÉCOUVERTE
1. Syndrome tumoral hypophysaire
▪ Le syndrome tumoral hypophysaire se manifeste par :
– des céphalées, classiquement localisées ITEM 188 :
• frontales ;
• ou rétro-orbitaires ;
– des troubles visuels (annales 2001) :
• souvent rapportés par le patient comme une simple gêne visuelle (sensation de voile devant les yeux, difficulté à lire) ;
• avec amputation du champ visuel, parfois dès l’examen clinique au doigt ;
• acuité visuelle normale le plus souvent.
▪ L’adénome peut se compliquer ou être révélé par un tableau d’apoplexie hypophysaire ITEM 188 :
– liée à la nécrose hémorragique brutale de l’adénome ou à un saignement intraadénomateux ;
– d’installation brutale ;
– responsable :
• de céphalées violentes accompagnées d’un syndrome méningé ;
• de troubles visuels : diplopie par compression des nerfs oculomoteurs passant dans le sinus caverneux, atteinte du champ visuel par compression chiasmatique aiguë ;
• d’un syndrome confusionnel, voire d’un coma ;
– l’IRM faite en urgence montre un hypersignal T1 et T2 de l’hypophyse, caractéristique du saignement.
2. Manifestations hormonales des adénomes hypophysaires
▪ Il peut s’agir de manifestations liées à :
– une hyperprolactinémie ;
– un hypercortisolisme ;
– une hypersécrétion d’hormone de croissance ;
– une ou des insuffisances antéhypophysaires.
▪ Il faut noter qu’un adénome hypophysaire n’est jamais responsable d’un diabète insipide.
IV. BILAN MORPHOLOGIQUE ET VISUEL
A. Bilan morphologique
▪ L’IRM est actuellement l’examen de référence pour l’étude morphologique de la région hypothalamo-hypophysaire.
▪ La présence de contre-indications (pacemaker, clips cérébraux ferromagnétiques, éclats métalliques intraoculaires) doit conduire à la pratique d’un scanner cérébral centré sur l’hypophyse avec reconstructions.
▪ Il faut exiger une IRM hypophysaire avec des :
– coupes frontales ;
– coupes coronales ;
– coupes sagittales ;
– séquences T1 ;
– séquences T2 ;
– séquences T1 + injection de gadolinium.
1. Microadénomes
▪ Les microadénomes sont des lésions :
– intra-sellaires, de moins de 10 mm de diamètre, par définition ;
– arrondies ;
– homogènes ;
– discrètement hypo-intenses en T1 par rapport à l’hypophyse saine ;
– hypo-, iso- ou, plus souvent, hyperintenses T2 ;
– hypo-intenses après injection (contrairement au reste de l’hypophyse qui prend le contraste de façon homogène en T1).
▪ Des signes indirects peuvent aider au diagnostic (fig. 220-6) :
Fig. 220-6 Source : Cliché du Pr. Chanson, service d’endocrinologie, hôpital Bicêtre. |
– un bombement vers le haut du diaphragme sellaire (bord supérieur de l’hypophyse) du côté de la lésion ;
– une déviation latérale de la tige pituitaire dans le sens opposé de la lésion ;
– une érosion du plancher sellaire (qui paraît aminci) du côté de la lésion.
2. Macroadénomes
▪ Les macroadénomes sont des lésions :
– de taille supérieure à 10 mm, par définition (fig. 220-7) ;
Fig. 220-7 Source : Cliché du Pr. Chanson, service d’endocrinologie, hôpital Bicêtre.
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